coun SUPERIEURE DIVISION DE PRATIQUE CANADA PROVINCE DE QUEBEC DISTRICT DE MONTREAL N0: 500-17-082567?143 DATE: 1er d?cembre 2015 SOUS LA PRESIDENCE DE MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S. MADAME LISA et DOCTEUFI PAUL J. SABA Demandeurs c. PROCUREURE GENERALE DU QUEBEC D?fenderesse et PROCUREURE GENERALE DU CANADA et DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PENALES Mis en cause et ALLIANCE DES CHRETIENS EN DROIT et EUTHANASIA PREVENTION COALITION Intervenantes JUGEMENT RECTIFIE SUFI REQUETE EN INJONCTION PROVISOIRE JP 1736 500-17-082567-143 PAGE: 2 Le l?gislateur qu?b?cois a pr?vu que la Loi concernant les soins de fin de vie? (la Loi sanctionn?e la 10 juin 2014, entre en vigueur le 10 d?cembre 20152. Malgr? Ie consensus manifest? par les membres de I?Assembl?e nationale lors de I?adoption de la Loi, le 5 juin 2015, la notion de l?euthanasie d?un ?tre humain, maintenant plus connue au Qu?bec sous l?euph?misme d?Aide m?dicale a mourir, a suscit? un important d?bat de soci?t? avant son adoption et force est de constater qu?elle suscite toujours un certain d?bat a l?approche de l?entr?e en vigueur de la Loi. Le Tribunal note que la Loi a adopt?e a la suite d'un processus de consultation initi? par les membres de I'Assembl?e nationale qui, la 4 d?cembre 2009, ont vot? unanimement en taveur de la cr?ation d'une Commission sp?ciale dont le mandat ?tait d??tudier la question de mourir dans la dignit?. Apres une vaste consultation publique, le Comit? sp?cial sur la question de mourir dans la dignit? a produit son rapport en mars 2012 (P-5). A l?approche de son entr?e en vigueur, cette Loi, controvers?e dans l?esprit de plusieurs citoyens, continue de susciter des interrogations sur la validit? et la l?galit? de see articles 26 a 32, lesquels donnent ouverture a l??tablissement de I'Ar'de m?dicale a mourir au Quebec a compter du 10 d?cembre 2015. Les demandeurs, Madame Lisa D?Amico D?Amico3 et Docteur Paul J. Saba Saba ont d?pos? une Requ?te introductive d'instance en jugement d?claratoire, en demande de nullit? et en injonction provisoire, interlocutoire et permanente (la Requ?te en jugement d?claratoire contre la Procureure g?n?rale du Quebec (la PGQ tout en ayant mis en cause Ia Procureure g?n?rale du Canada (la PGC Sont intervenues aux pr?sentes procedures I'Alliance des chr?tiens en droit Alliance et Euthanasia Prevention Coalition (la Coalition Aux termes de la Requ?te en jugement d?claratoire, les demandeurs demandent essentiellement que Ie Tribunal d?clare - que l?euthanasie humaine, autrement appel?e Aide m?dicale a mourir, ne constitue pas un soin m?dical, ni un soin de sant?; - que la l?galisation de I?euthanasie humaine, autrement appel?e Aide m?dicale a mourir, est contraire au droit qu?b?cois et contraire a la d?ontologie m?dicale; - qu?elle est contraire a la Loi sur la sant? (Canada); RLRQ. c. 3-32.0001. 2 LC. 2014, c.2, art. 78. 3 L?utilisation des noms de dans la pr?sent jugement n'a que pour but d'all?ger le texte. Le lecteur ne devrait pas voir une marque de manque de respect envers les personnes mentionn?es. 500-17-082567-143 PAGE: 3 - que les dispositions de la Loi visant a I?galiser l?euthanasie humaine, sous le vocable de I?Aide m?dicale a mourir, sont foncierement contraires aux droits fondamentaux garantis de la personne, prot?g?s par la Charte qu?b?coise des droits et Iiben??s de la personne, ainsi que par toutes les Lois canadiennes et qu?b?coises pertinentes et, par consequent, elles devraient ?tre d?clar?es invalides et inconstitutionnelles; - qu?il est impossible de determiner en droit ce qu?est la ?n de vie telle que d?sign?e dans la Loi; et - qu?il est impossible at sera impossible de constater au Quebec - un consentement libre et ?clair? des patients, qu?ils soient vuln?rables, handicap?s ou en fin de vie, concern?s par l?euthanasie, et ce - tant et aussi longtemps que les soins appropri?s et n?cessaires a leur ?tat de sant?, compris un acces large aux soins palliatifs, ne seront pas accessibles a toute personne qui en a besoin, notamment pour apaiser les soufirances, en respectant ainsi les principes canadiens d?accessibilit? universelle du systeme de sant?; - que les patients priv?s des soins appropri?s et n?cessaires, compris des soins palliatifs ?ventuellement indiqu?s, ne peuvent pas donner un consentement libre et ?clair? a I?Aide m?dicale a mourir; et - qu?il est impossible de confier la v?rification des conditions de l?euthanasie et le geste l?tal aux seuls m?decins, en violation de leur serment, alors que leurs principes d?ontologiques et ?thiques fondamentaux sont de prot?ger la sant? et de respecter la vie. Au stade de l?injonction provisoire, les demandeurs demandent au Tribunal d??mettre l'ordonnance en injonction provisoire suivante ORDONNER, de fagon interlocutoire provisoire pour une dur?e renouvelable de dix (10) jours a compter de l?ordonnance, que les articles 26 a 32 inclusivement de la Loi sur les soins de fin de vie (la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir ainsi que l?article 4 de ladite Loi, dans la mesure ou les dispositions de celui-ci s?appliquent a ou visent I?Aide m?dicale a mourir, soient suspendus et ne regoivent pas application au moment de l'entr?e en vigueur de la Loi, le 10 d?cembre 2015. Sans pour autant endosser tous les motifs invoqu?s par les demandeurs au soutien de leur requ?te et tous les remedes qu?ils recherchent, la Procureure g?n?rale du Canada, appel?e dans ce d?bat a titre de mise en cause, a joint sa voix a celles des demandeurs pour appuyer leur demande pour l??mission d?une ordonnance en injonction provisoire. 500-17-082567-143 PAG E: 4 [10] L?Alliance et la Coalition sont ?galement intervenues afin de r?clamer Ia suspension de la mise en oeuvre des dispositions de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir a leur entr?e en vigueur pr?vue pour la 10 d?cembre 2015. [11] Force est de constater que sur le fond, les objectifs vis?s par chacune des parties aux pr?sentes. incluant les intervenants, ne sont pas n?cessairement communs. [12] D?embl?e, il est utile de rappeler qu?au stade actuel des pr?sentes proc?dures, le Tribunal n?est pas appel? a rendre une d?cision sur le fond du dossier. Ce qui est en question, c?est l'apparence de droit et non le droit qui fait I?objet du litige principal. [13] En matiere d?injonction provisoire, les criteres a consid?rer sont essentiallement ceux applicables a l?injonction interlocutoire, a savoir - i'apparence de droit; - Ie pr?judice s?rieux ou irr?parable; - Ia preponderance des inconv?nients (?gaiement appel?e la balance des inconv?nients). [14] Par ailleurs, dans le contexte d?une injonction provisoire, un autre crit?re doit ?tre applique, soit celui de I?urgence. [15] A ce sujet, les auteurs Ferland et Cliche ont d?crit ainsi le test que doit appliquer le juge en pareilles circonstances Si Ie prejudice que subira le requ?rant, advenant que l'injonction provisoire soit refus?e Ie jour de sa demande et accord?e quelques jours plus tard, sera plus grand que le prejudice subi par l'intim? advenant que l?injonction provisoire soit accord?e le jour de sa presentation, mais refus?e, quelques jours plus tard. ?4 [16] L?intervention de la PGC, appuy?e en particulier par la Coalition et I?Alliance, invite Ie Tribunal a tenir compte de la probl?matique ponctuelle et r?elle suivante en matiere de conflit de lois. [17] La PGC affirme que les dispositions des articles 26 a 32 de la Loi autorisant les m?decins a offrir l?Aide m?dicale a mourir ont pour effet d?autoriser ces derniers, a toutes fins pratiques, a aider une personne a se suicider par l'entremise de ceux-ci. La PGC ajoute que dans le contexte actuel, i s?agit d?un geste prohib? par l'article 241b) du Code criminal qui en fait un acte criminel. 4 Denis FERLAND et Bernard CLICHE, ?L?injonction?, dans Denis FERLAND et Benoit CLICHE Pr?cis de procedure civile, 4e vol. 2, Cowansville, Editions Yvon Blais, 2003, p.461. 500-17-082567-143 PAGE: 5 [18] De plus, selon I?article 14 du Code criminal, le consentement de la personne ayant demand? I?aide ne peut servir de defense a celle qui I?a aid?e. [19] Selon Ia PGC, a, en I'espece, un empietement direct par Ie I?gislateur qu?b?cois sur une mati?re criminelle qui releve de la comp?tence exclusive du parlement f?d?ral. [20] Selon I'avocate de la PGC, en pareilles circonstances, tant et aussi longtemps que I'aide au suicide constituera une infraction criminelle en vertu des articles 241 b) et 14 du Code criminal, Ie principe de la pr?pond?rance t?d?rale milite en taveur de I??mission de l?ordonnance en injonction provisoire recherch?e. [21] Le Tribunal se penchera plus amplement sur cette question particuli?re plus loin. [22] Avant de proc?der a l?analyse des questions soulev?es aux pr?sentes, il est opportun d'examiner Ies positions avanc?es par chacun des demandeurs, Iesquelles offrent une perspective diff?rente l?une de I?autre. - LA POSITION DE LA DEMANDERESSE MADAME LISA [23] D?Amico est une r?sidente du Qu?bec gravement handicap?e depuis sa naissance. Sa maladie est potentiellement d?g?n?rative. [24] Elle d?clare d?pendre a tous ?gards du regime public, compris Ies soins de sant?, n?ayant aucun revenu autre que Ies prestations de solidarit? sociale, d?autant plus qu'elle est consid?r?e comme ayant des contraintes s?veres a I'emploi. [25] Elle se dit directement concern?e par la Loi, plus particulierement par Ies dispositions ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir. [26] Elle craint qu?en raison de I??volution probable de sa maladie, qui est r?put?e engendrer des douleurs importantes et une perte d'autonomie, elle devra un jour ?tre h?berg?e contre son gr? dans un centre hospitalier de soins de tongue dur?e ou elle craint perdre Ie controle des d?cisions concernant Ies traitements qui lui seront n?cessaires. [27] D?Amico souleve craindre ?galement que la carence et I?insu?isance au Quebec des moyens en soins appropri?s et en soins palliatifs, ainsi qu?en services sociaux, ne Ia placent en situation de grande vuln?rabilit? et ne I'incitent a accepter I'euthanasie (I?Aide m?dicale a mourir). [28] En pareilles circonstances, D?Amico croit qu'une personne qui souffre et qui a perdu I'espoir par manque de v?ritables choix au niveau des soins qu?elle requiert, pourra ?tre incit?e a choisir I?Aide m?dicale a mourir pour en finir avec ses souffrances. Elle doute cependant qu'un tel consentement soit r?ellement libre et ?clair?, comme I'exige la Loi. 500-17-082567-143 PAGE: 6 [29] En d?autres mots, Ia demanderesse craint qu?en raison du manque de soins offerts par I?Etat qu?b?cois, en particulier les personnes vuln?rables, a court d?options de soins de sant? disponibles, soient contraintes de choisir I?Aide m?dicale a mourir pour mettre fin a leurs souffrances, d?autant plus que Ie manque de soins aura vraisemblablement l?effet d?acc?l?rer la degradation de leur ?tat de sant?. [30] L?euthanasie (I?Aide m?dicale a mourir) serait alors I?issue la plus probable en raison de la Iogique du syst?me choisi par [9 I?gislateur qu?b?cois. ?5 [31] L?absence de choix au niveau des soins m?dicaux offerts, compris les soins palliatifs6 qui ne sont pr?sentement pas offerts uniform?ment a l?ensemble de la population du Qu?bec, ferait aussi en sorte qu?un m?decin ne pourrait presenter a son patient d?alternative acceptable pour limiter ses douleurs en l?absence de soins palliatifs accessibles, rendant alors le choix de I?Aide m?dicale a mourir Ia seule option r?aliste possible. [32] D?Amico se questionne si en pareilles circonstances, on pourra r?ellement parler d'un consentement libre et ?clair?, une des conditions imperatives stipul?es par la Loi pour ?tre eligible a I?Aide m?dicale a mourir. [33] Avec grands ?gards, Ia situation personneile que vit malheureusement D?Amico, ainsi que ses craintes, apprehensions et interrogations sur l?application des dispositions de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir, une fois celles-ci entr?es en vigueur, quoiqu'elles soulevent des questions fort s?rieuses dans Ie contexte de la Requ?te en jugement d?claratoire, ne donnent pas ouverture a I'ordonnance en injonction provisoire pr?sentement demand?e. [34] n?y a aucune allegation, ni preuve ?tablissant ou Iaissant croire qu?au 10 d?cembre 2015, date d?entr?e en vigueur de la Loi, I??tat de sant? de D?Amico sera tel que les dispositions de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir s?appliqueraient des lors a elle et qu?elle pourrait des Iors ?tre contrainte a s?en pr?valoir. [35] Le Tribunal ne peut s'emp?cher de noter que la situation d?crite par D?Amico, telle qu'elle apparait a la Requ?te en jugement d?claratoire et a son affidavit, ne suscite aucun ?l?ment d?urgence qui pourrait justifier a lui seul d??mettre I?ordonnance en injonction provisoire qu?elle demande. [36] Prima facie, I'?tat de sant? actuel de la demanderesse ne satisfait pas aux conditions requises par l'article 26 de la Loi pour qu?elle puisse demander et obtenir I?Aide m?dicale a mourir des I?entr?e en vigueur de la Loi, le 10 d?cembre 2015. Les craintes qu?elle exprime quant a son ?tat de sant? ?ventuel sont pr?sentement 5 Affidavit de Madame Lisa D'Amico, paragraphe 9. 