REPUBLIQUE DU MALI Pr?sidence de la R?publique Programme Sp?cial pour la Paix, la S?curit? et le D?veloppement dans le Nord du Mali ETUDE SUR LES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL DES REGIONS NORD DU MALI (TOMBOUCTOU, GAO, KIDAL) (Mai 2011 mars 2012) Ibrahim AG YOUSSOUF Ferdaous BOUHLEL Andr? MARTY Jeremy SWIFT Financement et Ambassade Suisse SOMMAIRE 1 . ORGANISATION ET DEMARCHE Ancrage institutionnel de I??tude .. 4 1.1.2 D?roulement de I??tude ?lapes et calendrier .. 4 1.1.3 Composition de l??quipe charg?e de l??tude .. 5 1.2 LA MISSION DE DEMARRAGE DE (MAI 2011) .. 5 1.2.1 Comprehension de la demande adress?e 91a mission 6 1.2.2 Proposition d?axes prioritaires de d?veloppement pour le Nord 7 1 .2.3 Preparation et m?thodologie des ?tapes suivantes de l??tude .. 10 1.3 PRISE EN COMPTE DE DU CONTEXTE .. 10 (ENTRE MAI ET NOVEMBRE 201 1) 10 1 .4 REMARQUES CONCERNANT DE SEGOU .. 10 1 .5 PLAN DU PRESENT RAPPORT .. 12 1.6 LE TEMPS DE LA REDACTION PERTURBE ET 12 2. DES ENTRETIENS DU TERRAIN .. 14 2.1 OBJECTIFS ET METHODOLOGIE .. 14 2.2 REPRESENTATIONS DES DIFFERENTES FORMES DE POUVOIR .. 16 2.2.1 L?Etat ..16 2.2.2 Le pouvoir dans le syst?me traditionnel .. 24 2.2.3 Les collectivit?s locales et la decentralisation .. 26 2.3 LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL PERCEPTIONS ET EXPERIENCES 32 2.3.1 Le d?veloppement .. 32 2.3.2 Confusion sur les moyens allou?s au d?veloppement .. 33 2.3.3 Le manque dc pertinence et d?ef?cacit? des projets .. 33 2.3.4 Une d?motivation g?n?ralis?e .. 34 2.3.5 Focus sur une r?gion Kidal 35 2.3.6 Au sujet de la ?xation des nomades .. 35 2.3.7 Perceptions des ?volutions dans trois domaines de d?veloppement ?conomique et social .. 37 3. CONTRIBUTION A DES LIEUX .. 42 3.1 REMARQUES LIMINAIRES .. 42 3.2 UNE SITUATION DE PLUS EN PLUS COMPLEXE ET TENDUE .. 43 3.2.1 Insecurit? physique des personnes et des 43 3.2.2 Ins?curit? alimentaire .. 43 3.2.3 D?sarroi des populations vis-?-vis de 43 3.2.4 L?argent roi et l??rosion des valeurs soci?tales .. 44 3.3 LA DECENTRALISATION UN PROCESSUS EN PANNE .. 45 3.3.1 Bref rappel .. 45 3.3.2 Principales difficult?s relev?es .. 46 3.4 LE DEVELOPPEMENT UN BILAN MITIGE .. 47 3.4.1 Bref rappel historique .. 47 3.4.2 Constats actuels .. 50 Le d?veloppement selon les grands domaines d'activit? .. 50 3.4.2.2 Autour des r?sultats du d?veloppement .. 52 3.5 LE MANQUE DE CONFIANCE 53 3.6. FACTEURS .. 54 4. PROPOSITION CONCERNANT LES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL DES REGIONS DU NORD .. 56 4.1 REMARQUES LIMINAIRES .. 56 4.2 ETABLIR LA CONFIANCE ET LA PAIX DE FACON DURABLE 58 4.2.1 Vers une comprehension partag?e des enjeux .. 58 4.2.2 Proposition (16 d?marche pour instaurer 1a con?ance et la paix .. 58 4.3 UNE DECENTRALISATION PLUS POUSSEE COMME SOLUTION INSTITUTIONNELLE .. 59 4.3.1 Un acquis historique .. 59 4.3.2 Suggestions .. 60 4.4 VERS DES MODELES DE DEVELOPPEMENT MIEUX ADAPTES .. 62 4.4.1 Le processus de concertation - orientation en mati?re de d?veloppement et les d??s 51 relever .. 63 4.4.2 Le d?roulement de la d?marche .. 64 4.5 MESURES A TRES COURT TERME .. 65 4.6 DES PROPOSITIONS ET SCHEMA DE SORTIE DE CRISE .. 66 ANNEXES ANNEXE l: TERMES DE REFERENCES .. 69 ANNEXE 3: CANEVAS POUR LES GROUPES DE TRAVAIL 77 ANNEXE 4: VARIABILITE STRUCTURELLE .. 79 ANNEXE 5: LA QUESTION-CLE DE AUX CEREALES AU NORD-MALI .. 84 ANNEXE 6: PASTORALISME .. 90 ANNEXE 7: DANS LES REGIONS DU NORD MALI .. 94 ANNEXE 8: COMME OUTIL DE LA CONFIANCE .. 100 ANNEXE 9: AQMI AU NORD - MALI .. 102 1. ORGANISATION ET DEMARCHE DE 1.1 DE 1.1.1 Ancrage institutionnel de l?e?tude La presente etude a organis?e dans le cadre du Programme Special pour la Paix, la S?curit? et le D?veloppement dans le Nord du Mali Celui-ci a cr?? par le D?cret du 20 Juillet 2010. [1 se d?finit comme une ?administration de mission? en ?r?ponse d?urgence pour faire le lien entre la situation actuelle de risques s?curitaires et la reprise du processus du d?veloppement local dans les r?gions du Nord du Mali?. Il est a la recherche de solutions aux probl?matiques urgentes soulev?es, notamment pour la mise en place de strategies et de m?canismes pour r?unir les conditions minimales n?cessaires qui permettent de faire face a la s?curit?, et aux vulnerabilit?s dans les regions du Nord, par la mise en oeuvre d?actions de s?curit?, de gouvernance, de d?veloppement local et de communication?. Ces quatre notions constituent de fait les principales composantes du Programme. Plus pr?cis?ment, l??tude a congue dans le cadre de l?appui qu?apporte l?Agence Francaise de D?veloppement (AFD) au Par la suite, un complement a fourni par l?Ambassade de Suisse. L??tude porte sur ?les strategies de d?veIOppement ?conomique et social des r?gions du Nord?. Des 1e d?marrage, deux points ont specifies a l??quipe charg?e de l??tude Premierement, la r?flexion a mener doit porter sur les strategies des futurs programmes de d?veloppement qui viendraient apres 1e ou en parallele a celui?ci dont il est dit par ailleurs dans le document du projet qu?il ?n?a pas vocation a se substituer aux projets et programmes en cours?. Deuxiemement, i1 ne s?agit pas, a ce stade, de monter un nouveau programme de d?veloppement selon les m?thodes classiques mais de r?fl?chir en amont sur les conditions pr?alables qui devraient ?tre requises pour atteindre de meilleurs r?sultats que par le passe en matiere de d?veloppement. 1.1.2 D?roulement de l??tude ?tapes et calendrier La succession des trois ?tapes pr?vues dans les TDR a respect?e et appliqu?e selon le calendrier suivant a) Phase de d?marrage a Bamako 20 27 mai 20] 1 b) Toum?e d?entretiens dans les trois regions du Nord 8 juillet - 8 ao?t c) Phase principale avec atelier 2] novembre 12 d?cembre 2011 Deux rencontres au niveau de la Coordination du (25 novembre et ler d?cembre) Atelier de r??exion avec (163 participants venant des trois regions du Nord Pr?paration a Bamako R?alisation de l?atelier a S?gou 3 au 5 d?cembre (Foyer Gabriel Cisse?) - des travaux de l?atelier a Bamako S?ance de travail avec des repr?sentants des bailleurs de fonds 9 d?cembre, dans les locaux de Preparation de la restitution orale aupres du ainsi que du rapport (elaboration du plan et repartition des t?ches entre les membres) La restitution orale des travaux en ?n de mission n?a pas pu s?effectuer comme pr?vu initialement en raison de l?absence des responsables du 1.1.3 Composition de l??quipe charg?e de l??tude Celle-Ci est constitu?e de quatre personnes Ibrahim Ag Youssouf Ferdaous Boulhel Andr? Marty Jeremy Swift 11 convient de pr?ciser que les deux premiers bas?s au Mali ont oeuvre a toutes les phases de l??tude. Par contre, les deux demiers bases a l?ext?rieur ont seulement particip? a la phase de d?marrage et a la phase avec l?atelier. C?est dire qu?ils n?ont pas particip? a la toum?e de terrain. 1.2 LA MISSION DE DEMARRAGE DE (MAI 2011) Cette partie reprend les grandes lignes a la fois de la restitution orale effectu?e 1e 26 mai au siege du et celles de l?aide?m?moire remis au terme de la mission. Trois taches principales ont effectu?es au cours de cette premiere ?tape comprehension des TDR et de la demande, identification d?axes prioritaires concernant les strategies de d?veloppement, preparation et m?thodologie des ?tapes suivantes de l??tude. 1.2.1 Compr?hension de la demande adress?e ?1 la mission Cette demande est formalis?e dans les TDR d??nis dans le cadre du partenariat de avec le auxquels s?est ajout? un addendum ?manant de l?Ambassade de Suisse. Tous deux figurent en annexe du present rapport. D?embl?e, 1a mission a invit?e a prendre en compte deux points determinants pour son travail d?une part, 16 climat d?ins?curit? au Nord et, d?autre part, les interrogations au sujet des approches de d?veloppement qui ne parviennent pas a engager les dynamiques attendues. a) Coneernant le climat d?ins?curit? qui s?vissait dans le Nord a l??poque (m?me s?il ?tait moins aigu que quelques mois plus tard), les principaux ?l?ments qui le constituent sont mentionn?s dans les TDR ?une absence quasi-complete de la presence de l?Etat et de son administration en dehors des capitales re?gionales?, ?la corruption croissante?, ?la resurgence re?cente de [a r?beilion?, ?Zes tensions an sein des populations?, le ?d?veloppement des tra?cs illicites? (drogues, armes, cigarettes, sans oublier les migrants), la ?forte implantation des groupes terroristes proc?dant a des enl?vements d?occidentaux?, la stigmatisation de certaines communaut?s soupconn?es de complicit?. A cela s?ajoutaient a l??poque les craintes qui allaient se verifier au sujet des consequences de la guerre en Libye. En plus, les r?gions du Nord sortaient a peine de la s?cheresse fort ?prouvante de 2009 2010 qui avait renforc? encore plus le degr? de vulnerabilit? des populations. Tous ces facteurs qui s?accumulaient soulevaient ?videmment de fortes inqui?tudes pour la stabilit? du pays et de la sous?region et ne manquaient pas de pousser les partenaires du Mali a s?interroger sur lo ?que faire?? b) En mati?re de d?veloppement, des le premier contact avec la coordination du la mission a invit?e a r?fl?chir sur les limites des approches men?es jusqu?ici et les lecons a tirer pour l?avenir ?comment aider les regions du Nord a se d?velopper intelligemment??. Nul ne peut contester que depuis 1a fin des ann?es 90, de nombreux programmes et projets ont men?s dans les trois regions, des infrastructures et des batiments r?alis?s, des milliards d?pens?s, des d?marches etc. comme jamais auparavant. Mais un malaise persiste avec un fort sentiment d?insatisfaction. La decentralisation qui avait soulev? un grand espoir se trouve comme en panne, les effets esp?r?s d?une meilleure gouvernance et les services attendus (education, ne sont gu?re au rendez?vous. Le d?veloppement, un pcu partout, reste percu comme une opportunit? a capter des ressources externes et non d?abord comme un effort de valorisation des ressources intemes. Il ne parvient guere a des r?sultats durables et il faut perp?tuellement recommencer les memes operations (notamment apr?s chaque s?cheresse ou crise). Sur la base de ces constats qui renvoient au lien incontournable s?curit? d?ve10ppement et a la n?cessit? de revoir les approches de d?veloppement, l??quipe s?est mise a et a discuter, ce qui a d?bouch? sur la formulation d?axcs jug?s prioritaires pour le d?veloppement du Nord Mali. 1.2.2 Proposition d?axes prioritaires de d?veloppement pour le Nord Mali Ils ont au nombre de quatre. Ils sont ?labor?s 51 cc stade de d?marrage de l??tude a titre d?hypotheses de travail. Ils constituent en quelque sorte l??tat d?esprit dans lequel la mission a abord? 1e chantier qui lui est confi?. Nous redonnons ci-apr?s de larges extraits de l?aide?m?moire r?dig? en mai 20] 1. a) Etablir une volont? politique partag?e (Etat, partenaires techniques et financiers (PTF), collectivit?s territoriales, communaut?s, etc.), tant sur la s?curit? que sur le d?veloppement. L?id?e est de d?passer 1a situation d?ins?curit? par le developpement. Plus encore que quelques malheureux occidentaux, ce sont les pOpulations des regions du Nord qui se trouvent prises en otage, car les dispositifs de d?veloppement sont en train de s?effriter. Mais i1 ne 5 ?agit pas seulement du Nord Mali les populations du Sud commencent d?ja a sentir l?impact de l?ins?curit?. Il faut une prise de conscience accrue des risques encourus par l?ensemble du pays. Dans l?esprit des conclusions des Etats g?n?raux sur la paix et la s?curit? de 2005, i1 importe de comprendre que l?ins?curit? n?est pas le probleme seulement de l?Etat et de ses forces de s?curit?. Chaque citoyen est responsable, a sa place, de faire de son mieux pour que 1 ?ins?curit? ne se d?veloppe pas dans son proche entourage (par exemple en faisant tout pour dissuader ses proches qui seraient tent?s par l?appat du gain illicite ou s?duits par la rh?torique jihadiste Concernant le d?veloppement, l??tablissement d?une volont? politique partag?e entre l?Etat et les PTF s?est d?ja produit lors de la Rencontre Gouvernement Paitenaires au d?veloppement sur le Nord Mali (Tombouctou 16- 17 juillet 1995). Celle?ci a permis de relancer dc maniere signi?cative le d?veloppement au Nord au sortir de la rebellion. Le pays a besoin, a nouveau, d?un engagement similaire. Toutefois, cette fois?ci, i1 faudrait associer les collectivit?s d?centralis?es ainsi que des repr?sentants des communaut?s et des associations de base. De la part des donateurs, i1 faudrait pouvoir attendre non seulement des ressources financieres et des appuis techniques, mais aussi et surtout un int?r?t soutenu pour le Nord et son retour a la stabilit?. L?engagement devrait se manifester, entre autres, par un m?canisme de suivi fonctionnel et efficace. C?est la manifestation de cette volont? politique partag?e, port?e par I?Etat et les forces Vives du pays d?sireuses d?un vouloir vivre ensemble, qui permettra de gagner la confiance des populations. b) Construire l?int?gration. Pour ramener durablement la paix et le d?veloppement, il est indispensable d?engager un processus d?int?gration ou d?inclusion des elements s?par?s ou qui sc trouvent dissoci?s voire en competition entre eux au detriment de la cohesion de l?ensemble. L?id?e est de tisser ou retisser des liens entre des parties dont l?isolement des unes par rapport aux autres est porteur tantot de manque a gagncr, tantot de d?stabilisation. Voici quelques-uns des niveaux d?int?gration qu?il para?it souhaitable de prendre en compte: le Nord du Mali par rapport au reste du pays, 1e Nord du Mali et le Mali tout entier par rapport a l?Afrique de l?ouest (CEDEAO en particulier), 1e Nord du Mali et le Mali tout entier par rapport a l?Afrique du Nord, les trois r?gions du Nord entre elles, a l?int?rieur de chacune des trois regions, les complementarit?s entre les zones (vall?e du fleuve et terres exond?es), entre les activit?s ?conomiques (?levage et agriculture notamment), entre les populations et communaut?s, entre les villes et les campagnes. Mais aussi dans la dur?e, entre les ann?es (marquees par la variabilite) et aussi entre les saisons d?une meme ann?e, entre la tradition et le changement, entre le local et 16 global (mondialisation), Derriere cette liste, l?id?e est que le souci d?int?gration doit devenir permanent et, 51 cc titre, il est propose comme un axe majeur des strategies de d?veloppement. c) Approfondir la gouvernanee. La decentralisation a suscit? un veritable espoir de renouveau de la gouvemance au Mali, ce qui vaut a celui-ci d??tre reeonnu comme un pays phare en ce domaine. Cet acquis historique demeure une chance pour la paix, la s?curit? et le d?veloppement au Nord. Naturellement, il s?agit d?un processus qui pour progresser doit relever chaque fois les d??s qui se pr?sentent. Plusieurs points, non exhaustifs, peuvent dores et d?ja ?tre mentionn?s. usqu?ici l?attention s?est polaris?e principalement sur la relation entre l?Etat et les collectivit?s d?centralis?es. Meme si des efforts ont accomplis, non sans succ?s, pour impliquer davantage les communaut?s de base, les associations sans oublier les entreprises priv?es, il n?en reste pas moins qu?elles demandent a ?tre davantage parties prenantes. Ainsi, il convient de s?assurer que les programmes de d?veloppement ?conomique, social et culturel (PDESC) au niveau des collectivit?s d?centralis?es et les autres projets soient pertinents, correspondant a de reels besoins, avec des priorit?s pr?alablement n?goci?es et qu?il ne s?agisse pas simplement de reproduire des listes d?actions d?ja existantes. D?un PDESC a l?autre, i1 faudrait sentir que des avane?es ont v?ritablement accomplies. Les programmes doivent pour cela s?inscrire dans une logique de valorisation des potentialit?s locales que la collectivit? ambitionne de ma?itriser, de la conception a l??valuation et dans l?ex?cution. C?est cela la maitrise d?ouvrage. La gouvemance locale suppose aussi une adaptation des modes d?implication des diverses composantes d?une meme collectivit? en fonction des r?alit?s sociales, culturelles et g?ographiques (villages, sites de fixation, secteurs g?ographiques a l?int?rieur de la commune, notamment ceux ?loign?s du chef-lieu, campements mobiles). Toutes doivent pouvoir trouver a s?exprimer. 11 en est de m?me pour les femmes et les jeunes, qui, souvent, en raison des structures socioculturelles ne s?expriment pas v?ritablement devant les hommes et ?les vieux?. Des modalit?s concretes sont a mettre au point pour parvenir. Un tel processus ne peut se limiter au seul chef-lieu de commune La d?mocratie ne progressera a l??chelle locale que si les diverses composantes de la pOpulation locale parviennent a s?impliquer davantage dans les programmes de d?veloppement, que si l?information circule suffisamment, si les ?lus jouent l?inclusion et rendent compte de leurs activit?s. C?est en allant dans cette direction que les impots locaux pourraient ?tre mieux compris et mieux recouvr?s. Une attention sp?ciale doit ?tre accord?e a l?emploi des jeunes qui repr?sente un veritable enjeu. Une distinction peut ?tre faite entre ceux qui sont stabilis?s aupres de leurs familles, dans un m?tier ou avec des perspectives viables, et ceux qui choment, se sentent frustr?s, s??prouvent dans la mal?vie et peuvent ?tre tent?s par des sollicitations malsaines, des trafics illicites ou toute autre d?rive. Il importe que le dispositif de gouvernance locale ne les n?glige pas et que les approches de d?veloppement les prennent en compte. Il faut renforcer ce qui les relie encore a leurs familles et a leur milieu a travers l??coute et le dialogue. Il importe qu?ils s?expriment et que soit ?tudi? tout ce qui pourrait les stabiliser. Par exemple, l?acc?s a des m?tiers porteurs, la formation professionnelle, 1a creation de micro - entreprises, le commerce, les nouvelles technOIOgies. Et si l?exode a la recherche de revenus s?impose, des m?canismes sociaux d?accompagnement et de promotion sont ?galement a mettre en oeuvre, voire a inventer. d) Promouvoir des mod?les adapt?s. Ce qui est en jeu ici, c?est de valoriser l?intelligence au coeur des processus de developpement a partir des besoins reels et des capacit?s locales, en s?efforcant de r?duire les co?ts et d?am?liorer la qualit?. Ceci est valable pour tous les domaines. faut de l?inventivit?, de la cr?ativit? et sans doute des exp?rimentations. Seules quelques pistes parmi bien d?autres sont indiqu?es ici dans le domaine des services sociaux comment peut-on am?liorer l?offre en matiere de sant? ou d??ducation en fonction des divers milieux et a moindre co?t? L?enseignement par la radio, connu dans d?autres pays, apporterait peut??tre une solution, au moins a certains niveaux de l?enseignement concemant l?eau comment am?liorer sa potabilit? (cf 1e cas de l?eau des mares) Comment am?liorer l?exhaure (notamment sur les puits pastoraux profonds), la collecte et le stockage des eaux de pluie, le transport de l?eau? Comment concilier l?urbanisation croissante et les nappes souterraines insuffisantes? Des questions similaires se posent ?galement pour toutes les activit?s productives (agriculture, ?levage, p?che, artisanat, etc.) comment limiter le manque a gagner li? a la perte de poids des animaux (en saison s?che, les ann?es de s?cheresse) quelle compl?mentation r?aliste, quelle commercialisation Opportune? - comment lutter contre la pollution, notamment celle du ?euve? Comment am?liorer la gestion des d?chets Comment prot?ger les ecosyst?mes, notamment la strate arbor?e? 1] en est de meme en matiere de ?nancement quels syst?mes de cr?dit et de microcr?dit, accept?s et adapt?s? I1 convient de signaler ici que la capacit? d?adoption des innovations existe on l?a vu avec les motOpompes dans la vall?e, les v?hicules tout terrain et, plus r?cemment, le d?veloppement de la telephonic mobile. 1.2.3 Pr?paration et m?thodologie des ?tapes suivantes de l??tude Apr?s avoir pos? ces premiers jalons prospectifs traduisant l??tat d?esprit dans lequel l??quipe entendait travailler, celle?ci s?est pench?e sur la preparation des ?tapes suivantes d?ja relat?es plus haut et tout particuli?rement sur l??tude dc terrain qui devait suivre et qui s?est finalement d?roul?e du 8 juillet au 8 ao?t 2011. A ce propos, la r?flexion m?thodologique a port? sur la formulation d?un premier questionnement (?tabli en relation avec les quatre axes) que le duo charge? de la mission sur le terrain devait af?ner par la suite et aussi sur l??chantillon souhaitable a toucher de fagon a relever les opinions et representations d?acteurs aussi divers que possible. 1.3 PRISE EN COMPTE DE DU CONTEXTE (ENTRE MAI ET NOVEMBRE 2011) La situation dans le pays et surtout dans les trois regions du Nord a beaucoup ?volu? entre le mois de mai oil s?effectuait le lancement des travaux et le mois de d?cembre qui correspond a la phase principale de l??tude. En mai, elle ?tait d?ja difficile mais elle n?avait pas le niveau d?exacerbation et de tension qui allait ?tre atteint quelques mois apres. Entre?temps, il a eu la guerre en Libye, le retour de nombreux civils sans ressources (dans diff?rentes patties du pays), l?arriv?e au Nord de nombreux militaires puissamment arm?s, l??mergence du MNLA (Mouvement National de Liberation de l?Azawad), les enl?vements successifs d?occidentaux, l?augmentation du banditisme (braquages avec parfois mort d?homme, vols de v?hicules, d?animaux ou d?autres biens), la mont?c inexorable des inqui?tudes et des tensions, etc. Cette aggravation de la situation ne pouvait laisser indiff?rente l??quipe charg?e de l??tude. Les propositions a dresser dans lc cadre des TDR ne peuvent avoir de cr?dibilit? que si elles parviennent a s?articuler a la situation telle qu?elle est avec en vue l?indispensable sortie de crise que conna?it le pays. C?est cette ardente preoccupation d?aller vers la paix veritable, la s?curit? et le d?ve10ppement durable qui a anim? en novembre d?cembre les pr?occupations de l??quipe et la formulation des recommandations. 1.4 REMARQUES CONCERNANT DE SEGOU Celui?ci, comme pr?vu, a constitu? le moment?cl? de la mission de novembre - d?cembre. D?abord, il s?agissait de le preparer en partant des acquis des ?tapes pr?c?dentes (mission de d?marrage de mai, tourn?e d?entretiens au Nord en juillet ao?t). Il fallait aussi envisager un systeme altem? de s?ances pl?ni?res et de groupes de travail. L?option a de retenir trois groupes th?matiques regroupant chaque fois des participants de chacune des trois regions. (Cf. l?annexe: Canevas pour les groupes de travail). L?identification des grands themes se devait logiquement de se r?f?rer aux axes prioritaires qui avaient retenus a titre d?hypoth?ses lors de la phase de d?marrage. C?est ce qui s?est op?r? en ramenant le nombre de 4 a 3 et en reformulant l?g?rement deux d?entre eux pour ?tre plus en phase avec la perception de l??volution de la situation g?n?rale et la n?cessit? d?aller le plus directement possible a l?essentiel. C?est ainsi que l?axe 1 (?tablir une volont? politique partag?e) et l?axe 2 (construire l?int?gration) ont regroup?s autour de la th?matique de la confiance selon 1a formulation suivante sous forme de question ?quelle contribution citoyenne a l'?tablissement durable de la confiance?? On sait, en effet, que l?instauration de la con?ance suppose l?existence d?une veritable volont? politique de meme qu?une authentique inclusion des parties constitutives mais pour le moment dissoci?es voire oppos?es entre elles. Par ailleurs, mettre l?accent sur la citoyennet?, c?est insister sur la responsabilit? de chaque individu quelle que soit sa communaut? d?origine et sa position dans l??chelle sociale ou politique. C?est aussi redonner toute son importance a la soci?t? civile compos?e d?individus conscients d?avoir a cr?er on a recr?er un r?el vouloir Vivre ensemble par?dela la diversit? des groupes et des int?r?ts. Quant a l?axe 3 (approfondir 1a gouvernance), i1 visait d?ja essentiellement 1e fonctionnement de la decentralisation vu comme ?tant en panne. L??quipe charg?e de l??tude a estim? que dans le contexte actuel oi?i certains posent a nouveau et avec acuit? le probl?me de l?ad?quation des institutions, i1 pouvait ?tre utile de voir dans quelle mesure le processus de decentralisation pouvait raisonnablement ?tre pouss? plus loin de fagon a prendre davantage en compte les analyses, les experiences et les exigences des populations. La formulation 5: ?volu? sous la forme suivante Ia decentralisation inachev?e que faire?? Pour l?axe 3 (promouvoir des modeles adapt?s), l??nonc? est rest? identique. a seulement transform? en question: ?Quels mod?les pour le d?veloppement ?conomique et social?? C?est donc autour de ces trois grandes th?matiques qui ont pr?sent?es a la coordination du lors de la reunion du 1er d?cembre que les d?bats se sont d?roul?s durant l?atelier. Celui?ci a r?uni 20 personnes dont 16 venant des trois regions du Nord auxquelles s'ajoutaient les 4 membres de l??quipe. Outre 1e fait que les trois regions ?taient repr?sent?es, les participants re??taient une grande diversit? d?apres le sexe, l?age, l?origine, la formation, l?exp?rience, l?implication dans 1e d?veloppement, 1e statut ?lectif ou non, etc. C?est ?galement a partir des d?bats de l?atelier autour de ces trois grandes questions que, rentr?e a Bamako, la mission a poursuivi son chantiet? en vue de la restitution orale et du rapport. Et c?est sur cette meme base que. lors de la s?ance de travail du 9 d?cembre, l??tat d'avancement de l??tude a pr?sent? aux repr?sentants des bailleurs de fonds invit?s par [Union Europ?enne, Ambassade de Suisse, MICAC, USAID, Canada, Pays Bas, 11 1.5 PLAN DU PRESENT RAPPORT Apres avoir rappel? comment l??tude a organis?e et le type de d?marche qui a retenu aux diff?rentes ?tapes, le rapport se structure d?sormais en trois autres chapitres. Celui qui suit imm?diatement porte sur la partie de l??tude qui s?est d?roul?e sur le terrain, au niveau des trois regions du Nord et qui a consist? en de nombreux entretiens. Apres une breve presentation de la m?thodologie, i1 s?agit surtout de tirer les principales legons de ce parcours d?une dur?e d?un mois en relation avec l?objet de l??tude. Le chapitre 3 se pr?sente comme une contribution a l??tat des lieux avec une tentative d?analyse de la situation telle qu?elle est percue par l??quipe au terme de son travail en prenant ?videmment en compte les apports pr?c?dents et tout particulierement ceux de l?atelier de S?gou autour des trois grandes th?matiques signal?es plus haut. En?n, comme il se doit, le quatrieme et dernier chapitre pr?sentera les propositions dress?es par les membres de l??quipe en echo aux grandes questions soulev?es dans le chapitre precedent. Il est a noter enfin que plusieurs themes qui ont fait l?objet d?un approfondissement au cours de l??tude mais qui peuvent dif?cilement ?tre incorpor?s comme tels dans le texte principal du rapport font l?objet de notes ?gurant en annexe. 1.6 LE TEMPS DE LA REDACTION PERTURBE ET ALLONGE Si les travaux de l??quipe ont pu se d?rouler selon les pr?visions entre mai et debut d?cembre, il n?en a pas de m?me par la suite. Nous avons d?ja vu plus haut (cf. 1.1.2) que la restitution orale au n?a pas pu avoir lieu ni avant la dispersion de l??quipe ni apr?s. Or, il s?agit la d?une ?tape importante dans le d?roulement normal de toute mission. Par la suite, comme chacun sait, la situation s?est consid?rablement d?t?rior?e avec d?abord, 1e 17 janvier, l?irruption, au Nord, du con?it arm? engendrant immanquablement un climat d?inqui?tude et d?expectative. Ensuite, a partir du 18r f?vrier, a Kati puis a Bamako, les saccages des maisons et des biens appartenant a des familles touaregues et maures au teint clair n?ont pas manqu? d?exacerber encore plus la situation au point d?entrai?ner un exode massif vers les pays limitrophes. 11 se trouve qu?Ibrahim ag Youssouf, membre de l??quipe a un des premiers avec les siens a avoir victime de ce d?but de pogrom. Contre sa propre volont?, il s?est vu contraint de partir ailleurs s?curiser sa famille. Un tel bouleversement ne pouvait que troubler le travail de redaction qui ?tait en cours. Apres un temps d?inqui?tude par rapport a cette situation personnelle et aussi de perplexit? concemant 1a pertinence de nos travaux face a une telle recrudescence des problemes, apr?s une p?riode ?galement de dif?cult?s in?vitables dc communication entre nous, nous nous sommes r?solus a avancer a nouveau dans la redaction du rapport. Nous avons maintenu de progresser sur la base du plan convenu a Bamako le 12 d?cembre tout en essayant de nous adapter 51 une evolution de la crise qui ne cesse de se complexi?er et dont nous sommes loin, a distance, d?appr?hender tous les aspects. Nous cherchons seulement, modestement, ?a ce que nos r??exions puissent ?tre de quelque utilit? pour ceux qui sont a la recherche de solutions durables pour le d?veloppement des regions du Nord. Nous avons convenu d?arr?ter la p?riode couverte par la redaction de cette ?tude au 15 mars 2012 car ?a cette date les parties essentielles du pr?sent rapport ?taient d?ja pr?tes, d'apr?s le plan arr?t? le 12 d?cembre 2011 (fin de la mission 51 Bamako) et nous n?avons pas cru devoir les modifier en d?pit de l?aggravation de la situation. Cependant, nous n'ignorons pas que depuis la mi-mars des ?v?nements tres importants sont survenus au Mali prise des trois regions du nord par le MNLA et autres, putsch du 22 mars, declaration unilat?rale de cessez?le?feu par le MNLA, declaration par le MNLA de l?ind?pendance de l?Azawad rejet?e aussitot par le Mali et la communaut? intemationale, designation par la CEDEAO du Pr?sident Compaor? du Burkina Faso comme m?diateur dans la crise malienne, r?tablisscment de l?ordre constitutionnel, d?mission du President Amadou Toumani Tour?, instauration d?une transition pr?sid?e par le Pr?sident de l?Assembl?e nationale assurant l?int?rim du President de la R?publique. La nomination d?un Premier Ministre et d?un nouveau gouvernement ne saurait tarder. Les rebelles auront donc bientot un interlocuteur l?gitime pour n?gocier. La situation humanitaire est pr?occupante l?arriv?e du MNLA et autres (Ansar Dine, AQMI, etc.) dans les villes du Nord a provoqu? un d?placement d?une partie des populations vers le Sud du Mali et vers le Niger. La tension reste tr?s vive et le risque d?une confrontation militaire n?est pas a ?carter. L?instauration d?un cadre de dialogue et d?un processus de n?gociation de la paix et du statut des regions du Nord,1?assistance humanitaire aux populations que nous pr?conisons dans le present rapport sont toujours, :1 nos yeux, les priorit?s. 2. DES ENTRETIENS DU TERRAIN 2.1 03.] ECTIF ET METHODOLOGIE Les TDR ont pr?vu qu?une partie du temps de l??tude soit consacr?e a une tourn?e dans le Nord pour recueillir les perceptions des populations. En effet, une telle etude exige un effort de connaissance directe de la r?alit? du terrain. Cette preparation a commence des la premiere mission a Bamako (20-27 mai 20] 1) durant laquelle, sur la base d?axes prioritaires esquiss?s a titre d?hypotheses en direction des strategies de deveIOppement, un questionnement d?ordre g?n?ral restant a af?ner au contact des r?alit?s a pu ?tre identifi?. a estim?, des ce moment?la, qu?il fallait r?aliser des entretiens avec un nombre signi?catif de personnes a interroger dont l??chantillon devait traduire au mieux la diversit? des populations. Ces entretiens ne peuvent qu??tre semi-directifs, l??tude devant prendre en compte les diff?rents points de vue dans les perceptions et les analyses, tout en permettant une certaine libert? de parole. Pour ce faire, des guides d?entretiens ouverts permettant de s?adapter aux diff?rents interlocuteurs ont le principal outil utilise. Les donn?es pr?sent?es sont compos?es de plusieurs ?l?ments descriptifs. La part la plus importante concerne les perceptions et les representations des p0pulations a propos de la situation politique, ?conomique et sociale, jusqu?a debut ao?t 2011. Elles disent ce qui ne fonctionne pas, comment sont V?cues et percues les dernieres evolutions. D?autres ?l?ments mettent la lumiere sur les experiences, les ?checs et les r?ussites. La mission de terrain d?une dur?e d?un mois a conduite du 8 juillet au 8 ao?t 2011, principalement dans les chefs?lieux des trois regions (Gao, Kidal, Tombouctou), par les deux consultants (Ibrahim Ag Youssouf et Ferdaous Bouhlel) pouvant se rendre dans ces regions. Signalons que les ?v?nements de Libye avaient d?ja commenc? mais les perceptions recueillies a l??poque sur le terrain ne prenaient pas en compte 1e retour des hommes en armes (cet ?l?ment qui allait devenir tres important par la suite). En revanche, la fragilit? de la situation sur le terrain ?tait d?ja perceptible. Les entretiens ont r?alis?s aupres de 154 personnes (voir ci?apres le tableau de repartition de l??chantillon), de maniere individuelle et/ou collective, selon l?approche semi?directive et ouverte d?ja signal?e. Nous avons pu toucher un large ?chantillon de personnes dans les trois regions, les diff?rentes formes d?autorit?s politiques, les s?dentaires et les nomades les categories socio??conomiques (agriculteurs, ?leveurs, commercants, entrepreneurs, artisans, etc.), les hommes et les femmes sans oublier les classes d?age. Le tableau ci?dessous pr?sente 1e nombre de personnes rencontr?es selon leur region d?origine, leur profession et/ou fonction, dans le secteur public ou priv?, sans n?gliger le statut social. La partie situ?e a la droite du tableau r?partit ces m?mes donn?es selon une classification par sexe. Cet ?chantillon ne donne pas lieu a un travail statistique mais i1 apporte un ?clairage signi?catif permettant de se faire une id?e de la diversit? qui caract?rise les regions du Nord. La moyenne par region avoisine la cinquantaine. Les femmes repr?sentent 19% du total. Notons que pas moins de 14 cat?gories, diff?rant par la fonction ou l?emploi occup? et le statut social avec des responsabilit?s diverses, ont pu ?tre prises en compte125 Lorsque les donn?es recueillies 1e permettent, nous abordons les sujets de maniere commune aux trois regions du Nord, sans ignorer les differences et les nuances observ?es dans chacune d?entre elles. Cette comprend ?galement des extraits d?entretiens choisis, restitu?s tel quels, sous forme de citations. A ce stade, elle ne contient pas d?analyse prospective et sert comme telle de materiel de base pour la suite de l??tude. Les interlocuteurs cit?s ne sont pas nomm?s, seul est retenu leur lieu de residence, leur statut social (sexe, age, etc.) et professionnel. Nous appr?henderons, dans un premier temps, les perceptions des populations concernant les diff?rentes formes de pouvoir. Une deuxieme partie aborde les perceptions relatives au d?veloppement ?conomique et social. 