6 Seion les demandeurs, les soins palliatifs ne sont disponibles qu'a 2096?6096 de la population tout dependant des r?gions du Qu?bec. L'offre de soins n'est pas uniforme sur I'ensemble du territoire qu?b?cois. 500-17-082567-143 PAGE: 7 th?oriques et hypoth?tiques. faut une plus grande certitude en matiere d?urgence, d?autant plus qu?en pareilles circonstances, Ie prejudice s?rieux et irr?parable pour justifier I??mission d?une injonction provisoire n?a pas ?tabli par la demanderesse. [37] En effet, la demanderesse n?a pas ?tabli qu?elle subira un prejudice s?rieux et irreparable en l?espece des I?entr?e en vigueur de la Loi, Ie 10 d?cembre 2015, d?ou I'urgence d?en suspendre l?application quant a elle. [38] Les questions qu?elle souleve pourront tout aussi bien ?tre d?battues a un stade ult?rieur sans que la demanderesse subisse un prejudice s?rieux et irr?parable si la pr?sente ordonnance requise au niveau provisoire ne lui est pas accord?e. [39] Par ailleurs, certaines des questions soulev?es par le demandeur Saba, jettent un ?clairage different, entre autres, au niveau des criteres d'urgence et du prejudice s?rieux et irreparable requis en mati?re d?injonction provisoire. - LA POSITION DU DEMANDEUR DOCTEUR PAUL J. SABA [40] D'entr?e de jeu, a l'instar de D?Amico, Saba souleve aussi dans son affidavit Ia question du consentement libre et ?clair? du patient dans Ie contexte de carence de l'offre de soins disponibles au Qu?bec. ll considere que le consentement libre et ?clair?, requis a I?article 26 de la Loi, constitue un grand d?fi dans Ie contexte qu?b?cois qui se caract?rise par un acces difficile et in?gal aux soins de sant? appropri?s. En d?autres mots, les graves lacunes dans Ie systeme de soins de sant? n?offrent pas un choix v?ritable au patient ?ligible a I'Aide m?dioale a mourir. [41] De plus, le m?decin insiste sur le fait que I?Aide m?dioale a mourir ne peut ?tre consid?r?e comme un soin m?dioal de sant?. [42] Pour Saba, I?euthanasie d?un ?tre humain et l?aide au suicide sont des notions distinctes de celles concernant les soins palliatifs et la sedation palliative continue vis?es par la Loi. Puisque I?euthanasie d?un ?tre humain et l'aide au suicide provoquent la mort immediate avec I?intention de la donner, il n'est pas possible de les consid?rer comme un soin de sant?. [Soulignement ajout?] [43] est donc n?cessaire de d?clarer la Loi qui I?galise l?euthanasie d?un ?tre humain et l'aide au suicide invalide, inapplicable ou inconstitutionnelle, d'autant plus qu'elle cr?e une confusion entre les soins palliatifs et I?euthanasie en utilisant l?euph?misme de I?Aide m?dicaIe a mourir. [44] Le Tribunal retient donc que les demandeurs sont d?avis que les carences importantes actuelles du systeme de sant? qu?b?cois sont si significatives et si in?gales en matiere d?acces aux soins de sant? en g?n?ral et, surtout au niveau des soins palliatifs, que des personnes r?pondant aux conditions d?application de I?article 26 de la Loi risquent de se r?soudre a accepter? Aide m?dicaIe a mourir faute d'une alternative r?elle en soins palliatifs auxquels ils devraient normalement avoir droit et 500-17-082567-143 PAGE: 8 acces. Ceci expliquerait leur questionnement sur le consentement libre et ?clair? de la personne qui satisferait par ailleurs aux conditions de l?article 26 de la Loi. [45] Saba illustre ses propos en r?f?rant au plan de d?veloppement 2015-2016, publi? Ie 16 novembre 2015 par le ministre de la Sant?, lequel fait ?tat de carences a corriger en matiere de soins palliatits et de leur accessibilit?. On estime que ce nouveau plan de mise en oeuvre des soins palliatifs au Qu?bec va?requ?rir cinq ann?es pour ?tre implant? ad?quatement a trayers le territoire qu?b?cois. A son avis, on ne pourrait avoir un aveu plus ?loquent que l?Etat qu?b?cois n?est pr?sentement pas en mesure d?offrir a tous ses citoyens les soins palliatifs en contrepoids ou a titre d?alternative a I?Aide m?dicale a mourir. [46] Le fait d?offrir l?option de l?Ar'de m?dicale a mourir quand I?autre option de traitements (incluant les soins palliatifs) n?est pas offerte ou disponible de facon g?n?ralis?e et uniforme, constituerait, selon Ie m?decin, un abandon par la gouvernement du Qu?bec de son devoir de protection de la population at ferait en sorte qu?il exc?de par Ie fait m?me ses comp?tences en mati?re de sant?. [47] Enfin, rappelons que Saba et D'Amico soul?vent que la Loi constitue une atteinte grave aux droits fondamentaux et garantis de la personne prot?g?e par la Chan?e qu?b?coise des droits et Iibert?s de la personne, ainsi que par toutes les lois canadiennes et qu?b?coises pertinentes. La probl?matique li?e par les articles 14 at 241 b) du Code criminal et I?arr?t Carter [48] Saba ajoute que selon la Loi, a compter du 10 d?cembre 2015, une demande d?Aide m?dicale a mourir faite par un patient a un m?decin obligera ce dernier (ou tout autre m?decin) a poser le geste euthanasique d?s qu?il se sera satisfait que tous les criteres ?nonc?s a l?article 26 de la Loi soient rencontr?s et qu?un second m?decin ind?pendant ait corrobor? ce constat. [49] Pour sa part, i d?clare qu?il s?objecte personnellement a fournir I?Aide m?dicale a mourir a un de ses patients qui lui en ferait Ia demande. refuserait d?acc?der a une telle demande. [50] Or, Saba affirme que la Loi, telle que libell?e, oblige tout m?decin qui refuserait de mettre en oeuvre une demande d?Aide m?dicale a mourir qui lui serait adress?e, de poser d?autres gestes afin que cette demande soit trait?e par un autre m?decin qui acceptera de r?pondre favorablement a la demande du patient (Article 31 de la Loi). [51] Ainsi, le m?decin qui, par objection de conscience, refusera de poser les gestes requis par la Loi en r?f?rant Ia demande d?Aide m?dicale a mourir de son patient au directeur du centre de soins dans lequel i travaille, comme l?exige I'article 31 de la Loi, s?exposera en toutes probabilit?s a une sanction pour manquement a respecter la Loi. l craint qu?il puisse ainsi mettre en p?ril son droit de pratique s?il refuse de participer a 500-17-082567-143 PAGE: 9 l?e?ort ou aux d?marches de son patient pour l?aider a lui trouver un autre m?decin. Saba considere que s?ex?cute pour ?viter une sanction personnelle cu professionnelle, le m?decin deviendra n?anmoins alors complice, en quelque sorte, du processus visant a aider un patient a se suicider. [52] Saba ajoute que sa crainte de faire l?objet de sanctions est d?autant plus r?elle que le ministre de la Sant? a lui-m?me d?clar? qu?un ?tablissement refusant d?offrir ce soin de sant? pourrait faire l?objet d?une revocation de son permis d?op?rer. [53] Dans cette m?me veine, Saba soutient qu?il est n?cessaire que la Cour sup?rieure determine, entre autres, si I'euthanasie d?un ?tre humain et l?aide au suicide (l?Aide m?dicale a mourir) peuvent r?ellement ?tre consid?r?es au Quebec comme constituant un soin de sant? selon les criteres reconnus mondialement en matiere de pratique m?dicale, d?autant plus qu?il est envisage de modifier le code de d?ontologie de I'Ordre des infirmieres et infirmiers du Quebec et celui des m?decins afin de permettre la reconnaissance de I?Aide m?dicale a mourir comme soin de sant?. [54] A son avis, les repercussions sur les m?decins de la mise en oeuvre de la Loi en matiere de I?Aide m?dicale a mourir seront ainsi ?normes, et ce, des le 10 d?cembre 2015. [55] Enfin, Saba souligne que tant et aussi Iongtemps que I'Aide m?dicale a mourir sera consid?r?e comme un acte criminel au sens de I'article 241b) du Code criminel et que le consentement du patient a mourir ne pourra constituer une d?fense valable, selon l?article 14 du Code criminal, il est ill?gal pour le gouvernement du Quebec de demander aux m?decins de poser un tel geste de nature clairement criminelle, d?autant plus que la Loi ne leur offre aucune immunit? a cet ?gard. [56] Quoique Ia pr?sente Requ?te en jugement d?claratoire d?passe largement I?aspect criminel li? a I?Aide m?dicale a mourir a l?heure actuelle, Ie Tribunal comprend de la position du demandeur qu?a tout le moins, la prohibition recherch?e de mettre en oeuvre les dispositions de la Loi ayant trait a l?Aide m?dicale a mourir doit n?cessairement couvrir la p?riode de suspension de l?application de la declaration d?invalidit? constitutionnelle des articles 14 et 241 b) du Code criminel prononc?e par la Cour supr?me du Canada (la Cour supr?me Ie 6 f?vrier 2015, dans l?arr?t Carter7. En e?et, dans cet arr?t, la Cour supreme a sp?cifiquement suspendu pour une p?riode de douze mois venant a ?ch?ance le 6 f?vrier 2016, la declaration d'invalidit? desdits articles. Ceux-ci demeurent donc pleinement valides et en vigueur jusqu?a cette date ou a toute date ant?rieure si la parlement f?d?ral l?gif?rait relativement a ces deux articles en fonction des parametres constitutionnels ?tablis par la Cour supreme sur les aspects criminels de I?Aide m?dicale a mourir, le cas ?ch?ant. 7 Carter c. Canada (Procureur g?n?ral), 2015 080 5, [2015] 1 ROS. 331. 500?17-082567-143 PAGE: 10 [57] Avant cette ?ch?ance, la mise en oeuvre de l?acte m?dical l?tal de l?Aide m?dicale a mourir qui constitue l?euthanasie de I??tre humain sera impossible sans risque de poursuite criminelle contre Ie m?decin qui, en ce faisant, aura commis un acte criminel en fonction du libell? actuel des articles 14 at 241 b) du Code criminel. [58] Selon le demandeur, il s'agit d?une difficult? r?elle et immediate dont les consequences sont s?rieuses et irr?parables, particulierement pour les m?decins vis?s par ces dispositions de la Loi. Cette situation n?cessite d?ordonner la suspension sur une base urgente de la mise en application des articles 26 a 32 de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir et ce, des l'entr?e en vigueur de la Loi Ie 10 d?cembre 2015. LES DISPOSITIONS LEGISLATIVES APPLICABLES [59] Le Code de procedure civile 751. L'injonction est une ordonnance de la Cour sup?rieure ou de l'un de ses juges, enjoignant a une personne, a ses dirigeants, repr?sentants ou employ?s, de ne pas faire ou de cesser de faire, ou, dans les cas qui le permettent, d'accomplir un acte ou une operation d?termin?s, sous les peines que de droit. 752. Outre l'injonction qu'elle peut demander par requ?te introductive d'instance, avec ou sans autres conclusions, une partie peut, au d?but ou au cours d'une instance, obtenir une injonction interlocutoire. L'injonction interlocutoire peut ?tre accord?e lorsque celui qui la demande parait avoir droit et qu'elle est jug?e n?cessaire pour emp?cher que ne lui soit caus? un pr?judice s?rieux ou irreparable, ou que ne soit cr?? un ?tat de fait ou de droit de nature a rendre le jugement final ine?icace. 