15 2.2 REPRESENTATIONS DES DIFFERENTES FORMES DE POUVOIR 2.2.1 L?Etat Les Kel Tamasheq et les Songoy d?signent l?Etat par un mot emprunt? a l?arabe (al hukum 1e pouvoir de deciderl). L?Etat est entendu comme 1e principal d?tenteur du pouvoir de prise de decision, du gouvernement, de la force et des lois. Le mot addawlar, lui aussi emprunt? a l?arabe, est employ? davantage pour designer l?Etat-Nation. Le champ s?mantique de a! hukum est ?tendu i1 recouvre tant les organes et les d?membrements de l?Etat (administration, repr?sentants locaux, justice, arm?e, police, services publics) que leur fonctionnement. Les ?lus (maires, d?put?s) sont souvent inclus dans cette representation. 11 est dif?cile de comprendre les rapports des populations des regions du Nord avec l?Etat sans reference a leurs soci?t?s pr?coloniales et au pouvoir colonial. II faut savoir que toutes les soci?t?s du Nord Mali (songoy, touaregue, arabe, peule) ?taient jadis b?ties selon un meme modele, qui reconnaissait des hierarchies dont i1 reste encore des vestiges. Elles ?taient divis?es en hommes libres (touareg ilellan, songoy borcin, arabe hurr,) reconnus comme guerriers, religieux, simples producteurs, artisans. Guerriers et religieux constituaient g?n?ralement l??lite; les simples producteurs et les artisans ?taient parfois consid?r?s comme des vassaux. hommes non libres (touareg eklan, songoy barnya/tam, arabe haratin, peul rimaybe). De race noire, ils se distinguaient facilement de leurs ma?itres lorsque ceux-ci ?taient arabo-berberes. La mobilit? au sein et entre ces deux categories ?tait limit?e, mais pas impossible. Le changement de cat?gorie pouvait r?sulter d?alliances matrimoniales, survenait a l?occasion de circonstances historiques exceptionnelles. Sa lenteur re??tait l??troitesse des possibilit?s de l??conomie. Le statut r?el d?une personne ?tait determine par un ensemble de facteurs dont son appanenance a l?une de ces categories, mais aussi son intelligence et son niveau d??ducation, son pouvoir ?conomique, son utilit? a la soci?t?. En temps de paix, un vassal riche ?tait en r?alit? plus important qu?un guerrier, un artisan ou un esclave proche du chef pouvait ?tre plus puissant qu?un religieux peu instruit, etc. Les femmes ?taient r?put?es subordonn?es aux hommes, mais les alliances matrimoniales en faisaient un vecteur important du pouvoir. Leur in?uence/pouvoir allait au - dela de leurs hommes (peres, freres, ?poux, ?ls) et touchait tout homme respectueux des valeurs qui prot?geaient les femmes. Un cadre de la r?gion de Tombouctou nous dit ?Avam l?arrive?e des Francois, le pouvoir politique e?tair cm sein de la soci?t?. L?acc?s c?z ce pouvoir re?sultait ?10: jeu ?a?iances entre families, entre clans d?un m??me groupe ou de groupes voisins. De lc?z proc?dait sa l?gitimit?. ll e?tair g?n?ralemem aux mains ?un me?me clan, voire une settle famille, mais ?les cadets sociaux? (vassaux, mains nantis, femmes) avaient leur m0: dire. Si les candidats la che??erie ne pouvaient venir que ?un groupe/clan/famille donne?e, [6 college qui Choisissait [e chef e?tait surtout compose? des repre?sentants des autres groupes/elans/familles. devait On traduit le mot gouvernement a partir de la m?me racine e! hakuma(t). 16 incarner les valeurs de la soci?t?, connues de tous; il ne pouvait se comporter de fagon indigne sans perdre sa place. Par la force des armes, le colonisateur extirpa le pouvoir du sein des socie?te?s traditionnelles. Par simple souci d?e?icacite?, le nouveau maitre tenta de re?cupe?rer la legitimite? du pouvoir traditionnel en d?signant ses de?tenteurs comme ses propres repre?sentants. Mais ceux-ci, tout comme leurs populations, savaient qu?ils n?e?taient plus que des instruments, des auxiliaires obe?issant a des ordres. Les plus vertueux d?entre eux s?employe?rent a limiter les degats du pr?dateur. D?autres, moins scrupuleux, utiliserent le nouveau maitre pour ?imposer a ieur propre soei?t??. Le Mali acc?da a l?ind?pendance tout en h?ritant de l?Etat de l?ancienne puissance coloniale. Cinquante ans apres l?ind?pendance, beaucoup de nos interlocuteurs percoivent toujours l?Etat comme un pouvoir exteme, exclusif, sans grande l?gitimit? et potentiellement Violent. Cette perception explique les strategies de contoumement des regles/ordres, les atermoiements, voire le refus oppose aux exigences et/ou propositions de l?Etat, qu?il s?agisse de payer l?imp?t, de scolariser les enfants, de vacciner 1e b?tail ou de suivre un calendrier agricole. Il explique 1e deficit de participation, 1e peu d??gards pour le bien public, la construction d?identit?s en marge de l?identit? nationale. C?est precis?ment 1a connotation des termes hiney (force, pouvoir, mentionn? ci-dessus) et gaabi (force, contrainte) par lesquels les Songoy d?signent parfois l?Etat. Beaucoup de nos interlocuteurs pergoivent l?Etat comme un systeme ?manant ?d?en haut?, mais aussi ?d?ailleurs?. Des expressions comme ?Le Mali a d?cid? ceci?, ?le Mali ne fait pas cela? etc., renvoient a une perception de l?Etat central, comme lointain (situ? dans le sud du pays), voire ?tranger et expriment un sentiment d?exclusion par rapport au pouvoir. Ce sentiment d?exclusion, de marginalisation est plus net dans la r?gion de Kidal que dans celles de Tombouctou et de Gao, plus sensible chez les pasteurs que chez les agriculteurs, plus frequent chez les femmes que chez les hommes, plus fort chez les jeunes. a) La gouvernance Le vocable de ?gouvernance? n?a pas, lui aussi, d??quivalent dans les langues locales. Il est relativement peu utilise, mais ceux qui en usent font syst?matiquement le lien entre la gouvernance et l?Etat. La notion de gouvemance nous a souvent pr?sent?e de maniere polaris?e, en termes de bonne ou mauvaise gouvernance. La premiere correspond a la bonne application des lois et des regles ?tablies, la deuxieme a une application d?ficiente de ces regles. Un coordinateur de projet de d?veloppement de la r?gion de Tombouctou congoit la bonne gouvernance comme ?le fait defaire les chases comme elles doivent e?trefaites, selon les regles e?tablies?. Cette acception normative et restreinte, r?pandue dans le milieu politique local, chez les ONG, et autres acteurs du developpement, fait de la gouvernance 1e m?canisme de l?application id?ale des regles et du droit (al qanun; 1e droit, en arabe et en tamasheq) en vue d?assurer l??tat de droit et la justice. Un notable nous dit Le probleme est que, vu le niveau d?e?ducation des populations, ces r?gles, associ?es a ?0ccident, ne soul pas connues de tous, ne sont connues que de ceux qui briguent le pouvoir impuissantes, les populations subissent, sans moyen de controle?. L??galit? et la libert? n??taient pas les pr?occupations des soci?t?s pr?coloniales. Cependant, quoique soucieuses de pr?server les prerogatives des elites, ces soci?t?s comprenaient que la viabilit? de l?ensemble exigeait une prise en compte des int?r?ts de toutes les categories sociales. Leur conception de la bonne gouvernance portait l?accent sur la preservation et la consolidation du lien social (parent?s, solidarit?s, compl?mentarit?s ?conomiques) sur la n?cessit? de la concertation, sur le respect de valeurs communes s?imposant a chacun selon sa place au sein de la soci?t?, toutes choses qui permettaient aux faibles de controler les forts. b) La d?mocratie Ce mot n?a pas d??quivalent dans les langues locales. Le ?gouvemement par le peuple? n?a donc pas une signi?cation ?vidente. Pour ceux qui l?utilisent, ses principales connotations sont celles d??galit? et de libert?, potentiellement pergues comme porteuses de d?sordre. L?ambivalence des soci?t?s des regions du Nord, voire maliennes, vis a vis de la d?mocratie aujourd?hui ne peut ?tre comprise sans r?f?rence aux hierarchies sociales d?avant 1a colonisation, mentionn?es plus haut. Les premiers partis politiques ont percus comme les rivaux au pouvoir des chefs. Cela nous a expliqu? a travers l??vocation du role des premiers dirigeants et partis politiques de I?Etat ind?pendant a combattu les chefs traditionnels en disam? qu?ils e?raient Ie suppot du colonialisme er a supprime? les chefs de canton et de tribu?. Pour certains de nos interlocuteurs, la democratic est vue comme une evolution qui permet le renouvellement des cadres politiques locaux. Elle est, dans ce cas, percue comme une possibilit? de changer la conception politique traditionnelle, avec un acces plus ?galitaire et plus juste aux postes politiques locaux. Un ?lu de la r?gion de Kidal nous dit: fan! que l?on avance avec notre temps, pour ne pas rester a la trafne, fl n?est pas possible de concevoir qu?un maire soft itlettr?, on ne peut pas travailler comme ca. La gestion ?une commune n?est pas une moindre a?aire et les competences chez beaucoup de ces anciens ?est pas an rendez-vous pour assumer ces fonctions. Qu ?ils restent des chefs traditionnels, 0n les respectera comme ca, mais qu ?its ne viennent pas prendre cesfonctions?. On parle de la n?cessit? d?avoir des sp?cialistes, des techniciens, ?videmment lettr?s, si possible de bons administrateurs. Ces caract?ristiques sont percues comme la promesse d?un salut vers une nouvelle conception du pouvoir oil les competences techniques sont pr?sent?es comme une valeur en soi. Cette conception qui se veut r?pondre de maniere concrete a la mauvaise gestion de la plupart des communes semble s?imposer petit a petit au detriment d?un systeme politique complexe dit ?traditionnel?. Ce passage du mode de gouvernance du systeme traditionnel a la democratic, v?cu comme inadapt? et d?cal?, suscite le plus de r?ticences. Il entrave l?adaptation aux m?canismes institutionnels pr?sent?s comme l?id?al. Ce passage de l?entre-deux nous est d?crit comme un temps de perdition, un temps de crise, oil les choses sont renvers?es. Nous avons entendu quelques fois, dans les regions de Gao et de Kidal, utiliser 1e terme hybride demoghshadi (litt?ralement en tamasheq la de?mocratie qui a tout ga?te?), pour d?crire ce changement. Pour parler de ce passage 51 vide, un notable de Tombouctou nous dit: ?Le pouvoir, on ne sair pas on il est?. Posant le verre entre nous, il ajoute [e pouvoir est entre nous deux. 0n me [?05 retire en disant qu?ilfallait entrer dans la democratic er partager 1e pouvoir. Oui, mais dans la r?alite?, [e pouvoir ?est pas avec toi non plus, car In n?as pas rempli les conditions qui font de toi an chef, 0n peat meme dire que tu as e?chou? dans ta fonca'on. Avant, on avait la pauvrete?, mais le pouvoir on savait as it e?tait. Aajourd?hui, m??me si [es chases on! change, la pauvrete? est loin ?avoir disparu, le pouvoir a ?Ie? retire de 1a on e?tait, et avec rout cela on a perdu une grande partie de nos valeurs?. 18 Face 51 cette situation g?n?rale, deux choses sont ressorties dans les entretiens d?une part, le repli vers 1a preservation des identit?s ethno?communautaires, comme maniere d?exprimer son m?contentement ou encore comme recours a un modele jug? ?able, d?autre part, l??tablissement d?une sorte d?attentisrne g?n?ral, que cet extrait restitue ?Quand on voit tout cela, que pent?on faire? Les chefs de fraction que la commune a remplace?s se sont arr??te?s. Ils regardent. Ils ne font rien. Tout le monde dans la region a cette image; C?est comme Si tout le monde s??tait arr?t? et chacnn regarde ?autre. a eu des changements et personne ne fait rien. 0n ne sait pas on go va. 0n ne fait qn?attendre?. Cet attentisme n?est pas sans consequences sur le d?roulement des affaires quotidiennes et peut etre un ?l?ment d?explication aux nombreux freins en matiere de progres et de d?veloppement. Le systeme politique traditionnel2 est ?voqu? non pas comme une d?marche retrograde oil 1e pouvoir traditionnel d?antan serait mais comme une ressource dans laquelle il est possible de puiser des enseignements. Dans ce cas, la demande actuelle tend plus a une adaptation au systeme traditionnel qu?a une confrontation entre les deux systemes. En effet, chez la plupart de nos interlocuteurs, ce ne sont pas les fondements de la democratic qui sont rejet?s, mais bien le fait que les valeurs avanc?es ne sont pas connues de tous, pas adapt?es aux r?alit?s sociopolitiques locales, ou encore pas appliqu?es r?ellement. Cela peut susciter un rejet du modele dans son ensemble et une comparaison syst?matique avec ce qui fait sens dans l?histoire politique locale. Ce qui semble le plus dangereux, c?est le fait que ces rejets et contournements se soient install?s sous forme de normes au point d?ancrer durablement et profond?ment de mauvaises pratiques et de faire d?p?rir un systeme porteur de valeurs. c) Partis politiques et elections n?y a pas de mots pour dire partis politiques dans les langues locales. Soit on utilise l?emprunt au frangais, soit a l?arabe (hizb 1e parti), qui a une connotation de faction. 11 en est de l?organisation des elections comme de la fourniture des autres services pour des populations ?loign?es, dispers?es et mobiles depuis la suppression des bureaux itinerants; i1 ne semble pas qu?il ait eu une r??exion sp?cifique pour am?liorer le systeme de vote en milieu nomade. Les m?canismes assurant le multipartisme et la libert? de parole, notamment a travers les partis politiques et les elections ont largement discut?s par nos interlocuteurs. Les partis sont vus comme des moyens pour acc?der au pouvoir et a l?argent; tr?s peu les d?crivent comme un espace de debat et de r?flexion, repr?sentatif des problemes poses par les populations. re?er 150 partis politiqnes, c?est une fagon de devaluer la politique. Il n?y a pas 150 projets de socie?t?? nous dit un notable de Tombouctou, qui ajoute: ?Dans les partis [es plus importants, la competition devient fe?roce non pas pour la politique mais pour le pouvoir qui sera vite transforme? en richesse e?conomique on achete des gens, on va meme jusqu?a faire usage de la violence (kidnapping, etc. 11 a des gens qui traient les partis comme an projet don: 0n espere pniser des ressonrces. 0n les se?duit a ce titre, c?est a ce titre aussi qu?ils adherent. Dans ce cas, pent-0n porter de democratie??. Percues comme un m?canisme in?galitaire qui favorise les plus forts, les elections nous ont pr?sent?es par cette expression ?Les elections chez nous, ce sont les tisagheren? (en 2 Voir sur le sujet la partie 2.2.2. 19 tamasheq brindilles de diff?rentes tailles utilis?es pour le tirage au sort). Expliquant 1e sens de cette image un enseignant a Kidal nous dit ?c ?est toujours celui qui a la brindille longue qui gagne?. Les gens ont ?galement ?voque? le caract?re arbitraire de l?engagement des politiciens dont la plupatt sont percus comme ?tant d?connect?s de leur base. L?impact r?el de leur travail sur les politiques nationales et locales est grandement questionn?. Pour la plupart des gens, les choses ne semblent pas changer concretement. Un enseignant a Kidal nous dit: ?Les gens n?ont pas compris jusqu?a present a quot les e?lus servent. Pour eux, c?est un moyen d?acce?der a certains choses, un moyen c?est tout amatudj ghas, en tamasheq, un moyen ?est tout) A la question quelle est votre responsabilit? en tant qu??lu? Un d?put? du Nord nous r?pond aussitot ?Je suis directement concerne? par cette question. Mats le systeme nous capte et nous avale, nous sommes des ressortissants du Nord, c?est bien. Mats pa change quot? Notre systeme est fait de bons de carburant, de per diem. ?t'nterpelle les autres d?pute?s dans les commissions sur nos problemes, mats cette assemble?e n?a pas la possibilite? de faire quelque chose, le consensus est toujours ta et les demandes passent a la trappe. Nous sommes comme dans le devoir defat're des concessions pour avoir le droit ??tre dons cet he?micycle. ?est ca le prix de la repre?sentatt'vite? .7 Sommes - nous juste des mannequins en turban qui faisons le folklore Les gens chez mot m?t'nterpellent toujours en me disant alors tufcu's quot? Parce qu?ils voient que concretement sur le terrain, rien ne change Aussi, les ?lections ne semblent pas vues comme un moyen d?expression viable et l?gal. A Kidal, les ?v?nements survenus lors des elections (16 2007 out ancr? a ce sujet une id?e fortement d?pr?ciatrice. Un ?lu de la commune nous raconte ce moment, on a vu que les elections ne servaient a men. Chacun se but pour placer des voix mats a la ?n on se rend compte que les re?sultats sont d?ja pre?vus a l?avance. Pouvez-vous croire qu ?t'l alt plusieurs mtlliers de soldats qui ont vote? a Kidal aux dernt'?res elections? D?ou sortent?ils? Ceux- la sont-ils repr?sentatifs ales papulau'ons? ?est cette meme arme?e qui e?tat't cense?e assurer la bonne tenue des elections. Dans certatnes localites, ceux-lc?z meme ont emp??che? les gens de se rendre au bureau de vote L?achat des voix au prix fort, ?voqu? de nombreuses fois dans les entretiens, a m?me suscit? des strategies de protection des ?lus, une pratique tr?s r?cente en cours particulierement dans les r?gions de Gao et de Tombouctou. Un ?lu du conseil de cercle de Gao nous dit :21 cc sujet ?Quinze jours avant les elections, j?emmene mes e?lus quelque part dans un endroit isole? et discret on on ne peut pas venir les corrompre ou les enlever?. nous a rappel? plusieurs cas d?enl?vements d??lus presupposes, notamment un cas en 2009 a Tombouctou qui suscita un reel traumatisme. II a par ailleurs deplore 1e manque de moyens accompagnant les campagnes de recensement r?centes comme le RAVEC (Recensement a Vocation d?Etat Civil). De nombreux elus nous disent que le recensement n?est pas fiable car il ne prend pas en compte les migrants, ou encore qu?il faut prendre en charge les agents recenseurs a?n qu?ils se rendent dans des endroits recul?s. Et pourtant, la question du recensement est ?pineuse; certains interlocuteurs concluent a une volont? politique d?amoindrir le nombre des ressortissants dans certaines zones du Nord, afin de diminuer leur poids politique. La population des trois r?gions du Nord repr?sente 10 a 15% de la population malienne. Leur faible poids fait que les candidats ne misent pas sur ces regions, et pr?f?rent investir et placer leurs ressources au Sud, comme a Sikasso. Cette id?e a eu pour consequence une tres forte mobilisation des communaut?s elles-m?mes pour 5e faire recenser, une maniere, nous 20 dit une femme ?d ?exister pour de vrai?. (1) ?Un manque de volant? politique? La rh?torique du manque de volont? politique est quasi omnipr?sente pour parler des ?checs de I?Etat et de la mauvaise gouvemance. Par exemple, cet extrait d?entretien avec un chef de fraction tamasheq de la r?gion de Kidal Si la gouvernance ne marche pas, c?est parce que la volonte? politique ?y est pas. 0n ne peut pas toujours se cacher en disant que ce sont les autres qui sont di?iciles, que ?on ne peut pas les controler. ll faut ?tre responsable et voir qu ?il ?y a pas de volonte? derri?re pour ame?liorer les chases?. C?est dans la r?gion de Kidal que le sentiment d?abandon ou de me?pris politique est le plus ?voqu?. Un ?lu du conseil de cercle nous dit: ?On a un Etat qui, depuis l?inde?pendance, ?a jamais ve?ritablement manifeste? quelque chose de bon pour nous. On a en la repression militaire, on a eu l?isolement, on a en la marginalisation politique, ce n?est qu?avec la rebellion et la re?insertion que les chases ont change un peu. Aujourd?hui, on a un Etat qui se m??e de nous, il en veut a la r?gion de Kidal pour la reprise des armes lors du 23 mai 2006. ll n?est pas seulement question de ce qui ne marche pas dans le systeme, il est aussi question des relations que nous avons avec l?Etat. Et aujourd?hui, ces relations sont tr?s mauvaises. ?est la situation dans laquelle on se trouve.? Le manque de moyens, la pauvret? des ressources sont ?galement ?voqu?s, surtout en ce qui concerne le fonctionnement des collectivit?s. Nous reviendrons. e) Perception d?une gestion communautariste et individualis?e des probl?mes Tout au long de nos entretiens, la question des relations entre l?Etat et les repr?sentants du Nord a r?currente. Elle est souvent pr?sent?e selon une perception binaire. En effet, les ressortissants de ces regions qui travaillent dans une institution on un programme de I?Etat sont places dans deux categories de representations des ?complices? ou des ?gens droits c?est-a?dire qui ne se sont pas fourvoye?s Cette simplification, tres courante chez les jeunes, peut ?tre une fagon d?expliquer l??chec du d?veloppement, la pauvret?, 1e retard. ?Comme 0n n?a pas re?ussi, c?est que le message n?est pas passe?, ou que les messagers ?e?taient pas assez bons et droits nous dit une jeune femme a Kidal. Pour expliquer cette perception, nos interlocuteurs ont ?voqu? les relations dites ?individualis?es? et/ou ?instrumentalis?es? que l?Etat entretiendrait avec les leaders du Nord. 1] a toujours eu des interm?diaires entre les communaut?s et les pouvoirs successifs (colonial et Etat ind?pendant). Souvent ce sont des repr?sentants, des chefs de fraction, des notables qui assurent cette fonction. Ce qui nous a dit, et qui marquerait la difference aujourd?hui, c?est que ces interm?diaires sont pour la plupart coupes de leur base, oil qu?ils n?assurent plus le relais depuis les communaut?s. Les propos de ce jeune homme, recueillis a Kidal expliquent cette id?e ?l?Etat ne veut pas ve?ritablement s?adresser a nous, aux populations. ll parle a telle ou telle personne qu?il a choisie et qu?il investit d?un pouvoir, m??me si celui-ci ?est pas e?coute? chez lui.? On constate que cette representation, plus pr?sente dans les communaut?s nomades tamasheq et arabes, est moins perceptible chez les Songoy, qui sont vus, tres souvent, comme la communaut? de l?int?gration et de l??quilibre entre le Nord et le Sud, notamment du fait de sa localisation g?ographique et de sa s?dentarit?. Dans les communaut?s bella (kel 2] tamasheq noirs, anciens esclaves) la question semble plus complexe. Engag?es ces vingt dernieres ann?es dans un processus de rapprochement culturel, d?identi?cation, voire m?me diront certains ?d?assimilation? avec les populations songoy de la vall?e et du Sud, il semble que ces communaut?s soient aujourd?hui davantage dans la construction d?une identit? propre qui semble dire ?nous ne voulons ??tre vus ni comme des esclaves ni comme des traitres?. Le r?cit suivant d?un notable de Tombouctou et qui se d?signe lui-rn?me comme ?un ?ts d?esclave? nous ?claire sur un aspect de l??volution historique et sociale de cette communaut?, qui, selon certains, repr?sente la moiti? de la population ke] tamasheq du Mali ?ll a avait durant la pe?riode coloniale une campagne de liberation des esclaves, mais des l?arriv?e de Modibo Keita, il a eu une grande phase qui a encore plus accentue? le phe?nom?ne. Le message e?tait Clair ?lib?rez-vous de ces esclavagistes? Les chases sont en r?alit? plus complique?es. La se?cheresse de 1973 va pre?cipiter les choses; les riches seigneurs perdent 90% de leurs animaux. Ceux qui garantissaient de quoi vivre et la s?curit? a leurs gens ne peuvent plus assumer. La les villes sont envahies de families entieres, avec en plus ceux de la classe forgeronne. Et puis, il a eu la rebellion avec les accords de Tamanrasset; on voyait tous la liberation. Les rebelles e?taient nos vainqueurs. Mais les divisions avec la creation des fronts nous ont pre?cipite?s dans une autre histoire. 0n nous a dit que certains fronts comptaient reprendre leur ancienne hie?rarchie et leurs anciens esclaves. 0n disait cela des Arabes aussi, mais ils ne l?ont pas fait, ils gardaient leurs a?aires chez leurs haratin. Nous on nous a dit de nous de?fendre face aux agressions et surtout celles des Tamasheq. Et puis ii a eu ce que vous savez. Le probleme ?est que depuis ce moment nos relations se sont de?t?rior?es. Quelle a la strate?gie face a cette fracture? 0n est devenu des Toure, des Maiga pour ressembler aux Bambora et nos seigneurs nous ont abandonne?s. On a fait notre bout de Chemin et maintenant on est devenu des agriculteurs, avec des terres a nous, mais cela cre?e des problemes..Je suis, et ?ai toujours e?t? pour l?Etat un enjeu important. Ils savent que mon frere seigneur m?a abandonn?, done il (l ?Etat) ?utilise toujours pour me tourner contre eux Nous avons, de nombreuses fois, entendu l?id?e d?une ?utilisation? des communaut?s les unes contre les autres par l?Etat. La creation de milices de type communautaire, plusieurs fois ?voqu?e dans les entretiens, a certainement contribu? a alimenter cela. Dans ce cas, l?of?cier n?est pas reconnu comme un soldat de l?arm?e malienne mais comme un membre de la milice de telle communaut? ?tourne?e contre? telle autre communaut?. Pour la plupart des personnes interrog?es, i1 s?agit moins du r?sultat d?une ethnicisation de la corporation militaire, ou d?une prise en compte promotionnelle et singuliere d?of?ciers du Nord pour g?rer la s?curit? de leur region que d?une utilisation de la s?mantique communautaire pour diviser les gens. Dans ce dernier cas, elle est percue comme une strategic totalement inscrite dans la continuit? de l?administration coloniale. Les representations de la prise en compte par l?Etat des particularit?s ethno-communautaires sont, dans la plupart des cas, envisag?es dans une optique utilitariste. Le traitement particulier de telle communaut? au regard de telle autre est le plus souvent envisage comme une injustice. Ce qui, selon certains de nos interlocuteurs, conduit 21 l?id?e que l?Etat n?est nullement equidistant de ses citoyens et n?est pas un facteur d?uni?cation et de rassemblement. Pour autant, les m?canismes de captation semblent egalement ?tre le r?sultat d?une demande sociale oil chacun veut que l?Etat le reconnaisse dans sa sp?ci?cit?, son histoire, sa composante minoritaire. Cette contradiction qui nous aide certainement a comprendre 1a definition de l?identit? nationale des communaut?s du Nord, semble s?inscrire, de maniere 22 profonde dans des rapports qui ?uctuent en fonction des bonnes ou des mauvaises relations et de la reconnaissance ou du m?pris percu de l?Etat. Loin d??tre uniquement le fruit d?une s?rie de conjonctures, ces rn?canismes sont percus comme une tentative de fragilisation constante de la reconnaissance de ces minorit?s, qui finissent par inscrire leur ?tre politique dans des rapports qui oscillent entre l?all?geance, la n?gociation et le con?it. Ce type de relations auquel s?ajoute la perception d?une externalit? de l?Etat qui a d?ja ?voqu?e concourt a inscrire durablement, et pas seulement dans les discours, une connotation conflictuelle. f) Le manque de justice et la corruption Le mot tamasheq hak) et songoy (el haku) pour dire justice est emprunt? du mot arabe voulant dire v?rit?, mais aussi droit. On utilise egalement les mots zshimi (en songoy, litt?ralement la v?rit?), tidit (en tamasheq). Le syst?me judiciaire dans les r?gions du Nord est une superposition de trois sources de droit la tradition (en songoy alada, en tamasheq ala?adet, emprunt?s du mot arabe el a?ada), le droit islamique (1a Charla), enfin 1e droit occidental. Selon nos interlocuteurs, un certain effort avait fait pendant la p?riode coloniale pour tenir compte des deux sources de droit local (traditionnel et islamique), dans la pratique de la justice (utilisation des cadis comme assesseurs de justice). Selon nos interlocuteurs, un des arguments les plus forts qui explique la d?faillance de l?Etat est li? a la corruption, au manque d?Etat de droit et a l?injustice. Le systeme judiciaire malien est percu comme inef?cace du fait qu?il est souvent inf?od? au pouvoir de l?Etat, et a cause de la corruption de toute la chaine (gendarmes, juges, etc .). La gouvernance entendue comme 1e lieu ou sont ?tablis les modes de gestion des ressources, c?est a dire la facon dont on g?re et administre les citoyens et les biens publics, est percue comme ?tant a l?origine des dysfonctionnements, induisant des m?canismes de mauvaise gestion et de corruption. Le systeme de passation des marches pour les constructions n?est pas un ph?nom?ne agissant au Nord uniquement. 11 en est de meme de l?impunit? et de la corruption de la justice. En revanche, les consequences sont pr?sent?es au Nord comme venant fragiliser davantage 1a representation d?un Etat vu comme d?faillant et avec qui les relations sont v?cues comme des relations con?ictuelles. La plupart des entretiens qui ont port? sur la question convergent vers l?id?e que la situation ne peut pas continuer de la sorte. Ce court extrait resume les nombreux pr0pos sur le sujet ?est simple, sans justice, on ne peut n'en faire fonctionner m' la se?curite?, ni le d?veloppement, ni l?administration. Qu?est-ce qu?il nous reste? Continner accepter de se laisser corrompre, de voir l?impunlte? cheque jour, l?ine?galite? face aux droit of: seals ceux qui peuvem? payer s?en sortent? L?Etat ne nous e?duque pas bien; fl nous donne de mauvais exemples, de la corruption en pagaille. Chaque jour, entends les de?tournemems d?argent an sein des minist?res. Quel est l?exemple donne? 5: nos enfants? Et puis, quand tu arre?res ceux qui on: fair quelque chose de mal, avec l?argent ils sont libe?r?s. ?est quelle justice ga?? 23 2.2.2 Le pouvoir dans le syst?me traditionnel a) La chefferie Le systeme traditionnel est nettement percu comme un pouvoir d?autorit?. Souvent il est vu comme l?gitime, ?les chefs, ce sont cewc qui sont e?coute?s?, ceux a travers lesquels les populations semblent s?identi?er. Souvent, il est vu comme ?manant d?un systeme qui dispara?it petit a petit et qui n?a plus d?influence sur les r?alit?s contemporaines. Le mot tamanokla (pouvolr des chefs en tamasheq, el sulfa en arabe, bonkoynitarey en songoy) est utilise pour designer l?autorit? l?gitime, ou encore le mot tanhat (tamasheq) qui est l?autorit? des parents par exemple. Le pouvoir traditionnel est ?galement adoss? a la l?gitimit? religieuse conf?r?e par les cadis et les marabouts, qu?il est tenu de consulter. Lorsque l?on parle de systeme traditionnel, on parle g?n?ralement des chefs (amenokal en tamasheq, sheykh el qabil en arabe, amira ou bonkoyno en songoy) chefs de fractions, chefs de villages, chefs communautaires, mais c?est surtout l?ensemble des composantes qui lui confere son pouvoir, qui donne sens a son pouvoir. A la question ?quelles sont les caract?ristiques d?un chef?? a r?pondu ?Un chef c?est celui qui ne ment pas, ll salt ?tre juste er equitable. Il ne s?est pas auroproclame?, c?est tour ce monde qui ?entoure qui ?a choisi. Il ?est pas chef tout seal. ?il e?choue, nous le destituons de sesfonctions?. Ces qualit?s sont celles requises pour faire vivre durablement une communaut? (litt?ralement azuzagh en tamasheq faire vivre tranquillement et durablement). Pour cela, le chef a besoin des qualit?s d?un leader (en tamasheq amizar, en songoy djineborey? litt?ralement celui qui est devant, sheykh en arabe d?signe celui qui est ain?, qui a une certaine sagesse), qui a surtout 1a capacit? a organiser la soci?t? pour qu?elle puisse prendre des decisions elle-m?me. C?est a co stade de la designation que la democratic deliberative, dans la concertation, est extr?mement importante. L??galit? n?est pas la chose sur laquelle l?accent est mis. id?e centrale de cette representation par le chef tourne toujours autour de l?id?e de se mettre d?accord sur quelque chose a travers 1e consensus. Elle s?exprime par l?entente, 1a coh?sion, le fait de se mettre en accord (tanmanakt en tamasheq, wafaq en arabe et son mot d?riv? en songoy wafaqu). L?objet de cet accord ne peut pas ?tre impos? par la force. C?est 1e chef, sous le controle de l?ensemble de la soci?t?, qui est responsable de l?application de cet accord. ?L?Etat a de?poss?d? progressivemem les chefs de leur pouvoir, de leurs capacite?s, de leur autonomie er tout cela sans re?aliser les promesses faites? nous dit un chef de fraction de Kidal. La th?matique de la d?possession du pouvoir traditionnel est omnipr?sente pour parler de ces transformations. Quand on pr?te attention, cette id?e est toujours second?e de l?id?e qu?il n?y a pas eu quelque chose de viable et de ?respectable? pour le remplacer, ce qui accentue l?id?e d?inef?cacit? et d?inadaptation des institutions. Un jeune de Gao nous dit ?On croft en la de?mocratie parce qu ?on l?appliquair nous- memes, ?une certaine manie?re. Mais ce syst?me qu?on nous impose n?est pas bon. Les repr?sentants permettent le mensonge. Pour nos parents, c?est bizarre; faire con?ance a quelqa?un qui est un parleur. Notre culture n?aime pas les mauvais parleurs; ceux qui ne tiennent pas leurs promesses. ?est pour cela qu ?on ne s?em?end pas avec ce systeme. 