753. La demande d'injonction interlocutoire est faite au tribunal par requ?te ?crite appuy?e d'un affidavit attestant Ia v?rit? des faits all?gu?s et signifi?s a la partie adverse, avec un avis du jour ou elle sera pr?sent?e. Dans les cas d'urgence, un juge peut toutefois faire droit provisoirement, m?me avant qu'elle n?ait signifi?e. Toutefois, une injonction provisoire ne peut en aucun cas, sauf du consentement des parties, exc?der 10 jours. [60] Loi les soins de fin de vie 3. Aux fins de l'application de la pr?sente loi, on entend par 3? soins de fin de vie les soins palliatifs offerts aux personnes en fin de vie et l'aide m?dicale a mourir; 4? soins palliatifs les soins actifs et globaux dispenses par une ?quipe interdisciplinaire aux personnes atteintes d?une maladie avec pronostic r?serv?, dans le but de soulager leurs sou?rances, sans hater ni retarder la 500-17-082567-143 PAGE: 1 1 mort, de les aider a conserver Ia meilleure qualit? de vie possible et d?o?rir a ces personnes et a leurs proches le soutien n?cessaire; 5? s?dation palliative continue un soin offert dans le cadre des soins palliatifs consistant en l?administration de m?dicaments ou de substances a une personne en fin de vie dans le but de soulager ses souffrances en la rendant inconsciente, de facon continue, jusqu?a son d?c?s; 6? aide m?dicale a mourir un soin consistant en l'administration de m?dicaments ou de substances par un m?decin a une personne en fin de vie, a la demande de celle-ci, dans la but de soulager ses sou?rances en entrainant son d?c?s. 4. Toute personne, dont I??tat le requiert, a le droit de recevoir des soins de fin de vie, sous r?serve des exigences particulieres pr?vues par la pr?sente loi. Ces soins lui sont o?erts dans une installation maintenue par un ?tablissement, dans les locaux d'une maison de soins palliatifs ou a domicile. Les dispositions du pr?sent article s'appliquent en tenant compte des dispositions l?gislatives et r?glementaires relatives a l'organisation et au fonctionnement des ?tablissements, des orientations, des politiques et des approches des maisons de soins palliatifs ainsi que des ressources humaines, mat?rielles et financieres dont ils disposent. Elles completent celles de la Loi sur les services de sant? et les services sociaux et celles de la Loi sur les services de sant? et les services sociaux pour les autochtones cris portant sur les droits des usagers et des b?n?ficiaires. SECTION AIDE MEDICALE A MOURIR 26. Seule une personne qui satisfait a toutes les conditions suivantes peut obtenir l'aide m?dicale a mourir: 1? elle est une personne assur?e au sens de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre 2? elle est majeure et apte a consentir aux soins; 3? elle est en fin de vie; 4? elle est atteinte d'une maladie grave et incurable; 5? sa situation m?dicale se caract?rise par un d?clin avanc? et irreversible de ses capacit?s; 500-17-082567-143 PAGE: 12 6? elle ?prouve des souffrances physiques ou constantes, insupportables et qui ne peuvent ?tre apais?es dans des conditions qu'eile juge tol?rables. La personne doit, de maniere libre et ?clair?e, formuler pour elle?meme Ia demande d'aide m?dicale a mourir au moyen du formulaire prescrit par le ministre. Ce formulaire doit ?tre dat? et sign? par cette personne. Le formulaire est sign? en pr?sence d'un professionnel de la sant? ou des services sociaux qui le contresigne et qui, s'ii n'est pas Ie m?decin traitant de la personne, Ie remet a celui-ci. 27. Lorsque Ia personne qui demande I'aide m?dicale a mourir ne peut dater et signer ie tormulaire vis? a I'article 26 parce qu'elle ne sait pas ?crire ou qu'elle en est incapable physiquement, un tiers peut Ie faire en pr?sence de cette personne. Le tiers ne peut faire partie de I'?quipe de soins responsable de la personne et ne peut ?tre un mineur ou un majeur inapte. 28. Une personne peut, en tout temps et par tout moyen, retirer sa demande d'aide m?dicale a mourir. Elle peut ?galement, en tout temps et par tout moyen, demander a reporter I'administration de I'aide m?dicale a mourir. 29. Avant d?administrer I'aide m?dicale a mourir, Ie m?decin doit: 1? ?tre d'avis que la personne satistait a toutes les conditions pr?vues a I'article 26, notamment: a) en s'assurant aupr?s d'elle du caract?re libre de sa demande, en v?rifiant entre autres qu'elle ne r?sulte pas de pressions ext?rieures; b) en s'assurant aupres d'eile du caract?re ?clair? de sa demande, notamment en l'informant du pronostic relatif a la maladie, des possibilit?s th?rapeutiques envisageables et de leurs consequences; 0) en s'assurant de la persistance de ses souffrances et de sa volont? r?it?r?e d'obtenir i'aide m?dicale a mourir, en menant avec elle des entretiens a des moments di??rents, espac?s par un d?lai raisonnable compte tenu de I'?volution de son ?tat; d) en s'entretenant de sa demande avec des membres de l'?quipe de soins en contact r?gulier avec elle, Ie cas ?ch?ant; 9) en s'entretenant de sa demande avec ses proches, si elle Ie souhaite; 2? s'assurer que la personne a eu I'occasion de s'entretenir de sa demande avec les personnes qu'elle souhaitait contacter; 500-17-082567-143 PAGE: 13 3? obtenir l'avis d'un second m?decin confirmant le respect des conditions pr?vues a I'article 26. Le m?decin consult? doit ?tre ind?pendant, tant a I'?gard de la personne qui demande l'aide m?dicale a mourir qu'a I??gard du m?decin qui demande l'avis. doit prendre connaissance du dossier de la personne et examiner ceIIe?ci. Ii doit rendre son avis par ?crit. 30. Si le m?decin conclut, a la suite de I'application de l'article 29, qu'il peut administrer I'aide m?dicale a mourir a la personne qui la demande, il doit Ia lui administrer lui-meme, I'accompagner et demeurer aupres d'elle jusqu'a son d?ces. Si le m?decin conclut toutefois qu'il ne peut administrer I'aide m?dicale a mourir, i doit informer la personne qui la demande des motifs de sa d?cision. 31.Tout m?decin qui exerce sa profession dans un centre exploit? par un ?tablissement et qui refuse une demande d'aide m?dicale a mourir pour un motif non fond? sur l'article 29 doit, le plus tot possible, en aviser le directeur g?n?ral de l'?tablissement ou toute autre personne qu'il d?signe et, Ie cas ?ch?ant, lui transmettre le formulaire de demande d'aide m?dicale a mourir qui lui a remis. Le directeur g?n?ral de I'?tablissement, ou la personne qu'il a d?sign?e, doit alors faire les d?marches n?cessaires pour trouver, le plus tot possible, un m?decin qui accepte de traiter la demande conform?ment a l'article 29. Si le m?decin a qui la demande est formul?e exerce sa profession dans un cabinet priv? de professionnel et qu'il ne fournit pas I'aide m?dicale a mourir, iI doit. Ie plus tot possible, en aviser Ie directeur g?n?ral de I'instance locale vis?e a l'article 99.4 de la Loi sur les services de sant? et les services sociaux (chapitre 8-4.2) qui dessert le territoire 00 est situ?e Ia r?sidence de la personne qui a formul? la demande, ou en aviser la personne qu'il a d?sign?e. Le m?decin lui transmet, Ie cas ?ch?ant, le formulaire qui lui a remis et les d?marches vis?es au premier alin?a sont alors entreprises. Dans Ie cas ou aucune instance locale ne dessert le territoire 00 est situ?e la residence de la personne, l'avis mentionn? au deuxieme alin?a est transmis au directeur g?n?ral de l'?tablissement exploitant un centre local de services communautaires sur ce territoire ou a la personne qu?il a d?sign?e. 32. Doit ?tre inscrit ou vers? dans le dossier de la personne tout renseignement ou document en lien avec la demande d'aide m?dicale a mourir, que le m?decin l'administre ou non, dont le formulaire de demande d'aide m?dicale a mourir, les motifs de la decision du m?decin et, le cas ?ch?ant, l?avis du m?decin consult?. Doit ?galement ?tre inscrite au dossier de la personne sa d?cision de retirer sa demande d'aide m?dicale a mourir ou de reporter son administration. 500-17-082567-143 14 [61] Le Code criminel8 14. Nul n?a le droit de consentir a ce que la mort lui soit infliq?e. et un tel consentement n?atteint pas la responsabilit? p?nale d?une personne par gui la mort peut ?tre infliq?e a celui qui a donn? ce consentement. 21. (1) Participant :51 une infraction b) quiconque accomplit ou omet d'accomplir quelque chose en vue d?aider quelqu'un a la commettre; (2) Quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet de poursuivre une fin ill?gale et de s'y entraider et que l?une d'entre elles commet une infraction en r?alisant cette fin commune, chacune d?elles qui savait ou devait savoir que la realisation de l?intention commune aurait pour cons?quence probable la perp?tration de I'infraction, participe a cette infraction. 22. (1) Lorsqu'une personne conseille a une autre personne de participer a une infraction et que cette derniere participe subs?quemment, la personne qui a conseill? participe a cette infraction, meme si l?infraction a commise d'une maniere diff?rente de celle qui avait conseill?e. (2) Quiconque conseille a une autre personne de participer a une infraction participe a chaque infraction que l?autre commet en consequence du conseil et qui, d?apres ce que savait ou aurait d0 savoir celui qui a conseill?, ?tait susceptible d'?tre commise en consequence du conseil. (3) Pour l'application de la pr?sente Ioi. conseiller s?entend d'amener et d?inciter. et conseil s?entend de I'encouragement visant a amener cu a inciter. 222. (1) Commet un homicide quiconque. directement ou indirectement, par quelque moyen, cause la mort d?un ?tre humain. (2) L'homicide est coupable ou non coupable. (3) L'homicide non coupable ne constitue pas une infraction. (4) L'homicide coupable est Ie meurtre, l'homicide involontaire coupable ou l?infanticide. (5) Une personne commet un homicide coupable lorsqu?elle cause la mort d?un ?tre humain 3 L.R.C. 1985. c. C-46. 500-17-082567-143 PAGE: 15 a) soit au moyen d?un acte illegal; 241. Est coupable d?un acte criminel et passible d?un emprisonnement maximal de guatorze ans guicongue, selon Ie cas a) conseille a une personne de se donner la mort; b) aide ou encourage guelgu?un a se donner la mort, gue le suicide s'ensuive ou non. [Soulignements ajout?s] - ANALYSE [62] importe de rappeler qu?au stade d?une demande d?injonction provisoire, iI n?appartient pas au Tribunal de trancher ou de se prononcer sur les multiples questions soulev?es par les demandeurs dans leur qu?te d?un jugement d?claratoire. [63] Le Tribunal doit plut?t d?cider si, a la lumi?re des allegations de la Requ?te en jugement d?claratoire. des affidavits souscrits et des pieces d?pos?es a son soutien, les articles 26 a 32 de la Loi ayant trait a I?Aide me?dicale a mourir et l?article 4, dans la mesure 00 $93 dispositions visent ou touchent I?Aide m?dicale a mourir, doivent voir leur mise an application suspendue des l?entr?e en vigueur de la Loi Ie 10 d?cembre 2015, en raison de I'urgence de la situation et du pr?judice s?rieux et irr?parable qu?entra?inerait un refus d??mettre l?injonction provisoire demand?e. - L?apparence de droit [64] Au niveau de l'apparence de droit et sans pour autant minimiser de quelque facon que ce soit les questions fort l?gitimes et s?rieuses soumises par la demanderesse dans la pr?sente instance, i ne fait aucun doute, dans l?esprit du Tribunal, que dans le contexte fort particulier de la pr?sente demande en injonction provisoire, Ie demandeur Saba, a titre de m?decin vis? par les dispositions contest?es de la Loi, a d?montr? une apparence de droit s?rieuse compte tenu des devoirs et obligations que la Loi lui imposera, des Ie 10 d?cembre 2015, au niveau de I'Aide m?dicale a mourir ainsi qu?a tous les m?decins pratiquant au Qu?bec, et ce dans la contexte l?gal actuel a la lumi?re de l?arr?t Carter prononc? la 6 f?vrier 2015 par la Cour supreme. [Soulignement ajout?] [65] ne fait aucun doute non plus dans I?esprit du Tribunal que des I?entr?e en vigueur de la Loi, le 10 d?cembre 2015, tous les m?decins habilit?s a pratiquer Ia m?decine au Qu?bec et, par consequent administrer I?Aide m?dicale a mourir, seront directement affect?s par la question soulev?e par Saba quant au conflit entre la Loi et le Code criminel. 500-17-082567-143 PAGE: 16 [66] importe :51 ca stade-ci d?examiner l?arr?t Carter qui a un impact direct sur la pr?sente requ?te. [67] Qu?en est-ll de l?arr?t Carter? - La Loi, le Code Criminal et I?incidence de I?arr?t Carter [68] La Loi a adopt?e par I?Assembl?a nationale le 5 juin 2014 et sanctionn?e le 10 juin 2014, en pr?cisant a son article 78 qua I?entr?e en vigueur de la Loi ?tait fix?e au 10 d?cembre 2015. [69] Quatre mois plus tard, le 14 octobre 2014, la Cour supreme entendait I?affaire Lee Carter?. [70] Dans cette alfaire, madame Gloria Taylor (?Gloria Taylor ayant appris qu?elle souffrait d?une maladia neurod?g?n?rative fatale, a intent? devant la Cour supr?me de la Colombia-Britannique (1re instance) une action contestant Ia constitutionnalit? des dispositions du Code criminal qui prohibent l?aide a mourir, soit les articles 14, 21, 22, 222 at 241. Se sont joints a sa demande mesdames Lee Carter Lee Carter at Hollis Johnson Hollis Johnson qui avaient aid? Ia mere de Lee Carter, Kathleen Kay Carter Kay Carter a r?aliser son souhait de mourir dans la dignit? en I?emmenant an Suisse pour qu?alle puisse mettre fin a ses jours dans une clinique d?aide au suicide. Ayant aid? Kay Carter a sa suicider, Lee Carter et Hollis Johnson se sentaient particuli?remant vis?es par ces articles du Code criminal ayant trait a I?aide au suicide. [71] Contrairement a Kay Carter, Gloria Taylor n?avait pas les ressources financieres pour se rendre en Suisse. Elle avait n?anmoins trouv? un m?decin de la Colombie- Britannique qui s??tait d?clar? disponible at volontaire pour l?aider a mourir dignement. Mais, compte tenu des prohibitions du Code criminal, i s??tait d?clar? incapable d?aider Gloria Taylor, d?ou le recours judiciaire afin de faire lever cet obstacle qui enfreignait les droits fondamentaux de cette derniere en vertu de la Charla canadianna das droits at libert?s (la Charte canadianna [72] Lee Carter et Hollis Johnson, qui avaient aid? Kay Carter a mettre fin a ses jours en Suisse an contravention des memes dispositions du Coda criminal, avaient ?galement un int?r?t a intervenir afin d'appuyer Ia demande de Gloria Taylor. [73] En premiere instance?), Gloria Taylor a eu gain de cause at la juge a d?clar? l?inconstitutionnalit? les dispositions du Coda criminal prohibant I?Aida m?dicala a mourir en suspendant toutefois I?application de sa d?claration d'invalidit? pour une p?riode de douze mois. Par contre, la juge a accord? una exemption sp?cifique a Gloria Taylor afin qu?elle puisse recevoir l?aide requise pour mourir. 9 Carter 0. Canada (Procuraur g?n?ral), 2015 080 5 arr?t Carter 1? Carter v. Canada (Attorney General), 2012 8080 886. 500?17-082567-143 PAGE: 17 [74] Le 10 octobre 2013, la Cour d?appel de la Colombie-Britannique?, s?appuyant sur l?arret Fiodriguez?z rendu par la Cour supr?me quelque vingt ann?es plus tot, a infirm? Ie jugement de premiere instance, d?ou le pourvoi a la Cour supreme qui a entendu Ie 15 octobre 2014. [75] Malheureusement, Gloria Taylor est d?c?d?e subitement en octobre 2012 sans pouvoir avoir recours a I?Aide m?dicale a mourir. [76] Au Canada, quiconque aide ou encourage une personne a se donner la mort commet un acte criminel aux termes de I'article 241b) du Code criminel. Ainsi. une personne ne peut demander a une autre personne de lui fournir I?Aide m?dicale a mourir. De plus, Ie consentement donn? par la personne qui a requis I?Aide m?dicale a mourir, ne peut servir de moyen de defense a la commission d?un tel acte criminel, et ce, en vertu de I'article 14 du Code criminel. [77] Apres avoir d?clin? les divers articles13 du Code criminel identifies par les appelants comme ?tant probl?matiques dans Ie contexte de I?Aide m?dicale a mourir, la Cour supreme s'est prononc?e ainsi A notre avis, deux de ces dispositions sont au coeur de la pr?sente contestation constitutionnelle I'al. 241b), aux termes duquel quiconque aide ou encourage quelqu?un a se donner la mort est coupable d?un acte criminel, et I?art. 14, qui precise que nul ne peut consentir a ce que la mort lui soit inflig?e. Ce sont ces deux dispositions qui prohibent le fait d?aider une personne a mourir. Les articles 21, 22 at 222 s'appliquent uniquement si le fait d?aider quelqu?un a se donner la mort constitue en soi un acte ill?gal ou une infraction. L'alin?a 241a) ne contribue en rien a la prohibition du suicide assist?. [78] Ainsi, aux termes de I'arr?t Carter, Ia Cour supreme a d?clar? que les dispositions prohibant I?Aide m?dicale a mourir aux articles 241b) et 14 du Code criminel portaient atteinte aux droits a la vie, a la libert? et a la s?curit? de la personne que I?article 714 de la Chan?e canadienne garantit a la personne, et ce, d?une maniere non conforme aux principes de justice fondamentale et que cette atteinte n??tait pas justifi?e au regard de l?article premier15 de la Charte canadienne a [127] La r?paration appropri?e consiste donc en un jugement d?clarant que I'al. 241b) et l?art. 14 du Code criminel sont nuls dans la mesure ou ils prohibent I'aide d?un m?decin pour mourir a une personne adulte capable qui (1) consent clairement a metre fin a sa vie; et qui (2) est afiect?e de problemes de sant? 11 Carter v. Canada (Attorney General), 2013 BCCA 435. 12[199313 nos. 519. ?3 Les articles 14, 21, 22,222 at 241. 14 7. Chacun a droit a la vie, a la libert? eta la s?curit? de sa personne; il ne peut ?tre port? atteinte a ce droit qu'en conformit? avec les principes de justice fondamentale. 15 1. La Chane canadienne des droits er libert?s garantit les droits et libert?s qui sont ?nonc?s. ne peuvent ?tre restreints que par une regle de droit. dans des Iimites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se d?montrer dans le cadre d?une soci?t? libre et d?mocratique. 500-17-082567-143 18 graves et irr?m?diables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des sou?rances persistantes qui lui sont intol?rables au regard de sa condition. convient d'ajouter que le terme irr?m?diable ne signifie pas que la patient doive subir des traitements qu'il juge inacceptables. Cette declaration est cens?e s?appliguer aux situations de fait gue pr?sente I?espece. Nous ne nous pronongons pas sur d?autres situations of: l?aide m?dicale a mourir peut ?tre demand?e. [147] Le pourvoi est accueilli. Nous sommes d?avis de prononcer le jugement d?ciaratoire suivant, dont Ia prise d?e?et est suspendue pendant 12 mois L'alin?a 24113) et I?art. 14 du Code criminel portent atteinte de maniere injustifi?e a I'art. 7 de la Chane et sont inop?rants dans la mesure ou ils prohibent l?aide d?un m?decin pour mourir a une personne adulte capable qui (1) consent clairement a mettre fin a sa vie; et qui (2) est affect?e de probl?mes de sant? graves et irr?m?diables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) causant des sou?rances persistantes qui lui sont intol?rables au regard de sa condition. [Ia D?claration d?invalidit? [Soulignements ajout?s] [79] II importe de souligner que la Cour supreme a n?anmoins jug? opportun de suspendre les effets de la Declaration d'invalidit? pour une p?riode de douze mois a compter du 6 f?vrier 2015 de la fagon suivante ?[128] Nous sommes d'avis de suspendre Ia prise d'e?et de la declaration d?invalidit? pendant 12 mois. [129] Nous refusons d'acc?der a la demande des appelants de cr?er une proc?dure d?exemption pendant Ia p?riode au cours de Iaquelle Ia prise d?e?et de la declaration d'invalidit? est suspendue. Puisque Mme Taylor est maintenant d?c?d?e et qu?aucune des autres parties au litige ne demande une exemption personnelle, ii ne s'agit pas d'un cas 00 ii convient de cr?er un tel m?canisme d?exemption. [la P?riode de suspension [80] A la lumiere de ce qui precede, il ne fait aucun doute que la Cour supr?me a voulu suspendre Ia Declaration d?invalidit? prononc?e dans cet arr?t jusqu?au 6 f?vrier 2016 ou a toute date ant?rieure si le parlement f?d?ral I?gifere avant cette ?ch?ance en mati?re criminelle relativement a I?euthanasie d'un ?tre humain et de suicide assist? dans la contexte de I?Alde m?dicale a mourir. [81] Le gouvernement f?d?ral a d?ja mis sur pied un comit? consultatif qui doit remettre son rapport d?ici le 15 d?cembre 2015 et la PGC demande a la PGQ de suspendre temporairement l?entr?e en vigueur des dispositions de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir pour permettre au parlement f?d?ral de donner suite a l?arr?t Carter. 500-17?082567-143 PAGE: 19 [82] Or, le gouvernement du Quebec refuse et compte toujours mettre an application la Loi et ainsi o?rir l?Aide m?dicale a mourir dans les ?tablissements hospitaliers et les maisons de soins palliatifs des la 10 d?cembre 2015, et ce, malgr? que le gouvernement f?d?ral n?ait pas encore l?gif?r? afin de donner suite a l'arr?t Carter, ce qui implique en toute vraisemblance, un amendement aux articles 14 at 241 b) du Code criminel en fonction des param?tres constitutionnels ?tablis par la Cour supreme. [83] A la lumiere de l?arr?t Can?er, force est de constater qu?a compter du 10 d?cembre 2015, et ce, jusqu'a la date de prise d?e?et de la Declaration d'invalidit? de la Cour supreme, toute Aide m?dicale a mourir assur?e par un m?decin du Quebec en vertu de la Loi, continuera de constituer un acte criminel selon les dispositions toujours valides et en vigueur de l?article 241 b) du Code criminel et la consentement de la personne qui a requis I?Aide m?dicale a mourir sera de nul effet comme moyen de defense du m?decin a la commission de cet acte criminel, tel que Ie pr?voit l'article 14 du Code criminel dans son libell? actuel. [84] En mettant en oeuvre la Loi dans le contexte et I'?tat du droit actuels, les m?decins qui consentiront a administrer I?Aide m?dicale a mourir s?exposeront a contrevenir aux dispositions du Code criminel ayant trait a l?aide au suicide, sans que la Loi ne leur offre quelque immunit? que ce soit a cet ?gard. Cette absence d?immunit? s?explique bien, car Ie legislateur qu?b?cois n?a pas Ie pouvoir d?o?rir une telle immunit? face a des dispositions contradictoires ou incompatibles du Code criminel qui, rappelons-Ie, sont toujours valides et en vigueur. [85] Au moment d?adopter la Loi en juin 2014, le l?gislateur qu?b?cois ne pouvait ignorer que les dispositions de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir allaient entrer directement en conflit avec les dispositions des articles 14 et 241b) du Code criminel. [86] En effet, Iorsque I'Assembl?e nationale a adopt? la Loi en juin 2014, la Cour supreme n'avait pas encore entendu l?affaire Carter et, forc?ment, n?avait pas encore rendu de decision dans cette cause. Qui plus est, la Cour d?appel de la Colombie- Britannique avait infirm? en 2013 dans ce meme dossier la d?cision de premiere instance et, par cons?quent, avait r?a?irm? Ia validit? des dispositions en question du Code criminel a cat ?gard. [87] Au moment du vote des membres de I?Assembl?e nationale en juin 2015, ces dispositions du Code criminel ?taient toujours valides et en vigueur. - La position de la Procureure g?n?rale du Canada [88] Tel que mentionn? pr?c?demment, l?avocate repr?sentant la mise on cause, la Procureure g?n?rale du Canada (PGC), est intervenue au cours de l?audience pour appuyer Ia demande d??mission d?une ordonnance en injonction provisoire relativement a la suspension temporaire des articles de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir. 500-17-082567-143 PAGE: 20 [89] Plus pr?cis?ment, I?avocate a inform? Ie Tribunal que la PGC consid?rait que la mise en application des dispositions de la Loi ayant trait a l?Aide m?dicale a mourir devait ?tre suspendue jusqu?a ce que le parlement f?d?ral ait pu donner suite at l?arr?t Caner en tenant ?videmment compte du d?lai imparti par la Cour supreme. [90] L?avocate de la PGC a communiqu? au Tribunal la lettre du mandat que lui a confi? le premier ministre du Canada, le tres honorable Justin Trudeau, dans laquelle la toute premiere priorit? identifi?e dans le mandat de la ministre de la Justice at de la Procureure g?n?rale du Canada est de Diriger un processus, de concert avec la ministre de la Sant?, visant a collaborer avec les provinces et les territoires dans le but de dormer suite a la d?cision de la Cour supr?me du Canada au sujet de l?aide m?dicale a mourir. [91] Le Tribunal a inform? ?galement que le gouvernement f?d?ral a d?ja mis sur pied un comit? consultatif sur ce sujet pr?cis qui doit remettre son rapport d?ici le 15 d?cembre 2015. [92] L?avocate de la PGC a aussi port? a l?attention du Tribunal Ia d?finition de Aide m?dicale a mourir apparaissant a I'article de la Loi, lequel se lit ainsi Un soin consistant en l?administration de m?dicaments et de substances par un m?decin a une personne en fin de vie, a la demande de celle-ci, dans le but de soulager ses souffrances en entrainant son d?c?s. [93] Selon cette derniere, une telle r?f?rence a un soin ?tonne lorsqu?on r?fere [sans Ie dire] a des gestes ou des actes qui r?pondent a l'aide au suicide, au suicide assist? ou a l?euthanasie d?un ?tre humain clairement couverts et vis?s par le Code criminal. [94] Dans cette meme veine, l?article 4 de la Loi confirme le droit de toute personne de recevoir des soins de fin de vie [95] Or, a l?article I'expression soins de fin de vie englobe les soins palliatifs offerts aux personnes en fin de vie e] I'Aide m?dicale a mourir. [Soulignement ajout?] [96] Pour la PGC, a la lumiere de ces definitions, il ne fait aucun doute que sous la couvert de I?expression soins de ?ns de vie le l?gislateur qu?b?cois a vis? et manifestement tent? d?englober comme forme de soin de sant?, l'euthanasie d?un ?tre humain, un acte qui releve toujours de la competence exclusive du parlement f?d?ral de l?gif?rer en matiere criminelle. D?affubler le qualificatif de soin a l?euthanasie d?un ?tre humain ne convertit pas celle-ci d?un acte criminel en un soin de sant?. [97] L?avocate de la PGC a ?galement manifest? son inqui?tude face aux dispositions de l?article 31 de la Loi qui imposent aux m?decins qui ne voudraient pas acc?der a une demande d?Aide m?dicale a mourir de participer, malgr? leur objection, au processus visant a trouver un autre m?decin volontaire et consentant. Elle voit par le fait m?me 500-17?082567-143 PAGE: 21 une indication que m?me un m?decin, objecteur de conscience, sera forc?ment impliqu? dans un processus allant mener a la commission d?un acte criminel dans I??tat du droit actuel. [98] En d?autres mots, Ia PGC voit un pr?judice s?rieux et irreparable