0n nous promet monrs er merveilles depm's plus de cinquante ans. Tu peux re tromper quand tu es n?importe qui. Mais quand es un responsable, tu ne peux pas faire ca?. 24 Bien que la fonction des chefs soient amoindrie (parfois m?me vue comme perdue selon les r?gions)3 il semble qu?il demeure encore, comme nous di?t ce jeune de Gao ?an monde derriere ce monde que les pouvoirs en place ne veulem pas voir?. L?id?e a creuser ici serait de voir la part de l?gitimit? accord?e ?cc monde?, et comment lui redonner une place du fait de l?importance qu?elle rev?t aupres des populations, dans un systeme fonctionnel, Viable et r?ellement repr?sentatif. b) Les femmes et le pouvoir Le pouvoir d?une personne et d?un groupe, chez les Kel Tamasheq, se dit aussi ezawe. s?agit du pouvoir qui d?coule des alliances matrimoniales, qui permettent de mobiliser 1e pouvoir d?autres clans patrilin?aires. D?ou l?importance des femmes dont 1e pouvoir a ?voqu? par nos interlocuteurs de nombreuses fois. Celui-ci est d?crit comme permettant a une femme de mobiliser non seulement ses hommes (mari, pere, freres, ?ls, etc.), mais aussi tous les hommes qui respectent les valeurs prot?geant les femmes. De nombreuses histoires relatant ce pouvoir nous ont cont?es. Des femmes touar?gues font remarquer que la soci?t? touaregue ?tait jadis une soci?t? matriarcale, parfois meme dirig?e par une femme (exemple Ti?n?hinan, Kahena, etc). La chefferie ?tait d?volue, non pas au ?ls, mais au neveu ut?rin. Une femme rappelle: ?Les femmes a?ge?es e?raient consid?r?es comme les ?gales des hommes er participaienr aux instances de prise de decision; les autres femmes s?assuraient que leur voix e?tait entendue dans ces instances par le {ruchemenr ?un afne? on d?un grio L?av?nement de la patrilin?arit?, port?e par l?islam fut, dit-0n, la cause du long con?it qui opposa les Tadamakat aux Iwillimmiden. Evinc?s de l?Adagh, les premiers descendirent vers le fleuve et s?installerent dans la r?gion de Tombouctou. Des femmes songoy que nous avons rencontr?es disent que la colonisation francaise aussi a affaiin les femmes, parce que seuls les hommes ?taient en contact avec la nouvelle source du pouvoir, eux seuls ont scolaris?s. Elles esperent retrouver leur plein pouvoir le jour 01?1 elles seront aussi instruites que les hommes. Ces femmes se plaignent aussi des panis politiques qui s?adressent aux femmes quand i1 s?agit de mobiliser les gens lors d?une campagne ?lectorale. Ces derniers savent que les voix des femmes sont plus nombreuses que celles des hommes (ceux-ci sont plus souvent absents au moment du scrutin), que les femmes gerent les biens et les personnes mieux que les hommes, mais refusent de donner aux femmes des postes de responsabilit?. Une femme songoy de Gao nous dit ?Nous sommes roujours rel?gu?es an bas de la liste des conseillers municipaux. Et voyez l?exemple de cette grande dame, soutenue par le pouvoir central, qui ?a pa devenir moire de Kidal, simplemenr parce que c?est unefemme?. A Kidal, plusieurs femmes nous ont dit leur frustration et leur peine face aux con?its intercommunautaires ?causes par des hommes incapables de comprendre la diversite? humaine, an contraire desfemmes que le mariage force a appartenir a plusieurs clans?. Pour clore ce point, ces mots d?une femme songoy de Gao ?0n ne fair preuve ?aucune cr?ativite? pour nous permettre de participer pleinement sans devoir sacri?er nos me?nages er nos enfants?. 0n entend parfons clans certalnes communautes ?la che?ene, est?m, nous avons plus de chef?. 11 a 1c1 des dispantes dans la perception qu?ont les populations d?appartenir a une communaut? etfou a une fraction. Plus les liens de solidarit? et d?interd?pendance ont preserves, plus le sentiment d?appartenance est fort. 25 Si l?on poursuit l?exploration de ces representations, on se rend compte qu?il a eu des moments cl?s qui sont aujourd?hui pergus comme des tournants; a la fois d?crits comme des possibilit?s d?autogestion et d?espoir, ils peuvent ?tre aussi peu compris, mal adapt?s aux representations de la gestion politique locale et, du coup, mal accept?s. La decentralisation en fait partie. 2.23 Les collectivit?s locales et la decentralisation ressort de nos entretiens l?id?e qu?il a une transformation des formes d?administration avant, les chefs traditionnels g?raient un clan ou un ensemble de clans, dont il ?tait issu; aujourd?hui, 1e maire, le sous?pr?fet, etc. administre un territoire. G?rer des territoires de maniere impersonnelle est pour les populations une conception abstraite. Un ?lu de Kidal nous explique que le d?coupage administratif ne s?est que peu harmonis? avec les modes de gestion directs existants ?Le pr?sidenr de ?assemble?e r?gionale a son moi a dire sur route la r?gion. ?esr di?icile a concevoir pour nous, surtoui quand on ne connai?r pas le monsieur?. A l?origine de cet ?tat de fait, les d?coupages administratifs qui depuis la colonisation ont divis? des ensembles, des entit?s sociopolitiques, d?coupages qui ont en grande partie conserves, au detriment, selon les gens, de la coherence et du vivre ensemble. a) Une d?centralisation inaboutie L?id?e la plus forte ?voqu?e par nos interlocuteurs est que la pouvoir est centralis? dans les villes, Bamako puis les capitales r?gionales les plus proches et que les ressources n?arrivent pas jusqu?au milieu rural. Aussi, les moyens manquent. Les competences ne sont pas transf?r?es. Ce dernier ?l?ment a recurrent dans les entretiens; beaucoup nous on parl? de decentralisation inaboutie et faible. Un ?lu de Kidal nous dit ?Un constar re?cent sur la de?cemralisaiion a conclu qu?elle ri?a e?ie? mise oeuvre en ce qui concerne la participation de l?Etat aux ressources de ?nancemeni?s qu a haui?eur de 3 Si la decentralisation se situe s: cc uiveau, ga veui? dire que rien ne va, pas e?tonnant qu?il air de l?inse?curii?e?, que les gens soient perdus, qu?ils re?clament leurs droii?. Concemant 1e manque de transfert des moyens ?nanciers, un maire d?une commune de la r?gion de Tombouctou nous dit ?on ne peut pas iravailler avec si peu d?argeni. Ma commune couvre une super?cie ires grande, allanr parfois jusqu a la taille d?une re?gion. En dehors des impots ei? du droit de tirage avec qui ne de?passe pas 1, 5 million par an, avec quoi suis?je suppos? travailler? Je ne peux rien faire,? Il nous a signifi?, de nombreuses fois, le besoin de faire aboutir le transfeit des competences notamment en matiere d?imposition. Les arguments les plus avanc?s sont les suivants moins de bureaucratic et de frais, meilleure gestion, meilleurs suivi et controle, une visibilit? des fonds in situ par les populations. A ce sujet, un ?lu de Kidal nous dit ?Jusqu?a present, les collectiviie?s sont ienues d?aiiendre ces moyens, elless n?ont pas la possibilite? de relever les impots et de les percevoir, c?esi ?Eiai qui le fair, er nous, on attend, en regardani les dysfonctionnements. Quand les sommes sont la, la commune les utilise mais pa ne couvre pas ses besoins. Ce qui est de?pense? pour re?coli?er l?argeni?, dans la logisiique et les de'placements, collie plus que la re?coli?e elle-m??me. ?est absurde Le renforcement des institutions ?tatiques par l?aide budg?taire a sembl?, dans la plupart des entretiens sur le sujet, inadapt? au regard de la pauvret? des ressources. L?ensemble des ?lus rencontr?s a dit la n?cessit? d?appuyer les collectivit?s en mati?re de gestion des ressources 26 ?nanci?res et de proc?der au transfert des competences. Dans le cas contraire, l?Etat se voit renforc? certes, mais au detriment des collectivit?s. L?absence des pouvoirs d?concentr?s a ?galement ?voqu?e de nombreuses fois. La plupart du temps, c?est expn?m? par les termes ?absence de ?Etat? ou encore ?vacance de ?Etat?. Le service de tutelle est compris comme un service de controle, assurant la conduite des choses. Or, selon un ?lu de Tombouctou, ?la tutelle ne fait pas son travail On lui reproche ?ale surveiller, pas d?assister?, et d??tre dans une ?mentalite? de gouvemeur et de commandant omnipotent comme avant?, jaloux des nouvelles prerogatives des ?lus. Selon un responsable de programme de d?veIOppement a Kidal, la corruption des pouvoirs publics locaux, qui est assez r?cente, est la consequence d?un ph?nom?ne qui a ?volu? en cascade. Il explique ?ll )7 a par exemple ales courtiers politiques qui s?insinuent dans les marches locaitx entre la mairie et l?entreprise. Et ca c?est nouveau. Prenons un exemple une mairie doit faire une ?cole. Le maire s?assure quelqtt?tm qui lui apporte an certain electoral, c?est liti par le biat's d?une entreprise qui r?alisera les travaux. 0n pourrait dire qu?ils s?in?uencent settlement, sauf qa?en r?alite? le maire touche de l?argent pour avoir attribu? le marche? et le courtier touche lui aussi de l?argent. L?entreprise se retrouve avec peu d?argent pour faire l??cole. Elle ne se plaint pas car go demeure tin marche? avec des revenus non ne?gligeables, elle fait avec ce qu?elle a. Cette corruption dans la passation ales marches, c?est comme ca que ya se passe dans le Sad avec les gros marches publics, et c?est venu ici chez nous?. Par ailleurs, 1a plupart des entretiens font ressortir qu?il a un manque de formation des ?lus et une inadaptation du syst?me institutionnel. Les formes de pouvoir parfois s?entrem?lent, certains d?entre eux assurant la double casquette de leader traditionnel et d??lu. Les rapports avec l?administration sont ambigus, parfois con?ictuels. b) Des responsabilit?s d?plac?es Les entretiens ont fait ressortir qu?il a une tr?s grande disproportion entre ce que l?Etat exige et les moyens mis a disposition. Un ?lu de Kidal nous dit ?L?Etat se d?charge totalement sur les collectivites, c?est une catastrophe; on nous demande de toatfaire, de tout g?rer, de tout penser et cela avec un budget tres faible?. Un autre ?lu nous dit ?Normalement ce sont les collectivite?s qui sont l?Etat. Mais au Mali c?est l?inverse et partout au Mali, c?est comme ca?. Puis il poursuit ?tout cela revient a dire que le pouvoir re?el (de ?Etat et ales collectivite?s) est re?duit, en di??icult? Ce sentiment semble porter atteinte au modele m?me qui est v?hicul?. Plus qu?aux consequences des dysfonctionnements, along terme, c?est 1e modele qui risque de perdre sa cr?dibilit?. La question des impots est r?v?latrice a ce sujet. Un ?lu d?une commune de la r?gion de Kidal nous dit ?Les gens ne refusent pas de payer l?impo?t, mais personne ne passe pour le leur demander. en a qui payent parce qa?ils attendenr quelqite chose en retour; an puits, tine e?cole. 0n leur a expliqite? que l?impo?t est une facon de cotiser pour re?aliser des choses. Mais ayant paye? leur impo?t, ils ne voient rien et arr??tent de payer Ces representations sont pr?sentes dans l?ensemble des r?gions du Nord. On peut n?anmoins constater des differences a Kidal oi] la perception d?un manque de confiance de l?Etat est tres pr?sente, 1a question de la decentralisation est plus ?pineuse. La capacit? de gestion des communes dans l?ensemble est tres faible, i1 a n?anmoins des exceptions grace a l?aide de 27 certaines ONG qui appuient au renforcement technique, mais aussi grace a la bonne volont? de certains responsables locaux. c) Une remise en question de la decentralisation Pr?sent? comme la solution politique a la rebellion des ann?es 1990, la decentralisation est v?cue comme une non r?solution des probl?mes qui avaient pose?s a l??poque. Cet extrait le confirme .- ?Nous avons obtenu la decentralisation comme la solution qui allait nous sortir de la crise. Une gestion locale devait nous permertre de nous g?rer de maniere plus autonome er plus proche des re?alire?s. Mais ca ?a pas marche?. ?est une solution crease, er tout le monde le sent. On a organise des elections locales, on a des ?lus, mais ils ne peuvenz pas travailler. Ilfaur soil pousser la decentralisation jusqu?a ce qu?elle s?applique comme on nous ?a pre?sente?e en guise de starur particulier, avec une decentralisation des fonds et aussi des competences, soil ilfaut revoir le schema institutionnel?. 2.2.4 L?Etat et la s?curit?4 La question de la s?curit? a tr?s souvent ?voqu?e par nos interlocuteurs, notamment parce que le d?part de nombreux partenaires au d?veloPpement est li? a cette question, mais aussi parce que les bandes ann?es, les vols se sont multiplies. De mani?re g?n?rale, on d?signe 1a paix, la s?curit? par le mot emprunt? de l?arabe al ?aafet. On utilise aussi l?expression tezem'ut nakal qui veut dire en tamasheq la tranquillit?, el aman en arabe, el a??ia ou yeskin (litt?ralement ?tre pos?, stable) en songoy. a) Une accumulation graduelle des facteurs d?ins?curit? Ces derniers distinguent plusieurs type d?ins?curit? une ins?curit? qui proviendrait de l?ext?rieur (AQMI, tra?cs de drogues, tra?cs d?armes), et une ins?curit? ?int?rieure? dont les causes sont elles endog?nes. Dans le deuxieme cas, il a cit? plusieurs causes que nous restituons d?apr?s le nombre d?occurrences dans nos entretiens - Les troubles li?s au banditisme, aux vols (voitures, animaux), aux r?glements de compte, etc. Un des ph?nom?nes qui inqui?tent particuli?rement nos interlocuteurs est 16 vol d?animaux, souvent a moto, ph?nom?ne en constante augmentation, particulierement dans la r?gion de Gao. a l?ins?curit? humaine li?e au manque de d?veloppement, a la pauvret?, a l?ignorance, a la s?cheresse. - ins?curit? li?e au non droit, a l?injustice. Les bandes ann?es li?es au trafic de drogue et a la proliferation des armes. - Les con?its entre communaut?s (Touaregs et Peuls) a la fronti?re entre le Mali et le Niger. Les con?its civils et intercommunautaires qui ont suivi 1a rebellion des ann?es 1990. [Is 4 Nous avons d?ja pr?cis? an introduction qu?il a des themes que nous n?avions pas pr?vu d?aborder dans le cadre de cette ?tude. La question de la gouvernance s?curitaire en faisait partie. Ce sujet nous est cependant apparu important sur le terrain, tant il fut ?voqu? et plac? au coeur des probl?mes dans les pr?occupations ?voqu?es par les personnes rencontr?es. C?est la raison pour laquelle, malgr? le fait qu?elle soit non sp?ci??e par les termes de reference, nous avons d?cid? de ne pas l?exclure de cette restitution du terrain. 28 ont conduit :21 une fragilisation des liens entre les communaut?s, notamment s?dentaires et nomades, et enfin entre l?Etat et les populations du Nord - Mali. b) Faiblesse et corruption des services de s?curit? Dans 1a plupart des entretiens, il a dit que les forces de s?curit? (arm?e, police, gendarmerie) n?assuraient pas suffisamment et/ou correctement la s?curit? des individus et des biens. Plusieurs t?moignages ont relate la corruption des responsables, leur manque de volont?, parfois leur participation aux exactions elles?m?mes (par exemple trafics d?armes, n?gociations et partage des b?n??ces, couverture des m?faits). Le recours aux services de s?curit? est percu comme dif?cile, voire inef?cace, notamment du fait d?un per diem demand? aux plaignants, mais aussi du carburant et de la mobilisation des agents. De nombreux exemples d?noncant ces pratiques nous ont rappoxt?s, dont le r?cit suivant a Gao s?il a un voleur qui a pris des animaux dans un campement, les habitants du campement vont se re?volter et aller trouver les gardes. Ceax-ci demandent les per diem pour les agents, du carburant pour tears ve?hicules. Arrives chez les voleurs, its font une sorte de mediation et its partagent le butin avec les voleurs. Et les prix qu?ils demandent sont tres e?leve?s pour les gens. a quelques jours, un proprie?taire s?est fait voter 120 vaches par des jeunes. Les gardes de la s?curit? qut' e?taient tout pres lut' ont demand? 500 000 FA pour rattraper les voleurs. Cet e?leveur peul ?avat't que 50 000 F, les agents ont refuse? de bouger. L?homme a ?ni par promettre de donner des bwufs s?its rattrapat'ent les voleurs. Mats its ont refuse. 0n est oblige? de supplier pour rattraper les voleurs. II a failu payer 360 000 qu?on a re?ttssis a n?gocier et a cotiser. On a paye? le carburant pour trots ve?ht'cules, mais l?argent du dernier ve?ht'cule a mange?. Les agents ont ?ni par passer une semat'ne en brousse chez les voleurs avec qui its out ?nalement n?gocie?. Le propri?taire n?a pas re?cupe?re? tous ses basufs, it a eu des pertes, le remboursement desfrais, plus le reliquat pour le d?placement. Finalement on se demande st' ga vaut le coup ?aller trouver les gardes.? c) L?origine des agents de s?curit? Sur le sujet, les avis sont diff?rents. Pour certains, quelle que soit l?origine ethnique du militaire, qu?il soit du Nord ou du Sud, les constats sont les m?mes 1a corporation en tant que telle pose question. C?est ce que nous dit ce notable de la r?gion de Gao: ?Le changement des o?iciers ne change rien, ce sont les mentalite?s qu?il faut changer en profondeur. Il fut an temps, les gens disaient que c?est parce que ce sont des gens du Sud, espe?rant que les inte?gres allaient ame?liorer la situation. Pour moi, c?est pareil, c?est [e systeme qui est mauvat's. Ces o?iciers de l?arme?e malienne sont ignorants, mal forme?s, corrompus?. Pour d?autres, il a ?voqu? la n?cessit? d?engager des agents de s?curit? provenant du Nord, connaissant ces r?gions et ces populations, et de multiplier la cr?ation de troupes mobiles de s?curit? ou encore des gendarmes de proximit? pour ce qui est du milieu s?dentaire. (1) La question des unit?s sp?ciales La question des unit?s sp?ciales a ?voqu?e dans la r?gion de Kidal on, nous l?avons dit, 1a sensibilit? a l??gard de la presence des corps en uniforme est plus vive que dans les autres regions. Nous n?avons pas rencontr? de membres de ces unites, le cadre de cette etude ne s?y pr?tait pas. Toutefois, notre s?jour a Kidal a co'i'ncid? avec le vol d?un v?hicule d?un programme de d?veloppement. Il ?tait int?ressant de constater la perception du role de 29 chacun dans la s?curisation et l?encadrement des activit?s de d?veloppement qui nous int?ressent ici. En fait, il a rappel? que les membres des unites sp?ciales n?avaient pas le droit de sortir de la commune de Kidal, ce qui, aux yeux des habitants, apparaissait comme la manifestation d?un manque de con?ance de l?Etat a leur ?gard. C??tait aussi, selon eux, le r?sultat du non reglement de cette partie delicate des accords d?Alger de juillet 2006 e) A qui incombe la responsabilit? de la s?curit? Il semble avoir une profonde ambiguit? dans la distribution et dans la conception des roles concernant la gouvemance s?curitaire. Dans les diff?rents entretiens, il est reconnu que l?Etat af?che de plus en plus sa prerogative r?galienne d?assurer la s?curit? au Nord. Les gens nous disent que l?arm?e est de plus en plus pr?sente, ils ?voquent aussi la construction de casernes. Dans le meme temps, les populations ne comprennent pas le role de ces militaires ?sont?ils 1a pour chasser pour re?soudre le banditisme? pour re?gler les con?its dans les zones transfrontaiieres, comme celle Mali?Niger? 0n ne le sait pas, on suit juste qu?ils se veulent de plus en plus pre?sents, sans pour autant que les choses s?am?liorent?, nous dit un notable de Tombouctou. Par ailleurs, au cours des diff?rents entretiens, nous avons frapp?s par la recurrence de la notion de responsabilit? civile dans le domaine de la s?curit?. Tous s?accordent a dire que l?Etat seul ne peut pas r?soudre les problemes de s?curit?, mais a que] point cette notion est? elle ancr?e? a l?id?e que tout le monde doit s?impliquer les parents, les chefs de fraction, les femmes, les leaders dans la lutte contre l?ins?curit?. Cela a fait l?objet de v?ritables campagnes de sensibilisation, notamment au cours de rencontres intercommunautaires. Pour autant, les roles de chacun restent flous et le sentiment exprim? par les populations, concernant la corruption et l?inefficacit? du travail des agents de l?ordre, leur fait croire qu?ils sont seuls responsables des causes de l?ins?curit?, mais aussi de son d?nouement. A ce propos, un leader de Gao nous dit ?Le probl?me c?est que I?Etat nous a retire? notre pouvoir sur le controle de nos populations, mais il nefait rien pour re?soudre les problemes de s?curite?. Et continuellement, on nous appelle a la rescousse pour r?cup?rer un ve?hicule voi?, pour re?gler des probl?mes d?inse?curite?. Chaque jour, presque, nous sommes confronte?s a cette situation, sans avoir aucun moyen pour le faire. Pendant ce temps, ?Etat ?assume pas son roie. 0n ne sait pas quifait quoi.? Le principe de responsabilit? civile de la s?curit? ne semble pas d?fini, il est parfois surexploit?, au point que certains maires nous ont fait part d?une demande d?int?grer dans le budget, sous leur controle, des agents communaux de s?curit?. Quelle est la pan devant ?tre jou?e par l?Etat et quels sont les r?sultats obtenus? Quelle est la part des ?lus Qu?en est?i1 de celle des populations? 11 est important de souligner que la r?ponse a ces questions reste ?oue aux yeux des populations. On constate que cette confusion a g?n?r? trois ph?nom?nes parmi ces derni?res. Tout d?abord, un ph?nom?ne d?int?riorisation de cette responsabilit?, face a laquelle tous n?ont pas la meme position. Un notable de Kidal nous dit ?Z?Etat ne veut pas nous reconnaitre cette capacit?, ii ne nous donne aucun moyen et aucune reconnaissance quand bien m??me nous arrivons a faire des choses positives?. Face 51 cc qu?un salari? d?une ONG oeuvrant pour la paix a nomm? ?une stimulation collective pour la s?curit??, certains ont clairement exprim? leur refus de prendre en charge ce qui leur semblait ?tre du devoir de l?Etat. A ce sujet, un enseignant nous dit ?qu?est-ce qu?on attend de nous? 0n doit courir avec nos moyens apr?s le bandit, l?emmener en prison et veiller a ce que to justice le 30 punisse dans les regles? Ce n?est pas le ro?le de tout un chacun, c?est le role de ?Etat, parce qu ?il dit s?occuper de tout cela.? Ensuite, les gens ont exprim? l?id?e qu?ils ne savent plus a qui s?adresser pour parler de ces problemes qui restent non r?solus. Ils ?voquent la complicit? des agents de l?ordre dans les m?faits et constatent qu?i] n?y a pas d??tat de droit permettant d?arr?ter les coupables et installer l?ordre. De la, enfin, d?coule un ph?nom?ne de culpabilisation des populations qui se voient parfois accus?es de ne pas ?tre capables de g?rer leurs jeunes, surtout ceux pris dans des bandes arm?es. Pour exemple, un notable et marabout de la region (16 Gao nous dit ?Depuis 2009, on interpelle tout le monde pour arr?ter les bandits, au point de ne plus savoir quoi faire. Avant, on le faisait aussi, mais la nous avons intensi?? nos activite?s; on sensibilise les gens a la radio, on fait des pr??ches. On fait tout ce que l?on peutfaire, mais pour ?Etat, ca n?est jamais assez, on est toujours soupconne? de prote?ger les bandits, voire m?me complice.? Toutes les corporations, communaut?s et categories sociales, semblent ?tre prises dans ce nouveau paradigme de la responsabilit? civile de la s?curit?, dont les roles sont ind?termin?s. Les populations expriment 1e souhait de voir un Etat arbitre capable de veiller a l??tat de droit et de trancher par la justice entre les individus. Tant que cela ne sera pas acquis, le role de chacun continuera a ?tre ?ou, 1e principe do justice par l?Etat remis en question. Autour du theme ?s?curit? et d?veloppement? La responsabilit? civile de la s?curit? des agents de d?velOppement et de leur mat?riel a fait l?objet d?un d?bat houleux. Ainsi, une note r?cente des gouverneurs adress?e aux ONG demandait d?inclure dans leur ?nancement 1a prise en charge de leur s?curit? par l?arrn?e. Cette demande a tres critiqu?e par les acteurs du milieu, quelle que soit la r?gion concern?e. Ce t?moignage d?un agent de d?veloppement specialise dans la sant? est assez repr?sentatif des reactions que nous avons pu observer sur cette question ?la s?curit? dans le Nord, c?est malheureusement consid?r? comme un travail au coup par coup. 0r, la s?curit? c?est un processus qui demande beaucoup d?e?l?ments et de volonte?. Faire croire a nos partenaires ?nanciers que le paiement du carburant apportera la s?curit? est une facon de nous faire encore payer le mauvais travail de l?arme?e. ?ajouterai que ?Etat avec son arme?e doit faire son travail et non prendre ?argent destine? au de'veloppement des populations. Cette arm?e est de?ja tr?s presente dans nos re?gions. Si la decision ne tenait qu ?t?z moi, je ne donnerai pas le prix d?un litre de carburant On nous a exprim? de nombreuses fois, et cela dans les trois regions, la peur que pouvait engendrer 1a presence de l?arm?e pour les populations, particulierement en zone nomade, peur expliqu?e selon nos interlocuteurs par un vecu historique au cours des rebellions de 1990 particuli?rement, qui avait pouss? les populations in fuir en Mauritanie, en Alg?rie, en Libye, au Burkina Faso, etc. Pour cette raison, i1 nous a dit que l?arm?e n??tait pas percue comme un alli? au service du d?veloppement. Le coordinateur d?une ONG sp?cialis?e dans la sant? dans la r?gion de Gao nous explique cela ?0n nous demande ?avoir une escorte de l?arme?e dans les tourne?es de sant? mobile et, en plus, on nous demande de payer cela. Notre organisation a refuse. Venir soigner les gens accompagne?s ale militaires arm?s? ?est inconcevable. Nous tentons tie ge?ne?rer une attraction vers la sante?, pas de faire fuir les 31 gens. Nous peinons de?jd beaucoup pour que le service soit accessible?. g) Une presence de l?arm?e controvers?e selon les r?gions La demande de s?curit? est manifeste et clairement exprim?e par l?ensemble des interlocuteurs et ce, dans les trois regions. Cependant, 1a perception des agents de s?curit? et de la signification de leur presence souleve quant a elle des problemes tres s?rieux. Ainsi, pour les raisons qui viennent d??tre ?voqu?es ci?dessus, i1 nous a dit que l?arm?e ne peut pas ?tre pergue comme un acteur accompagnateur du d?veloppement. On constate que Kidal est la r?gion dans laquelle 1a presence de l?arm?e est la plus probl?matique et la plus ma] v?cue. Le recours a un gouverneur militaire plusieurs fois ?voqu? et expliqu? comme ?une militarisation du Nord et une surveillance au plus pres de nos collectivite?s? (propos d?un Dans cette r?gion plus qu?ailleurs, les gens parlent d?une continuit? de la presence militaire depuis le temps colonial jusqu?a l?Etat ind?pendant et ?voquent les repr?sailles meurtrieres issues de cette presence. Ce sentiment demeur? tres profond g?n?re une veritable m??ance Vis-a-vis du role des agents de l?ordre. Celle?ci s?est exprim?e a plusieurs reprises par la prise des armes et il est a craindre, si la situation continue a se d?t?riorer, que cela ne se reproduise a nouveau. Nombre de nos interlocuteurs, exprimant un veritable d?sarroi face a l?impasse ressentie, nous ont fait part de leur anxi?t?. 2.3 LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL PERCEPTIONS ET EXPERIENCES s?agit d?sormais d?appr?hender les perceptions des personnes rencontr?es a propos des experiences de d?veloppement qu?a des titres divers elles ont pu approcher. Comme pour les themes precedents, elles sont trait?es de maniere tout en se r?f?rant le plus possible aux paroles entendues. Elles sont regroup?es en sept points qui paraissent en mesure de restituer au mieux ce que nous avons estim? comme essentiel a faire ressortir. Parmi les nombreux secteurs et aspects du d?veloppement, nous avons pluth privil?gie ici ceux qui, pour des raisons pratiques, ne sont guere approfondis dans le reste du texte (chapitres 3 et 4 et annexes). 2.3.1 Le d?veloppement Le d?veloppement, dans les langues tamasheq (tiwat et taut), arabe (el relmia) et songoy (tontoni), est davantage associ? a l?id?e de bienfaits ?conomiques qu?aux aspects concernant sa propre gestion. Paradoxalement, cette notion est quasiment tout le temps associ?e a l?id?e de ?projet?. Ainsi, le d?veloppement ne fait guere reference aux evolutions socio? economiques ant?rieures (?changes commerciaux a longue distance, systemes de compl?mentarit?s locales, dynamique de l??levage, etc.). An contraire, il est date dans le temps, apparaissant avec les programmes et les projets de d?veloppement ?nances principalement par les organismes ?tatiques et priv?s internationaux. s?agit donc d?un ph?nom?ne surgi r?cemment dans l?histoire des soci?t?s. Nous avons retenu trois themes pour d?crire l?ensemble des perceptions que nous avons recueillies le premier concerne la confusion quant aux moyens allou?s au d?veloppement, 1e deuxieme traite du contenu et de la viabilit? des projets men?s, 1e troisieme des modalit?s du changement social et des comportements g?n?r?s par le d?veloppement. 32 2.3.2 Confusion sur les moyens allou?s an d?veloppement La question des ressources pour le d?veloppement est importante, tant la confusion sur la destination et l?utilisation des ressources a fait l?objet de discussions parmi nos interlocuteurs. Un charg? de projet nous donne son explication. ?Quand on dit qu?il a des rnilliards au Nord, it four comprendre ce que cela vent dire. ll a une double utilisation dans le discours sur ces fonds les collectivii?e?s revendiquenr ces fonds ?on a reeu des milliards?, l?Eiat dit la meme chose, les projets disenr la m??me chose. Ca donne ?impression qu?il a des ressources di??rentes pour chacun d?enire eux, alors qu?en faii ce sont ces memes fonds qui passenr dans trois canaux di??rents?. La plupart disent qu?ils ne comprennent pas ou vont les milliards ?voqu?s a la television et promis par I?Etat. La visibilit? de l?argent allou? au d?veloppement fait d?faut, mais il est aussi devenu un objet de convoitise, une rente qui fait appel a des strategies pour capter les projets. Ont ?galement d?nonc?s les d?toumements et la corruption dans le milieu du deveIOppement. Un cadre de Tombouctou nous dit ?Parmi tous les investissemenis au Mali destine?s au Nord, nous en voyons 25% re?alise?s. Les bariments ne sont pas realises ou pas r?cepiionn?s, les re?ponses aux appels ?offres sont monnaye?s, peu de projets on! an impact re?el?. On associe g?n?ralement a cette analyse l?insuffisance de la maitrise d?ouvrage ainsi que le manque de s?rieux de certains agents de d?veloppement. Quelques exemples de gestion rigoureuse de projets par certaines personnes restent tres ancr?s et demeurent des mod?les dans les esprits. Ceci explique que les populations sont tres critiques face aux d?tournements et ont une exigence tres vive pour que des cadres s?rieux et comp?tents prennent les choses en mam. Les lourdeurs administratives sont ?galement d?nonc?es pour expliquer les dif?cult?s des projets. Un charg? de projet nous dit ?Les lourdeurs bureaucratiques et le manque de decentralisation effective freinent beaucoup les choses. Des petits projets de 500 000 sont decides a Bamako. Les procedures sont ires lourdes. ll faut absolument alle?ger tour cela si ?on vent ??rre e??icace. Par exemple, un certain seuil de ?nancement pourraii ?ire donne? aux regions sans se r?f?rer a l?organisation centrale. Ca pent se faire via des directions re?gionales qui seront plus responsabilise?es sur les projets?. 2.33 Le manque de pertinence et d?efficacit? des projets La plupart des techniciens que nous avons rencontr?s nous disent que les projets de deveIOppements proposes ne correspondent pas a l??volution du d?veloppement lui?m?me. Certains d?noncent l?approche par petits projets qui r?pondent a des besoins ponctuels et ne sont pas p?rennes. Il semble avoir une adhesion et une demande de plus en plus prononc?e pour des projets d?envergure a la place de petites interventions ?parses et a dur?e limit?e. La realisation des puits est un exemple qui ?claire cette id?e. Un technicien en hydraulique nous dit ?On a ?impression qu?il n?y a pas de volonte? re?elle d?investissemeni. Nous avons an poientiel en tres grand, c?est quand m??me contradicioire a certaines p?riodes, nous mourons de soif, alors que nous avons des reserves en sans pareil; la r?gion de Kidal a plus d?eau que Sikasso! Pourtant, les barrages sont malfais, les puits ne sont pas places aux endroits of: ?on en a le plus besoin. Il faut depasser le saupoudrage. La question est de trouver des solutions pour retenir les economies locales, non pas avec des moyens foibles et 33 parcellaires mats avec des technologies adapt?es et avance?es. Les gens ont voyage dons d?autres pays, on voit ce qui se passe la television. 0n voit des re?gt'ons de?sertiques et dt'?iciles d?acces comme les notres, et pourtant avec un de?veloppement re?ussz', dans les pays du Maghreb: au Maroc, en Tunisie, etc. Nous, on nous propose des dizat?nes de putts qui en quelques anne?es ne sont plus fonctionnels. St on avatt realise un seul forage bien conpu et au bon endrot't, on auruit quelque chose de durable aujourd Est associ?e a cela l?insuf?sance de la strat?gie du ?tout a ?infrastructure?. 1] nous a dit que la visibilit? escompt?e 'a travers la construction de batiments ne pouvait 'a elle seule r?sorber l?attente des populations. De nombreux exemples nous ont donn?s an ce sujet des ?nes circulant dans les ?coles, des CSCOM peu fournis, un hopital sans personnel competent, etc. L?accent a mis sur le fait qu?il fallait aller avec intelligence, de maniere a ce que le minimum fourni soit v?ritablement fonctionnel et de qualit?. 11 a ?galement ?voqu? le besoin de faire ?voluer les indicateurs, les m?thodes d?appui et de suivi pour g?n?rer des cercles de fonctionnement vertueux, car lorsque les strategies ne sont pas pertinentes les projets ne peuvent ?tre viables. En?n, de nombreux entretiens laissent percer des pr?jug?s tenaces et probablement profond?ment int?rioris?s a l?endroit de populations ou de cultures consid?r?es comme freinant le bon fonctionnement des projets ainsi en va?t-il des allusions aux ?nomades paresseux?, ?ing?rables?, ?incontro?lables?, ??ternels assiste?s? dans les declarations de certains d?cideurs strat?giques. Il s?av?re, au regard de nos entretiens et des exemples ?voqu?s, qu?il s?agit moins de culturalisme que d?une prise en compte insuffisante de la complexit? du contexte. D?apres nos interlocuteurs, les dif?cult?s rencontr?es pour acc?der directement a certaines categories de personnes sont souvent dues au fait que les hierarchies existantes et les voies possibles pour arriver a elles, ne sont pas prises en consideration, que les projets ne sont pas port?s, rendus visibles et control?s veritablement au niveau des populations elles-m?mes. 2.3.4 Une d?motivation g?n?ralis?e Les politiques de d?veloppement au Nord sont pergues surtout comme astreintes a un contexte de ?laxisme politique?; il s?agit la d?une rh?torique r?currente pour expliquer au moins une pattie des ?checs du d?veloppement entrainant in?vitablement un d?couragement chez beaucoup. Les d?ceptions r?p?t?es semblent avoir amoindri les dynamiques locales et les capacit?s endog?nes au pro?t de strategies faites d?attentisme. Plusieurs exemples nous ont rapport?s particulierement dans la r?gion de Tombouctou qui a aux cours des Vingt dernieres ann?es un reservoir d?enthousiasme et d?id?es dans les domaines du savoir, du tourisme et de l??cologie. Au moment de notre tourn?e, cette ville quasi abandonn?e par les projets porte les marques d?un Vide d?id?es et de motivations. La maison des artisans est en ruine, les efforts d?assainissement sont obsoletes, les intellectuels desesp?r?s des nombreux projets mis sur papier et ?nissant dans les tiroirs. Cet extrait d?entretien avec des cadres de cette r?gion est ?difiante sur le sujet ?Nous en avons marre de voir les experts ventr nous demander quels sont nos probleme et comment les r?soudre. Nous voyons de??ler les e?quipes, nous e?eoutons, mats nous n?avons plus d?enthousiasrne. Nous avons en de grandes promesses, de grands chunn?ers qui ont en re?alir? des mirages. A ce stade, [a question ?est plus de comprendre mats d?ugt'r v?ritablement?. 34 2.35 Focus sur une r?gion Kidal Un des problemes les plus exprim?s est celui de la gestion de l?eau. Par ailleurs, 1a demande accrue (16 services publics ne trouve pas de solution par la seule fixation des families. Selon nos interlocuteurs, c?est la conception et le fonctionnement des services qu?il faudrait changer. Les r?sultats chiffres compares a la r?alit? posent un autre probleme. L?exemple de la scolarisation dans le premier cycle est probant alors que les chiffres officiels annoncent un taux de scolarisation sup?rieur a 65%, plusieurs sp?cialistes et techniciens de la r?gion soulignent qu?a peine un quart des enfants scolarisables va r?gulierement a l??cole. Ces contradictions r?v?lent une inadaptation profonde des approches conjugu?e a une incompr?hension des r?alit?s locales. La plupart des representants du secteur de l?enseignement nous expliquent ce gap par le fait que les ?leveurs ne veulent pas mettre leurs enfants a l??cole. Rarement l?analyse est pouss?e plus loin pour comprendre les raisons, et notamment le fait que la scolarisation telle qu?elle est concue revient a les contraindre a faire 1e choix entre l??cole et le mode de vie pastoral. Voici quelques cas que nous avons pu regrouper a partir de plusieurs entretiens dans la r?gion de Kidal. A Tineze, In Khalid, Inabag et Inakarot, i] a des problemes de gestion de l?eau, de ?xation des p0pulations et de fr?quentation scolaire. Plusieurs personnes nous ont dit que les vols commis sur les infrastructures ?taient frequents a cause d?une mauvaise perception du role de l?Etat. A Tin Zawaten, village cass? par la guerre, les mines sont partout. La description de la situation de ce centre nous est donn?e par un ressortissant de la commune: ?arme?e occupe le village et ne veut pas partir sous pre?texte qu?elle garde une zone pleine de mines. Elle n?assure en rien la s?curit? des gens; au contraire, les populations se sont ?parpill?es er partag?es en trois sites. Tout est di?lcile a contr?ler. Avant, nous avions deux e?coles, aujourd?hui ou doll?on mettre l?e?cole? Er le Cette situation pose des probl?mes de gestion publique, mais aussi de cohesion sociale car la division des populations a cr?? l??clatement du pouvoir local et rend dif?cile 1e controle du banditisme. Dans la plupart des communes et notamment celle d?Abeibara, la fourniture de l?eau et la s?curit? alimentaire sont difficilement assur?es; il semble avoir de grandes dif?cult?s a faire des stocks de c?r?ales. Les CSCOM et les ?coles peinent a fonctionner et ne s?int?grent pas au mode de vie des populations. 11 existe tout de m?me des experiences int?ressantes, notamment lorsque la gestion communale est correctement assur?e. C?est 1e cas de la commune d?Ajelhok ou des initiatives int?ressantes ont entreprises par les ?lus, en lien avec des appuis ext?rieurs attaches 21 ce que les decisions et le suivi soient r?ellement une affaire locale. 2.3.6 Au sujet de la ?xation des nomades a) Monde ?nomade? et monde ?s?dentaire? De nombreuses fois, nos interlocuteurs nous ont interpell?s sur les conceptions du monde nomade et s?dentaire que l?on a tendance a presenter comme deux entit?s oppos?es et ?g?es. Les r?ponses apport?es ont permis de voir que la plupart des nomades vivent dans des terroirs d?attache comprenant des points d?eau permanents qui permettent aux familles de se 35 ?xer notamment pendant les mois de saison seche. A cote de cela, beaucoup de s?dentaires, quant a eux, sont soumis a la mobilit? soit parce qu?ils changent de site en fonction des saisons et des crues, soit parce qu?ils ont recours de maniere de plus en plus intense aux activit?s d??levage. Cette fixation aupres des points d?eau apparai?t comme primordiale dans les discussions sur les strategies de gestion territoriale du d?veloppement. La sp?ci?cit? de ces sites reside dans le fait qu?on ne part pas des localit?s urbaines, d?ja envahies par l?exode rural et soulevant d?autres probl?mes, mais du terroir d?attache organise autour du point d?eau et d?sign? par ailleurs comme ?secteur de d?veloppement?. Les gens appellent cela un ?site de ?xation?. Il s?agit d?un endroit ?xe fr?quent? par des groupes de familles a la p?riode de la saison seche, a savoir presque 8 a 9 mois dans l?ann?e. Ces mois correspondant aux mois de l?ann?e scolaire. Ainsi, sur ces sites, il est possible de developper des boutiques, une ?cole, un relais sant?. Dans ce domaine, les experiences en matiere de sant? nomade que nous d?taillerons plus loin ont d?velopp? toute une strategic d?acc?s aux populations, par le biais d?itin?raires et de circuits de sant? prenant en compte l?existence de ces sites. Dans la r?gion de Tombouctou, le march? est apparu ?galement comme une possibilit? de creation d?un site de ?xation. Conjugu? avec un point d?eau, il Optimise la concentration des services et deveIOppe 1e commerce local. Percu parfois comme une modalit? efficace de concentration des services, il peut ?tre aussi compris comme une voie, un modele pour sortir de l?image du nomade jug? sous?d?velopp?. Cette id?e est tres pr?gnante dans les regions de Gao et de Tombouctou pour qui la ?xation par le point d?eau ou par le march? semble ?tre une maniere non seulement de se d?velopper mais aussi de se distinguer socialement. Les avantages apport?s par la fixation permettent de s?ouvrir sur une culture s?dentaire, pergue comme plus encline au d?veloppement. Cela signi?e ?galement avoir plus facilement 210053 a l?information, a la concertation, a l?organisation et done a la prise de decision sur des affaires communes. Le coordinateur d?une ONG intemationale, ressortissant de Tombouctou, nous dit a ce sujet ?Nous voyons toujours le nomade comme un ??tre du de?sert, qui change de lieu tout le temps, qui ?est pas contro?lable, qui ne peut pas se de?velopper. ela a particip? au maintien d?un fantasme du nomade libre, mais aussi r?fractaire au d?veloppement et au progres. Tout cela n?est pas vrai, le nomadisme ?est pas un choix, il constitue une partie de notre culture certes, mais il est avant tout le fruit d?une situation sp?ci?que lie?e au climat er au sous-developpement. Si tu apportes de ?eau plus re?guli?rement et que les pc?iturages sont abondants autour des sites, la ?xation sera choisie, les gens n?auront plus a bouger r?gulierement, de plus en plus loin, pour chercher de ?eau et pour survivre II nous a dit, surtout dans la r?gion de Kidal mais cela est vrai aussi ailleurs? que la mobilit? des animaux reste une des conditions indispensables pour la survie du pastoralisme, non seulement pour s?adapter aux al?as, a la diversit? des ressources tout en pr?servant les ?cosyst?mes, mais aussi pour le maintien des liens et des ?changes avec les autres communaut?s dans un contexte de dispersion. En fait, partout au Nord, la n?cessaire mobilit? du b?tail avec des bergers peut tres bien se combiner avec la ?xation des familles dans les sites de fixation. C?est toute la survie d?activit?s ?conomiques et socio-culturelles qui est ici questionn?e. Dans ces dynamiques, 1e mod?le de gestion des territoires en milieu s?dentaire cr?e une in?uence et des normes qui gagnent de plus en plus 1e milieu pastoral. Pour beaucoup, c?est 1e manque de comprehension et de volont? de pr?server les activit?s d??levage qui 36 emp?cherait de viabiliser les modes de vies qui s?y rattachent. Un ?leveur nous dit a ce sujet ?Si je veux que mes enfants aillent a ?e?cole oufaire soigner ma mere, je dais aller en ville. Si je vats en ville, je fats quoi? Nous ?avons pas le choix, en r?alite?, nous ne sortons pas de la pauvret? parce que les chases ne sont pas fattes pour nous. Elles sontfaites pour les gens des villes b) A propos des ?poles de d?veloppement? L?id?e de r?aliser des ?poles de d?veloppement? autour de l?installation de forces de s?curit? souleve de nombreuses inqui?tudes surtout dans les zones pastorales. D?une part, mettre une caserne au milieu d?un site pour g?n?rer des activit?s de d?veloppement (achats de biens et de services, etc.) est pergu comme une intrusion suppl?mentaire des forces de s?curit?, dont nous avons d?ja ?voqu? qu?elles suscitent beaucoup de craintes, notamment parmi les populations nomades. D?autre part, une forte concentration humaine permanente est susceptible de peser beaucoup sur l?environnement nature], les resources en eau, en arbres, en bois mort et en pa?iturages ?tant d?ja limit?es et souvent tr?s al?atoires. Pour 1a plupart de nos interlocuteurs ce ne sont pas les infrastructures qui cr?ent l?adh?sion, mais bel et bien l?adaptation de l?activit? au milieu. L?exemple de l??cole est tres r?v?latrice ?1 ce sujet un instituteur de la r?gion de Kidal nous dit ?pa ne sert a rien de cr?er des e?coles qui serom? occupe?es par des anes, Sl les enfants que l?on veut voir aller a ?e?cole sont arrache?s a leursfamilles pour ?nir perdus et sans de?bouch?s?. Nous pouvons par ailleurs relever un paradoxe. De nombreux interlocuteurs se sont plaints de l?absence physique de I?Etat, du manque d?investissements en infrastructures (?coles, centres de sant?, et ont manifest? leurs besoins d?etre trait?s comme leurs freres des villes. Ils pensent que pour r?pondre a leurs besoins, i1 faut coller avec le modele propose et donc demander un traitement similaire. Et pour cause, les strategies de d?veloppement dans le Nord, sont souvent orient?es vers 1a construction d?infrastructures qui assurent une certaine visibilit?. Cette voie ne suf?t pas a satisfaire les besoins reels des populations. 11 faudrait donc chercher la solution davantage dans l?adaptation au milieu et la qualit? du service rendu. A l??vidence, la seule construction (16 b?timents ne garantit pas la Viabilit? d?une activit?. 2.3.7 Perceptions des evolutions dans trois domaines de d?veloppement ?conomique et social 3) La sant? Dans le domaine de la sant?, les problemes sont nombreux et complexes. Cet extrait restitue une de ce qui a pu ?tre dit en la matiere ?La question de la baisse de la mortalite? est au cwur de nos pre?occupations. Au Nord, les causes sont [fees .5: une ?e?quence tres basse dans ?acc?s a la sant?. Il a tout simplement une absence ale soins. Tout cela n?est pas lt'? a une question de moyens, c?est plus une question de plateau technique (qualite? des soins, formation du personnel, etc.). Aux CSCOM, ll a une absence de me?dicaments et de personnel soignant, done les gens ne reviennent plus s?y faire sotgner. Les solns sont couteux et tr?s dij?cilement accessibles. Par exemple, la CPN (consultation pre?natale) ainsi que la ce?sart'enne, les accouchements, normalement au Mali c?est gratuit, mais dans le Nord faut payer 35 000 pour ce genre de prestau'ons. 0n renche?rt't sur la sante? quand elle est rare, ce qui creuse davantage ?acce?s aux soins. En?n, on sail que les gens front toujours soigner leurs animaux avant de se soigner eux-m??mes, on a rarement conside?re? cela dans nos strategies (M?decins du monde) . Il apparait, par ailleurs, que la prise en compte de la sp?cificit? des populations nomades est un pr?alable pour penser 1a strat?gie du secteur de la sant? au Nord du Mali mais, pour diff?rentes raisons, elle est pr?sent?e comme un id?al difficilement applicable, voire irr?alisable. Ce frein que l?on peut ?galement appliquer a l??ducation en milieu nomade, semble cautionner les r?ticences a aller de l?avant ?0n sait en ayant a faire a des populations nomades que c?est le principe de proximite? qui permet ?ame?lioration de ?acc?s a la sant?. On le sait, mais on tourne autour, et on le dit a chaquefois comme si on venait de le d?couvrir, tout en nefaisant rien pour autant (Agent de Une autre representation qui semble tres pr?gnante consiste a consid?rer que la sant? en milieu nomade coiite Cher et qu?elle est, d?un point de vue logistique, un veritable casse?t?te. ?Etat a tendance a amplifier le caract?re nomadisant et inge?rable des populations du Nord. Aussi la complexite? de la chose est an argument pour ne pas agir? (coordinateur d?un projet de sant? a Tombouctou). De la meme maniere, d?apres une opinion tres r?pandue, la sant? mobile ne peut ?tre que mediocre avec des moyens primaires. Contrairement a ces perceptions, certaines experiences qui nous ont rapport?es ont montr?, d?une part, que l?association sant? humaine et sant? animale r?pondait a une demande coh?rente, d?autre part, que le co?t d?une prise en charge en sant? mobile ?quivalait au co?t d?une prise en charge en sant? s?dentaire (soit 30 euros par personne et par an/ selon les r?sultats MDM Mali), les ajustements logistiques n??tant qu?un remaniement des dispositifs de fonctionnement. Actuellement, des experiences sp?cifiques en la matiere (MDM et VSF) semblent porter une r??exion et une pratique utiles pour la realisation d?une strat?gie allant dans ce sens. N?anmoins, un agent d?une ONG de sant? nous dit ?Actuellement, nous avons une concentration de l?aide budg?taire dont le dispositif ne peut pas fonctionner avec un systeme de sante? mobile 52 moindre Gout. La gestion administrative centralis?e absorbe une grande part de ces fonds avant m?me que l?on puisse dire ouf. En l?e?tat, il est quasiment utopique ale penser qu?on peut avoir un syste?me de sante? adapt? au Nord, car l?Etat n?est pas dispose a le faire, et ga pour des raisons essentiellement politiques. A mains d?avoir un schema institutionnel spe?ci?que, ce qui demande de de?gorger les fonds concentre?s et patfois de?tourne?s au niveau de l?Etat.? b) Tourisme et patrimoine Les problemes relatifs au secteur touristiques ont grandement ?voqu?s, notamment dans la r?gion de Tombouctou qui traverse une crise grave depuis la classification du Nord?Mali en zone dangereuse, interdite aux ?trangers. Quatre elements saillants sont ressortis des entretiens sur le sujet La question de la s?eurit?. Le secteur est en chute libre et il est conditionne? par la question se?curitaire? (Office malien du tourisme et de l?h?tellerie Tombouctou). Un manque de volont? politique le tourisme reste un parent pauvre du d?veloppement, malgr? le potentiel, notamment en terme de patrimoine. ?Beaucoup de promesses ont faites sans ??tre tenues? nous disent nos interlocuteurs. Le secteur est percu comme laiss? a l?abandon, ce qui selon les gens a provoqu? un tres grand d?couragement. Un notable de la 38 ville de Tombouctou nous dit ?l?Etat ne nous a pas aide?s pour saisir les opportunit?s de d?veloppement, dans le cadre, par exemple, de [a coop?ration d?centralise?e avec ?autres villas comme Marrakech?. Une forte conscience de l?identit? culturelle et patrimoniale de la ville. En effet, Tombouctou est percu par ses habitants comme la ville de la culture islamique par excellence, des manuscrits, riche de son pass?. Cette conscience qui semble jouer un role de ciment culturel ne semble pas pour autant trouver d??cho en matiere de d?veloppement. Les causes, selon ce qui nous a rapport?, sont essentiellement dues au fait que les projets, les id?es, nombreuses au demeurant, ont but? sur un manque de moyens financiers pour les r?aliser, mais aussi sur un manque consternant d?int?r?t. Cette forte conscience s?exprime beaucoup dans un discours identitaire, parfois assez radical, sur la preservation de la culture tombouctienne. II a ?voqu? plusieurs manifestations pour la preservation des moeurs, contre l?organisation de concours de beaut? par exemple. Ces perceptions identitaires sont de plus en plus enclines a exprimer les frustrations ?conomiques et sociales. Une crise s?v?re du secteur. Depuis 2007, le chiffre des flux touristiques a diminu? de moiti?, depuis 2010 encore du quart restant. D?apres de la r?gion de Tombouctou, les consequences sur l??conomie locale sont tres graves. Selon ses observations, le tourisme concemerait pr?s de 70% des activit?s de la ville. Cela concerne les agences, l?artisanat qui fait ?galement les campements, les transports, l?h?tellerie, les guides, etc. Cette ?conomie en perte de vitesse vient s?ajouter a des probl?mes d?ordre structure] qui nous ont rapport?s comme tels - Pas de strat?gie sur le d?veIOppement du tourisme et notamment 1e tourisme interne (national, regional) qui permettrait de sortir des saisons touristiques courtes (octobre mars, saison dite espagnole de juillet 21 septembre) et de g?n?rer une dynamique. - Chert? des avions, irr?gularit? des vols et dif?cult? d?acces par la route. A ce propos, il a rappel? que l?a?roport international, engage sur ?papier?, reste en attente de realisation (i1 manquerait 400 de piste d?atterrissage). Fonctionnel, l?a?roport pourrait, selon les pr?visions de la r?gion, drainer des vols directs depuis l??tranger. A ce sujet, il nous a dit ?on soupgonne Bamako dc vouloir retenir la client?le?. - Manque d?entretien des sites historiques qui sont pour la plupart priv?s, laiss?s a l?abandon, sans moyens de les conserver. Manque d?appui en dehors de l?Etat et de la cooperation luxembourgeoise dans le cadre du Programme MALI 15. - Manque de formation dans le secteur du tourisme. Selon plusieurs rapports strat?giques ont fournis en la matiere mais n?ont donn? lieu a aucun suivi, aucune reaction. Les besoins professionnels dans ce secteur sont pourtant nombreux. - D?couragement total des acteurs du secteur qui tentent de s?orienter vers autre chose, abandonnant le travail, les ?nancements investis ainsi que les acquis. c) La jeunesse L??volution de la question des jeunes nous a pr?sent?e comme tres complexe. 0n peut classer les jeunes dans trois grandes categories. a d?abord ceux qui suivent une activite socio??conomique agro-pastorale et marchande, on les retrouve dans les villages et campements, en milieu rural et aussi dans les villes. Ils sont ins?r?s dans un milieu ou le controle social est present. Une autre cat?gorie repr?sente ceux que l'on appelle les d?racin?s du terroir, dont 1a plupart cherchent a migrer vers les pays ?trangers ou les grandes 39 agglom?rations. Ces jeunes, sans emploi et sans veritables perspectives, suivent des trajectoires de plus en plus d?structur?es, rejettent les modeles parentaux d'adh?sion (social, politique, religieux) lesquels ne semblent plus r?pondre a leurs attentes. Confront?s a l'argent facile, aux armes, ils sont les possibles viviers de bandes arm?s et de nombreux trafics illicites. Cela inquiete un grand nombre de nos interlocuteurs. D?autant que le contexte actuel ne va pas en prot?geant cette cat?gorie sociale tres expos?e aux fausses solutions. En effet, toutes les populations connaissent de nouveaux besoins. Les modes de consommation out Change. Le besoin d?argent pour pouvoir acc?der a de nouveaux objets de consommation (telephones portables, appareils modernes, v?tements a la mode, etc.) surtout dans les villes, est beaucoup plus important qu?avant. La faible croissance ?conomique dans les canaux classiques est dans l?incapacit? a r?pondre. En?n, une troisieme cat?gorie est celle des jeunes diplom?s, sans emploi, frustr?s, qui posent la question de l?utilit? de l??ducation scolaire qu?ils ont recue. Plusieurs programmes de r?insertion socio??conomique ont mis en oeuvre dans le cadre du r?glement des diff?rents con?its que le Nord du Mali a connus depuis 1990. En voici quelques? uns. 115 out tout d?abord pilot?s par le Commissariat au Nord, 1e Ministere charge de l?Administration Territoriale et le PNUD a travers 1e Programme d?Appui a la R?insertion des Ex?combattants du Mali (PAREM), transform? par la suite en Projet de Consolidation des Acquis de la R?insertion dans le Nord-Mali Aujourd?hui l?Agence de D?veloppement du Nord (ADN) assure la mise en dauvre d?un nouveau programme accol? aux accords politiques donnant suite a la rebellion du 23 mai 2006. Ce demier pr?voyait un vaste plan d'action couvrant deux volets sp?ci?ques un, visant des recrutements dans les corps en uniforme, l?autre la r?insertion socio-?conomique a travers notamment des activit?s g?n?ratrices de revenus. En 2006, on comptabilisait 10 000 postulants (4000 a Kidal ou la rebellion avait pris naissance, 3000 a Tombouctou et autant a Gao n?ayant pas rejoint la rebellion) sur un programme de cinq ans, ?valu? a 22 milliards. A ce jour, seulement 666 millions de francs CFA ont inject?s, couvrant le ?nancement de 731 jeunes a travers 276 projets (mars 2011). Nombre d?interlocuteurs nous disent n?avoir rien vu de ces milliards. Surtout, toujours selon ces demiers, ces projets a destination des jeunes bien que repr?sentant une certaine initiative, n?ont pu r?pondre que tres partiellement aux problemes de manque de formation et de chomage, car les problemes sont tres profonds le systeme ?ducatif classique ne donne pas lieu a des d?bouch?s professionnels viables. Les structures et les mesures d'accompagnement professionnel sont quasi inexistantes et peu dot?es en moyens et en competences. Par ailleurs, percue par les jeunes comme une r?ponse a la prise des armes, c?est toute la s?mantique de la r?insertion qui pose question. Elle se pr?sente comme une mesure d'urgence visant a calmer les esprits sans ancrer une dynamique de d?veloppement sur le long terme. Ce tableau plutot n?gatif ne doit pas masquer les potentialit?s. En effet, la plupart des jeunes du Nord r?gulierement confront?s aux dif?cult?s, li?s notamment au climat et au mode de vie pastoral qui obligent a la mobilit?, ont developpe des strategies adaptees a des conditions de vie difficiles. sont ?galement alert?s des problemes collectifs que connaissent les communaut?s. Ces ?l?ments leur procurent, tres jeunes, un certain sens des responsabilit?s et une adaptation aux dif?cult?s de la Vie 40 A travers ce chapitre, nous avons tent? de rapporter en les de ]a maniere la plus rigoureuse possible la palette des representations des personnes qui ont bien voulu nous accorder ces entretiens. A l?issue de la mission de terrain, nous avons ressenti une tres grande fragilit? de la situation accompagn?e d?un d?couragement quasi g?n?ral parmi les acteurs du d?veloppement et aussi de fortes incertitudes sur ce qui allait suivre. La tourn?e a confirm?, en tout cas, combien la crise ?tait profonde et inscrite dans les esprits, m?me si, 21 l??poque, nous ?tions dans l?incapacit? de pr?voir les formes concretes qu?elle allait prendre au cours des mois qui allaient suivre. Toutefois, le contact direct avec le terrain et les donn?es recueillies a cette occasion ont constitu? de pr?cieux outils dans la preparation et la realisation des phases suivantes de l??tude l?atelier de S?gou d?abord, 1e present rapport ensuite. 4] 3. CONTRIBUTION A DES LIEUX 3.1 REMARQUES LIMINAIRES Le pr?sent chapitre se pr?sente non pas comme une tentative d??tude exhaustive de la situation pr?valant au Nord Mali mais comme une contribution a son diagnostic, de maniere, ensuite, a pouvoir dresser des pistes de sortie de crise. Comme toute approche s?efforgant de saisir la complexit? d?une imm?diatet? qui ne cesse d??voluer sur plusieurs theatres a la fois, la notre n?a pu appr?hender que les mat?riaux dont l??quipe disposait au niveau de ses diff?rents membres et de ceux qu?elle a pu collecter pendant 1a tourn?e au Nord (juillet ao?t 2011) et ensuite lors de l?atelier de S?gou (3?5 d?cembre). Sollicit?e sur les strategies de d?veloppement, notre ?quipe a tres Vite realise que celles-ci ne fonctionnent aucunement en vase 0105 et qu?elles s?inscrivent largement dans un contexte politique, ?conomique, social, culture] et des normes de valeurs et de comportements extr?mement diverses qui en r?alit? les d?terminent. Dans ces conditions, nous avons estim? que le d?veloppement ne peut r?ussir que dans une con?guration institutionnelle adequate, parce que l?gitime et consentie aux yeux des populations. Ceci nous a amen?s a examiner le processus de decentralisation propre au Mali qui, a son d?marrage, en 1992, ?tait cens? constituer la r?ponse politique aux revendications a la fois de la r?bellion et du mouvement d?mocratique. Mais 1a encore, la situation actuelle montre que cela ne suf?t pas il faut remonter plus en amont 5 ce qui fait le socle du vivre ensemble d?une soci?t? ou d?une nation, c?est-a-dire la confiance mutuelle. Or celle?ci aujourd?hui est en piteux ?tat. Tant que celle?ci ne sera pas ?tablie, les institutions ne fonctionneront pas correctement et le d?veloppement en tant qu?expression concrete d?une amelioration des conditions de vie de toutes les populations ne pourra pas se r?aliser. C?est donc ce triptyque pratiqu? lors de l?atelier de S?gou (confiance, cadre institutionnel et d?veloppement) qui va nous servir d?outil de base autant dans l?analyse que nous allons faire de la situation que par la suite au niveau des propositions. Pour des raisons de clart? dans l?exposition de la d?marche, la suite de ce chapitre est organis?e autour de cinq points en guise de diagnostic. Le premier est consacr? a p?n?trer au mieux la complexit? extreme de la situation que nous avons saisie pour l?essentiel en novembre et qui depuis n?a cess? d??voluer. Le second appr?hende le processus de decentralisation qui a suscit? ?norm?ment d?espoir mais qui a fini par s?ankyloser et d?cevoir a moins qu?il puisse ?tre redynamis? sur des bases plus claires et ren?goci?es. Le suivant s?efforce de r?sumer ce qu?a le d?veloppement au Nord Mali, ses ?tapes successives entrecoup?es de s?cheresses et de rebellions, ses principaux domaines, avec des r?sultats qui s?av?rent en de?nitive tr?s mitig?s. Avec 1e quatrieme point, nous aborderons le manque de con?ance qui pr?vaut ces demiers temps alors que celle?ci repr?sente le ciment fondateur de tout pays. Le chapitre se terminera en?n par le rep?rage de plusieurs facteurs d?espoir qui pourraient ?tre mis a profit pour trouver des voies de sortie durable a la pr?sente crise. 42 3.2 UNE SITUATION DE PLUS EN PLUS COMPLEXE ET TENDUE 3.2.1 Ins?curit? physique des personnes et des biens faut noter que, entre le mois de mai 2011 et la ?n janvier 2012, la situation, d?ja grave, s?est encore nettement tendue et d?t?rior?e. Aux facteurs connus (tra?cs illicites, AQMI, proliferation des armes, s?quelles de la demiere rebellion de 2006-2009, banditisme arm?, le tout aboutissant au retrait des projets et ONG op?rationnels au nord, sont venus s?ajouter les consequences de la guerre en Libye (retour de nombreux civils sans ressources, arriv?e d?hommes arm?s ramenant une partie de l?arsenal libyen la creation du MNLA, les enl?vements en novembre 2011 d?Europ?ens a Hombori et Tombouctou. Depuis 1e 17 janvier 2012, ce sont des affrontements entre le MNLA et l?arm?e malienne mais aussi des exactions a l?encontre de Touaregs et d?Arabes (saccages et pillages notamment), qui ont entrain? l?exode massif des populations du Nord vers les pays frontaliers (Mauritanie, Burkina Faso, Niger, Alg?rie). A la mi-mars 2012, fait ?tat de quelque 195 000 personnes d?plac?es et r?fugi?es. Des milices se sont reconstitu?es et viennent aggraver encore cette situation, au risque de d?chirer davantage le tissu social. 3.2.2 Ins?curit? alimentaire La s?cheresse de 2009?2010 a tr?s ?prouvante, surtout dans les regions de Kidal et Gao. Les pertes en b?tail ont consid?rables (de I?ordre de 60% selon certains). De nouveau, les pluies ont d??citaires en 2011 un cercle comme celui de M?naka conna?it ainsi sa troisieme ann?e consecutive de deficit fourrager. Signe inqui?tant d?une crise alimentaire, les prix des c?r?ales ont atteint tr?s Vite des niveaux ?lev?s (27 000 quintal de mi], montant rarement atteint a cette p?riode de l?ann?e (juste apres les r?coltes), et se trouvent au?dessus du pouvoir d?achat de nombreuses families tr?s vuln?rables. Il semble ?galement que par crainte d?une nouvelle flamb?e de violence, les op?rateurs ?conomiques h?sitent a investir et a constituer des stocks importants. Tout ceci est d?autant plus inqui?tant que la mise en place dc vivres et d?aliment - b?tail dans les regions du Nord, toujours lente et co?teuse (a cause des distances at de l??tat des pistes), risque d??tre compromise par une recrudescence de l?ins?curit?. Depuis 1e d?clenchement des hostilit?s, la mobilit? et l?acc?s aux marches sont d?sormais entrav?s. Le d??cit alimentaire est commun a tous les pays du Sahel, les pays qui accueillent les r?fugi?s ne sont guere mieux lotis. 3.23 D?sarroi des populations vis-a-vis de l?Etat Nombre d?interlocuteurs, sur le terrain comme a S?gou, s?dentaires comme nomades, urbains comme ruraux, partagent de facon manifeste 1e m?me d?sarroi face aux d?faillances de I?Etat, dans le domaine de la s?curit? notamment. Ils disent ne pas voir d?actions men?es face aux dangers que repr?sente la mont?e en puissance et des trafics illicites. Certains interlocuteurs parlent m?me de complicit?s. Et, sultout, 1e banditisme ambiant n?est pas veritablement combattu les poursuites, quand elles ont lieu, sont tardives et sont a la charge des populations Victimes. Dans de nombreux cas, les bandits appr?hend?s sont Vite relach?s moyennant finance, accr?ditant l?id?e de complicit? ou de corruption parmi les agents de l?ordre public on de la 43 justice. Enhardis par l?impunit?, les bandits deviennent plus dangereux. Certains exhibent leur enrichissement ?hont?. Des ?lus locaux se voient parfois obliges de chercher a r?cup?rer les biens spoli?s, mais ils le font a leurs risques et p?rils quand bien m?me of?ciers de police judiciaire, ils n?ont pas a leur disposition des agents de s?curit? dot?s de moyens suf?sants pour dissuader les tentatives de vol ou enclencher des poursuites. On entend dire que l?Etat ne joue pas son role de protecteur, que l?Etat de droit n?existe plus ou m?me que l?Etat est absent, ce qui engendre un net sentiment d?abandon chez les populations. L?observateur ext?rieur est m?me surpris de la v?h?mence et de l?unanimit? de ces propos surgissant de facon spontan?e et insistante. Depuis le d?clenchement des hostilit?s, les populations eraignant et/ou fuyant les exactions de l?arm?e disent ne pas comprendre pourquoi l?Etat malien semble rejeter une partie de ses citoyens. Ils constatent qu?il en fut d?ja ainsi dans les ann?es 1990. La con?ance dans l?Etat est au plus faible, celle dans les autres concitoyens est gravement entam?e. 3.2.4 L?argent roi et l??rosion des valeurs soci?tales L?argent gagn? par certains de fagon rapide, massive et facile (dans les tra?cs divers, l?interm?diation dans la liberation d?otages, la corruption, 1e banditisme) cr?e des in?galit?s de plus en plus fortes il ?rode les valeurs anciennes fond?es sur la modestie, la retenue, le respect de soi et l?entraide. Le travail n?est plus que monnay?, i1 n?est plus une valeur morale, une expression de soi utile a l?ensemble de la soci?t?. L?effet corrupteur de l?argent gangrene tout le lien social, au sein des familles et des communaut?s. Tout devient marchandise l?argent peut tout acheter les ?lecteurs comme les ?diles, les forces de l?ordre comme la justice. Devant l?impunit? r?gnante, chacun se croit oblige de s?armer pour se prot?ger on se rendre justice, entrainant l?ensemble de la soci?t? dans une spirale de violence. La competition pour l?argent a conduit 21 la formation de mafias (c?est 1e terme employ? par les pOpulations) promptes a r?gler les comptes par les armes, et leurs agissements n??pargnent pas les populations. La fr?quence et l?ampleur des biens ma] acquis ?nissent par semer le doute sur le droit a la propri?t?, l?gitimant les vols et le banditisme. Ces fortunes colossales si rapidement constitu?es ont des effets n?fastes notamment sur la gestion des ressources naturelles: r?investies dans d?immenses troupeaux, elles viennent perturber les modes de gestion des ressources pastorales, et paturages. Ainsi, un troupeau de plusieurs centaines de t?tes arrivant sur un puits monopolise l?usage de ce puits pendant de longues heures et ne laisse aucun p?turage dans les environs, condamnant les petits ?leveurs a des pertes insurmontables. Ces fo?unes sont aussi r?investies dans l?immobilier (les fameuses villas de la drogue a Bamako, 1e quartier cocaine a Gao), entrainant une speculation qui p?nalise la majorit? des citadins. Face :1 de telles pratiques et de tels montants, les actions des projets (activit?s g?n?ratrices de revenus, fonds de roulement, microcr?dits) apparaissent d?risoires et d?une lenteur ridicule. Le d?veloppement s?en trouve galvaud?. Retenons cependant que le controle de cet argent est aux mains d?une toute petite minorit? et que sa distribution est n?cessairement partielle et partiale. L?impunit? dont jouissent les d?tenteurs de cet argent indigne les populations. 