en ce que des m?decins autoris?s en vertu d?une provinciale a o?rir I?Aide me?dicale a mourir en vertu de la Loi vont s?exposer, (1693 la 10 d?cembre 2015, a commettre des actes qui sont toujours criminels en vertu d?une f?d?rale, a savoir Ie Code criminel. [99] Selon Ia PGC, i existe a l?heure actuelle un conflit entre certaines dispositions de la Loi [qu?b?coise] qui sont incompatibles avec celles du Code criminel [f?d?ral]. [100] L?avocate de la PGC est d'avis que cet ensemble de circonstances et que ce conflit patent de dispositions contradictoires, en consid?rant les objectifs vis?s par Ieurs lois respectives, constituent en soi une raison suffisante qui justifie l??mission de I'ordonnance en injonction provisoire demand?e. [101] Elle est d?avis qu'il s?agit d?une question s?rieuse, a savoir Ia pr?pond?rance de la I?gislation f?d?rale en cas d'un tel conflit juridictionnel. [102] Selon ceIIe-ci, la balance des inconv?nients milite, d'une part en faveur des m?decins expos?s en ob?issant a la Loi [qu?b?coise] de devoir poser des actes toujours consid?r?s comme ?tant criminels en vertu du Code criminel et, d?autre part, en faveur du gouvernement f?d?ral qui est toujours a I'int?rieur du d?lai imparti par la Cour supr?me pour donner suite a I?arr?t Carter et ainsi I?gif?rer en mati?re de I'euthanasie d?un ?tre humain et du suicide assist?, lesquels rel?vent tous deux de sa juridiction exclusive en mati?re criminelle. La position de la Procureure g?n?rale du Qu?bec [103] Les observations de I?avocate de la PGQ ont essentiellement port? sur une r?vision m?ticuleuse des articles de la Loi a la lumiere des parametres constitutionnels trac?s par la Cour supr?me dans l?arr?t Carter. [1 Selon Ia PGQ, les demandeurs ne peuvent, au moyen de Ieur Requ?te en jugement d?claratoire, remettre en cause I?arr?t Carter qui se distingue compl?tement de la position adopt?e par la Cour supreme vingt ann?es auparavant dans I?a?aire Rodriguez ou la primaut? du droit a la vie avait consacr?e par cette m?me Cour. [105] II ne revient pas non plus au Tribunal de juger de I?opportunit? ou de la sagesse de la Loi, un concept avec lequel Ie Tribunal est tout a fait en accord. [106] L?avocate a ?galement retrac? les diverses ?tapes franchies par Ie I?gislateur qu?b?cois pour aboutir en juin 2014 a I?adoption de la Loi par les membres de I?Assembl?e nationale dans Ie cadre d?un vote libre, pr?cise-t-elle. 500-17-082567-143 PAGE: 22 [107] Cette Loi est le reflet d?un consensus social atteint ou plutot constat? apres quatre ann?es de consultations populaires par les repr?sentants du l?gislateur qu?b?cois. [108] L'avocate ajoute que dans l?arr?t Carter, la Cour supreme a ouvert la porte aux legislatures provinciales de l?gif?rer en adoptant une loi compatible avec les parametres constitutionnels ?nonc?s. La PGQ aurait donc r?pondu a cette invitation de la Cour supr?me en adoptant la Loi. [109] Or, les demandeurs et les intervenants ont rapidement fait remarquer au Tribunal qu'en juin 2014, Ies membres de I?Assembl?e nationale pouvaient difficilement r?pondre a? une invitation de la Cour supr?me en adoptant la Loi. On ?tait alors quelque huit mois avant que ladite ?invitation ne soit faite par la Cour supreme. [110] Quoi qu?il en soit, selon la PGQ, la Loi ?tablit que I?Aide m?dicale a mourir s?inscrit dans Ie continuum des soins de sant? offerts aux citoyens du Qu?bec. Comme I?Aide m?dicale a mourir est un soin administr? par un m?decin et, par consequent, un soin de sant? comme en font foi les definitions retrouv?es a l?article 3 de la Loi ayant trait aux soins de ?n de vie et al?aide m?dicale a mourir, Ia PGQ insiste que la Loi releve de la comp?tence exclusive du Qu?bec en matiere de sant?. [111] La PGQ n?y voit donc aucune possibilit? de conflit juridictionnel en I?espece. [112] Bref, outre le fait qu'en adoptant la Loi, Qu?bec aurait agi a l?int?rieur de sa propre competence en matiere de sant?. I?avocate de la PGQ soutient que les demandeurs n?ont d?montr? aucune apparence de droit et n'ont prouv? aucun prejudice s?rieux et irreparable a leur ?gard si la pr?sente ordonnance en injonction provisoire n'?tait pas accord?e. l n?y a ?videmment aucune situation d'urgence en l?espece. [113] Le Tribunal partage l'avis de I'avocate en ce qui a trait a la demanderesse, mais la situation du demandeur, le m?decin Saba, differe en raison du fait que les articles 14 et 241 b) du Code criminel sont toujours valides et en vigueur, malgr? qu'ils soient toutefois frapp?s d?une declaration d?invalidit? constitutionnelle suspendue en matiere d'aide au suicide dans le contexte de I'Aide m?dicale a mourir. [114] Selon l?avocate de la PGQ, il s'agit d?un faux probleme ou d?une fausse crainte ?voqu?e par le m?decin Saba, car celui-ci devrait n?avoir rien a craindre d'une contravention possible a l?article 241 b) du Code criminel, car cet article ainsi que l'article 14 sont pr?sentement sous Ie respirateur artificiel et, que de toute facon au Qu?bec, aucune plainte criminelle du genre fond?e sur cet article du Code criminal ne va ?tre port?e contre les m?decins qui auront pratiqu? l?Aide m?dicale a mourir en vertu de la Loi. [115] Cette derniere affirmation provenant de I?avocate de la PGQ ?tonne Ie Tribunal, d?autant plus que Ie Directeur des poursuites criminelles et p?nales est celui qui normalement porte de telles accusations et qu'il n'?tait pas pr?sent a I?audience, n'ayant 500-17-082567?143 PAGE: 23 pas d?pos? de comparution malgr? qu?il ait appel? a titre de mis en cause par les demandeurs. [116] Quellas assurances r?elles Ia PGQ peut-elle vraiment donnar a cat ?gard au m?decin Saba at autres m?decins du Qu?bec qui accepteront de poser Ias gestes reli?s a I?Aida m?dicala a mourir a partir du 10 d?cembra 2015? Le Directeur des poursuites criminelles et p?nales n?est-il pas ind?pendant de la PGQ et du gouvernement du Qu?bec dans la prise da decision des accusations a porter ou non? [117] Qu?arriverait-il si une plainte priv?e ?tait port?e? [118] Qu?arriverait-il si la Parlement f?d?ral d?cidait de se servir das dispositions de l?article 33 da Ia Charla canadienne an matiere de derogation par declaration expresse pour suspendre ou ?viter Ia Declaration d'invalidit?? [119] Avec grand respect, face a une disposition du Code criminal dont Ie libell? est non ?quivoque dans la contexte actual, I?assurance du ou da Ia ministre de la Justice et du ou de la procureur(e) d?una province de ne pas faire porter d?accusation a I'endroit d'un citoyen qui aurait contrevenu a une telle disposition du Code criminal ne peut avoir pour effet d??liminer Ia caractere s?rieux et irr?parabla auquel tout citoyen s'expose s'il accepte de poser un geste ou un acte sp?cifiquement prohib? par la Code criminal actuel en vertu de dispositions valides at an vigueur. [120] Le Tribunal se permet de rappeler avec grands ?gards qu?en I?aspaca, au moment de l?adoption de la Loi, la 5 juin 2014, les articles 14 at 241b) du Code criminal n'?taient frapp?s d'aucune declaration d?invalidit? inconstitutionnalle en matiere d?Aida m?dicala a mourir. [121] Les membras de I?Assambl?e nationale du Qu?bec pouvaient difficilement ignorer l?existence d'une incompatibilit? I?gislativa avec le Coda criminal au moment de voter la Loi. [122] Avec grand respect pour l?opinion contraire, la 5 juin 2014, la fait d?affubler I?aida au suicide at I?authanasie d?un ?tre humain d'un autre qualificatif, voire m?me d?un euph?misma, a savoir I?Aida m?dicala a mourir, ne pouvait avoir pour affet de soustraire automatiquement de I?application d?una loi f?d?rale un geste ou un acte sp?cifiquament prohib? par les articles 14 et 214b) du Coda criminal et de conf?rer aussitot une competence au Qu?bac en matiare d?Aida m?dicala a mourir sous la pr?texte qu?il s?agissait des Iors d?un soin da sant? qui allait s?inscrire dans la continuum des autres soins da sant? prodigu?s jusqu?alors au patient. [123] Dans un autre ordre d?id?es, l?avocate da la PGQ a a?irm? que la Loi ayant adopt?e validement par I?Assambl?e nationale, celle-ci conservait toute sa force at qu?elle b?n?ficiait da la pr?somption d?avoir pass?a a I?avantaga at dans I?int?r?t du public qu?b?cois. Cons?quemment, Ie Tribunal devrait conserver a I?esprit cet ?tat de 500-17-082567-143 PAGE: 24 fait en consid?rant la balance des inconv?nients entre les consequences d?accorder ou non l'injonction provisoire demand?e. [124] Le Tribunal en convient, mais il ne s?agit pas pour autant d'une pr?somption irr?fragable. Le Tribunal doit n?cessairement ?valuer la situation a la lumiere de I?ensemble des faits propres a celle-ci. [125] L?avocate de la PGQ a particulierement insist? aupres du Tribunal de conserver a I?esprit que la Cour supreme ayant maintenant trace des balises constitutionnelles en matiere d?Aide m?dicale a? mourir, une personne r?unissant des Iors ces balises devrait, par Ie fait meme, avoir le droit de mourir avec I?Aide me?dicale a mourir. Le Tribunal ne devrait donc pas suspendre l?application des dispositions de la Loi ayant trait a I'Aide m?dicale a mourir alors que celle-ci respecterait ces balises et que la Loi r?pondrait a la situation d?cri?e par la Cour supreme dans l?arr?t Carter. [126] Une mise au point s?impose. [127] taut conserver a l?esprit que l?arr?t Carter n'a pas eu pour etlet de d?criminaliser de facon absolue l'aide au suicide et de permettre a toutes personnes respectant les parametres ?tablis d?obtenir I'Aide m?dicale a mourir, et ce, sans autres d?lais. [128] Au contraire, la Cour supreme n'a fait que cr?er une exception a la prohibition criminelle de suicide assist?, en ce sens que l?aide a mourir ne peut ?tre priv?e aux adultes capables de consentir clairement a metre fin a leurs jours et (ii) qui sont affect?s de problemes de sant? graves et irr?m?diables leur causant des souttrances persistantes et intol?rables au regard de leur condition. [Soulignement ajout?] [129] Qui plus est, la Cour supreme n?a pas indiqu? que l'aide au suicide constituait dans certains cas un soin medical et que, cons?quemment, les parlements provinciaux avaient competence exclusive pour I?gif?rer sur cette matiere particuliere. Par contre, il faut reconnaitre que la Cour supreme n?a pas attirm? non plus que l?Aide me?dicale a mourir n'est pas un soin medical. Le d?bat reste ouvert jusqu?a ce que le parlement f?d?ral red?finisse l?Aide m?dicale a mourir dans le contexte du Code criminel et de I?arr?t Carter. [130] Une chose est certaine, iI n?appartient pas au Tribunal de trancher, dans le pr?sent jugement, Ia question des soins de sant? dans le contexte de l?Aide m?dicale a mourir et de l?aide au suicide au sens du Code criminel. [131] En fait, les passages suivants attestent de la difficult? a trancher a quel moment ou a quel point la competence d?une province en matiere de sant? et celle du parlement t?d?ral peuvent empi?ter l?une sur I'autre en matiere de sant? 500-17-082567-143 PAGE: 25 La prohibition porte-t-ella atteinte au contenu essential de la comp?tenca provinciale sur la sant?? [49] Les appelants reconnaissent que la prohibition da l?aida au suicide constitue g?n?ralemant un axercice valide da la comp?tance an matiare de droit criminal conf?r?e au gouvernement f?d?ral par la par. 91 (27) da la Loi constitutionnalla de 1867. affirment toutafois qua, salon la doctrine de l?exclusivit? das competences, la prohibition ne peut constitutionnellamant s'appliquer a l?aida m?dicale a mourir car elle toucha a l?assence mama da la competence an mati?ra de sant? conf?r?e aux provinces par les par. 92(7), (13) at (16) da la Loi constitutionnella da 1867, at alla outrepasse donc la comp?tanca l?gislativa du Parlamant f?d?ral. [50] La doctrine de I'exclusivit? das comp?tances repose sur la pr?misse que les chefs de comp?tanca pr?vus aux art. 91 at 92 sont exclusifs at ont donc chacun un contenu essential minimum et irr?ductible qui ?chappa a l?application da la I?gislation ?dict?e par l?autra ordra da gouvernement (Banqua canadianna da I?Ouast c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 3, par. 33-34). Pour gue leur argument sur ca point soit ratanu, les appelants doivent d?montrer gue la prohibition, dans la mesure ou elle s?agpligua a l?aida m?dicale a mourir, entrave la contenu essential grot?g? de la competence provinciale an matiare de sant?: Nation Tsilhqot?in c. Colombia-Britanniqua, 2014 CSC 44, [2014] 2 R.C.S. 256, par. 131. [51] Notre Cour a rejet? un argument similaira dans Canada (Procureur g?n?ral) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, [2011] 3 R.C.S. 134. ll s'agissait dans cette affaira da d?tarminar si la prestation da soins da sant? fait partie du contenu essential prot?g? du pouvoir conf?r? aux provinces par les par. 92(7), (13) at (16) an matiara de sant? at si elle est da ca fait a l?abri d'una ing?rence f?d?rala (par. 66). La Cour a conclu qua non (la juge an chef McLachlin) la Parlemant a le pouvoir da l?qif?rar dans des mati?ras de comg?tence f?d?rale, comme le droit criminal, gui touchant la sant?. Ainsi, il a toujours au Ia pouvoir d'interdire las traitamants m?dicaux dangereux ou qui, salon lui, constituent une ?conduita socialement r?pr?hensibla Ft. 0. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30; Morgantaler 0. La Heine, [1976] 1 R.C.S. 616; Ft. c. Morgantalar, [1993] 3 R.C.S. 463. Comgta tanu du role d?volu au f?d?ral dans la domaine da la sant?, il est impossible da d?finir Qr?cis?mant les ?l?ments gua comportarait ou non la ?contenu essential? provincial propos?. La competence f?d?rale concurrente, ainsi que l'ampleur m?me at la diversit? da la comp?tenca provinciala en mati?ra da sant? rendent pratiquement insurmontable la tacha da d?limitar avec pr?cision un contenu essential provincial qui serait prot?g? da toute incursion f?d?rala. [par. 68] [52] Les appelants et la procureure g?n?rale du Qu?bec (qui est intervanue sur ce point) a?irment qu?il est possible de d?finir avec pr?cision Ie contenu essential de la competence an matiara de sant? at, par 500-17-082567-143 PAGE: 26 cons?quent, d??tablir une distinction d?avec l?arr?t PHS. Le contenu essentiel propos? par les appelants est d?crit comme le pouvoir d?administrer le traitement m?dical n?cessaire lorsqu?aucun autre traitement ne peut r?pondre aux besoins du patient par. 43). Le Quebec adopte une d?marche l?g?rement diff?rente en d?finissant Ie contenu essentiel comme Ie pouvoir de d?cider du type de soins de sant? a offrir aux patients et de superviser la proc?dure relative au consentement requis pour ces soins par. 7). [53] Nous ne sommes gas convaincus par les arguments selon lesguels il est mssible de faire une distinction d?avec PHS, compte tenu des mots vaques employ?s dans les definitions propos?es du contenu essentiel de la competence provinciale en mati?re de sant?. A notre avis, les appelants n?ont pas ?tabli que la prohibition de l?aide m?dicale a mourir empi?te sur la contenu essentiel de la comp?tence provinciale. La sant? est un domaine de competence concurrente; le Parlement et les provinces peuvent validement I?gif?rer dans ce domaine RJFl-MacDonaId Inc. 0. Canada (Procureur g?n?ral), [1995] 3 R.C.S. 199, per. 32; Schneider c. La Heine, [1982] 2 R.C.S. 112, p. 142. Ceci Iaisse croire que les deux ordres de gouvernement peuvent validement I?gif?rer sur des aspects de l?aide m?dicale a mourir, en fonction du caract?re et de l?objet du texte l?gislatif. Le dossier qui nous a soumis ne nous convainc pas que la competence provinciale en mati?re de sant? exclut la comp?tence du Parlement f?d?ral de I?gif?rer sur l?aide m?dicale a mourir. ll s?ensuit gue la gr?tention fond?e sur I?exclusivit? des competences ne peut ?tre retenue. [Soulignements et caractere gras ajout?s] [132] A la lecture de ce qui precede, le Tribunal retient que les ding ordres de gouvernement ont toujours Ie pouvoir de I?gif?rer en matiere d?Aide m?dicale a mourir, mais que leur competence respective en cette mati?re s?effectue ?en fonction du caract?re et de I?objet du texte I?gislatif [Soulignement ajout?] [133] Meme si les deux ordres de gouvernement disposent d?une competence concurrente en mati?re de sant?, Ia Cour supreme n?a pas Iaiss? entendre que le Qu?bec [ou toute autre province] pouvait couvrir a lui seul le champ complet en matiere d?Aide m?dicale a mourir, comme Ie l?gislateur qu?b?cois semble avoir voulu le faire en adoptant la Loi. [134] Malgr? qu'il n?appartienne pas au Tribunal, 51 cette ?tape des procedures, de se prononcer sur la question a savoir si I?Aide m?dicale a mourir est un soin de sant? qui ?chapperait au Code criminal, il faut conclure a ce stade-ci que I?Aide m?dicale a mourir, dans le contexte actuel, correspond prima facie a I?euthanasie d?un ?tre humain a la demande expresse de ce dernier ou en d?autres termes, a l?aide au suicide par forc?ment I?entremise d?une autre personne. Ces gestes que certains veulent qualifier d?Aide m?dicale a mourir n?en demeurent pas moins a prime abord des gestes qui pr?sentement sont incompatibles avec la prohibition du Code criminel. 500-17-082567-143 PAGE: 27 [135] La Cour supreme a indiqu? qu?il revenait au parlement f?d?ral d?adopter, dans un d?lai de douze mois, la legislation appropri?e en matiere criminelle qui tiendra compte de I'exception qu?elle a ?labor?e dans l?arr?t Carter quant au suicide assist? dans un contexte d?Aide m?dicale a mourir. [136] Ceci expliquerait sans doute la P?riode de suspension de douze mois accord?e relativement la prise d'etfet de la Declaration d'invalidit?. [137] Le Tribunal est d?opinion que la Cour supr?me a reconnu qu'il revenait au parlement f?d?ral de d?terminer ce qui constitue un acte criminel ou non en matiere d'aide au suicide et, en particulier, en matiere impliquant des adultes capables de consentir clairement a mettre fin a leurs jours et (ii) qui sont affect?s de problemes de sant? graves et irr?m?diables leur causant des souffrances persistantes et intol?rables au regard de leur condition. [Soulignement ajout?] [138] Dans un tel contexte, le Tribunal retient ?galement que les provinces ont et continueront de jouer un role important en matiere de sant?, mais ce role, si important puisse-t-il ?tre, sera n?anmoins compl?mentaire comme il l?a toujours a la competence exerc?e par Ie parlement f?d?ral en mattere criminelle, competence qui peut parfois toucher la sant?. Les provinces pourront donc I?gif?rer sur la m?thode appropri?e de dispenser I?Aide m?dicale a mourir dans les cas qu?aura permis le parlement f?d?ral dans l?exercice de sa competence en matiere criminelle. [139] En adoptant la Loi permettant aux m?decins d?o?rir l'Aide m?dicale a mourir aux patients qui le demanderont a compter du 10 d?cembre 2015, le l?gislateur qu?b?cois a certes exerc? son pouvoir de I?gif?rer en matiere de sant?. Par ailleurs, en ce faisant, il a pris un certain risque en ?dictant des dispositions l?gislatives qui touchent a l?aide a mourir et qui sont couvertes par les articles 14 et 241 b) du Code criminel. Encore une fois, et ceci ?tant dit avec Ie plus grand respect, d?ajouter Ie mot m?dicale a l?expression aide a mourir ne peut a lui seul avoir pour effet de mettre a l'abri des dispositions legislatives provinciales incompatibles avec la legislation fed?rale en matiere criminelle, competence conf?r?e exclusivement au parlement f?d?ral par la Constitution. [140] Force est de constater que dans Ie contexte actuel fort particulier, a son entr?e en vigueur, les dispositions de la Loi au niveau de I?Aide m?dicale a mourir, vont contrevenir directement aux articles 14 et 241D) du Code criminal en permettant aux m?decins d?aider au suicide de patients qui seront alors ?ligibles en vertu de la Loi et qui l?auront demander, a tout le moins pour la p?riode allant du 10 d?cembre 2015 au 6 f?vrier 2016, date de prise en effet de la Declaration d?invalidit? dans l?arr?t Carter. [141] Malgr? ce qui precede, Ia PGQ insiste sur Ie principe de la pr?somption de validit? des lois dont la Loi doit b?n?ficier. 500-17-082567-143 PAGE: 28 [142] Certes, a ce stade des proc?dures, Ia juga saisi da Ia raqu?ta doit tanir pour acquis que la masure legislative a adopt?a pour la bian du public ?16, et ce, dans notre soci?t? 00 la notion de [U'int?r?t public comprand a la fois les int?r?ts da I'ansambla da la soci?t? atlas int?r?ts particuliars da groupas identifiablas ?17. [143] N?anmoins, comme I?ont sugg?r? les avocats repr?sentant Ia PGC et la Coalition, Ie Tribunal doit constater I'existence d?une situation de conflit I?gislatif manifeste qui entraine n?cessairement I?application da la doctrine de la pr?pond?rance f?d?rale, tant au niveau de I?incompatibilit? des dispositions de la Loi ayant trait a I?Aida m?dicala a mourir par rapport au texte actual des articles 241 b) at 14 du Code criminal toujours valides et en vigueur (ii) qu'au niveau de l?incompatibilit? de ces memes dispositions de la Loi avec l?objectif et l?intention desdits articles du Code criminal. [144] Nous sommes en presence de dispositions provinciales pr?sum?es valides qui entrent en conflit avec des dispositions f?d?ralas, toujours valides at an vigueur, et ea, jusqu'a la prise d?effet de la Declaration d?invalidit? prononc?e par la Cour supreme dans l?arr?t Carter. [145] Les dispositions legislatives a I??tude sont en contradiction expresse et elles ne peuvent s?appliquer ensemble au point de vue pratique et op?rationnel a un conflit v?ritable, comme lorsqu'une loi dit ?oui? et que I'autre dit ?non?; ?on demande aux memes citoyens d'accomplir des actes incompatibles?; l?observance de l?une entraine I'inobservance de I'autre.18 [146] Ainsi, dans le contexte actuel, de la perspective du patient, Ie majeur apte a consentir aux soins, ne peut formuler la demande d'Aide m?dicala a mourir (article 26 de la Loi) sans violer l'article 14 du Code criminal. [147] Du point de vue du m?decin qui administre I'Aide m?dicale a mourir (article 30 de la Loi), iI peut ?tre d?clar? coupable d?un acte criminal au sens de I?article 241b) du Code criminal. [148] Les assurances offertes par la PGQ en I?absenca du Directeur des poursuites criminelles et p?nales quant a I'absence de poursuites criminelles contre les m?decins en vertu de I'article 241b) C.cr. peuvent ?tre attirantes, mais elles ne constituent pas une solution acceptable au conflit entre les Iois f?d?rales at les Iois provinciales. [149] La PGQ invoque I'article 50 de la Loi qui permet au m?decin de refuser d?administrer l?Aide m?dicala a mourir. Implicitement, d?aucuns pourraient affirmer qu'il '6 Harper c. Canada (Procureur g?n?ral), 2000 CSC 57, par. 9. ?7 - Macdonald Inc. c. Canada (Procureur ge?n?ral), [1994] 1 R.C.S. 311. ?5 Multiple Access c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161, 191, repris dans Law Society of British Columbia 0. Mangat, 2001 CSC 67, par. 69; Voir aussi Smith 0. La Heine, [1960] R.C.S. 776, 800 l?ob?issance a une loi implique Ia d?sob?issance a I?autre 500-17-082567-143 PAGE: 29 est possible pour le m?decin de respecter les deux Iois en s'abstenant d'administrer l?Aide m?dicale a mourir, c?est-a-dire que I?observance de la loi la plus stricte entraine n?cessairement le respect de l?autre 19. [150] Avec ?gard, un tel raisonnement apparait superficiel, car l?on ne tient pas compte du sens ?tendu de la notion de contradiction expresse qui comprend Ie conflit r?el d?application des lois, a savoir les situations or) I'application de la loi provinciale a pour effet de d?jouer I?intention du Parlement ?20. [151] Or, jusqu'a la prise d?ettet de la Declaration d?invalidit? de I?arr?t Carter, I'intention du legislateur f?d?ral de criminaliser I?aide a mourir, compris celle dans un contexte medical, demeure. [152] Par ailleurs, Ie simple refus du m?decin d?offrir I?Aide me?dicale a mourir est insuffisant au sens de l?article 50 de la Loi, car celui-ci doit respecter la procedure pr?vue a l?article 31 de la Loi qui lui impose I'obligation de transf?rer la demande d?Aide m?dicale a mourir en vue d?assurer son suivi et sa realisation. [153] En mati?re de la doctrine de la pr?pond?rance f?d?rale, le Tribunal retient les enseignements suivants de la Cour supreme dans l?arr?t Ou?bec (Procureur g?n?ral) 0. Canadian Owners and Pilots Association21 G. La preponderance f?d?rale [62] Contrairement a la doctrine de l'exclusivit? des competencesI laguelle se rapporte a la port?e de la competence f?d?rale, celle de la pr?pond?rance f?d?rale se rapporte a la fapon dont la competence est exerc?e. La doctrine de la pr?pond?rance est pertinente lorsgu?un conflit oppose une loi f?d?rale a une loi provinciale. Comme le juge Major l'a expliqu? dans Fiothmans, au par. 11, [s]elon Ia doctrine de la pr?pond?rance des Iois f?d?rales, en cas de conflit entre une loi f?d?rale et une loi provinciale qui sont validement adopt?es, mais qui se chevauchent, la loi provinciale devient inop?rante dans la mesure de I?incompatibilit?. [63] La doctrine de I?exclusivit? des competences a pour effet d?annuler l??ventuelle incompatibilit? entre une loi t?d?rale et une loi provinciale en rendant la loi provinciale inapplicable dans la mesure ou elle entrave l?exercice d?une activit? relevant du coeur d?un pouvoir f?d?ral. Comme j'ai conciu que la doctrine de l?exclusivit? des competences permet de trancher le present Iitige, il n?est pas n?cessaire de tenir compte de celle de la preponderance f?d?rale. Toutefois, ?9 Law Society of British Columbia c. Mangat, 2001 CSC 67, par. 72. 