44 3.3 LA DECENTRALISATION UN PROCESSUS EN PANNE 33.1 Bref rappel Le processus de decentralisation enclench? au d?but des ann?es 90 a pr?sent? comme une veritable r?ponse politique aux revendications a la fois de la rebellion du Nord et du mouvement d?mocratique exigeant tous deux une plus grande autonomie de gestion par les populations et leurs repr?sentants, aux diff?rents niveaux administratifs. Pour les regions du Nord, elle a une traduction du ?statut particulier? pr?vu par le Pacte national du 11 avril 1992. Tout au long de sa phase de preparation et d?exp?rimentation, puis ensuite de concr?tisation a partir des premieres elections de juin 1999, elle a suscit? une grande esp?rance. Des 1993, peu apres la creation de la mission de decentralisation (6 janvier), et en relation ?troite avec celle-ei, le Commissariat au Nord a mis en place un dispositif appel? CTA (Coll?ge Transitoire d?Arrondissement), qui a permis un d?but de gestion participative a l??poque sans ?lus) dans le r?glement des affaires courantes au niveau de chaque arrondissement. A l??chelle respective des cercles et regions, les anciens CLD (Comit?s Locaux de D?veloppement) et CRD (Comit?s R?gionaux de D?veloppement) ont ?galement ?largis de facon a int?grer les diff?rentes composantes de la population. Une ?quipe mobile, dans chaque r?gion, ?tait charg?e de la mise en place et du suivi. Elle constituait, de fait, le noyau du GREM (Groupe de Recherche, d?Etude et de Mobilisation) pr?conis? par la mission de decentralisation au niveau de tous les chefs-lieux de region. Apr?s leur v?ritable entree en scene en 99, les nouvelles entit?s d?centralis?es ont soutenues par un dispositif national tant au plan technique (DNCT- Direction Nationale des Collectivit?s Territoriales) que ?nancier Agenee Nationale des Collectivit?s Territoriales) mais aussi par des programmes partenaires parmi lesquels on peut citer le PADL (Projet d?Appui au Developpement Local) de Gao, le PADL Tombouctou Ouest et le PACRT (Projet d?Appui aux Collectivit?s de Tombouctou), le PADDECK (Projet d?Appui au D?veloppement D?centralis? dans la r?gion de Kidal), sans oublier d?autres intervenants (projets, c00p?ration d?centralis?e, jumelages, ONG, etc.). Cet ensemble a contribu? en quelques ann?es a introduire un nouveau mode de gouvemance avec des formations, des rencontres eornmunales ou intercommunales, et a donner une impulsion au d?veloppement des regions du Nord, modifiant le paysage de celles-ci par la cr?ation de nombreuses infrastructures (construction d??coles, de centres de sant?, de mairies, de magasins, d'ouvrages de submersion control?e, de pares de vaccination, etc.). Un engouement certain a port? cette dynamique. Il convient de pr?ciser que, dans une premiere p?riode, les appuis se sont concentr?s sur le niveau d?centralis? de base celui de la commune. Par la suite, a partir de 2007, l?appui aux Assembl?es r?gionales est devenu beaucoup plus signi?catif, notamment avec Nord. Les Conseils de cercle, quant a eux, ont recu jusqu?ici relativemen assez peu d?accompagnement. Mais, depuis plusieurs ann?es, la volont? politique s?est ?mouss?e, les transferts de competence et surtout des ressources ont train?. Les moyens, les appuis et les partenaires ont diminu?. Une certaine routine s?est install?e au detriment de l?esprit d?innovation. Et enfin, le retour de l?ins?curit? a ajout?, bien s?r, aux dif?cult?s. Concemant ces demieres, 1a tourn?e de terrain et l?atelier de S?gou ont permis d?en relever quelques-unes pr?sent?es ci- apres. 45 3.3.2 Principales difficult?s relev?es Les competences transf?r?es sont rest?es limit?es et n?ont pas accompagn?es suf?samment du transfert des ressources correspondantes notamment en matiere de fonctionnement. Il faut cependant noter un changement recent concernant l??ducation. ll convient aussi de remarquer que a apport? des sommes importantes dans le domaine des investissements. Le systeme de d?caissement au niveau du Tr?sor li? au principe d?unicit? de caisse entraine des lenteurs et des retards dus aux besoins de tr?sorerie de l?Etat central, ce qui penalise l?ef?cacit? du dispositif d?centralis?. Le controle de la gestion des ?lus par l?Etat n?est pas assur? avec la transparence et l?ef?cacit? requises. Op?r? souvent de facon laxiste, i1 ne garantit pas 1a bonne execution des d?penses et notamment 1e respect des procedures d?appels d?offres. Les march?s donnent lieu a des ententes douteuses. Et, pour ?nir, les r?alisations investissements se retrouvent ?tre de mauvaise qualit? surtout si les controles techniques sont complaisants. La gouvernance communale laisse souvent a d?sirer. Il semble bien que les appuis se soient plutot concentr?s sur les relations entre les ?lus et l?Etat ou entre les ?lus et les partenaires ext?rieurs, au detriment du processus de d?mocratisation interne et d?implication effective des diff?rentes composantes de la population locale. Ainsi les chefs traditionnels quand ils ne sont pas ?lus peuvent se retrouver marginalis?s ou se sentir concurrenc?s. A d?faut d?incitation, les femmes, les jeunes, les gens ?loign?s du chef-lieu sont susceptibles d??tre oubli?s. arrive que les s?ances publiques pr?vues par les textes ne soient meme pas organis?es, notamment pour la presentation du budget. Dans ces conditions, l?information ne circule pas, le controle citoyen ne s?exerce pas, les ?lus ne rendent pas compte. Les impots et taxes ne rentrent pas ou ma], p?nalisant lourdement le fonctionnement et le d?veloppement de la commune. arrive, a l?extr?me, que la gestion effective de cette derniere soit port?e par le seul maire, lequel de surcroi?t ne reside pas toujours sur place. A cela, il convient d?ajouter l?existence d??lections manipul?es ou manquant de transparence dans leur d?roulement. Ces tendances d?l?t?res, si elles ne sont pas combattues, gr?vent ?videmment l?adh?sion des populations et particuli?rement celle de la jeunesse a l??gard de la decentralisation. M?me si la loi pr?voit un minimum de personnel communal (secr?taire g?n?ral, r?gisseur notamment), les capacit?s en ressources humaines sont tres in?gales selon les communes. On peut distinguer trois types de situation - Les communes urbaines qui ont des cadres et qui, s?ils sont bien form?s et orient?s, peuvent bel et bien ?tre a la hauteur. - Les communes des zones rurales (agricoles et parfois pastorales) qui, meme si elles n?ont pas le m?me potentiel, ont ou sont en mesure d?avoir des personnes qui, apr?s formation, sont aptes a donner satisfaction. Les communes rurales (surtout en zone pastorale) qui apparaissent totalement d?pourvues de cadres et qui de ce fait se retrouvent en grande difficult? de fonctionnement analphab?tisme, difficult? a garder sur place des salaries comp?tents. Ces memes communes cumulent en m?me temps ces inconv?nients avec d?autres contraintes: absence des agents de l?Etat, programmes mont?s par le seul maire a la va? 46 Vite au chef?lieu de cercle ou de region, distances co?teuses a parcourir, faiblesse des moyens. En cette p?riode d?ins?curit?, beaucoup s?interrogent sur la fonction des maires en tant qu?of?ciers de police judiciaire mais d?pourvus de moyens. 3.4 LE DEVELOPPEMENT UN BILAN MITIGE Le vocable d?veloppement est devenu un mot passe-partout dont chacun a une Vision approximative mais qui peut rev?tir des significations fort diff?rentes. D?o? l'importance ici de tenter une de?nition capable de clari?er notre d?marche. Pour nous, il existe deux acceptions du terme qui sont a prendre en compte. D'une part, le d?veloppement est une forme du changement social (au sens large) oil il existe des institutions (Etat, PTF, ONG, bureaux d'?tudes, qui a travers des plans, des programmes, des projets, impulsent des operation dites pr?cis?ment de d?veloppement et qui pour cela mobilisent un certain nombre d'acteurs. Cette forme est historiquement dat?e, en particulier en Afrique, car elle a initi?e dans un contexte marqu? par l'occidentalisation du monde mais qui, de plus en plus, s?inscrit dans celui de la mondialisation des flux. D?autre part et de fagon plus universelle dans l?espace et dans la dur?e, le d?veloppement est un processus (social, ?conomique, technique, culture], ?thique, etc.) a travers lequel toute soci?t?, en contact avec d'autres, est tenue de valoriser les ressources a sa disposition afin d'assurer sa survie, sa reproduction et son avemr. Loin de tout simplisme, cette distinction ne revient pas a opposer de fond en comble une approche qui serait purement exogene a une autre pr?sum?e strictement endogene. En effet, chacune doit composer avec l?autre. La premiere ne peut prendre, a l?instar d?une greffe, que si elle est en phase avec la capacit? locale d?appropriation. La seconde, ne peut progresser qu?en relation avec des tiers, compris avec les acteurs dits du d?veloppement. 3.4.1 Bref rappel historique Le d?veloppement en tant qu'intervention de l'Etat dans le domaine ?conomique et social a connu ses premieres manifestations pendant la p?riode coloniale. D?cid?es d'en haut et de fagon g?n?ralement autoritaire, elles ont limit?es et plutot tardives. Parmi elles, on peut citer les suivantes mise en place de services techniques, realisation de pistes, am?nagements hydro?agricoles (tentatives d'am?liorer l'arriv?e de l'eau dans les lacs, El Oualadji?Dir?, lac Horo en we de produire du coton en lien avec l?Of?ce du Niger), quelques ouvrages de submersion control?e, hydraulique villageoise et pastorale, actions sanitaires et v?t?rinaires, quelques rares ?coles. Au niveau des structures, il a eu les conseils de notables, les soci?t?s indigenes de pr?voyance, les soci?t?s mutuelles de production rurale, puis les soci?t?s mutuelles de d?veloppement rural. De nombreuses conventions ont ?tablies afin de pr?venir les conflits d?usage entre communaut?s. Un recensement des terres a effectu? dans la vall?e de Guo en vue de stabiliser les droits fonciers, etc. convient d?ajouter qu?au de?but, les investissements ont beaucoup repos? sur les travaux obligatoires et les requisitions. Apparemment, aucun dispositif n??tait en place pour emp?cher la famine de 1913-1914. Le regime de l?indig?nat pr?voyant les travaux forces n?a ?te supprim? qu?en 1945. 47 La Premiere R?publique, dans le contexte porteur de l'Ind?pendance nationale et du panafricanisme (et aussi d'une pluviom?trie favorable) s'est efforc?e de poser les bases d'une ?conomie plani??e avec l'Etat comme moteur du d?veloppement grace aux soci?t?s d'Etat et aux c00p?ratives, le tout ?tant accompagn? d'une forte mobilisation politique encadr?e par le parti au pouvoir Un accent particulier a mis sur l'approvisionnement en c?r?ales et en biens de premiere n?cessit? avec un contr?le exerc? par l?administration et la police ?conomique, ce qui a engendr? un m?contentement des commercants et aussi des consommateurs confront?s aux ph?nom?nes de p?nurie. Par ailleurs, la r?forme agraire a entreprise dans la zone lacustre selon 1e principe "la terre a celui qui la travaille" mais sans parvenir a ?radiquer le m?tayage. Des champs et des travaux collectifs ont aussi organises. Des progres ont r?alis?s dans le domaine de l'?ducation, de la sant?, de l?hydraulique et de la couverture v?t?rinaire. Le changement provoqu? par le coup d'Etat du 19 novembre 1968 et l?arriv?e au pouvoir du CMLN (Comit? Militaire de Liberation Nationale) engendre un certain ?ottement entre l?option de liberalisation de l'?conomie et celle du maintien des soci?t?s d'Etat, lesquelles sont ?nalement pr?serv?es. Une nouvelle r?forme agraire est m?me entreprise en 72 dans le cercle de Goundam. Sur ces entrefaites, survient la grande s?cheresse de 1972?1974 qui provoque un effondrement des productions agricoles et pastorales dans les regions du Nord et un exode important des cultivateurs et des ?leveurs au point d?entra?iner la creation de plusieurs camps de r?fugi?s. A partir de 1974, les autorit?s ouvrent l'ancienne Vl?me region (1e Nord actuel moins le cercle de Niafunk?) a des partenaires ext?rieurs suivant plusieurs formes des "op?rations de d?veloppement" sur ?nancement bilateral (tels que l'Action Riz- Sorgho a Gao qui correspond a un projet d'intensi?cation agricole a partir de semences s?lectionn?es), des ONG (Ile de paix Belgique a Tombouctou avec l?am?nagement de la plaine de Korium?, les Quakers am?ricains a Tin A'r'cha avec un projet dc s?dentarisation pour des sinistr?s de la s?cheresse, en?n un consortium essentiellement europ?ennes afin d'appuyer la relance des cooperatives d?agriculteurs, d??leveurs et de p?cheurs laquelle ?tait conduite par le service de la Cooperation base a Gao). Ce demier programme a dur? une d?cennie et a eu la plus grande extension g?ographique. L'objectif ?tait de red?marrer l'?conomie en r?pondant le plus possible aux besoins exprim?s par les populations et en faisant ?voluer les cooperatives vers plus d'autonomie de gestion, de d?mocratisation et de decentralisation, notamment lors des d?bats en assembl?e g?n?rale ou de rencontres intercoop?ratives. L'approvisionnement en c?r?ales et en biens de premiere n?cessit? a la fonction la plus g?n?ralis?e avec un apport en fonds de roulement, en formation et en suivi. Venait ensuite, sous forme de pr?ts revolving, la reconstitution des moyens de production stocks semenciers villageois (paddy), cheptel (ovins?caprins surtout) et materiel de p?che (filets, Un d?but de r??exion a men? sur la gestion des p?turages (dont les bourgouti?res) et des points d'eau. D'autres actions ont ?galement vu 1e jour appui au maraichage, moto-pompes, fabrication de pierres a lecher, petite hydraulique pastorale. Il s'agit d?une d?marche qui int?grait plusieurs services (1a Cooperation mais aussi 1e Plan et les Statistiques, l?Alphab?tisation, la Sant?, l'Elevage, les Les ann?es 80 ont marquees non seulement par les plans d'ajustement structure] et la reduction du role de I'Etat dans l'?conomie, mais aussi au Nord par le retour de la s?cheresse (1982-1984). Celle?ci a pu ?tre mieux affront?e que les pr?c?dentes grace aux ONG d?ja en place ou a des nouvelles venues dans le cadre de l?urgence. ll importe ici de dire que cette nouvelle crise a engendr? un net in??chissement des strategies de d?veloppement vers plus d?am?nagement de l'espace de production en vue d?une meilleure s?curisation face aux al?as. Ainsi dans la vall?e, d'une part, les p?rim?tres irrigu?s (villageois et priv?s) se multiplient en 7tame r?gion mais surtout dans la et d'autre part, la culture du riz flottant fait l'objet de 48 nombreux ouvrages de submersion control?e, de renforcement des digues avec souvent une irrigation d'appoint. De m?me 1a bourgouculture se d?veloppe. Dans les zones pastorales, les sites (16 ?xation se diffusent un peu partout afin de s?curiser les familles et de faciliter l?approvisionnement, l?acc?s a l'eau, la scolarisation des enfants, la sant?, sans oublier la diversification des activit?s (agriculture, mara?ichage quand c?est possible, commerce, etc.). C?est l??poque of] se montent plusieurs grands programmes sur des fonds d'origine multilaterale ou bilat?rale, commencant ainsi a remettre en cause l'id?e qui avait longtemps pr?valu selon laquelle 1e Nord ne faisait pas partie du "Mali utile" car situ? au-dessous de l?isohy?te 600 mm. La rebellion (1990?1996), avec plusieurs ?pisodes de violence et d'ins?curit?, de d?placement des populations, vient perturber sinon casser les dynamiques en place. Le changement de regime en mars 91, la signature du Pacte national et le d?marrage de la d?mocratie pluraliste en 92, 1'0ption af?rm?e en direction de la decentralisation ?nissent par poser les conditions d'un apaisement. En juillet 95, lors de la rencontre gouvernement? partenaires a Tombouctou, l?engagement est pris d'amplifier les efforts de d?veloppement dans les trois regions du Nord. Les rencontres intercommunautaires favorisent la reprise du dialogue entre des groupes un moment d?chir?s ou devenus m?fiants entre eux. La c?r?monie de la Flamme de la paix et la proclamation de l'autodissolution de tous les mouvements arm?s, le 27 mars 1996, scelle le red?marrage du d?veloppement. D?sormais, la decentralisation devient le nouveau cadre institutionnel dans lequel les actions vont s'effectuer. Les colleges transitoires d'arrondissement, initi?s depuis 92 par le Commissariat au Nord, permettent aux p0pulations du Nord d'anticiper et d'exp?rimenter la marche vers la decentralisation. Celle?ci, devenue effective avec les elections de juin 1999, draine des fonds importants via et d'autres programmes. Parmi ces derniers, ont figure, dans chacune des trois regions, des programmes d'appui au d?veloppement local ou d?centralis? qui, a l'aide de reunions, de d?bats et de formations se sont efforc?s d'impliquer au mieux les differentes categories de la population d'une m?me commune (les ?lus mais aussi les chefs, les leaders d?opinion, les associations, les femmes et les jeunes) dans la definition des priorit?s et des choix de d?penses sur la base des enveIOppes allou?es. 11 en est r?sult? des operations tres diversifi?es qui vont de l??chelle intracommunale ou intercommunale a celle des associations ou m?me de priv?s rev?tant un int?r?t local. Plus tardivement, le niveau "Assembl?e r?gionale" a davantage renforc? avec des projets comme ADERE - Nord. Parallelement, en liaison parfois mais pas toujours avec les structures d?centralis?es, 1e Nord a connu un nombre in?gal? jusque-la d'interventions de natures et de dimensions tres diverses, en provenance de l'Etat, de l'aide multilat?rale ou bilat?raIe, de la cooperation d?centralis?e, des ONG, des jumelages, etc., en direction des grandes infrastructures (pont de Gao, goudron Gao frontiere du Niger, r?fection des pistes, etc.), des centres urbains en pleine croissance d?mographique (batiments, ?lectricit?, adductions d'eau, etc.) et aussi des zones rurales (constructions, hydraulique, am?nagements agricoles, etc.). Le t?l?phone mobile a connu un succes inou'i', les march?s se sont consid?rablement anim?s. Des sommes importantes d'argent circulent. De gros chantiers sont inaugur?s ou envisages dans un proche avenir: barrage de Tosaye, remise en du lac Faguibine, routes, a?roports, recherches dans le domaine des ressources minieres et en hydrocarbures . Au terme de ce rappel des diff?rentes p?riodes et strategies qui se sont succ?d? avec une alternance de crises et de relances et apres avoir d?crit la p?riode r?cente avec une liste (incomplete mais impressionnante) d?interventions, on pourrait penser que les regions du 49 Nord sont d?sormais sur la voie d'un d?veloppement durable et que les investissements deja effectu?s, en cours ou annonc?s, devraient permettre un certain d?collage ?conomique. Malheureusement, chacun sait que ce n?est pas le cas. Il nous faut a present aller plus loin dans l?analyse et essayer de comprendre pourquoi. 3.4.2 Constats actuels Apres avoir brievement rappel? les grandes ?tapes du d?veloppement au Nord-Mali, nous devons nous appesantir sur sa situation r?cente ou pr?sente telle qu'elle a percue lors de l??tude. Il ne peut ?tre question ici d'un bilan exhaustif et chiffr?, ce que le cadre de nos travaux ne permet pas, mais d'essayer d'inviter a la r??exion collective, au moins sur quelques aspects qualitatifs parmi les plus saillants. 3.4.2.1 Le d?veloppement selon les grands domaines d'activite? a) Les grands chantiers structurants (routes, a?mports, barrage de Tossaye, amelioration du systeme de remplissage des lacs Faguibine en particulier et de la navigabilit? sur le ?euve, etc.) ceux qui ont d?ja r?alis?s (tels que les routes S?var?-Gao et Gao-Niger) ont eu des effets ind?niables en termes de d?senclavement, de commerce et d'?changes; ceux qui sont en cours ou annonc?s dependent ?troitement des grands financements ext?rieurs et connaissent des lenteurs dans leur realisation. b) L'agriculture est le secteur de l'?conomie rurale qui a fait l'objet du maximum d'investissements surtout en ce qui conceme les p?rim?tres irrigu?s et le riz flottant, et, dans une moindre mesure 1e marai?chage, les palmeraies et les boisements. L'agriculture de d?crue et les cultures seches ont suscit? beaucoup moins d?int?r?t alors que leur role et leur potentiel sont loin d'?tre n?gligeables. L'attention port?e aux produits de cueillette jouant un role important dans la s?curit? alimentaire, apr?s la s?cheresse des ann?es 80 (am?nagement des plaines de fonio dit sauvage) semble s??tre perdue. Malgr? les efforts plusieurs fois r??dit?s, l?irrigation par pompage m?canique a du mal a couvrir ses charges (co?ts croissants du materiel et des intrants) et n'est pas en mesure de concurrencer les syst?mes de type gravitaire qui prevalent par exemple a l'Office du Niger, et aussi 1e riz import?. La polarisation sur le riz, culture tr?s exigeante en eau, est-elle pertinente partout c) L'?levage pastoral. C?est l?activit? la plus g?n?ralis?e (sur l?ensemble de l'espace exploitable) et la plus pratiqu?e par la quasi?totalit? des populations rurales (nomades et s?dentaires), sans oublier une partie non n?gligeable des citadins. Ses apports sont connus en termes de revenus mon?taires et de contribution a la consommation. C?est de loin l?activit? rurale qui, dans les conditions normales, permet le plus d'investir (dans le transport, 1e commerce mais aussi l?agriculture). A la difference de cette demiere, elle est en mesure d?apporter des ressources fiscales cons?quentes dans le fonctionnement des collectivit?s d?centralis?es. Et pourtant, ce syst?me de production bas? sur la mobilit? a longtemps sous-estim? et largement incompris dans les pays du Sahel. Sa capacit? d'adaptation aux al?as a largement sous-estim?e. Les appuis ont conceme surtout la protection V?t?rinaire, l'hydraulique et, apr?s les s?cheresses, la reconstitution du cheptel. Un projet de selection du z?bu azawak a initi? a M?naka. C?est tout r?cemment que des travaux de r?appr?ciation ont vu 1e jour entrainant une 50 meilleure comprehension de la mobilit?, de ses atouts et de ses contraintes, d?bouchant, entre autres, sur de nouvelles l?gislations (au Mali, la Charte pastorale du 27 f?vrier 2001). Le retour de la s?cheresse depuis 2009 a montr? que l??levage pastoral est a la fois vulnerable et resilient. Les efforts pour renforcer la resistance aux al?as et au changement climatique ont jusqu'ici tr?s timides. L'annexe concernant l??levage pastoral montre que des marges de progr?s restent possibles. d) La p?che. Celle-ci a occup? une place essentielle dans la vall?e et en zone lacustre. Elle semble aujourd'hui d?laiss?e par les intervenants. Cependant, des savoir-faire existent, des potentialit?s ?galement meme si les plus beaux specimens de poissons ont disparu suite a la baisse des crues, a la diminution des bourgouti?res et a la surexploitation. La pisciculture ne pourrait-elle pas d?sormais jouer un role e) L'urbanisme. L'accroissement d?mographique des capitales r?gionales et des bourgs secondaires est spectaculaire, faisant nettement ?voluer l'ancien ratio ville-campagne. Cette transformation acc?l?r?e a accompagn?e d?un certain nombre d'investissements (voirie, adductions d'eau, electrification, communication, etc.) mais ceux?ci restent insuf?sants. Bien souvent, la gestion des d?chets et l'assainissement restent de gros probl?mes. Dans les zones a faibles reserves souterraines en eau, l?urbanisation se heurte a de grosses difficult?s au niveau de la foumiture de l?eau ceci pose 1e probl?me d'une adaptation intelligente de l'occupation humaine du territoire en relation avec les capacit?s r?elles de l'environnement. Par ailleurs, la surcharge animale exag?r?e (car quasi permanente) aux alentours des centres et les pr?l?vements en bois font peser de v?ritables menaces de desertification (degradation des sols, mobilisation des sables, envahissement des dunes, etc.). f) Au niveau des services sociaux (education, sant?, potable, etc.). Des efforts louables ont incontestablement eu lieu mais les effets sont limit?s et ont tendance a se r?duire au fur et a mesure qu'on s??loigne des grands centres. Et m?me ces derniers sont loin d??tre suf?samment dot?s. Certes, l??ducation subit une crise g?n?rale mais cette demi?re est particuli?rement sensible dans les r?gions du Nord (faiblesse des effectifs, de la qualit? de l?enseignement et des cantines (cf annexe sur l??ducation). Quant a la sant?, elle a beaucoup de mal a s'exercer comme i1 faudrait, depuis les embryons d?hopitaux r?gionaux, jusque dans les zones ?loign?es des centres, par manque de personnel quali?? et notamment de m?decins, de chirurgiens, de laboratoires et de moyens. Les evacuations restent tres co?teuses. Notons toutefois des efforts en mati?re de formation d?infirmiers et aussi l?existence d??quipes mobiles de sant? mixte (humaine et v?t?rinaire). Quant au tourisme et a l?artisanat, le potentiel est considerable mais sous-exploit? et aujourd?hui compromis par l?ins?curit?. Tombouctou, destination mythique, est handicap? par un a?rodrome qui ne peut recevoir des gros porteurs (il manquerait 400 de piste d?atterrissage). g) Les ressources extractives a venir. Des perspectives prometteuses laissent penser que le sous?sol recele des r?serves en hydrocarbures ou en minerais. Nul doute que de telles richesses vont entrainer d?importants changements. L'exp?rience dans de nombreux pays a montr? que ce genre de r?alisations ne fait pas n?cessairement le bonheur des peuples, sauf a prendre les devants suf?samment tot en vue d?une redistribution ?quitable des revenus au profit des populations et notamment celles des regions concern?es ct d?une r?glementation appliqu?e en mati?re de preservation et de reparation environnementales. 51 3.4.2.2 Autour des r?sultats du de?veloppement M?me si les interventions de d?Veloppement sur financements ext?rieurs ont plus tardives au Nord qu'ailleurs et relativement limit?es en termes d'impact ?conomique et de maitrise des al?as, elles n'en ont pas moins suffisamment nombreuses et multiformes depuis une bonne trentaine d?ann?es pour tenter un bilan. Aujourd?hui, un regard r?trospectif d'ordre essentiellement qualitatif s?impose. Il convient d'abord de remarquer que depuis l'Ind?pendance, les regions du Nord ont souffert, a des degr?s divers certes, d'au moins trois grandes crises climatiques (1972-1974, 1982?1985, 2009?2010 et semble?t?il 2011-2012) et de plusieurs rebellions (1963?1964, 1990?1995, 2006~2009 auxquelles il faut ajouter celle en cours) sans oublier l'ins?curit? croissante depuis plusieurs ann?es li?e en particulier 51 Al Qa'i'da et sans compter les episodes a fort taux de banditisme. Si on se limite aux seules ann?es de s?cheresse av?r?es sans prendre en compte les s?quelles v?cues lors des ann?es suivantes, ni les ??aux li?s aux diff?rents pr?dateurs des cultures et v?g?taux (criquets, on totalise sept ann?es de crises li?es a des facteurs naturels. A ceci s?ajoutent dix ann?es de con?its ou de fortes tensions socio?politiques. Le cumul donne au total dix?sept ann?es de crises caract?ris?es, soit un tiers du temps ?coul? depuis 1960. La pauvret? est loin d'?tre ?radiqu?e. Elle va de pair avec des in?galit?s croissantes. De grosses fortunes se sont visiblement constitu?es alors qu'a cote des pans entiers de la population ont du ma] ?a survivre et a assurer leur minimum vital. La situation s?est meme aggrav?e ces dernieres ann?es avec, d?un cote, les ?normes profits tires des d?tournements des fonds publics, des tra?cs illicites (drogues, armes, cigarettes, mais aussi otages et migrants), et de l?autre, 1e spectre de la misere pour un grand nombre, accru par la s?cheresse et l'ins?curit?. Des formes d'enrichissement rapide sont apparues et font flor?s pour un petit nombre. Elles rendent malheureusement derisoires les actions de deveIOppement men?es a la base (telles que les micro-credits, les activit?s g?n?ratrices de revenus, etc.) avec des montants tres nettement inf?rieurs et des procedures beaucoup plus exigeantes. Plus gravement, elles attirent nombre de jeunes d?soeuvr?s, parfois d?racin?s, sans perspectives d'avenir mais pr?ts a se lancer dans de nouvelles aventures m?me si elles sont pleines de risques et contreviennent aux principes ?thiques du milieu dont ils sont issus. Les populations du Nord souffrent des effets d?annonce portant sur des montants mirobolants en matiere de d?veloppement mais qu'elles ne voient gu?re a leur niveau "ces milliards ?normes, nous ne les voyons pas arriver sur le terrain Du coup, les gens non seulement se sentent tromp?s mais ils ont 1e sentiment que le reste du pays croit que le Nord est privil?gi? et est en train de devenir un eldorado alors qu'en r?alit? aucune amelioration durable ne transpara?it au niveau de la grande majorit?. Les promesses non tenues ne peuvent qu?inspirer la d?fiance soit vis?a?vis des bailleurs de fonds (les fameuses enve10ppes n'arrivent pas au Mali), soit vis-a-vis de l?Etat et des institutions de d?veIOppement (elles arrivent mais sont consomrn?es en amont et, au mieux, "seules des miettes parviennent c?z destination"). Cependant ce demier jugement ne doit pas ?tre g?n?ralis? car des montants relativement importants ont pu ?tre g?r?s depuis une douzaine d?ann?es dans le cadre des structures d?centralis?es. 11 se trouve que l'essentiel de ces fonds a servi a cr?er de nombreux investissements. La faible maitrise d?ouvrage des collectivit?s d?centralis?es s?est traduite par des realisation insatisfaisantes. Les passations de march? ont entach?es de malversations, lesquelles ont 52 r?duit d'autant les sommes r?ellement affect?es aux travaux. Du coup, les normes techniques (dosage du ciment et du ferraillage, etc.) n?ont pas respect?es. Les controles financiers et techniques ont souvent complaisants. A la fin, les ouvrages manquent de qualit? et de solidit?. Plus fondamentalement, avec des deviations pareilles, c'est la nature et la pratique du d?veloppement qui sont mises en cause. Ainsi, a cote de ceux qui s?efforcent de respecter les engagements de partenariat, d'autres voient "le monde du d?veloppement" comme essentiellement pourvoyeur d'une rente externe qu'il est loisible de capter selon leurs propres int?r?ts. Et, dans un contexte oil les opportunit?s d'enrichissement individuel se sont diversifi?es (tra?cs illicites, marches d'affaires, etc.), les ressources venant des aides ne manquent pas a leur tour d??tre convoit?es. Et, si l'impunit? pr?vaut, le phenomena se voit d'autant encourage. La conception du d?veloppement comme processus partant de la base, cherchant d'abord a valoriser ses propres ressources de facon durable, ef?cace et equitable, incorporant les appuis ext?rieurs selon les normes pr?alablement n?goci?es et incorpor?es, reste sans doute la voie id?ale. Mais une telle d?marche suppose la constitution d'une volont? politique suf?samment partag?e et avertie. Elle apparai?t indispensable pour l?gitimer le d?veloppement sur des bases plus solides de solidarit?. En attendant, l'ins?curit? ambiante dans les regions du Nord au cours de ces dernieres ann?es a d?ja entrain? l?arr?t de projets, 1e d?part des partenaires, la diminution des financements et des activit?s. Et, dernierement, elle va jusqu'a compliquer sinon interdire completement les d?placements des cadres nationaux ou locaux du d?veloppement qui cherchent courageusement, malgr? les dif?cult?s, a poursuivre leurs travaux. Le d?veloppement est malheureusement aujourd?hui en voie 3.5 LE MANQUE DE CONFIANCE L?aggravation du contexte d?crit ci~dessus aboutit inexorablement a d?truire la confiance n?cessaire a tout redressement ou construction durable. Mais a ce sujet, il convient d?aller au dela de la situation actuelle et de comprendre le pourquoi des choses, en remontant le temps pour voir, en de?nitive, que les solutions apport?es aux diff?rentes rebellions du Nord n?ont pas r?ussi a restaurer la confiance au niveau requis, alors que celle?ci constitue le socle de l?unit? nationale. Nous pensons que son instauration durable est possible, a condition, (1635 a present, de poser les jalons capables d?installer la paix, la confiance, les institutions ad?quates et le d?veloppement durable. II convient d?ajouter que la m??ance est renforc?e par le fait que le silence, le mutisme, le d?sir d?oublier ou de passer outre ont pris le dessus sur la volont? de comprendre, d?expliquer les vraies causes resitu?es dans leur contexte. Quelques historiens surtout ?trangers se sont certes lanc?s dans ce genre d?investigation, mais l?impact reste tr?s marginal. Rares sont les travaux d?intellectuels nationaux qui ont tent? de percer ?les secrets du passe?, de fagon objective, en prenant en compte les m?moires et les perspectives des uns et des autres, de facon a comprendre comment on en est arrive encore 51 Ce genre de d?chirures. La volont? du vivre ensemble ne peut pourtant pas faire l?impasse sur le passe et 53 particuli?rement sur le ?temps des ombres?. Un passe mieux compris et mieux assum? parce que mieux partag? devrait aider a d?passer cette ?m?moire surcharg?e? des seuls faits inspirant la m??ance, sinon la haine (voir l?annexe sur l?histoire comme instrument de r?tablissement de la confiance). Comment peut?on construire un destin commun si le point de we de l?autre est absent ou occult?? L?Accord de Tamanrasset (janvier 1991), 1e Pacte National (avril 1992), les Accords d?Alger (juillet 2006) ont soit boud?s par certains, soit mis en oeuvre de facon incomplete, entrainant des frustrations et des m?contentements. De ce fait, le passif historique n?a pas pu ?tre surmont?. Le face-a-face Etat - bellig?rants a, chaque fois, pr?valu, alors que ce sont les populations civiles qui ont le plus p?iti des con?its et que leur contribution au r?tablissement d?une paix durable est indispensable. N?ayant pas suf?samment impliqu?es, elles ont marginalis?es, et l?on n?a pas pu sortir du marasme ambiant. Les cliches utilis?s a des ?ns dc division et relay?s dans les representations collectives (race, domination, esclavagisme, etc), les solidarit?s mitig?es aux cours des s?cheresses successives, le traitement violent des rebellions ont contribu? a saper la con?ance dans l?Etat et dans les concitoyens. La reconciliation au niveau des soci?t?s, si elle n?est pas impossible, est compromise par chaque r?cidive. Les demiers ?v?nements (affrontements violents au Nord, carnage a Ajelhok, saccages et agressions a l??gard de Touaregs et Arabes a Bamako, Kati, etc., exode massif populations vers les pays limitrophes) semblent marquer un nouveau seuil qui exige un traitement particulierement profond comme sugg?r? ci?dessus. Il importe que les Maliens aient une comprehension partag?e des notions d?unit? nationale, d?int?grit? territoriale et des conditions n?cessaires et suf?santes au vivre ensemble. Une telle comprehension demandera suffisamment de capacit? et d?humilit? pour tirer les legons des erreurs pass?es et faire en sorte que les problemes soient parfaitement identi?es et en?n que les solutions trouv?es soient appliqu?es rigoureusement. Alors que d?autres probl?mes tr?s graves restent aussi a r?soudre (trafic de drogue, terrorisme, pr?carit? du grand nombre, al?as et changement climatiques) les r?gions du Nord et le pays tout entier ne peuvent plus se permettre de se retrouver p?riodiquement avec des rebellions qui n?en finissent pas de s?enchainer les unes aux autres. 3.6. FACTEURS Malgr? les inqui?tudes compr?hensibles que peuvent susciter la tension et la gravit? de la situation actuelle, cette etude reconna?it des facteurs d?espoir - Le fait est connu dans la mesure oil elle oblige a remettre en question les id?es recues et les pratiques usuelles, une situation de crise est toujours doubl?e d?une opportunit? de faire les choses autrement, pour le mieux. Le Mali, dans sa partie septentrionale, a connu plusicurs crises (s?cheresses, rebellions) c?est dire qu?il existe une certaine experience qui peut lui servir pour les d?passer. Le monde a ?volu? les capacit?s d?analyse et de comprehension des probl?matiques se sont am?lior?es, les moyens d?intervention se sont accrus. 54 Face ?51 la crise actuelle, le principal atout reste 1e formidable capital social du peuple malien, fait d?histoire commune, de valeurs partag?es, d?interd?pendances reconnues. Dans les ann?es 90, la mobilisation de ce capital, notamment dans le cadre des rencontres intercommunautaircs, a permis le r?tablissement de la paix et la reprise des activit?s de d?veloppement. Il est crucial que la classe politique soit capable de rassembler et d?int?grer. Il lui faut d?passer mod?les de division h?rit?s de la p?riode coloniale et les sch?mas mentaux ?voqu?s plus haut. Le Mali est a la veille d?importants scrutins (elections pr?sidentielles, l?gislatives) au - dela du risque li? a tout changement, i1 a aussi l?espoir d?une gestion meilleure des probl?matiques, en particulier celle des r?gions nord. Les partenaires techniques et ?nanciers du Mali comprennent que la paix et 16 d?veloppement des regions nord sont des facteurs de stabilit? du Mali et de toute 1a sous? r?gion. Ils sont donc engages a soutenir les efforts dans la recherche de solutions durables. AQMI n?est pas veritablement la bienvenue chez les populations du Nord-Mali (voir annexe). - Au-dela de discours empreints de radicalit?, dans la mesure ou le dialogue s?avererait possible, inclusif et instruit des lecons du pass?, la n?gociation pourrait d?boucher sur des solutions int?ressantes afin de d?boucher sur une nouvelle maniere d??tre ensemble. 55 4. PROPOSITION CONCERNANT LES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL DES REGIONS DU NORD 4.1 REMARQUES LIMINAIRES L??tat des lieUx dress? dans le chapitre precedent a montr? que le d?veloppement ?conomique et social ne peut pas s?effectuer de maniere durable sans un climat de confiance socle veritable de la s?curit?, de la paix et du vivre ensemble et en dehors d?un ancrage institutionnel ad?quat et librement consenti. La situation de crise dans laquelle se trouvent les regions du Nord - Mali exige ?galement que, sur la base d'un bilan suffisamment approfondi et partag? de ce qu'a jusqu?ici le d?veloppement, puisse se d?velopper un processus authentique de r?flexion collective capable de d?passer les deviations connues et de tracer les grandes lignes de ce qu'il devrait ?tre a l?avenir. L'appropriation d'une analyse a la fois critique et prospective par un nombre suffisamment repr?sentatif de la diversit? des acteurs est un enjeu important pour sortir de la crise. D'ou notre insistance pour l?instauration d?un processus de dialogue ?largi d?s que la situation 1e permettra. En effet, la crise en cours n'a cess? de s?amplifier et de se complexifier au point de d?boucher sur une reprise des hostilit?s en janvier 2012 avec un niveau d'exasp?ration jamais atteint dans le passe. La situation est devenue grave, trOp grave pour esp?rer qu'un cessez?le-feu entre bellig?rants, par ailleurs hautement souhaitable et n?cessaire, suf?ra a r?soudre les problemes. Les traitements des crises pr?c?dentes suite aux diff?rents accords (Tamanrasset 6 janvier 1991, Pacte National 11 avril 1992, Alger 4 juillet 2006) se sont finalement av?r?s d?fectueux et n?ont pu emp?cher 1a resurgence du recours a la violence. Ce qui se passe aujourd'hui atteste que les solutions trouv?es apres chaque ?pisode de rebellion, dans des contextes chaque fois diff?rents, n?ont pas pu ?teindre d??nitivement toutes les braises couvant encore sous la cendre. Ces dernieres viennent encore une fois de s'enflammer comme jamais a la faveur de circonstances in?dites (li?es en particulier a la guerre en Libye). Seul, un traitement qui ira a la racine des probl?mes sera en mesure de faire face aux d?fis actuels. Pour cela, une fois obtenue la cessation des hostilit?s entre les parties bellig?rantes, il sera n?cessaire de sortir de ce seul face a face et d'?largir suf?samment le cercle de ceux qui auront a inventer des solutions durables. Ceci passe par l'implication des populations civiles concern?es toutes composantes socio?ethniques inclues. La soci?t? civile doit ?tre en mesure de trouver toute sa place compris par rapport aux organisations et/ou milices arm?es issues de ses rangs (parfois a son corps defendant). Elle doit retrouver l'in?uence qu'elle avait ou qu'elle devrait avoir sur la classe politique et sur les individus ou groupes qui ont, a un moment et pour des raisons diverses, fait le choix de la violence. Un tel imp?ratif apparai?t incontournable quelles que soient les communaut?s. suppose que celles?ci s?impliquent r?ellement dans le processus de paix, d'?tablissement de la confiance, d'ancrage institutionnel et de d?veloppement sur des bases durables et ?quitables. Pour ce faire, i1 apparait opportun de r?instaurer 1e dialogue entre elles, a l'image quelque part de ce que les rencontres intercommunautaires ont pu r?aliser au sortir de la rebellion des ann?es 90. Mais cette fois-Ci, i1 faudrait aller plus loin afin d'extirper l?id?e de tout nouveau recours aux 56 armes pour poser les probl?mes de fond. Cette emergence de la soci?t? civile ne peut fonctionner que si l'Etat est r?solument favorable et soutient le processus de dialogue a?n de pr?server l?unit? du pays et de secr?ter un nouveau vouloir vivre ensemble. Un autre point m?rite ?galement attention. L?opinion courante a tendance a r?duire les problemes du Nord a la seule "question touaregue" ou encore a une composante seulement de la population tamasheq meme si celle-ci cristallise au plus vif la problematique de ces r?gions. C'est oublier l'importance des relations qui existent entre les diff?rentes communaut?s et entre les r?gions du Nord. Il est aise de constater que chaque crise qui semble au depart ne concemer qu'un groupe dans une zone limit?e ?nit par retentir et se diss?miner sur l'ensemble des trois r?gions. Il parai?t illusoire de se contenter d'une gestion des individus les plus turbulents ou des petits groupes apparaissant comme les principaux vecteurs de nuisance. Apres le tenue de l'atelier de S?gou, la mission est convaincue qu'il s'agit avant tout d?un probleme de gestion du Nord d'une part, au niveau des rapports entretenus par l?Etat avec ces r?gions et, d?autre part, entre les diff?rentes composantes de la population de ces m?mes regions. Sur la base de ces observations, le present chapitre a pour but de presenter les propositions de la mission. Dans un premier temps, sera abord?e l'importance de cr?er un climat de con?ance indispensable a la recherche de solutions durables. Un processus en plusieurs ?tapes sera propos? a cet effet. Dans un second temps, nous reviendrons sur le cadre institutionnel propice a l'exercice du d?veloppement souhait?. Sans pr?juger de l'option qui sera retenue en de?nitive au terme des n?gociations et sans vouloir imposer a priori l'une quelconque d?entre elles, sachant parfaitement que toute imposition venant de l'ext?rieur est vou?e a l'?chec (pensons aux experiences r?centes de la communaut? intemationale lorsqu'elle parachute ses propres solutions politiques sur des pays en guerre), nous nous contenterons de dire, a partir des discussions men?es lors de l'atelier de S?gou (3?5 d?cembre 2011), que parmi les diff?rentes perspectives institutionnelles (dont nous avouons qu?elles ne nous sont pas toutes famili?res), la decentralisation d?ja connue et amorc?e pourrait ?tre am?lior?e et pouss?e beaucoup plus loin, si les parties concern?es en sont d'accord. Troisiemement, en reference aux analyses pr?c?dentes (3.4), faisant ?tat d?un bilan mitige des actions de d?veloppement men?es jusqu'ici, nous dresserons quelques suggestions en vue de susciter une d?marche capable d'identifier et de construire des mod?les de d?veloppement mieux adapt?s. Le point suivant mettra l'accent sur l'urgence qu?il a, des 51 present, avant m?me la cessation des hostilit?s et ?galement apr?s, a faire face aux situations de p?nurie alimentaire et sanitaire pour toutes les p0pulations en difficult? d'acces a la nourriture et aux soins (d?plac?s de l'int?rieur, r?fugi?s de l'ext?rieur, mais aussi tous ceux qui sont affect?s), suite d?une part, a l'hivernage d?fectueux de 2011 et, d'autre part, aux consequences du con?it arm?. La p?nurie de paturages exige ?galement que des mesures ad?quates soient trouv?es pour la fourniture a temps d?aliment b?tail. En?n, en guise de de nos propositions, nous dresserons un r?capitulatif des ?tapes qui paraissent devoir ?tre retenues pour sortir de la pr?sente crise dans le triple domaine de l'?tablissement de la confiance, du cadre institutionnel et des mod?les de d?veloppement. 57 4.2 ETABLIR LA CONFIANCE ET LA PAIX DE FACON DURABLE Cr?er les conditions d?une veritable con?ance est un imp?ratif pour obtenir une paix solide, un fonctionnement serein des institutions et une reprise Viable du d?veloppement. La mission a estim? n?cessaire de s?appesantir sur un tel pr?alable. D?abord, en soulignant la n?eessit? de parvenir a une comprehension partag?e des enjeux. Ensuite, en proposant des elements de d?marche pour sortir de la crise li?e au con?it arm?. 4.2.1 Vers une compr?hension partag?e des enjeux Les rebellions touar?gues r?currentes (1963-64, 1990-1996, 2006?2009, 2012) et les repr?sailles qu?elles ont suscit?es ont entam? 1a con?ance entre l?Etat et une partie des populations, entre le sud et le nord du pays, entre certaines communaut?s des regions nord. La crise actuelle semble avoir atteint un seuil critique a d?faut d?un traitement de fond, l?unit? nationale risque d??tre compromise. Une telle solution requiert une revue des liens historiques et ?conomiques entre le sud et le nord du Mali, une analyse critique de l?histoire de la gestion des regions nord depuis la p?riode coloniale, une deconstruction des perceptions et des sch?mas mentaux des uns et des autres quand ils sont bases sur des pr?jug?s. Le but de l?exercice est de parvenir a une intelligence partag?e des forces centrifuges et centrip?tes (disparit?s g?ographiques, differences socio-ethniques et culturelles, histoire, vestiges de l?esclavage et des anciennes hierarchies sociales, gestion diff?renci?e du Nord et du Sud par le eolonisateur, rebellions, deficits de solidarit? pendant les s?cheresses, partage des ressources naturelles et des ressources extractives, relations entre les pays au sud et au nord du Sahara, etc.). De meme qu?a une entente qui permettra de d?passer 1e passif de l?histoire, de rendre chacun plus responsable et qui foumira les bases saines du renouvellement du vouloir vivre ensemble sachant que la construaion d?une nation est un projet permanent auquel chaque generation doit apporter son adhesion et sa contribution. L?exercice incombe a tous les Maliens, en particulier ceux qui ont l?ambition de diriger le pays et ceux qui font partie des institutions charg?es du savoir (intellectuels, universitaires, chercheurs, etc.). L?exercice exige une certaine humilit? et un sens ?lev? de la justice il s?accommode mal d?un nationalisme ?triqu?. 4.2.2 Proposition de d?marche pour instaurer la con?ance et la paix Parallelement a la mise en oeuvre d?actions d?urgence a tres court terrne qui ne peuvent attendre (cf. plus loin 4.5) et qui montreront que l?Etat et ses partenaires s?int?ressent r?ellement au sort des populations les plus en difficult?, il apparait indispensable de susciter un v?ritable climat de dialogue le plus possible inclusif qui aille en s??largissant afin que les diverses parties appel?es un jour a n?gocier soient en mesure de s??couter et de discuter, meme si les positions de depart paraissent irr?duetibles. Une telle strat?gie devrait d?boucher sur un cessez-le-feu entre l?Etat et les rebelles, avec l?appui de parties neutres capables de servir de m?diateurs et de t?moins. Dans le contexte d?une p?riode electorale et d?une situation extr?mement con?ictuelle, i1 58 importe que soit op?rationnelle une veritable transition d?moeratique apte a parvenir a) d?abord a un cessez-le-feu entre l?Etat et les rebelles, b) ensuite a n?gocier (en int?grant toutes les parties concern?es) en vue d?arriver a an accord global sur les grandes probl?matiques du Nord (choix institutionnels, mesures de s?curit? et d?urgence, engagement sur une d?marche concert?e en direction du d?veloppement) c) et en?n capable, au moment jug? ad?quat, d?organiser les elections en bonne et due fonne a la satisfaction g?n?rale. Le cessez?le?feu devrait d?boucher sur un engagement a) a juguler le banditisme ambiant qui exaspere les populations civiles b) et a poursuivre une n?gociation approfondie des problemes en veillant a ce que les int?r?ts des diff?rentes populations civiles soient prises en compte. Ici toute precipitation serait contraire au but recherche qui ne peut ?tre atteint qu?avec un authentique compromis historique r?ellement c0nsenti. L?enjeu est de parvenir a un accord global, inclusif et d?finitif sur les institutions, la s?curit?, la paix et le d?veloppement. L?accord global devra d?boucher imm?diatement sur la mise en oeuvre effective de mesures s?curitaires pertinentes et ef?caces. La mise en route et l?ex?cution de l?accord global suppose aussi la mise en place d?un m?canisme regroupant l?Etat, la soci?t? civile et les partenaires ext?rieurs en vue d?assurer au mieux l?application et le suivi des recommandations. Il semble utile a ce moment-1a de recourir a une structure ad hoc (a l?image de l?ancien Commissariat au Nord) pour coordonner et animer la poursuite du processus. Le climat de confiance sera favoris? par l?organisation de rencontres intercommunautaires aptes a renforcer et a concr?tiser le processus dc paix et a amorcer 1a r?flexion sur les questions de d?veloppement. Pour ?nir et alors que des actions paralleles concernant le d?veloppement auront entreprises par ailleurs (cf. 4.4), une conference nationale de confirmation solennelle de l?accord global et de la d?marche entreprise viendrait opportun?ment sceller 1a reconciliation et l?espoir d?un nouvel avenir pour le Mali tout entier. Ces diff?rentes ?tapes sont reprises et plus loin (4.6). 4.3 UNE DECENTRALISATION PLUS POUSSEE COMME SOLUTION INSTITUTIONNELLE 4.3.1 Un acquis historique Meme si les dif?cult?s rappel?es au chapitre pr?c?dent (3.3) sont s?rieuses, les avis recueillis sont unanimes personne ne veut revenir a l?ancien syst?me de nature centralis?e et autoritaire. En effet, la decentralisation est vue comme constituant une nette avanc?e par rapport au passe colonial, ainsi qu?a la p?riode pr?c?dant l?application de la loi portant decentralisation. Elle a un outil relativement ef?cace et equitable d?irnplication des populations (a commencer par les ?lus locaux) et de multiplication a un niveau in?dit des investissements sur l?ensemble du pays et notamment dans les trois regions du Nord 59 lesquelles en ?taient largement d?pourvus auparavant. Les lenteurs et les insuffisances dans sa mise en oeuvre ont ?ni par contribuer au climat d?insatisfaction d?ja ?voqu? alors qu?au depart elle se pr?sentait comme une solution. Dans un contexte actuellement crucial oil 1a question du cadre institutionnel est pos?e avec acuit?, l?opinion relev?e pendant la mission est que la decentralisation pourrait et devrait ?tre avantageusement redynamis?e et pouss?e plus loin dans le sens d?une plus grande responsabilisation des entit?s d?centralis?es et d?une plus grande autonomic de gestion en vue d?une efficacit? ?conomique accrue ct d?une valorisation plus ef?cace et plus equitable des ressources. Notons que notre travail ici est de proposer une approche a raccorder aux conclusions des futurs accords. La plupart des suggestions qui suivent sont 1e fruit des discussions de l?atelier de S?gou. Elles ne sont ici qu?esquiss?es et demandent ?videmment des approfondissements par les diff?rentes parties concern?es. Les lecons qu?on peut tirer de l?exp?rience de la decentralisation somme toute r?cente doivent aider a trouver des solutions mieux adapt?es que pr?c?demment. 4.3.2 Suggestions - Une proposition relev?e a S?gou consiste a instituer un fonds regional de d?veloppement d?centralis? substantiel au niveau de chaque chef?lieu de r?gion charge d?alimenter les diverses collectivit?s territoriales suivant un cahier des charges d?ment pr?par? et concert?. Il s?agit d?un fonds public relevant des collectivit?s territoriales. Sa gestion et son utilisation doivent ?tre contr?l?s jusqu?a l?ex?cution d?apres 1e reglement et les procedures qui auront ?tablies. Le contr?le avec ses modalit?s pratiques devrait faire l?objet d?un examen approfOndi a?n qu?il soit c0nforme aUx attentes d?une bonne gestion. Il est souhaitable que ce fonds soit pluriannuel, preuve d?un engagement moral sur le long terme, et qu?il puisse ?tre utilise de mani?re glissante d?une ann?e a l?autre de facon a ?tre en ad?quation avec les contraintes et les de la planification, de l?ex?cution et du suivi evaluation. Une structure d?appui technique (diff?rente de celles charg?es du controle) est a mettre au point 51 ce niveau regional. Elle pourrait s?inspirer des experiences r?centes d?appui au d?veloppement local (ANADER Nord) ou en cours (PARADER) et ?ventuellement d?autres. L?affectation des fonds doit respecter les competences d?volues a chaque echelon de la decentralisation (communes, conseils de cercle, assemblees r?gionales) et ?viter les t?lescopages entre eux. Ce syst?me devrait s?av?rer moins centralis?, plus pertinent par rapport aux r?alit?s et aux besoins locaux, plus efficace, moins on?reux et plus rapide pour les collectivit?s que celui actuellement bas? a la capitale. La l?gitimit? des ?lus est a renforcer. Les criteres de choix devraient ?tre mieux maitris?s. Il est attendu d?eux qu?ils cherchent a promouvoir un programme de d?veloppement, qu?ils soient comp?tents et s?efforcent de le devenir davantage, qu?ils se sentent obliges de rendre compte p?riodiquement, l?ef?cacit? garantissant une meilleure l?gitimit?. 60 Des structures d?appui technique au niveau des communes et des cercles sont indispensables en vue d?am?liorer la maitrise d?ouvrage grace a un travail d?animation, de formatiOn, d?incitation a l?implication r?elle des diff?rentes composantes de la population. La formule des PADL ou Projets d?Appui au D?veloppement Local mettant l?accent sur le besoin d?une bonne gouvernance de proximit? devrait s?av?rer a nouveau tres pro?table pour les avanc?es recherch?es. Il conviendra ?galement de veiller a la coherence des diverses contributions en provenance de la cooperation d?centralis?e, de la cooperatiOn transfrontaliere, des jumelages, des projets, des ONG, sans oublier l?intercommunalit?. Cet appui technique doit ?tre simultan?ment apport? de maniere optimale et diff?renci?e selon les echelons des collectivit?s, allant jusqu?aux secteurs g?ographiques et categories d?acteurs. Cette approche par ?chelle devrait permettre de corriger les disparit?s. - Le cas des communes en dif?cult? de ressourees humaines demande a ?tre ?tudi? de pres. La situation qui a pr?valu jusqu?a pr?sent n?est gu?re plus tenable. Plusieurs pistes qui peuvent ?tre compl?mentaires sont propos?es. Le personnel salari? affect? a dc telles communes pourrait relever d?une entit? intercommunale, voire de cercle. Ainsi un meme secr?taire g?n?ral pourrait desservir plusieurs communes a la fois, comme c?est le cas dans d?autres pays. Les projets d?appui technique d?ja mentionn?s pourraient aider a trouver des solutions transitoires tout en pr?parant des solutions plus durables (formation, etc.). En dernier ressort, certains suggerent que des n?o alphab?tis?s ou encore des lettr?s en arabe, presents sur place, compensent l?absence de lettr?s francophones. En bref, il faudrait de la cr?ativit? et de la souplesse. - L?insertion des chefs de village et de fraction demande aussi une evolution de facon a mieux int?grer cette cat?gorie toujours dot?e d?une certaine l?gitimit?. Cette legitimit? r?sulte davantage du jeu des n?gociations dc pouvoir interne a leur communaut? que du fait d??tre nomm?s par l?administration Il serait regrettable que ces responsables se retrouvent banalis?s sinon exclus. Ici, l?exp?rience du Niger 01] la decentralisation est post?rieure a celle du Mali pourrait s?av?rer utile les chefs ne sont pas ?ligibles mais sont membres de droit des conseils municipaux. - Le syst?me de recuperation des impr?its et taxes est sans doute a r?examiner dans le cadre d?une redynamisation du processus de decentralisation. Nombreuses sont les personnes affirmant que personne ne vient les leur r?clamer. Il est vrai que l?habitat disperse et mobile des populations rend parfois prohibitif 1e co?t de d?placement de la collecte de l?impot. Il importe que les responsabilit?s soient pr?cis?es a nouveau en matiere de recouvrement dans le cadre d?une d?marche de d?veloppement ou i1 s?agit d?abord de chercher a valoriser 1e potentiel local. semble aussi que les taxes de march?, notamment celles qui concernent le b?tail, pourraient rapporter beaucoup plus aux communes. Plus profond?ment, la comprehension que les gens ont de l?imp?t est a retravailler. Il faudrait sortir de cette conception persistante qui l?assimile dans l?entendement de beaucoup a un tribut du vaincu au vainqueur alors qu?il s?agit de contribuer a son propre devenir: encore faut?il que les usages faits de son apport soient convaincants. Il conviendrait aussi d?examiner si d?autres formes mieux accept?es dans la culture locale, ne seraient pas a experimenter (cotisations, zakat, etc.). - Le d?coupage communal actuel s?avere parfois probl?matique. C?est le cas entre autres d?un certain nombre de communes de la zone pastorale tres ?tendues, avec une population dispers?e et mobile. Les d?placements a l?int?rieur sont co?teux et quasi impossibles pour une majorit? des habitants. 61 Pour pallier cette difficult?, une formule a initi?e dans la r?gion de Kidal en reprenant l?ancienne formule des secteurs coop?ratifs ou des secteurs de d?veloppement au sein d?un meme arrondissement. Il s?agit pour une commune d?organiser la gestion de son espace en secteurs g?ographiques autour de ses principaux centres secondaires ou sites de fixation li?s a des points d?eau permanents. Cette mise en place peut ?tre bien s?r progressive. Cette d?marche entraine une meilleure ?quit? territoriale et permet de limiter 1a tendance des chefs?lieux a vouloir tout monopoliser. Ou encore, elle aide a ne pas oublier les zones p?riph?riques. Ainsi chaque secteur peut avec le temps se voir dot? d?une ?cole, d?un centre de sant?, de puits, etc. En dehors de cette formule, la solution ne peut ?tre que de proc?der a de nouveaux d?coupages qui tiennent compte des distances, de la capacit? des gens a g?rer et a mobiliser leurs ressources, sans perdre toutefois l?int?r?t de d?velopper l?intercommunalit? gage de bon voisinage de m?me que les compl?mentarit?s ?conomiques et sociales. A d?faut, certains en viennent a pr?coniser le recours a un systeme de grands ?lecteurs lors des elections communales, de fagon an ce que les zones ?loign?es soient mieux prises en compte. Mais cette formule a l?inconv?nient d??tre en porte-a?faux avec le principe un individu, une voix? et pose un probleme de coherence a l?int?rieur d?une meme collectivit?. Elle est cependant indiqu?e ici pour montrer l?importance de trouver des solutions idoines permettant a tous les citoyens de participer effectivement a la gestion de leur commune. Le projet de nouveau d?coupage en ?n d?ann?e 2011 montre ?galement que la question des d?coupages territoriaux reste ouverte. La question des criteres a retenir est des plus importantes et notamment la viabilit? ?conomique et sociale des nouveaux ensembles. Il faut donc proscrire certaines pratiques proc?dant du client?lisme qui perturbent les compl?mentarit?s et les solidarit?s existantes. Remarque Parmi les formules institutionnelles qui pourraient ?tre ?tudi?es en pr?vision des futurs accords, certains estiment qu'a l?instar d'autres pays 1e gouverneur de r?gion pourrait d?sormais ?tre ?lu sur la base d?un programme de d?veloppement en bonne et due forme. Si tel ?tait 1e cas, il faudrait examiner de pres comment concr?tement une telle perspective pourrait non seulement pr?server les acquis de la decentralisation mais ?galement promouvoir les am?liorations jug?es n?cessaires. Cette hypoth?se n?a pas ?voqu?e lors de l?atelier de S?gou mais elle pourrait ?ventuellement ?tre examin?e par les parties concern?es comme une piste parmi d?autres dans l'identi?cation et la recherche de la solution la plus adequate dans le domaine des institutions. 4.4 VERS DES MODELES DE DEVELOPPEMENT MIEUX ADAPTES Au chapitre precedent (3.4), nous avons vu que le d?veloppement des regions du Nord a une histoire relativement r?cente avec des promoteurs multiples (Etat, organismes bilat?raux ou multilat?raux, ONG internationales et nationales, cooperation d?centralis?e, jumelages, associations diverses) et des programmes aux volumes ?nanciers fort diff?rents. Mais a la difference des autres regions du pays, le d?roulement des programmes de d?veloppement depuis l?ind?pendance a perturb? a plusieurs reprises par les s?cheresses et les rebellions. 62 L?impact de ces crises a cependant vari? sensiblement selon les regions et les zones 51 l?int?rieur de chaque region. Un certain rattrapage en terrnes d?infrastructures et d?investissements a sans aucun doute eu lieu depuis 1a ?n des ann?es 90 mais celui-ci ne signi?e aucunement que le niveau de vie des populations tant urbaines que rurales ait progress? de facon durable tant les acquis en termes d?indice de d?veloppement humain restent fragiles et demeurent soumis aux al?as naturels et socio politiques. L?aggravation r?cente de la situation en t?moigne. On comprend de la sorte que les opinions recueillies par la mission lors de ses diff?rentes ?tapes traduisent une insatisfaction des populations et de leurs repr?sentants par rapport au bilan actuel du d?veloppement. Comme si les moyens avaient n0n seulement insuf?sants mais aussi utilises de maniere non efficiente et non optimale dormant au final un bilan tres mitig?. C?est pourquoi 1a mission recommande qu?en dehors des programmes d?urgence et de rehabilitation lesquels ne peuvent attendre il soit entrepris des que les c0nditions de s?curit? le permettront d?engager un processus de dialogue et de concertation sur les grandes lignes de ce que devrait ?tre le d?veloppement dans les regions du Nord. Celui-ci suppose au pr?alable 1a creation d?une structure l?gere ad hoc capable d?impulser une telle dynamique. s?agit d?aller suf?samment en profondeur pour dresser dans chaque collectivit? d?centralis?e le bilan de ce qui a et? r?alis? dans le passe ainsi que des perspectives m?rement pour ensuite ?voluer vers des capables de donner de l??paisseur aux orientations a venir. Des ateliers sur des th?matiques pr?cises (a des niveaux restant a pr?ciser) pourraient aussi venir compl?ter 1a d?marche. L?objectif principal est qu?une dynamique de d?veloppement soit engag?e sur des bases solides parce que largement concert?es. Toute precipitation dans ce domaine serait contraire a l?objectif recherche et aboutirait finalement a de d?testables retours en arriere. 4.4.1 Le processus de concertation - orientation en mati?ere de d?veloppement et les d?fis a relever Avec les bouleversements v?cus ces derniers temps et qui se poursuivent encore, i1 serait bien pr?tentieux d?af?rmer de quoi demain sera fait dans les regions du Nord. Nous pouvons dire seulement qu?une fois la s?curit? revenue sur la base d?un veritable accord global entre les parties bellig?rantes, il est souhaitable que les solutions a inventer en mati?re de d?veloppement ?manent le plus possible d?un dialogue approfondi et ?largi au niveau des diverses composantes de la population concern?e. C?est ce que nous proposons avec l?id?e d?instaurer un processus de concertation orientation permettant de d?boucher sur des modeles de d?veloppement adapt?s et consentis. Pluth que de recourir uniquement a des expertises plus ou moins ext?rieures, i1 importe que la soci?t? civile se prononce avec s?rieux sur ce qu?il convient dor?navant de ne pas faire et ce vers quoi i1 faut aller. Un tel processus devrait servir a relever plusieurs d??s a la fois a) 11 devrait d?abord rent?orcer le climat de paix, de s?curit? et de confiance dont les bases seraient d?ja pos?es dans ce que nous appelons l?accord global Chercher collectivement a pr?ciser le d?veloppement tel qu?on l?attend, c?est d?ja dormer un contenu concret a ces termes. Sans perspectives s?rieuses de d?veloppement, i1 n?y aura pas de paix, de s?curit? et la confiance s??tiolera a nouveau tres rapidement. b) Le processus envisage devrait permettre ?galement d?exp?rimenter et d?affiner le fonctionnement du cadre institutionnel dont les grandes lignes auront avalis?es dans 63 l?accord global. Il aura l?avantage ?galement de commencer a lui donner une legitimit? en meme temps que du contenu et un caractere fonctionnel. c) A partir du bilan des actions men?es pr?c?demment et des corrections a apporter 1e processus pr?conis? aura a d?finir les grandes orientations de d?veloppement, les priorit?s mais aussi les principes a respecter. Selon les entit?s d?centralis?es concern?es, les diff?rents domaines ou s?exerce le d?veloppement devront ?tre passes en revue. A ce sujet, une liste provisoire a bri?vement pr?sent?e (3.3) grands chantiers structurants, ?conomie rurale (agriculture, ?levage pastoral, p?che avec leurs ?lieres), urbanisme, services sociaux (education, sant?, tourisme, artisanat, entreprises, ressources extractives a venir (hydrocarbures, gisements miniers). De m?me, 1a place et le role des diff?rents acteurs (hommes, femmes, jeunes, enfants, responsables) devront ?tre examines. Plus que l?esquisse des activit?s a court, moyen et long terme, l?important sera de cibler les changements a introduire dans la maniere de concevoir le d?veloppement mais aussi dans la facon de le conduire en termes de gestion et de controle de gestion. En r?sum?, la r?flexion a mener vise la de?nition et la mise en oeuvre de nouveaux mod?Ies de d?veloppement qui soient r?ellement appropri?s et int?rioris?s par le plus grand nombre possible d?acteurs. (1) En relation ?troite avec les modeles de d?veloppement, les disengsions, notamment en ce qui concerne le d?veIOppement rural et dans une certaine mesure aussi le d?veloppement urbain, auront a prendre en compte la variabilit? structurelle (et pas seulement conjoncturelle) qui caract?rise au plus haut degr? les conditions naturelles des regions du Nord (pluviom?trie, crue, etc.). En raison de l?importance de cette dimension trop souvent sous-estim?e, une annexe lui est consacr?e. Comment mi'eux prendre en compte aussi bien les bonnes ann?es que les mauvaises dans la plani?cation des unites domestiques mais aussi des entit?s d?centralis?es? Comment mieux preparer les mauvaises ann?es Comment tirer mieux paiti des bonnes? Etc. e) Les discussions deVraient ?galement s?attacher a mieux cemer les rapports entre la valorisation du potentiel local et l?utilisation judicieuse de l?aide ext?rieure. Comme il a d?ja dit, les esprits en sont venus trop souvent a consid?rer que le d?veloppement se reduisait en definitive a cette demiere d?ou les nombreuses deviations bien connues (corruption, d?tournements, mauvaise gestion). convient d?inverser cette tendance en cherchant a voir d?abord ce que les entit?s d?centralis?es ou autres acteurs veulent r?aliser par eux-m?mes et apporter. C?est seulement ensuite qu?ils sont en droit de n?gocier et d?articuler leur contribution a celle venant de l?ext?rieur. f) Au?dela des points d?ja ?num?r?s, ce processus de concertation et d?orientation devrait contribuer a renforcer la soci?t? civile dans son role de veille ?thique et d?aiguillon en matiere de d?veloppement mais aussi concomitamment dans la consolidation de la paix et de la con?ance de meme que dans la bonne marche des institutions qui ?maneront de l?accord global. Nous sommes convaincus que c?est son extreme faiblesse qui explique en grande partie l??mergence sinon 1e retour p?riodique des formes de violence, voire de terreur. Au ?nal, de sa mont?e en puissance dependra le fait que le recours amt armes pour poser des problemes deviendra inad?quat et illegitime. 