20 Law Society of British Columbia 0. Mangat, 2001 CSC 67, par. 69, cit? par Quebec (Procureur g?n?ral) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, par. 64 et Colombia-Britanique (Procureur general) c. Lafarge Canada Inc.. 2007 CSC 23, par. 84. Voir aussi Rothmans, Benson Hedges Inc. c. Saskatchewan, 2005 CSC 13, par. 11-14. 2? 2010 see 39, [201012 nos. 536. 500-1 7-082567-143 PAGE: 30 compte tenu des arguments pr?sent?s par les parties, i peut ?tre utile d'examiner I?applicabilit? de cette doctrine. [64] Deux formes de conflit di??rentes permettent d?invoquer la pr?pond?rance. La premiere est la conflit d?application entre une f?d?rale et une loi provinciale, ou une loi dit et I?autre dit non de sorte que I?observance de l?une entraine I?inobservance de l?autre Multiple Access Ltd. c. McCufcheon, [1982] 2 R.C.S. 161, p.191, Ie juge Dickson. Dans Bangue de Montr?alc. HallI 1 R.C.S. 121, p. 155, la iuge La Forest a relev?, pour ie critere de la preponderance, un deuxieme voiet selon leguel il est possible de se conformer aux deux textes m?me si la loi provinciale est incompatible avec l'obiet de la loi f?d?rale voir aussi Law Society of British Columbia 0. Mangat, 2001 080 67, [2001] 3 R.C.S. 113, par. 72; Lafarge Canada, par. 84. La regle de la pr?pond?rance f?d?rale peut donc s?appliquer s?il est impossible de se conformer aux deux textes ou si la realisation de l?obiet d?une loi f?d?rale est entrav?e Rothmans, par. 14. [65] n?est pas question en I'esp?ce d'un conflit d?application; selon la loi f?d?raie, ?oui, vous pouvez construire un a?rodrome? mais selon la loi provinciale, non, vous ne Ie pouvez pas Toutefois, la loi f?d?rale n?exige pas la construction d'un a?rodrome. Par cons?quent, pour reprendre les termes employ?s par Ie juge Dickson dans McCutcheon, l?observance de I'une n'entraine pas l'inobservance de I'autre. En I'espece, il est possible de se conformer tant a la loi provinciale qu?a la loi f?d?rale en d?molissant I'a?roport. [66] La question est donc de savoir si la loi provinciale est incompatible avec l'objet de la loi f?d?rale. Pour d?terminer si la loi contest?e entrave Ia r?alisation d?un objectif f?d?ral, il faut examiner le cadre r?glementaire qui r?git Ia d?cision de construire un a?rodrome. Le fardeau de la preuve incombe a la personne qui invoque Ia doctrine de la pr?pond?rance f?d?raie: Lafarge Canada, par. 77. Cette personne doit prouver que la loi contest?e va a I'encontre de l'objet d'une loi f?d?rale. Pour ce faire, elle doit d?abord ?tablir l'obiet de la loi f?d?rale pertinente et ensuite prouver que la loi provinciale est incompatible avec cet obiet. La norme d'invalidation d?une provinciale au motif qu'elle entrave la realisation de l?objet f?d?ral est ?lev?e; une loi f?d?rale permissive, sans plus, ne permettra pas d??tablir I'entrave de son objet par une loi provinciale qui restraint la port?e de la permissivit? de la loi f?d?raie: voir 114957 Canada Lt?e (Sprayfech, Soci?t? d?arrosage) 0. Hudson (Villa), 2001 080 40, [2001] 2 241. [Soulignements et caractere gras ajout?s] [154] En I?espece, i ne fait aucun doute dans l?esprit du Tribunal que nous faisons face a un conflit op?rationnel puisque l?observance de la Loi en mati?re de I?Aide m?dicale a mourir va entrainer l?inobservance du Code criminal au niveau de ses articles 14 et 241b) 500-17-082567-143 PAGE: 31 [155] Selon l?avocate de la PGC, le refus par la PGQ de suspendre l?application des articles de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir lors de l?entr?e en vigueur de la Loi, Ie 10 d?cembre 2015, entrainera des lors un prejudice s?rieux et irreparable en ce que les m?decins faisant l?objet d?une demande d?Aide m?dicale a mourir seront confront?s a acc?der a une telle demande de leurs patients en observance de la Loi et commettre par le fait m?me un acte qui est toujours criminel en vertu du Code criminel. [156] Force est de constater une incompatibilit? directe et flagrante entre les dispositions en question de la Loi et celles du Code criminel a ce sujet. [157] Les dispositions de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir sont, a I'heure actuelle, incompatibles avec l'objet recherche par Ie parlement f?d?ral dans les dispositions actuelles des articles 14 et 241 b) du Code criminel. [158] va donc de soi que l'application imm?diate des articles de la Loi ayant trait a I?Aide m?dicale a mourir des son entree en vigueur va aussitot entraver la realisation de l?objet de dispositions pertinentes du Code criminel, et ce, a tout le moins pour la p?riode allant du 10 d?cembre 2015 jusqu?a Ia prise en effet de la Declaration d'invalidit? de l?arr?t Carter. [159] Le Tribunal conclut donc qu?en l?espece, il a lieu de donner pr?s?ance aux dispositions du Code criminel qui nous int?ressent, lesquelles, faut-il le rappeler, sont toujours valides et en vigueur en date des pr?sentes. [160] La doctrine de la pr?pond?rance f?d?rale (the doctrine of paramountcy) doit trouver application en l?espece. [161] Pour mieux appr?cier les effets d?une telle doctrine, il est utile de citer les propos suivants de l'auteur Peter W. Hogg ?The most usual and most accurate wav of describing the effect lot inconsistency] on the provincial law is to say that it is rendered inoperative to the extent of the inconsistency. There is also a temporal limitation on the paramountcy doctrine. It will affect the operation of the provincial law only so long as the inconsistent federal law is in force. If the federal law is repealed, the provincial law will automatically ?revive? (come back into operation] without any re-enactment by the provincial Legislature. It is not accurate to describe the effect of the paramountcy doctrine as the ?repeal? of the provincial law. The federal Parliament cannot repeal a provincial law. Moreover, a repealed law does not revive on the repeal of the repealing law. Nor is it accurate to describe the effect of the paramountcy doctrine as rendering the provincial law ultra vires, invalid or unconstitutional. Such a description confuses validity with consistency. The federal Parliament cannot unilaterally take away from a provincial Legislature any power that the Constitution confers upon the Legislature. The provincial power to enact the law is not lost; it continues to exist (so does the provincial law), although it remains in abeyance 500-17-082567-143 PAGE: 32 until such time as the federal Parliament repeals the inconsistent federal law. This is why the only satisfactory description of the effect of the paramountcy doctrine is that it renders inoperative the inconsistent provincial law?? [Soulignement ajout?] [162] Ainsi, des que Ie constat est fait que les articles de la Loi concernant I?Aide m?dicale a mourir entrent en conflit avec les articles 14 et 241 b) du Code criminel, que les dispositions de ces articles sont incompatibles avec la loi f?d?rale et que la realisation de l'objet de cette loi f?d?rale est entrav?e par ces dispositions incompatibles, Ia doctrine de la preponderance f?d?rale s?applique, at ca, jusqu?a ce que I?incompatibilit? disparaisse. [163] Par consequent, jusqu?a Ia prise d'effet de la Declaration d?invalidit? prononc?e par la Cour supreme dans I?arr?t Carter, les articles 14 et 241b) du Code criminel rendent inop?rants les articles 26 a 32 inclusivement de la Section II de la Loi intitul?e ?Aide m?dicale a mourir ainsi que l?article 4 de ladite Loi, dans la mesure ou les dispositions de cet article visent ou touchent I?Aide m?dicale a mourir. [164] A la lumiere des propos de I?auteur Hogg, le Tribunal retient ?galement que - l?application de la doctrine de la pr?pond?rance f?d?rale n?a pas pour effet d?invalider ou d?abroger la Loi ou de rendre celle?ci ultra vires, invalide ou inconstitutionnelle; - il ne faut pas confondre Ia notion de validit? avec celle de I?incompatibilit?; - dans un contexte ou la doctrine de la pr?pond?rance f?d?rale pr?vaut, Ie parlement f?d?ral n?a pas le pouvoir non plus d?abroger une loi adopt?e validement par la legislature qu?b?coise, qui ne perd pas pour autant son pouvoir de I?gif?rer en la matiere; et - les dispositions de la loi provinciale incompatibles avec la loi f?d?rale demeureront inop?rantes jusqu'a ce que le parlement f?d?ral ?limine cette incompatibilit? a son niveau. [165] Dans la pr?sente affaire, on ne pourrait avoir une illustration plus ?loquente de l?incompatibilit? entre les dispositions de deux lois et une entrave au but recherche par la loi f?d?rale. [166] Les avocats de la PGC, de la Coalition et du m?decin Saba, entre autres, ont bien mis en lumiere ces incompatibilit?s qui ne sont nullement limit?es a la situation du demandeur, mais qui affectent ?galement tous les m?decins et autres intervenants du 22 Peter W. HOGG, Constitutional Law of Canada, 53 vol. 1, Toronto, Carswell, 2007.1euilles mobiles, a jour en 2007, par. 16.6. 500-17-082567-143 33 systeme de sant? qu?b?cois, lesquels, des Ie 10 d?cembre 2015, seront directement impliqu?s dans la mise en oeuvre des demandes d?Aide m?dicale a mourir de citoyens alors ?ligibles. [167] Nier cette incompatibilit? flagrante, c?est nier I??vidence m?me. [168] L?avocate de la PGQ propose qu'il s'agit d?un faux d?bat, car les articles 14 et 241 b) du Code criminel sont sur Ie respirateur artificiel en raison de la Declaration d?invalidit? de l?arr?t Carter. [169] Avec respect, Ie Tribunal ne partage pas cette optique qui fait abstraction de constats incontournables a la lecture de I?arr?t Carter. [170] A cet ?gard, le Tribunal a note et doit retenir les constats suivants qui doivent ?tre consid?r?s dans la pr?sente decision - la PGQ ?tait repr?sent?e et a particip? a I?audience de la Cour supreme dans I?a?aire Carter en octobre 2014; - la Cour supreme ?tait au courant que I'Assembl?e nationale du Qu?bec avait adopt? la Loi en juin 2014 et que cette Loi allait entrer en vigueur Ie 10 d?cembre 2015, tel qu'en fait foi son article 78; - a I?audience, Ia Cour supr?me a sensibilis?e a I?approche du gouvernement du Quebec en matiere d'Aide m?dicale a mourir que la Cour supreme qualifie d?approche l?gerement diff?rente par rapport a la situation qui avait I?objet de I'arr?t PHS Community Services Society23 24en 2011 [52] Les appelants et la procureure g?n?rale du Quebec (qui est intervenue sur ce point) affirment qu?il est possible de d?finir avec precision le contenu essentiel de la competence en matiere de sant? et, par consequent, d??tablir une distinction d'avec l'arr?t PHS. contenu essentiel propos? par les appelants est d?crit comme le pouvoir d'administrer Ie traitement m?dical n?cessaire lorsgu'aucun autre traitement ne peut r?pondre aux besoins du patient par. 43). Le Quebec adopte une d?marche I?gerement diff?rente en d?finissant Ie contenu essentiel comme Ie pouvoir de d?cider du type de soins de sant? a offrir aux patients et de superviser Ia proc?dure relative au consentement reguis pour ces soins par. 7). [Soulignements et caractere gras ajout?s] 23 2011 030 44, [201113 R.C.S. 134. 2? Voir la citation au paragraphe 123 ci-devant concernant I'arr?t la position de la Cour supreme du Canada dans l?arret PHS. 500-17-082567-143 PAGE: 34 - la Cour supreme n'a pas retenu Ia position de la PGQ Nous ne sommes pas convaincus par les arguments selon lesquels il est possible de faire une distinction d'avec PHS, compte tenu des mots vagues employ?s dans les d?tinitions propos?es du conte?nu essentiel de la competence provinciale en matiere de sant?. A notre avis, les appelants n?ont pas ?tabli que la prohibition de l?aide m?dicale a mourir empiete sur le contenu essentiel de la comp?tence provinciale. La sant? est un domaine de comp?tence concurrente; le Parlement et les provinces peuvent validement I?git?rer dans ce domaine: FUR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur g?n?ral), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 32; Schneider 0. La Heine, [1982] 2 R.C.S. 112, p. 142. Ceci Iaisse croire que les deux ordres de gouvernement peuvent validement l?gif?rer sur des aspects de I?aide m?dicale a mourir, en tonction du caract?re et de I?objet du texte legislatif. Le dossier gui nous a soumis ne nous convainc pas gue Ia competence provinciale en matiere de sant? exclut la competence du Parlement f?d?ral de l?git?rer sur l?aide m?dicale a mourir. s'ensuit gue la pr?tention fond?e sur l'exclusivit? des comp?tences ne peut ?tre retenue. [Soulignements ajout?s] - apr?s avoir d?clar? que I?aIin?a 241b) et Part. 14 du Code criminel portent atteinte de maniere injustifi?e a I?art. 7 de la Charte et sont inop?rants dans la mesure ils prohibent I?aide d?un m?decin pour mourir a une personne adulte capable qui 1) consent clairement a mettre fin a sa vie; et qui (2) est affect?e de problemes de sant? graves et irr?m?diables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) causant des souffrances persistantes qui Iur' sont intole?rables au regard de sa condition. la Cour supreme a d?cid? de suspendre Ia prise d'effet de sa Declaration d?invalidit? pendant une p?riode de 12 mois a compter du 6 f?vrier 2015; en se prononcant comme suit au paragraphe 126 de I?arr?t Carter, Ia Cour supreme ne Iaisse pas Ie champ completement ouvert au Qu?bec en matiere de l?Aide m?dicale a mourir; l'implication du parlement f?d?ral en matiere criminelle qui touche la sant? demeure toujours pertinente [126] la mesure ou les dispositions legislatives contest?es nient les droits que l'art. 7 reconnait aux personnes comme Mme Taylor, elles sont nulles par application de Part. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. II appartient au Parlement aux legislatures provinciales de r?pondre, si elles choisissent de le faire, en adoptant une compatible avec les parametres constitutionnels ?nonc?s dans les presents motifs. [Soulignements et caractere gras ajout?s] 500-17-082567-143 PAGE: 35 - au paragraphe 127, la Cour supreme prend la peine de pr?ciser ce qui suit: [127] declaration [d?invalidit?] est cens?e s?appliquer aux situations de fait que pr?sente l?espece. Nous ne nous prononcons pas sur d?autres situations of: I'aide m?dicale a mourir peut ?tre demand?e. - au paragraphe 128, la Cour supreme se dit d?avis de suspendre Ia prise d?effet de la Declaration d'invalidit? pendant douze mois jusqu'au 6 f?vrier 2016, c'est-a-dire, la P?riode de suspension; - puis, au paragraphe 129, la Cour supreme refuse de permettre la mise en place d?une procedure ou d'un m?canisme d?exemption pendant Iadite p?riode de 12 mois au cours de laquelle la prise d'effet de la D?claration d?invalidit? allait ?tre suspendue [129] Nous refusons d?acc?der a la demande des appelants de cr?er une procedure d'exemption pendant la p?riode au cours de laquelle la prise d?effet de la declaration d'invalidit? est suspendue. Puisque Taylor est maintenant d?c?d?e et qu'aucune des autres parties au litige ne demande une exemption personnelle, il ne s?agit pas d'un cas or] ii convient de cr?er un tel m?canisme d'exemption. [171] A la lumiere de I?ensemble de ces declarations faites et d?cisions prises par la Cour supreme dans la cadre de l'a?aire Carter et consid?rant que la PGQ ?tait repr?sent?e et participait a I?audience et que la Cour supreme ?tait au courant de l'existence de la Loi et de la date de son entr?e en vigueur, Ie Tribunal ne peut d?celer un seul indice permettant de conclure que Ie Qu?bec n'?tait pas vis? par la P?riode de suspension et par le refus de permettre la mise en place d?un m?canisme d'exemption pour ceux et celles voulant se pr?valoir de la Declaration d?invalidit? durant Iadite P?riode de suspension en autant qu?ils ou elles respectent les parametres constitutionnels alors trac?s. [172] La Cour supreme ne pouvait ignorer que la Loi allait entrer en vigueur en d?cembre 2015 en pleine P?riode de suspension et pourtant, elle a refuse de permettre tout m?canisme d?exemption pendant cette suspension. [173] Malgr? que la Loi adopt?e avant l'arr?t Carter puisse parai?tre comme ?tant l??quivalent d?un m?canisme d?exemption bien ?labor? et bien d?fini par le I?gislateur qu?b?cois, force est de constater que la Cour supreme n?a pas jug? opportun de l'exempter de la P?riode de suspension. [174] Outre Ie fait que la Loi est valide et repr?sente la volont? I?gitime du I?gislateur qu?b?cois, l?avocate de la PGQ n'a offert aucune explication pouvant justifier que le Qu?bec ignore et simplement passe outre a I?arr?t Carter et la P?riode de suspension. 500-17-082567-143 PAGE: 36 [175] Avec tous les ?l?ments et faits qui avaient port?s a la connaissance de la Cour supr?me qui a eu I?opportunit? de prendre connaissance de la Loi, celle-ci, face a une demande de permettre la mise en place d?un m?canisme d?exemption pendant la P?riode de suspension, aurait facilement pu permettre pendant cette p?riode la mise en oeuvre du m?canisme retenu par le Qu?bec en matiere d?Aide m?dicale a mourir. [176] La Cour supr?me ne I?a pas tait. [177] Le Tribunal n'y voit pas pour autant un signe de d?sapprobation de la Loi de la part de la Cour supreme, mais plutot un signe de respect de nos institutions I?gislatives et des deux paliers de gouvernement qui continuent de se partager le domaine de la sant? dans un contexte ou I?aspect criminel ne peut ?tre ignor?, sans doute dans l?espoir que les deux ordres de gouvernements trouvent ensemble une solution harmonieuse dans Ie respect de la population at de ses attentes ponctuelles. [178] Dans un tel contexte, il est fortement souhaitable de voir quelle sera Ia solution legislative qu?entendra apporter le parlement f?d?ral en matiere criminelle a la question de l?Aide m?dicale a mourir, une probl?matique fort pr?oocupante qui ne peut plus ?tre ignor?e compte tenu des constats faits et des conclusions tir?es par la Cour supreme dans l'arr?t Carter. [179] Apres tout, en relisant a nouveau les propos suivants de la Cour supreme dans l?arr?t Carter, on peut ais?ment comprendre pourquoi celle?ci a jug? opportun d?accorder un d?lai de suspension de douze mois de sa declaration d'invalidit?. La Cour supreme s?attendait a ce que le parlement f?d?ral l?gifere pendant cette p?riode de temps: [126] appartient au Parlement et aux legislatures provinciales de r?pondre, si elles choisissent de le faire. en adoptant une compatible avec les parametres constitutionnels ?nonc?s dans les pr?sents motifs. [53] notre avis, les appelants n'ont pas ?tabli que la prohibition de l'aide m?dicale a mourir [du Code criminel] empiete sur le contenu essentiel de la competence provinciale. La sant? est un domaine de competence concurrente; le Parlement et les provinces peuvent validement I?gif?rer dans ce domaine. Ceci laisse croire que les deux ordres de gouvernement peuvent validement I?gif?rer sur des aspects de l'aide m?dicale a mourir, en fonction du caractere et de l?objet du texte l?gislatif. Le dossier qui nous a soumis ne nous convainc pas que la competence provinciale en matiere de sant? exclut la competence du Parlement f?d?ral de I?gif?rer sur l?aide m?dicale a mourir. s'ensuit que la pr?tention fond?e sur l'exclusivit? des competences ne peut ?tre retenue. [180] En conclusion, a la lumiere de la preuve soumise et des observations des diverses parties et intervenants, le Tribunal constate qu?a leur entr?e en vigueur le 10 d?cembre 2015, les articles de la Loi concernant I?Aide m?dicale a mourir seront en conflit avec les articles 14 et 241b) du Code criminel, que les dispositions de ces 500-17?082567-143 PAGE: 37 articles sont incompatibles avec cette loi f?d?rale et que la realisation de l?objet de cette f?d?rale sera des lors entrav?e par ces dispositions I?gislatives incompatibles. [181] Face a un tel constat, il a done lieu que la Tribunal applique la doctrine de la pr?pond?rance f?d?rale, laquelle continuera de s?appliquer jusqu?a ce que l?incompatibilit? avec les articles 14 at 241b) du Code criminal disparaisse lors de la prise d?effet de la Declaration d'invalidit? desdits articles 14 at 241b) du Coda criminal prononc?e par la Cour supreme du Canada dans l?arr?t Carter. [182] Par consequent, il a ?galement lieu pour la Tribunal de d?clarer que jusqu?a la prise d?e?et de la Declaration d?invalidit? des articles 14 et 241b) du Code criminal prononc?e par la Cour supreme dans l?arr?t Carter, lesdits articles 14 at 241 b) du Coda criminal rendent inop?rants les articles 26 a 32 inclusivement de la Loi (Section II intitul?e Aida m?dicala a mourir ainsi que l?article 4 de la Loi, dans la mesure ou les dispositions de cat article visent ou touchent I?Aida m?dicala a mourir. [183] Dans un tel contexte, vu l?application de la doctrine de la preponderance f?d?rale en l?esp?ce at la suspension da facto de la mise an application des articles susmentionn?s de la Loi en d?coulant en raison de la declaration de leur caractere inop?rant actuel, le Tribunal constate ?galement que le prejudice s?rieux at irreparable invoqu? au soutien de la demande d'injonction provisoire n?est plus pr?sent, tout comma I??l?ment d'urgence d??mettre une talle ordonnance d?injonction provisoire. [184] L?injonction provisoire demand?e afin de suspendre tamporairement la misa an application desdits articles a l?entr?e en vigueur de la Loi, le 10 d?cembre 2015, deviant sans objet en raison de l?incompatibilit? de ces dispositions avec les articles 14 at 241 b) du Coda criminal et de l'application da la doctrine de la pr?pond?rance f?d?rale aux pr?sentes, ces articles ?tant inop?rants des I?entr?e en vigueur de la Loi, at ca, jusqu?a ce que catte incompatibilit? disparaisse avec la prise d?effet de la Declaration d?invalidit? des articles 14 at 241 b) du Coda criminal prononc?e par la Cour supreme dans I'arr?t Carter. [185] Enfin, I'intervenante Coalition a soulign? qu?? il a liau da donnar pr?s?ance aux dispositions du Coda criminal at da faira droit aux conclusions racharch?as par les raqu?rants ?25. La position de l?avocate de la PGC ?tait au m?me effet. Or, la doctrine da pr?pond?rance f?d?rale ne constitue pas un des critaras pour accuaillir la demande d'injonction interlocutoire provisoire des demandeurs. [186] Dans les circonstances actualles, a lieu de rajeter sans frais Ia requ?te des demandeurs pour l??mission d?une injonction provisoire. 25 Plan d?argumentation de l'intervenanta Euthanasia Prevention Coalition, par. 18. 500-1 7-082567-143 PAGE: 38 PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL [187] REJETTE Ia regu?te des demandeurs pour l?obtention d?una inionction provisoire dans la pr?sante instance; [188] REFERE les parties au Maitre des roles da la Cour sup?rieure du district [udiciaira de Montreal afin de fixer una date pour l'audition de la requ?te an inionction interlocutoire' [189 CONSTATE qu?a l?entr?e an vigueur de la Loi concernant les soins da fin da vie? (la Loi la 10 d?cembre 2015, les articles de cette Loi concernant I?Aida m?dicala a mourir seront en conflit avec les articles 14 at 241b) du Code criminal, qua ces articles sont incompatibles avec cette loi f?d?rale at que la realisation de l?objet de cette loi f?d?rale sera d?s lors entrav?e par ces dispositions I?gislatives incompatibles; [190] DECLARE qu'en raison dudit constat, la doctrine de la pr?pond?ranca f?d?rale s?applique en l?espaca at qu?elle continuera a s?appliquer jusqu?a ce que l?incompatibilit? avec les articles 14 at 241b) du Code criminal disparaisse lors de la prise d?affet de la Declaration d?invalidit?, ci-apres d?crite, prononc?e par la Cour supreme du Canada dans l?arr?t Carter [2015 080 5] [147] 241b) at l'art. 14 du Code criminal portent atteinte da maniere injustifi?e a l?art. 7 de la Charta at sont inop?rants dans la mesure oti ils prohibent l'aide d?un m?decin pour mourir a une personne adulte capable qui (1) consent clairement a mettre fin a sa vie; at qui (2) est a?ect?a de problemes da sant? graves at irr?m?diables (y compris une affection, una maladie ou un handicap) lui causant des souffrances parsistantes qui lui sont intol?rables au regard de sa condition. [la D?claration d?invalidit? [191] DECLARE que jusqu?a la prise d?affet de la Declaration d?invalidit? des articles 14 at 241b) du Code criminal prononc?e par la Cour supreme du Canada dans l?arr?t Carter, lesdits articles 14 at 241 b) du Code criminal rendent inop?rants les articles 26 a 32 inclusivement de la Loi (Section II intitul?e ?Aida m?dicala a mourir ainsi que I?articla 4 de la Loi, dans la mesure or] les dispositions de cet article visent ou touchent l?Aida m?dicala a mourir 26 RLRQ, c. 332.0001. 500?17-082567-143 PAGE: 39 [192] LE TOUT, sans frais. MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S. Me G?rard Samet Colas Moreira Kazandjian Zikovsky et Me Dominique Talarico Prooureurs des demandeurs Me Manon Des Ormeaux Me Marilene Boisvert Me Jean-Yves Bernard Direction g?n?rale des affaires juridiques et Ie?gislatives Procureur de la d?fenderesse Me Nadine Dupuis Ministere de la Justice Canada Procureur de la mise en cause Procureur g?n?ral du Canada Me Robert E. Reynolds Procureur de l?intervenante Alliance des chr?tiens en droit Me Pierre Y. Lefebvre Fasken Martineau DuMouIin Procureur de l?intervenante Euthanasia Prevention Coalition Date d?audience: 24 novembre 2015