4.4.2 Le d?roulement de la d?marche Un tel processus de concertation orientation en matiere de d?veloppement economique et social ne pourra commencer que lorsque les conditions de retour a la s?curit? seront jug?es 64 suf?santes. Il ne peut s?enclencher ?galement que si le climat de dialogue et d?instauration de la con?ance est en marche (cf. les propositions deja ?nonc?es an 4.2 et reprises au 4.6) avec notamment la tenue de rencontres intercommunautaires dont l?exp?rience a montr? qu?elles sont aptes a renouer un climat de dialogue. Il suppose ?galement qu?une structure ad hoc soit ?tablie dans le cadre du suivi des recommandations de l?accord global. Entre autres fonctions, celle?ci aurait pour role d?impulser et de suivre la dynamique de r??exion et de concertation autour des problemes de d?veloppement. (Rappelons qu?a partir de 1992, 1e Commissariat au Nord avait en quelque sorte ce role). Ces pr?alables rappel?s, le processus de concertation orientation en matiere de d?veloppement pourrait se d?rouler selon les ?tapes suivantes a) La structure ad hoc charg?e de mettre en muvre l?accord global, en liaison avec ses autres taches, constitue et forme des ?quipes d?animation charg?es de susciter les d?bats au niveau des diff?rentes collectivit?s territoriales communes, conseils de cercle, assembl?es r?gionales). L?objectif general est de dresser un bilan approfondi sur ce qui a tent? et accompli dans le passe et d?esquisser les grandes lignes de ce que devrait ?tre le d?veloppement a l?avenir. Ce faisant, il s?agira en meme temps de r?pondre aux d?fis soulign?es dans le point Une des questions importantes est de voir comment peut ?tre obtenue une meilleure implication des gens hommes, femmes, jeunes, habitants des secteurs ?loign?s). Il faudra aussi ?tre en mesure de recueillir les r?sultats les plus saillants de ces d?bats et d?en r?aliser des d?ment valid?es. Une telle approche pour ?tre s?n'euse devra s??taler sur plusieurs mois. Un appui m?thodologique 51 cc lancement et a son accompagnement sera sans doute opportun le moment venu. b) Organisation d?ateliers th?matiques sur des questions qui paraissent des :21 present centrales en matiere de d?veloppement. Nous pr?conisons a ce stade de se concentrer sur trois domaines cl?s l??ducation, l?agriculture et l??levage pastoral. Ceux-ci demandent a ?tre prepares pendant que se d?roule 1e processus mentionn? ci-dessus. conviendra d'appr?cier a que] niveau (sous-regional, regional ou interr?gional) doivent se tenir de tels ateliers et sur quels crit?res devront ?tre choisis les participants. Rien n?emp?che ?videmment que d?autres ateliers se tiennent sur d?autres themes par la suite. L?id?e est d?impliquer des acteurs directement concern?s (enseignants, parents d??leves pour le premier; organisations de producteurs, techniciens pour les deux derniers) mais aussi des ?lus, des personnes ressources et des partenaires techniques et ?nanciers. c) R?alisation d?une table - ronde ?largie avec les bailleurs de fonds, sur le modele de eelle r?alis?e a Tombouctou en juillet 1995 et qui, a l??poque, a a l?origine d?un bond en avant en matiere de d?veloppement pour les regions du 0rd. Cette fois, en plus de l?Etat et des partenaires techniques et ?nanciers, il sera judicieux d?inclure des repr?sentants des entit?s d?centralis?es mais aussi des personnes qui se seront av?r?es actives et constructives au cours du processus de concertation - orientation. 4.5 MESURES A TRES COURT TERME Outre le con?it arm? d?clench? le 17 janvier, 1e Nord - Mali, du moins dans une partie signi?cative de son ?tendue, vit cette ann?e sous la menace d?une r?elle calamit? naturelle que viennent aggraver les ?v?nements r?cents: 1a s?cheresse. L?hivemage 2011 a et?, a 65 nouveau, d?fectueux a des degr?s divers selon les zones entrainant une tres nette insuf?sance des r?coltes et des p?turages. Les c?r?ales ont vu tr?s tot leurs co?ts rench?ris alors que les revenus se trouvent souvent compromis par la situation de crise. La presse fait ?tat de structures courageuses telles que le ou d?autres ONG ou encore de certains ?lus qui s?efforcent malgr? l?ins?curit? et les risques encourus de mener des activit?s humanitaires d?urgence. C?est tout a leur honneur mais les moyens semblent bien inf?rieurs aux besoins. Il importe que ce type d?activit?s aUpres des p0pulations civiles en dif?cult? (sans ouiner les prisonniers) soit pleinement accept? par toutes les parties en con?it. Les mois qui viennent et qui nous s?parent de la prochaine saison des pluies vont sans doute ?tre tres durs non seulement pour l?acces aux c?r?ales et aux biens de consommation courante mais aussi pour la survie du b?tail alors que les p?turages sont notoirement insuf?sants dans plusieurs zones et que de nombreux ?leveurs ont en a changer de parcours pour des raisons d? ins?curit? physique ou par manque de paturages. La mission recommande qu?un plan d?action soit mis en place le plus rapidement possible pour que tout risque de famine soit ?cart? car celui?ci Viendrait compliquer encore plus la resolution du con?it en cours. Deux domaines, a l??vidence, sont a privil?gier la mise a disposition de c?r?ales et de vivres a co?ts raisonnables (voire gratuits en cas d?extr?me gravit?). La mise a disposition a prix exceptionnellement subventionn?s d?aliment b?tail pour les zones et les troupeaux les plus menac?s par le de?cit fourrager et, si c?est n?cessaire ?galement, de semences et d?intrants qui doivent ?tre disponibles pour la prochaine campagne agricole. Le plan d?action devrait comprendre ?galement des mesures pour tenter de livrer des services de sant? et d??ducation dans un contexte perturb? par l?ins?curit?. La paix et l?espoir de reconciliation se jouent aussi sur la maniere dont les problemes d?urgence vont ?tre trait?s concr?tement au cours des prochains mois. Ces pr?occupations concement les populations affect?es demeur?es dans le pays et souvent d?plac?es mais aussi celles qui sont r?fugi?es dans les pays limitrophes. 4.6 DES PROPOSITION ET SCHEMA DE SORTIE DE CRISE Au terme de ce travail, voici 1e r?capitulatif des diff?rentes ?tapes d?ja propos?es tout au long du present chapitre pour sortir de la crise actuelle. 1) En premiere urgence conception et mise en place d?un plan d?action en matiere d?urgence tenant compte de la situation extr?mement grave qui pr?vaut au Nord - Mali dans les campagnes et dans les villes en raison de la s?cheresse et de l?ins?curit? (besoins de vivres, de soins et d?aliment b?tail et, peut??tre aussi de semences pour les prochaines semailles). Les r?fugi?s se trouvant dans les pays limitrOphes doivent eux aussi ?tre pris en compte par les structures comp?tentes. 66 2) Creation d?un cadre de dialogue inclusif en vue de surmonter 1e climat de m??ance et d?aller vers des solutions cr?dibles. Ceci suppose que les diff?rentes parties structurent leurs points de we de fagon a les rendre accessibles et compr?hensibles aux autres. 3) Misc en place d?une ?transition d?mocratique? charg?e a) dc parvenir a un accord global n?goci? sur les problemes du Nord, b) d?organiser les ?lections (lorsque le moment sera jug? ad?quat). 4) Accord de cessez?le?feu entre l?Etat et les rebelles avec implication dc parties neutres en mesure de suivre sa mise en oeuvre effective. 5) Engagement effectif des deux parties, d?une part, pour juguler le banditisme ambiant et, d?autre part, pour poursuivre une n?gociation approfondie des problemes impliquant des repr?sentants de toutes les populations du Nord, sans oublier les r?fugi?s, a?n de s?assurer que les pr?occupations des diverses composantes sont bel et bien prises en compte dans les n?gociations devant d?boucher sur l?accord global. 6) Intensification des actions d?urgence en general et aussi conception et d?marrage d?un programme de rehabilitation des infrastructures et b?timents abim?s ou saccag?s. 7) Signature de l?accord global apres n?gociation et implication de toutes les parties concern?es. 8) Misc en oeuvre des mesures s?curitaires de l?accord global. 9) Misc en place d?un m?canisme regroupant le Gouvemement, la soci?t? civile et les partenaires ext?rieurs pour le suivi des recommandations de l?accord global. Ceci supposera la mise en place d?une structure ad hoc l?gere et provisoire, comme l?a en son temps 1e Commissariat au Nord. 10) Organisation de rencontres intercommunautaires pour l?appropriation et la concr?tisation de la paix. 11) Misc en place d?un processus de concertation orientation dans les regions du Nord articulant les trois grandes th?matiques (construction de la confiance, gouvernance des institutions, d?veloppement), avec implication des partenaires, en we de pr?ciser les modeles de d?veloppement a promouvoir d?sormais. 12) Organisation d?ateliers d?ment prepares sur les modeles de d?veloppement dans au moins trois domaines cl?s l??ducation, l?agriculture et l??levage pastoral. 13) R?alisation d?une table ronde ?largie avec les bailleurs de fonds sur le d?veloppement du Nord. 14) Conference nationale d?appropriation de l?accord global et du vouloir Vivre ensemble. Ce devrait ?tre un ?v?nement solennel capable de sceller un nouvel avenir pour le Mali tout entier. 67 ANNEXES .Huwlb?wm ?aw ?magnum :Eu?gglm?ong mg?gm?iauafglE?ir?irglraiinf iglFi?E??EEu??i?z&ig? E- Hun?manning - Emir- - . - El??r?u??gmg?g??g? - HE. . E. lawman?BE. . . EHEEHETIH. Eco-Ins Oil?nah. Eu Eu m. .. . . Eiawnr?gg?gg?mugrugi??ugmn - - .939; rEEHmEEZi?-n?iniiu wag?Banging? uni?mu an Engamna??mliu?b?gumgg. habitat?Gamma aguaEm??u?m?ng aunt?BE mama?n ?ung- Eggugi?gg??uggig?uigg?? waning??ung. - Hagar-2.9m 9.?03358 Egg?g?g??gu?g?nm?g.? Quinn Aura-Enlis- . . m??mniuhoqwmagka? Swag E. mam. pqoma??muu?? 5.4.3 ?meg?mall 5* ma gel?d nEmeH?Eu?tammg Hummu? n?n? 035m EH Human?nag Him.- ?osmium?8.25 was? mt Harman. Ewing?Hr ?ug?rg?r?ag?g?gi? -83 undo?Er. iguana-gagging HEP FEE Hang?. atlas?. >15" wine-Em. can? HE ER. EB. mama. guru?Nu? men?Eu. Emil! a. Burn. 56:: ESE. Euro -3955 Iggmgo -3553 I hing . I Egmgra?n $235 chua - ma?a? awn?Brat S?var?Gao?Niamay) Alt-sliding? - Tatum Mamitanie Kidd?Alma -Glnl?Ghana - - GumI Nwlg?ii - Gan! Alg?rie - Gad Bamako High?! is 1' vanwa dzTomh-numm Riyimdu?du! L?m?kmhh?mk?d??mt?nwl?mhmm Whig?! 11- - ha lint: 3.. an Ems?:3 .. Can-mngm??g? ?egg Egagmngagr?gwf?rgn?gu .- Eigxgx?i .. Eugg?rug?gmmFEF?gmug Eggn?gaggu?s?n?mno?m? Emgmm?g?gmgm?gm--. gunning - . armmigmagwnnima?.?e?wmua .. Emerikma?n??iFuo?kmnmEmu . Eq?kga?: I pt?cinulumodes Wm??mm?miwbmd'mdamfm d?M?ahMms?WM?mmdd?mMI?mh??s econnuuque. consultants. Ln Jaye: Mandel?au?erdelnw?) Amelia-dew - eta l. . La chmmak Finn's ml: min-m (Hair aluminum-u an mm): Fm: msil'mdmitdespm?cipum: Avril:th FinalisAtn?udenr-?m?un Ranisedel'?luda?mlemjuinlml g?g?g?g??gn - Eggmnugag?wgm??ga?ggu - HEELEELBEE 0 gig? .- a Hungarian?ug?u?n?umnm?rig mailman?53% .. ag?fguo??nu?l?a?ng?nlgu?a Ig?g?m?igl?w?amuFiu??ngmn Farming. inhuman" - .- EEm?E?EIEa?anEm?i??ngfui?gzgm Ag?gx?k??agmgu??gg a; a wigs?HERE?? - Elgaggl%%??gn?g lgkm?ugl??v - igug?ia?u?m??m magi?Hum. - - um ANNEXE 2 ADDENDUM aux termes de reference du projet ?Etude sur les strategies de d?veIOppement ?conomique et social des regions Nord Mali Tombouctou Gao - Kidal Cet addendum vise a assurer un renforcement des travaux de recherche appliqu?e pr?vus par l??tude susmentionn?e, en pr?voyant un approfondissement dans le recueil et le traitement analytique des informations relatives aux acteurs en presence dans le Nord du Mali et a leur dynamique. Cet addendum ne modi?e pas mais approfondit une dimension sp?ci?que des termes de reference de l??tude, dont i] fait partie int?grante. L?ojectif principal vise a obtenir une comprehension de la diversit? des acteurs en presence et une analyse ?ne des potentiels de portage de biais induits ou de clivages susceptibles de se r?v?ler dans la relation socio?politique des populations, de par les enjeux li?s a une vie sociale apais?e et a un d?veloppement durable. Il s?agit donc de mieux comprendre, en amont, les param?tres socio-politiques qui peuvent determiner ou conditionner les efforts de paix et de d?veloppement; partant, i1 s?agit ?galement de consid?rer dans quelle mesure ceux-ci peuvent agir en faveur -ou non- de la p?rennit? de tels efforts, voire pr?venir un effet induit de crispation autant de cl?s qui pourront utilement ?tre int?gr?es dans l??laboration d?une strat?gie en mati?re de politique de paix ou de d?veloppement au Nord Mali. Les r?sultats attendus consisteront en particulier en un ?clairage sp?cifique apport? par l??tude sur les ?l?ments suivants cartographie de la diversit? des acteurs publics et priv?s en presence, sur le plan des usages sociaux et culturels (y compris religieux), de l?ethnicit?, de la configuration du pouvoir politique (institutionnel, partisan ou traditionnel), des acces diff?renci?s au pouvoir et aux ressources etc. relev? des positions et de la dynamique socio?politique dont ils sont porteurs (y compris dans la perspective et l?h?ritage historiques) analyse des perceptions pr?valant dans les groupes ou acteurs identifies, en matiere de sp?cificit? des besoins (revendications), dans la dimension r?gionale (Nord Mali) et nationale (rapport a l?Etat et a la coh?sion nationale) analyse des potentiels de leviers et/ou de resistance drivers of change spoilers de ces acteurs analyse des risques pour les ?quilibres li?s a l?introduction d?une politique de paix ou de d?veIOppement. Les produits attendus et le calendrier sont ceux d?crits dans les termes de r?f?rence de l??tude. Le programme de politique de paix en Afrique de l?Ouest et centrale du D?partement f?d?ral des affaires ?trang?res de Suisse (DFAE) apporte une contribution a l??tude, qui tiendra d?ment compte dans ses travaux et la restitution de ses r?sultats des objectifs et attentes d?crits ci?dessous. Bamako 20.05 .201 76 ANNEXE 3 SUR LES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL DANS LES REGIONS DU NORD (S?gou 3- 5 d?cembre 2011) CANEVAS POUR LES GROUPES DE TRAVAIL GROUPE Quelle contribution citoyenne a l??tablissement durable de la confiance (Ce groupe renvoie aux axes ?tablissement de la volont? politique partag?e et integration) Comment consolider la con?ance et l?int?gration sources de paix et de s?curit? Entre les populations du Nord, au sein d?une m?me region, et entre les r?gions Entre les p0pulations du 0rd et l?Etat Entre le Nord et le Sud du pays Comment ?tablir une volont? politique panag?e autour des questions de paix, de s?curit? et de d?veloppement entre les panies concern?es (Etat, ?lus, chefs, soci?t? civile, populations) avec I?appui, si n?cessaire, des PTF. Que peut faire la soci?t? civile en paniculier Comment :21 l?avenir ?viter 1e retour des crises de confiance quelles lecons retenir du passe quelle m?thodologie utilis?e Comment int?grer davantage les composantes souvent marginalis?es les femmes, les jeunes et les plus vuln?rables Etc. Groupe 2 La d?centralisation inachev?e Que faire (Ce gmUpe renvoie a l?axe gouvernance) Ot?l en est le processus de decentralisation au Nord Comment a ?t-i1 ?volu? dans le temps et l?espace Quels sont ses apports Ses limites actuelles Quels sont les problemes rencontr?s Quelles am?liorations susceptibles de r?pondre aux attentes de meilleure gouvemance Les diff?rents diSpositifs d?appui int?r?t, limites, suggestions Le dispositif d?appui technique et ?nancier Les projets d?appui au d?veloppement Via les collectivit?s territoriales Les autres types d?appui Analyse de quelques difficult?s rencontr?es et suggestions. Par exemple les faibles rentr?es ?scales et autres ressources, l?illettrisme et/ou le manque de competence des ?lus occupant des postes principaux, les dysfonctionnements de la maitrise d?ouvrage, l?implication insuf?sante des diverses composantes de la population, etc. Comment accro?itre la gouvemance d?mocratique et inclusive a l?int?rieur des collectivit?s territoriales Etc. 77 Groupe 3 Quels mod?les pour le d?veloppement ?conomique et social (Il s?agit ici de savoir si les mod?les pratiqu?s conviennent ou s?il faut en inventer des nouveaux Au niveau des divers secteurs ?conomiques (?levage pastoral, agriculture, p?che, artisanat, tourisme, commerce). Quelles sont les lecons apprises? Les limites Que convient?il de revoir Quid de la cr?ation d?emplois pour les jeunes Au niveau des services sociaux (education, sant?). (idem). Au niveau des calamit?s naturelles (s?cheresses, inondations) et des menaces du changement climatique. Quelles sont les lecons apprises Comment mieux pr?venir et traiter les crises Qu?en est?i1 de la s?cheresse en cours (2011?2012) Quelles suggestions Au niveau des programmes et projets men?s jusqu?ici au Nord Quelles sont les lecons a retenir Que convient-il de revoir pour avoir des r?sultats plus ef?caces et plus durables Voir entre autres, la place et le role de l?aide ext?rieure par rapport a la planification endOgene et aussi les canaux de financement utilises. Etc. 78 ANNEXE 4 VARIABILITE STRUCTURELLE Un environnement al?atoire Les economies agricoles et surtout pastorales du Nord Mali font face a une situation de production tres al?atoire resultant des variations pluviom?triques annuelles et de la croissance v?g?tale. Ces valeurs pluviom?triques calcul?es annuellement permettent d??tablir des isohyetes, des Iignes joignant les points 011 la hauteur de precipitation recueillie au cours d'une p?riode donn?e est la meme. Grace a ces moyennes, des courbes d'isohyetes de 100 a 250 mm (16 pluie peuvent ?tre trac?es sur une carte et celles-ci d?limitent des fronti?res de zones ?cologiques telles que le Sahel, zone recevant entre 100 mm et 500 mm de pluie par an. Mais ces moyennes sont insuf?santes pour les agriculteurs et les eleveurs. En effet, les chiffres importants pour eux ne sont pas les moyennes mais l??cart entre ann?es seches et ann?es pluvieuses et surtout la fr?quence et l'importance de ces ?venements (inondations et s?cheresses). La variabilit? des pluies, d?ja grande au sud du Sahel, augmente du sud vers le nord 1e coef?cient de variation de pluviom?trie annuelle est de 20 a 30 dans la zone de cultures s?ches mais atteint 40 cu 50 et plus dans les zones pastorales au bord du desert, par exemple a Kidal ou Tessalit.5 Pour un agriculteur en un ?leveur, c?est surtout ces derniers chiffres qui d?terminent sa production et sa vie. La moyenne reste un chiffre tout a fait th?orique. Les producteurs doivent s?adapter a des hausses et des baisses de production suivant les bonnes ou les mauvaises ann?es. Les agriculteurs et les ?leveurs vivent selon les variations pluviom?triques. Ils doivent, en effet, s?adapter a la variabilit? structurelle. D'autres facteurs contribuent directement a la creation de ces taux de variabilit? - les ?pizooties ou les conflits, par exemple et des facteurs secondaires, eux?m?mes consequences de la variabilit? pluviom?trique, comme, par exemple, les prix et la disponibilite des animaux et les produits de consommation essentiels au march?. La situation est rendue plus al?atoire encore par une forte covariation des facteurs de production la s?cheresse, 1e conflit et la degradation des prix des animaux ont tendance a s?associer, multipliant l?impact des risques et rendant leur gestion plus dif?cile. Cons?quences La variabilit? de la pluviom?trie est le plus important facteur de risque et a des consequences largement negatives. Les variations de pluviom?trie en zone pastorale ont pour consequences les s?cheresses, le tarissement des mares et autres sources d?eau et un manque de p?turages pour le cheptel. La variabilit? introduit l?incertitude dans la planification. Dans le pire des cas, ceci m?ne a une reduction considerable des espaces vitaux et une perte du capital b?tail. La variabilit? repr?sente toutes les forces ext?rieures qui jouent sur les Le coef?cient de Variation est la Variance divis?e par la moyenne 79 soci?t?s rurales du Nord Mali. Pour pouvoir Vivre avec de tels risques, les ?leveurs ont d?velopp? des strategies de gestion de crise. Ces strategies fonctionnent au niveau de la reduction des risques quotidiens les connaissances techniques et le capital social des ?leveurs qui consistent surtout dans des choix techniques (selection des especes et races d?animaux dans le troupeau, choix des pz?iturages utilises, d?placements) et dans l?organisation ?conomique et sociale (surtout les r?seaux d??changes, dc pr?ts et de dons d?animaux a l?int?rieur de la soci?t?). des grandes s?cheresses les grands deplacements vers des zones moins affect?es, compris vers d?autres pays ou autres zones ?cologiques. Dans le passe, de telles strategies ont eu un reel succes en am?liorant la situation des ?leveurs d?munis mais sans pouvoir enrayer d'importantes famines telles que celles des ann?es 1913 ou 1970. Les systemes traditionnels de gestion des risques sont de plus en plus d?pass?s par les evenements entrainant un taux ?lev? de mortalit?. La gestion des crises qui r?sultent des d?ficits pluviom?triques est une mission que le gouvernement devrait entreprendre. Plusieurs exemples de tels systemes de gestion des risques en zone pastorale existent, le plus utile pour le Nord malien ?tant celui du Kenya. 11 se compose de trois elements principaux 0 un systeme d?alerte pr?coce, sur la base des indicateurs de la pluviom?trie, de la vegetation naturelle, des prix et de la quantit? des animaux au march?, du prix des c?r?ales et du comportement des ?leveurs; un systeme de r?ponse pr?coce, permettant des reactions imm?diates pour am?liorer la situation, par exemple des livraisons de c?r?ales sur le march? afin de r?duire le prix, des programmes d?achat d?animaux pour renforcer 1e prix du b?tail ou des interventions en sant? humaine ou animale; un fonds d?urgence, [sous 1e controle de la region on du cercle,] permettant de mettre en ceuvre le plan. Les avantages de la variabilit? II ne faudrait pas consid?rer 1a variabilit? structurelle uniquement comme source de risque. Elle peut ?galement cr?er des possibilit?s ?conomiques importantes. A l?int?rieur d?une m?me zone ?cologique, 1a variabilit? spatiale des pluies cr?e des micro - habitats bien arros?s a cote de micro - habitats qui restent secs. De meme, des plantes sont capables de profiter d?une faible pluie a cote d?autres qui ne le peuvent pas. De ce fait, le milieu est d'une grande complexit? car des ressources utiles cotoient des ressources de qualit? faible, voire nulle, ou des ?leveurs extr?mement pointus peuvent faire pa?itre des animaux aux comportements tout aussi pointus, capables de choisir d?une maniere tres selective des ressources de haute qualit?. 80 Pour un ?leveur qui a des animaux capables de se d?placer pour suivre ces paturages abondants les bonnes ann?es, qui est capable d?une mobilit? parfois considerable n?cessaire pour les exploiter, qui dispose de strategies ?conomiques et sociales souples et adapt?es et ?galement de zones de repli, la variabilit? pluviom?trique cr?e, dans les bonnes ann?es, des ressources importantes en et paturages. Ces ressources sont difficiles d?acc?s pour les agriculteurs qui ne peuvent pas se d?placer facilement et qui ont besoin de planifier la gestion de leur systeme de production bien a Pavance. Cadre d?analyse La comprehension de cette possibilit? d?exploitation des ressources al?atoires va de pair avec un nouveau cadre conceptuel a travers lequel nous pouvons essayer de comprendre le potentiel de production de l?environnement et des systemes ?conomiques du Nord - Mali et autres zones arides. L'analyse classique de l'environnement se pr?sente comme une recherche d'?quilibre entre la croissance de la Vegetation qui reflete largement 1a pluviom?trie annuelle et la pression du cheptel sur les p?turages. Le but de la gestion est d?ajuster la taille du troupeau utilisateur a la capacit? do charge de l?environnement. L?objectif de cette gestion est de maintenir le systeme en ?quilibre. a une autre maniere d?analyser cette situation. Certains ?v?nements par exemple les s?cheresses ou les inondations - agissent sur l?environnement en donnant des r?sultats ind?pendants de la taille du cheptel ou de la population humaine. Dans ce cas, il est inutile de limiter la p0pulation a une capacit? de charge th?orique. Le but de la gestion est plutot de suivre de pres les hauts et les bas de la production, d??viter les consequences les plus n?fastes des points bas de la courbe et de pro?ter des points hauts. C?est un systeme en d?s?quilibre permanent. De maniere g?n?rale, les zones ?cologiques bien arros?es, au sud du Mali, sont ou devraient ?tre en ?quilibre, tandis que les zones du nord sont sous l?effet de la variabilit? et sont pluth en d?s?quilibre. Adaptation des syst?mes de production Les syst?mes de production qui s?adaptent a cette situation ont une logique Claire. Au contraire des modeles classiques de syst?mes de gestion qui mettaient l?accent sur la n?cessit? de maintenir un ?quilibre entre cheptel et p?turages par le biais du respect de la capacit? de charge, les mod?les plus r?cents mettent l?accent sur l?origine exog?ne des facteurs in?uencant la productivit? des paturages, tels que les s?cheresses ou les con?its et sur la n?cessit? d?une gestion appropri?e de ces ?l?ments ext?rieurs. Les strategies de gestion dans ce dernier mod?le doivent s'orienter vers un suivi minutieux des grands ?v?nements ?cologiques. Elles reposent sur la capacit? de r?silience des ?leveurs et celles aussi a se d?placer et a avoir des relations de coop?ration avec d?autres. Cette resilience des ?cosyst?mes et des modes de vie des ?leveurs constitue une ressource 8] essentielle pour l?occupation des zones arides du Nord Mali. Elle montre que c?est la qualit? de la gestion des troupeaux et des p?turages qui est importante. Les strategies traditionnelles des ?leveurs sont pour la plupart maintenant fragilis?es, mais les principes mobilit?, flexibilit? dans l?organisation de la production, diversification des activit?s ?conomiques, capital social et bien d?autres - restent aussi importants qu?auparavant et doivent ?tre a la base des systemes de gestion modeme. Si la logique des systemes de gestion des ?leveurs est reconnue et le d?veloppement orient? vers un renforcement de ces manieres de g?rer 1a variabilit?, les systemes d??levage les plus r?silients et productifs peuvent bel et bien ?tre d?velopp?s dans la zone. La conclusion importante concerne la gestion. Un environnement en ?quilibre doit ?tre g?r? de maniere classique, c?est?a?dire respecter la capacit? de charge et trouver un ?quilibre entre p??tturages et cheptel. Par contre, dans les zones du Nord, pluth en d?s?quilibre, la gestion doit permettre aux ?leveurs de suivre de pres les hauts et les bas de la variabilit?. La gestion d?un ecosysteme en d?s?quilibre sera tres diff?rente d?un ?cosyst?me en ?quilibre. Changement de climat La situation de l??levage dans le Nord Mali, adapt? a la variabilit?, est de nouveau mise en cause par le changement climatique. Malgr? des incertitudes consid?rables sur les consequences du changement de climat, il est probable qu?il aura deux effets majeurs dans les zones arides de cet ensemble g?ographique un r?chauffement et une augmentation g?n?rale de la pluviom?trie dans le Sahel et les zones m?ridionales du Sahara, au moins pour les prochaines d?cennies jusqu?a la ?n du siecle. Le Sud Sahara et le Sahel pourraient devenir plus verts. . Par la suite, i] pourrait avoir de nouveau une phase d?aridit? - en plus d?une pluviom?trie plus ?lev?e dans les prochaines d?cennies, il aura une variabilit? accrue des pluies; cette variabilit? se montrera dans les quantit?s annuelles, dans la distribution des pluies a l?int?rieur de la saison, dans les dates du debut et de ?n de la saison et dans la distribution des pluies dans l?espace. Les consequences de ces changements pour le Nord - Mali sont complexes et incertaines. Mais certaines consequences paraissent probables. Un climat avec une variabilit? tr?s ?lev?e pose des problemes consid?rables pour les agriculteurs qui pourraient seulement avec la plus grande dif?cult? calibrer leurs activit?s a une pluviom?trie qui pourrait changer d?ann?e en ann?e de plus de 100%. Les agriculteurs, li?s a une localisation precise des champs et a un village n?ont pas la ?exibilit? des ?leveurs qui peuvent se d?placer avec leurs troupeaux. Un agriculteur qui ne recoit pas une pluie adequate sur son champ voit sa production de l?ann?e diminuer. Il ne peut pas d?placer son unite de production ailleurs ou il a plu. Avec une pluviom?trie plus variable, l?exode des agriculteurs vers les grandes villes du Sahel ou les cites de la cote pourrait s?intensifier. Une agriculture p?ri urbaine, intensive et orient?e vers les marches urbains voisins pourrait s??tablir et la pression de l?agriculture sur les terres du Nord deviendrait moins forte. Par contre, un mode d?exploitation de type pastoral qui reste ?exible, mobile et utilisant peu d?intrants, aura beaucoup plus de possibilit?s d??tre soutenable et profitable. Dans ce cas, les changements ?conomiques li?s aux changements du climat ne seront pas n?cessairement tous n?fastes pour les ?leveurs. 82 Pendant les ann?es pluvieuses, i1 aura des zones dc paturages tres vastes couvrant le Nord Sahel et le Sud Sahara disponibles aux ?leveurs dot?s d?animaux avec les connaissances techniques et les institutions favorables (surtout les droits d?acc?s a ces p?turages). Le de l??levage sah?lien sera de savoir comment exploiter les paturages les bonnes ann?es de maniere a survivre les mauvaises ann?es. Si les ?leveurs s?organisent, ils pourront augmenter consid?rablement la production dans cette zone du Nord caract?ris?e par la variabilit? de la pluviom?trie. Le facteur essentiel est que l??leveur ait maintenu sa capacit? de mobilit?. L??leveur qui peut se d?placer peut suivre la pluie et l?herbe. Les ann?es seches oil l'eau et les paturages ne seront pas suffisamment abondants seront dif?ciles pour les ?leveurs. Mais les ann?es dc pluviom?trie accrue offriront aux ?leveurs qui auront pu garder leur mobilit?, leurs connaissances scientifiques, leurs systemes de gestion des troupeaux, des potentiels considerables de production qui permettront de reconstituer le chepte] et de s'engager a nouveau sur le march?. La mobilit? d?au moins une grande partie du troupeau familial accompagn?s de quelques bergers est une condition essentielle pour que les ?leveurs b?n??cient de cette situation. Sans mobilit?, les ?leveurs ne peuvent pas utiliser ces ressources fugaces. En m?me temps, avec l?urbanisation, la demande urbaine en produits d??levage (viande et lait) augmentera probablement plus Vite que pour les autres produits agricoles. Cette demande pourra ?tre satisfaite par l?importation des produits d??levage, par une production nouvelle p?ri urbaine ou par une production pastorale par les ?leveurs. Il aura sans doute une croissance des activit?s d?embouche, des activit?s agropastorales et du ?zero grazing? autour des villes. Si l??levage pastoral s?organise avec l?appui du gouvemement, surtout en pro?tant des ann?es de bons paturages tout en se prot?geant contre les mauvaises ann?es, des potentiels importants de croissance de cette ?conomie pastorale pourraient r?pondre a la demande nouvelle urbaine. Ceci rend n?cessaire un d?veIOppement de l??conomie pastorale qui part dans deux directions a la fois le renforcement des institutions et strategies qui protegent les producteurs au cours des mauvaises ann?es et les strategies et institutions qui permettent aux ?leveurs de profiter rapidement des bonnes ann?es. Les directions d?un tel d?veloppement ne sont pas tr?s diff?rentes de celles qui sont a la base des politiques actuelles un renforcement du foncier pastoral, un d?veloppement des marches, un renforcement de la mobilit?, une diversification ?conomique. Il faudrait surtout un d?veloppement des institutions et politiques ?nanci?res: ?pargne, credit, assurances. Mais ces innovations doivent ?tre introduites de mani?re plus ef?cace pour que l??levage survive et profite de la variabilit? qui est de nature structurelle. 83 ANNEXE 5 LA QUESTION-CLE DE AUX CEREALES AU NORD-MALI Bref apercu historique Dans le vaste ensemble g?ographique qu'est le Nord-Mali 011 la production agricole, toujours soumise a d?importants al?as climatiques, n'est pratiqu?e que dans certaines zones et par une partie seulement -quoique importante- de la population, l'acc?s aux c?r?ales a toujours et reste une question incontournable pour l'ensemble de ses habitants. A an moment 01) la s?curit? alimentaire des regions sah?liennes est d'une actualit? cruciale, i1 n?est pas inutile de revoir, f?t-ce brievement, comment les r?ponses ont apport?es dans le pass? et comment elles ont evolu? dans le temps. Grace, entre autres, aux c?l?bres Tarikh de Tombouctou on sait que, depuis fort longtemps, la grande zone de production c?r?aliere se situe au niveau des lacs de rive gauche et de rive droite. Il s'agissait essentiellement de cultures de d?crue. Les m?mes textes nous montrent ?galement que les p?riodes de famines v?cues en particulier a Tombouctou (du XVI au coincidaient souvent avec les phases d'inondation (forces crues et peu de terres a r?colter) ou au contraire de s?cheresse (faiblesse des crues et des pluies), surtout quand l'essor ?conomique li? aux ?changes a longue distance ?tait en dif?cult? et que l?instabilit? politique pr?valait. Il est certain, en effet, qu'en raison de son importance au plan alimentaire, la zone lacustre a toujours constitu? un v?ritable enjeu pour tous les pouvoirs qui se sont succ?d?. Ce constat a certainement jou? un role dans le fait que le m?tayage a pris beaucoup d'importance et qu?apres l'Ind?pendance l?Etat a proc?d? a des r?formes agraires. 11 avait bien s?r aussi la vall?e (au sens strict) du fleuve Niger avec son systeme dc riz flottant. 0n sait que celui?ci est tres ancien puisque la recherche nous apprend que la vari?t? Oryza glaberrima a domestiqu?e dans sa partie occidentale aux environs de 1500 avant notre ere et a donn? "la plus vieille riziculture d?Afrique". Pendant tr?s longtemps, cette culture a pu ?tre pratiqu?e sur les hautes terres inond?es une partie de l'ann?e, les am?nagements requis (diguettes en terre et branchages) ?tant plus ais?s que dans les terres basses. Elle n'en ?tait pas moins d?pendante des al?as de la pluie (pour la germination et la pouss?e des jeunes plants) et de la crue (tanth insuf?sante, tanth trop forte). D?une maniere g?n?rale, la r?gularit? des r?coltes de riz ?ottant surtout dans la Boucle, ?tait moins assur?e que celle des cultures de d?crue. Les populations de la vall?e, tout en misant au premier chef sur cette c?r?ale au go?t {res appr?ci?, devaient compter sur d'autres ressources pour s?alimenter. 11 avait la p?che, elle aussi tres ancienne puisque la tradition orale rapporte le role des p?cheurs sorko dans la fondation de nombreux villages songhay. Grace aux bourgoutieres (Echinocloa stagnina) poussant dans les terres profondes, le poisson se reproduisait facilement et contribuait a une part importante de l'alimentation. 11 avait aussi la cueillette de nombreux produits (feuilles, gousses, rhizomes de diverses plantes aquatiques) poussant dans le ?euve lui?m?me ou sur ses c?t?s dont on a tendance parfois a oublier aujourd'hui le role qu'ils ont jou? et jouent 84 encore au plan alimentaire. Ajoutons que certaines zones ont pu adjoindre d?autres cultures par exemple le sorgho de Gourou, le tabac de Bamba, le bl? dc Dir?, le mil dunaire plus au sud sans oublier l??levage. En effet, pendant longtemps, surtout a la p?riode de d?crue, la vall?e ?tait nettement plus pastorale qu'agricole, les terres les plus profondes lib?r?es 3 cc moment par la crue ?tant occup?es par le bourgou lequel constituait la principale attraction des troupeaux venant des aires pastorales situ?es de part et d'autre. Ce cheptel appartenait aux pasteurs transhumants (Touaregs, Peuls) et aux notables villageois (Arma, Songhay) lesquels les con?aient aux premiers quand ceux-ci s??loignaient au d?but de la saison des pluies. Pendant l'hivernage, ne restaient au fleuve que les moutons a laine et quelques laitieres con??es par les nomades a leurs alli?s s?dentaires. A la fin des pluies, apr?s un s?jour sur les terres sal?es, les animaux venaient se rafra?i?chir a l?eau du ?euve et remontaient a l'int?rieur des terres dunaires avant d?amorcer a nouveau leur descente progressive vers la vall?e dans les aires d'attente pour en?n entrer dans les bourgoutieres. Chaque groupe nomade revenait a son village s?dentaire d?attache. Les mares du Haoussa et du Gourma ?tant taries, tout le monde, a l?exception des regions trop ?loign?es, se retrouvait en fait dans la vall?e. Cette cohabitation, au moins saisonni?re, s?est accompagn?e d'?changes de services tels que le troc entre c?r?ales, d'un et animaux et lait, dc l'autre. C?est dans ce cadre que des pasteurs con?aient des animaux a "leurs" villageois, acheminaient du mil par caravane, fournissaient de la main-d'oeuvre (il s'agissait des Bella) pour soutenir les gros travaux des champs (labour, confection des digues, etc.) sous la direction des cultivateurs. Cette cooperation est a la base des liens sociaux qui persistent encore aujourd?hui entre s?dentaires et nomades malgr? les bouleversements qui se sont produits par la suite dans le mode d'exploitation des ressources ou encore apres les conflits qui sont survenus dans la p?riode plus r?cente. Quant aux zones ?loign?es des lacs et de la vall?e, elles vivaient essentiellement de l??levage pastoral et des produits de cueillette. L'?levage ?tait pratiqu? autour des mares, des puisards et, dans une moindre mesure, des puits profonds (lesquels se concentraient principalement dans l'Azawad - ici au sens de vaste cuvette au nord de Tombouctou). Les nappes souterraines du Gourma ?taient plus profondes et plus dif?ciles a localiser. La majorit? des groupements nomades, a l'?poque, ?tait donc ?troitement li?e aux lacs et a la vall?e selon l'organisation saisonniere .rappel?e ci?dessus. Seuls ?chappaient a ce schema ceux qui ?taient trop ?loign?s du ?euve (Sud-Gourma, Nord et Est-Haoussa, compris l'Adagh ct l?Azawagh). Sur la longue dur?e, cc dispositif de compl?mentarit?s entre zones et populations diff?rentes n?en cohabitait pas moins avec une tendance lourde a la migration de nombreux groupes vers les zones m?ridionales plus arros?es et aux ressources plus stables (notamment le Gourma), plus favorables notamment a l'?levage bovin. A l?activit? pastorale, il faut adjoindre le transport et le commerce caravanier concernant le sel de Taoudenni mais aussi les autres marchandises dont les c?r?ales. Certains groupes ?taient particuli?rement specialises, notamment les Bcrabish et les Kunta. Cependant tous devaient se procurer les biens essentiels qui leur faisaient d?faut a commencer par les c?r?ales. 11 avait bien s?r les produits de cueillette tels que le fonio sauvage (Panicum laetum, notamment dans les grandes vall?es s?ches et les zones d??pandage) et le cram-cram (Cenchrus bi?orus) qui ont toujours jou? et jouent encore un grand role dans l?alimentation des familles mais qui n?arrivent pas a couvrir tous les besoins. 85 En dehors de la zone lacustre qui, dans les conditions normales, ?tait exc?dentaire, i1 avait donc partout ailleurs un besoin structure] (zones pastorales) sinon conjoncturel (vall?e) d'aller s'approvisionner dans les regions de production les plus accessibles. C'est ainsi que Tombouctou, l'Azawad occidental et le Gourma-Ouest partaient se ravitailler dans la zone lacustre. Plus a l'est, les populations se dirigeaient vers 1e sud (pays dogon, pays mossi, Liptako et Oudalan, Zarmaganda). Quand aux gens de l?Adagh, ils se rendaient dans le Touat alg?rien mais aussi 1e nord de l'Ader nig?rien (Tahoua) ou encore au Faguibine. Le vieux circuit ?uvial en provenance de Kong et Djenn? acheminait surtout d?autres marchandises telles que les cotonnades, la kola, etc. 11 en ?tait de meme, avec des produits sp?ci?ques chaque fois, pour les autres longs circuits venant respectivement du Sud marocain, de Ghadames et de Kano-Sokoto. Cette configuration commence a se modifier vers la ?n des ann?es 40. De nombreux villageois partis en exode saisonnier (pendant 1a saison seche) a la recherche de revenus (notamment en Gold Coast) reviennent avec des marchandises (tissus, qu?ils troquent au retour avec les pasteurs contre des animaux. Ils vont devenir peu a peu de grands possesseurs de troupeaux dont les effectifs ?niront souvent par d?passer ceux des nomades. Au d?but, le b?tail acquis est confi? a des bergers salaries quand, avec l'hivernage, ils s??loignent du fleuve. Cependant, progressivement, les agriculteurs se transforment en agro- pasteurs, s'occupant eux?m?mes de leurs troupeaux avec la tendance toutefois a moins s'?loigner du ?euve, ce qui ?nira par entrainer des ph?nom?nes de surcharge dans les environs de la vall?e. Avec l?Ind?pendance, les changements s'accentuent consid?rablement. La politique ?conomique d?inspiration sovi?tique avec son r?seau syst?matique de cooperatives s?approvisionnant exclusivement aupres des soci?t?s d?Etat (OPAM ou Of?ce des Produits Agricoles du Mali et SOMIEX ou Soci?t? Malienne d?Import?Export) avec contr?le des prix modifie de fond en comble 1e syst?me d'approvisionnement. Ainsi est cens? d?tenir le monopole de l'achat et de la vente en gros des c?r?ales. La police ?conomique a pour role d'emp?cher tout autre type de transaction. Cette approche perturbe ?videmment les circuits en place, engendre des p?nuries, cr?e des m?contentements et incite a des transactions souterraines. Par ailleurs, la r?forme agraire est engag?e dans la zone lacustre mais ne parvient pas a extirper le m?tayage. C'est a cette ?poque que le transport par pinasse prend un grand essor a partir de Mopti en direction de la Boucle du Niger. Son importance va croitre de m?me que celle des camions dans le transport du grain alors que celle des caravanes (avec ?nes et dromadaires) tend a se r?duire. Cependant, tres Vite, l'?conomie administr?e doit composer avec les commercants priv?s dont l'importance ne va plus cesser de cro?itre. Parall?lement, des changements d?ja amorc?s dans les ann?es 50 vont s?ampli?er dans l?occupation de la vall?e. La croissance d?mographique, la pr??minence accord?e a l?agriculture sur l??levage, la diminution de la crue, la transformation des bourgoutieres collectives en rizieres priv?es, l'augmentation des troupeaux des villages sont autant de facteurs qui ont graduellement ?vinc? de nombreux pasteurs nomades de la vall?e du ?euve. Cette evolution est favoris?e un temps par une s?rie d'ann?es relativement pluvieuses avec de bons p?turages en zone pastorale. La s?cheresse des ann?es 72-74 repr?sente une crise g?n?rale. Les r?coltes sont mauvaises, les troupeaux subissent une veritable h?catombe (en dehors du Gourma). Les prix des 86 c?r?ales montent alors que ceux du b?tail s'effondrent c?est la fameuse deterioration des termes de l'?change au detriment des pasteurs. C?est aussi l?exode de nombreux agriculteurs et ?leveurs d?munis vers les pays cotiers (du Nigeria a la C6te d'Ivoire) ou vers l?Afrique du Nord (Alg?rie et Libye). Dans leur majorit?, les lacs se vident, leur pouvoir de capillarit? s'estompe peu a peu et ils perdent leur statut de grande zone exportatrice de c?r?ales. A partir de 1975, les systemes de production amorcent leur reconstitution n?cessairement lente, surtout quand il s'agit des animaux. Une certaine diversi?cation des activit?s se met en place. Ainsi en est-i1 de la culture du sorgho dit de Djebock ou encore celle du mil plus au sud dans les zones pastorales. Dans 1a vall?e, la baisse de la crue oblige a cultiver les terres profondes auparavant r?serv?es aux bourgoutieres. Des moto?pompes sont introduites pour l'irrigation d'appoint (en remplacement des pluies qui deviennent plus tardives) pour permettre au riz de germer et de croi?tre avant l'arriv?e de la crue. Les premiers am?nagements hydro?agricoles avec pompage se mettent en place Koriume et sa vis d'Archimede avec Ile de paix et aussi, dans le cercle de Bouren, l'am?nagement de l'Union des cultivateurs de Tondibi et de Ha, veritable initiative paysanne qui se poursuit toujours. Ajoutons 1a realisation de quelques digues insubmersibles et des tentatives d?introduction de semences s?lectionn?es par l?Action Riz-Sorgho de Gao. C'est a cette ?poque que des nomades commencent a se ?xer notamment dans la vall?e du Tilemsi entre Gao et la fronti?re alge?rienne d?ou arrivent d?sormais des biens de consommation a prix subventionn? (semoule, pates, etc.) qui vont peu a pen modifier les habitudes alimentaires (au detriment du mil). C?est ?galement la p?riode oil 1e programme de relance cooperative tente de reformer les structures cooperatives (d?bats en assembl?e g?n?rale, responsabilisation des membres) en redynamisant l'approvisionnement (constitution d'un fonds de roulement, amelioration de la comptabilit?, diversi?cation des sources d'achat, decentralisation des magasins) et en diversi?ant les activit?s (mise en place de greniers semenciers en paddy dans de nombreux villages, reconstitution du cheptel et du materiel de p?che, etc.). A nouveau, 1a s?cheresse revient avec force en 1982, 1983 et 1984. Elle frappe cruellement les troupeaux en place, notamment ceux des zones pastorales, compris cette fois?ci dans le Gourma. Les effets de la crise sont cependant att?nu?s grace a une pr?sence renforc?e des aides ext?rieures, notamment en produits alimentaires. Un peu partout, l'id?e pr?vaut qu'il faut d?sormais investir de facon a s?curiser davantage au moins une partie du systeme de production. Aussi, dans la vall?e, la culture du riz ?ottant connait une nette augmentation des ouvrages de submersion control?e (avec batardeaux, grilles a poissons et renforcement des digues) 1e tout accompagn? parfois de l'irrigation d?appoint (moto-pompes). Plusieurs p?rim?tres irrigu?s villageois sont mis en place, apr?s celui de Forgho, dans la r?gion de Gao. Et plus encore dans celle de Tombouctou qui ?volue souvent vers 1a constitution de p?rim?tres irrigu?s priv?s. En matiere d??levage, V?t?rinaires Sans Fronti?res encourage pres de Tombouctou un syst?me de reconstitution des bourgoutieres (avec p?pini?res et bouturage et ensuite du cheptel bas? sur la ressource produite) qui va essaimer ailleurs dans la vall?e. C'est l'?poque oil, surtout dans la r?gion de Tombouctou, des communaut?s d??leveurs ayant perdu leurs animaux n'ont d'autre recours que de revenir au ?euve quand ils ont conserve des droits non contest?s et d'essayer d'y investir bourgou, riz, reconstitution du cheptel et ?xation des familles repr?sentent alors 1a seule issue credible. La zone pastorale conna?it elle aussi ses bouleversements les ?leveurs d?cident en majorit? de se ?xer, de construire des magasins, des puits, des ?coles et des dispensaires. Quand les conditions le il s'adonnent a l'agn'culture, voire au maraichage. Divers types d?appuis alimentaires accompagnent g?n?ralement ces transformations. La finition de 87 la route bitum?e reliant Bamako a Gao et l?accroissement du trafic routier favorisent l'acheminement des marchandises et notamment des vivres. La rebellion de 1990-1996 avec plusieurs episodes aigus d'ins?curit? vient perturber grandement les dynamiques surgies au lendemain des grandes s?cheresses, notamment dans le domaine des ?changes et du ravitaillement. L'enchai?nement des attaques et des repr?sailles, les dissensions entre communaut?s provoquent d'importants d?placements (16 population et un exode massif de Touaregs et d'Arabes a l?ext?rieur du pays (Mauritanie, Burkina Faso, Alg?rie et Libye). Cependant, des 1995, une volont? manifeste d'apaisement parvient a s'imposer, soutenue par l'organisation de rencontres intercommunautaires et des appuis cons?quents de l?aide intemationale selon le triptyque Les activit?s ?conomiques reprennent rapidement et avec elles les dynamiques qui s'?taient install?es d?ja apres les s?cheresses. Cette amelioration se trouve favoris?e par une augmentation de la pluviom?trie, occasion de red?couvrir la capacit? de regeneration de l'environnement (couvert v?g?tal, herbac? et arbustif) sans atteindre pour autant le niveau des ann?es 50. De meme, apr?s la devaluation du FCFA de 1994, les marches et les prix du b?tail connaissent un veritable boom permettant a tous les possesseurs d'animaux de boni?er leurs revenus. Du coup, les c?r?ales redeviennent plus accessibles. Il faut ajouter 1e processus de decentralisation qui r?pond a un besoin profond de d?mocratisation et d?autonomie de gestion a l'?chelle locale. Les premieres elections ont lieu en juin 1999, suivies de celles de 2004 et 2009. Des fonds importants sont obtenus dans ce cadre et sont investis un peu paitout au Nord avec des infrastructures dont certaines concernent directement l'agriculture et l'?levage sans oublier l?approvisionnement (magasins, pistes, etc.). H?las, ces derni?res ann?es, l'ins?curit? des personnes et des biens est de retour et n?a cess? de croi?tre (prise d?otages. banditisme, rebellions) entrainant le retrait des partenaires au d?ve10ppement et les bouleversements r?cents totalement in?dits. A tout cela, s?ajoute 1e retour des s?cheresses. Celle de 2009?2010 a eu un impact certain sur les productions agricoles et pastorales. Des pertes importantes de cheptel ont eu lieu surtout dans les r?gions de Kidal et Gao et ce, malgr? les progr?s li?s a la t?l?phonie mobile, au transport automobile et au recours a l?aliment - b?tail - lesquels ont permis tout de meme de sauver ?nalement plus d?animaux qu?esp?r? initialement. Et de nouveau, l?hivernage 2011 a d?cevant en beaucoup d'endroits, entrainant une augmentation sensible des prix des c?r?ales jamais vue 51 cc point des le mois de novembre. Des zones entieres n'ont pas ou n'ont pas assez de paturages pour tenir les troupeaux rescap?s de 2010 jusqu'a l'hivernage 2012. Une veritable crise alimentaire et sanitaire menace les populations civiles comme jamais auparavant Au final, par?dela la crise en cours esp?rons-la de br?ve dur?e - li?e a la violence, les probl?mes de fond concemant l?alimentation des populations locales sont encore loin d??tre r?solus. Malgr? les efforts d?ploy?s au niveau des productions et des strategies de s?curit? alimentaire, les regions du Nord restent structurellement fragiles et d??citaires dans la fourniture de c?r?ales et de vivres. Elles dependent des stocks de s?curit? mis en place au niveau du pays et des arrivages en provenance du Sud?Mali ou des pays voisins. Le contexte sous?regional (CEDEAO) et international caract?ris? par la liberalisation, la mondialisation et la deregulation des ?changes conduisent a une grande volatilit? des prix. La s?curit? alimentaire des populations reste plus que jamais une question cl? a r?soudre. 88 Cependant des potentialit?s existent sur place qui sont susceptibles de diminuer cette d?pendance. Elles passent, 51 nos yeux, par une meilleure comprehension des potentialit?s locales et une r?inventions des mod?les de d?veloppement. 89 ANNEXE 6 PASTORALISME Dans le processus de sortie de crise, de r??exion collective sur les modeles de d?veloppement et de programmation tel qu?il est pr?conis? au chapitre 4, le pastoralisme doit, sans aucun doute, occuper une place de choix en raison de son importance ?conomique et sociale (l??levage pastoral est pratiqu? en fait par la grande majorit? de la population rurale sans oublier une partie des citadins). Pr?cisons bien que ce programme est different de celui des interventions d?urgence a tr?s court terme ?voqu?es dans le m?me chapitre (4.5) en faveur des d?plac?s, r?fugi?s et toutes autres categories affect?s par l?ins?curit? alimentaire des personnes mais aussi des troupeaux. Un d?veloppement durable de l??conomie r?gionale existante, surtout l??conomie pastorale, contribuerait grandement a sortir de la crise actuelle. Les espoirs d?une ?conomie mini?re mettront du temps a se concr?tiser. En outre, les ressources extractives ne sont pas renouvelables. Dans l?imm?diat, c?est principalement le pastoralisme et les activit?s annexes qui devront fournir la subsistance de la plupart des habitants du Nord. Au Mali, comme dans d?autres pays, les experiences de d?veloppement du pastoralisme ne sont guere encourageantes. En une trentaine d?ann?es, beaucoup d?intervenants (gouvernements, multilat?raux, bilat?raux, ONG) ont men? des projets dont les r?sultats ont d?cevants. Cependant, des lecons peuvent ?tre tir?es des ?checs et les activit?s de certaines ONG ou projets mettent sur des pistes qui pourraient servir dans la de?nition d?une politique nationale de d?veIOppement du pastoralisme. En meme temps, il est probable que la capacit? d?absorption du pastoralisme est aujourd?hui plus ?lev?e que celle de l?agriculture ou du tissu industriel malien. Il est ?galement possible, quoique les chiffres manquent pour le d?montrer, que le retour sur investissement dans le pastoralisme est ?gal, sinon sup?rieur au retour d?investissement dans d?autres secteurs de l??conomie. Malgr? cela, la crise actuelle de l??levage pastoral est la consequence de deux facteurs la faiblesse, voire l?absence d?investissements ant?rieurs dans le pastoralisme et les d?g?ats li?s aux con?its r?cents. Les economies pastorales ont fragilis?es ?galement par la p?joration du climat et des politiques de d?veIOppement peu adapt?es. La volont? de comprendre le pastoralisme est relativement r?cente. Comprendre le pastoralisme, c?est comprendre qu?il est pour ainsi dire la seule facon de valoriser de vastes parties des pays sah?liens, qu?il est caract?ris? par une variabilit? structurelle resultant des al?as du climat laquelle impose la mobilit?. C?est aussi reconnaitre son imponance ?conomique (plus de 30% du PIB rural) et lui consacrer des investissements a hauteur de cette importance. Une meilleure intelligence du pastoralisme permettra de diminuer la vuln?rabilit? des economies et des soci?te?s pastorales. Cette diminution de la vuln?rabilit? passe par la ma?itrise des ressources pastorales (eau, p?turages, terres sal?es) et des troupeaux, par un acces optimal aux marches et par une offre d??ducation adapt?e. 90 Gestion des ressources pastorales (p?turages, eau) La maitrise des ressources pastorales passe par une responsabilisation accrue des pasteurs sur leurs terroirs d?attache. Ceci n?est pas incompatible avec la reconnaissance de la ne?cessit? de la mobilit? et la promotion des compl?mentarite?s entre espaces de m?me que des solidarit?s entre communaut?s. Cette responsabilisation sera bas?e sur une connaissance fine et partag?e des limites, des ressources et des utilisateurs du terroir. Elle procedera d?engagements formels de l?Etat, de la collectivit? d?centralis?e et des usagers du terroir d?attache (au premier chef desquels la communaut? autochtone laquelle rel?ve souvent de plusieurs groupes).Ces engagements permettront de reconna?itre des droits diff?renci?s, selon les usagers (ayants droit autochtones, ayants droit par r?ciprocit?, hotes exceptionnels, etc.), les parties du terroir (partie jug?e vitale par les autochtones, parties susceptibles d??tre partag?es, etc.) et les saisons (saison des pluies, saison seche). Cette responsabilisation sera instruite par les m?canismes traditionnels, (chez les Peuls comme chez les Touaregs) et tirera profit des exemples d?autres pays (Mongolie, Iran, Darfour, etc .). Elle permettra une meilleure gestion des ressources et elle favorisera les investissements (creation et entretien de points d?eau, transport de l?eau, pare - feux, campagnes de vaccination, piscines de d?parasitage, aires d?abattage et de s?chage, suivi ve?t?rinaire, etc.), toutes choses indispensables pour assurer l??lasticit? et la durabilit?. Gestion des troupeaux Une meilleure maitrise des troupeaux est indispensable pour pr?server et am?liorer les performances zootechniques, pour diminuer 1a charge sur les ressources pastorales et am?liorer leur exploitation, pour ?viter les pertes ?conomiques. Notons ici deux remarques importantes - l??levage pastoral familial est aujourd?hui perturb? par les gros troupeaux appartenant a des citadins (fonctionnaires, commercants, etc.) qui investissent dans le b?tail (faute de placements alternatifs) et qui ont recours '21 des bergers salaries peu soucieux de la conservation et de la bonne gestion des ressources pastorales. il est n?cessaire de mettre en place des m?canismes ef?caces permettant aux pasteurs reconnus comp?tents de reconstituer leurs troupeaux d?cim?s par la s?cheresse, d?am?liorer l?acces des femmes a la propri?t? du b?tail. Dans un cas comme dans l?autre, des m?canismes traditionnels existent (pr?ts d?animaux, usufruit de certains animaux strictement reserve aux femmes, etc.) ils m?ritent d??tre pris en consideration dans la recherche des solutions. 11 est unanimement reconnu que les femmes sont de meilleures gestionnaires, ct qu?elles ont perdu, du fait de leur appauvrissement, beaucoup du pouvoir social et culturel qu?elles d?tenaient. 91 March?s L?enclavement et le manque de marches contribuent a la pauvret? des regions du Nord. L?ins?curit? li?e a l?absence de l?Etat et aux conflits aggrave cette situation. L??levage pastoral est souvent accus? d??tre contemplatif?, au contraire de l??levage ??conomique entrepris par les autres acteurs. Rien n?est plus faux le taux d?exploitation des troupeaux des pasteurs est sup?rieur a celui des troupeaux des autres propri?taires de b?tail (citadins agriculteurs). Les pasteurs du Nord Mali sont li?s aux march?s par la n?cessit? de vendre leur b?tail et ses produits et d?acheter des c?r?ales qui sont leur nourriture de base, d?autres produits de premi?re n?cessit? et des intrants pour la production animale. Une baisse du prix des animaux ou une hausse de celui des c?r?ales peut compromettre la s?curit? alimentaire des eleveurs. Ceci arrive plus Vite et avec des consequences plus dangereuses quand les deux processus ont lieu au m?me moment. faut savoir que, de fagon structurelle, les pasteurs sont dans un ?change in?gal, et cela pour les raisons suivantes - 1e b?tail et les produits animaliers sont des denr?es hautement p?rissables, les pasteurs doivent se d?placer pour se rendre sur des march?s ?loign?s, - ils ne sont pas suffisamment inform?s sur les marches, - Ia mobilit? g?ne les efforts d?organisation a?n de r?aliser des economies d??chelle. Assurances La nature al?atoire de l?environnement du Nord Mali met l?accent sur la possibilit? d?institutions financi?res comme m?canismes de gestion des risques. Le probleme pour les ?leveurs est qu?ils possedent un capital parfois considerable leur cheptel dans des conditions de risque ?lev?s (pertes d?animaux suite a une s?cheresses, ?pizooties, vols, etc.). Dans une ?conomie avanc?e, la solution serait trouv?e a travers un systeme d?assurance du cheptel. Celui?ci aurait un r616 21 jouer chez les ?lcveurs. Plusieurs experiences en la matiere sont en cours de realisation. L?Institut International de Recherches sur 1e B?tail, mieux connu sous son sigle anglais International Livestock Research Institute (ILRI) qui a son siege a Nairobi, mene un programme de recherche sur ce sujet et les r?sultats d?une experience par la Banque mondiale en Mongolie sont d?ja diSponibles. Les r?sultats de l?exp?rience au Kenya qui se poursuit sont ?galement disponibles6. Ils mettent l?accent sur la transparence et la possibilit? de verification du risque (donn?es statistiques et m?t?orologiques ?ables). La relance de l??levage extensif dans le Nord Mali pourrait profiter de ce type d?actions dans le domaine des assurances et de la micro??nance. 6 TLRI, 2010, Index Based Livestock Insurance for Northern Kenya?s Arid and Semi-Arid Lands: The Marsabit Pilot. Nairobi: ILRI. 92 Education Nous renvoyons ici a la note suivante concemant l??ducation en milieu pastoral. ANNEXE 7 DANS LES REGIONS DU NORD MALI Contexte l??ducation au Mali D?s1962, en entreprenant une premiere r?forme de son systeme ?ducatif, 1e Mali disait l?importance accord?e a une education de masse et de qualit?. N?ayant pas beaucoup de ressources humaines, 1e Mali ?tait oblige de recruter comme enseignants des personnes qui n?avaient pas le niveau ad?quat. La qualit? de l?enseignement en a pati. En 1968, les militaires venus au pouvoir ont d?valu? 1e m?tier d?enseignant provoquant un depart des enseignants comp?tents vers d?autres destinations. Les ?v?nements de mars 1991, oil les ?tudiants ont jou? un role actif dans l?insurrection, ont aussi apport? leur lot a la d?sorganisation du systeme educatif. Depuis, les manifestations et les gr?ves des ?tudiants se sont ins?r?es de maniere r?currente au point de perturber l??cole. Il est aujourd?hui admis que l??cole malienne connait une crise profonde. Dans le principe, le Mali a toujours plac? l??ducation au coeur de ses pr?occupations en cr?ant des programmes sp?ci?ques (PRODEC ou Programme d?cennal de D?veloppement de l?Education, PISE ou Programme d?Investissement du Secteur de l?Education, etc.), mais la mise en oeuvre de cette volont? est restee timor?e et le systeme ?ducatif malien connai?t des dif?cult?s. Depuis la mise en teuvre du PRODEC, l??ducation primaire a b?n?fici? d?une situation globalement encourageante. Le contexte macro-?conomique a favorable, l??ducation est revenue parmi les priorites nationales et les ressources budg?taires fortement soutenues par l?aide ext?rieure (qui couvre la grande majorite?, des investissements) ont augment?. La couverture scolaire s?est beaucoup am?lior?e, notamment au regard de la poursuite des Objectifs du D?veloppement du Mill?naire (ODM), ou ?l??ducation pour tous? a l?or?e 2015 est cens?e couvrir une grande part des enfants scolarisables, malheureusement pas toujours au b?n??ce de la qualit? de l?enseignement. Malgr? l?augmentation de la part du budget allou?e a l??ducation, l?impact est compromis par un taux de croissance d?mographique ?lev? (de l?ordre de Le systeme ?ducatif malien reste caract?ris? par des disparit?s entre les regions, entre les sexes, entre les Villes et la campagne et au sein du milieu rural entre nomades et s?dentaires. L?acces a l??ducation est loin d??tre g?n?ralis? et les abandons scolaires restent importants. Au Mali, 21% des enfants d?age scolaire ne sont jamais all?s a l??cole primaire, et 23 abandonnent de maniere pr?coce au niveau du fondamental l. D'importantes in?galit?s de scolarisation existent. Au niveau national, l'?cart de scolarisation entre filles et garcons ne diminue pas beaucoup. 55% de garcons contre 36% de ?lles entrent en classe de 7mm. Mais l'?cart est encore plus ?lev? pour les enfants vivant en milieu rural puisque ceux-ci ont 1,7 fois moins de chance d'?tre inscrits a l??cole que ceux vivant en milieu urbain. Ces in?galit?s s?accroissent avec le niveau d'?tudes puisque les enfants de milieu urbain out 4 fois plus de chance que les enfants du milieu rural d'achever leur 1er cycle dit fondamental et 11 fois plus pour 1e cycle. 94 Le rendement interne de l??ducation malienne est faible (faible taux d?ach?vement, taux de redoublement et d?abandon Le produit du systeme n?est pas en ad?quation avec les possibilit?s d?emploi (en ville et en milieu rural, dans le secteur formel et informel). Il produit une jeunesse d?soeuvr?e, potentiellement porteuse de crise. Les tableaux suivants montrent les in?galit?s a diff?rents niveaux. Tableau 1. Taux brut de scolan'sation, 19f cycle (2008-2009) Bamako 1 17 S?gou 81 Sikasso 74 Gao 98 Tombouctou 78 Kidal 50 Mopti 62 Moyenne nationale 82 Tableau 2. Redoublants, 2008-2009 (pourcentage) Bamako 10 S?gou 1 1 Sikasso 14 Gao 28 Tombouctou 21 Kidal 17 M0pti 15 Moyenne nationale 13 Tableau 3. Taux d?ach?vement au cycle (2008-2009) Bamako 64 S?gou 31 Sikasso 29 Gao 24 Tombouctou 15 Kidal 18 Mopti 62 Moyenne nationale 32 [Sourcez Evolution des indicateurs de I?enseignementfondamenfal Minist?re de l??ducation, dc l?alphab?tisation et des langues nationales, Cellule de planification et de statistiques, R?publique du Mali, Avril 2010.] 95 L??ducation en milieu nomade Les statistiques of?cielles ne donnent pas une id?e exacte de l??tat de l??cole dans les regions du Nord, en particulier dans le milieu pastoral. En milieu nomade,1?absence d??tat civil ?able fait que le nombre d?enfants scolarisables est mal connu, si bien que les taux bruts de scolarisation officiels sont en fait sup?rieurs a la r?alit? (voir tableau en fin de note). Les pasteurs vivent dans des zones peu nanties par la nature leur survie depend de la qualit? de leurs ressources humaines, d?ou l?importance de l??ducation. L?offre d??ducation doit permettre aux enfants des communaut?s pastorales d??tre performants dans leur milieu (aux plans ?conomique et social) ou de sortir de ce milieu avec des chances de r?ussite. La plupart des enfants d??leveurs souhaitent suivre un enseignement du niveau d??tudes primaires, rejoints en ceci par de nombreux adultes qui se rendent compte de la necessit? d?acqu?rir des connaissances de base. 113 veulent ?tre ?duqu?s pour eux?m?mes et pour aider leurs enfants. Malgr? les efforts des autorit?s a promouvoir l'?ducation, le r?sultat n?est pas satisfaisant dans de nombreux cas. L'enfant apprend peu de choses du cursus of?ciel scolaire et perd en plus sa socialisation dans la soci?t? traditionnelle de meme que les connaissances techniques essentielles au m?tier d'?leveur. Cette double perte condamne l?enfant a une Vie en marge des deux soci?t?s et des deux economies. Cette offre doit relever des d??s resultant de deux facteurs la mobilit? et la faible densit? (parfois moins d?une personne au kilometre carr?). Les deux facteurs font que la fourniture habituelle de tout service (sant? humaine et animale, education, gouvernance, etc.) au milieu pastoral est co?teuse il faut des m?canismes pour entretenir les ?coliers s?par?s de leurs parents, une logistique pour assurer le suivi p?dagogique et administratif des ?coles. Ces deux facteurs sont compliqu?s par le fait que n?ayant pas scolaris? beaucoup de leurs enfants, les communaut?s pastorales n?ont pas produit un personnel (enseignants, in?rmiers, etc.) competent et motive pour les servir. L?offre aetuelle d??ducation est insatisfaisante taux bruts de scolarisation faibles (moins de taux d?ach?vement du primaire d?risoires, contenu peu adapt? aux r?alit?s et aux besoins du milieu, faible appropriation par les parents, ratio ?l?ves/mai?tres ?lev?, etc. Par consequent, la demande sociale d??ducation est hesitante. Des experiences men?es dans d?autres pays (Australie, Mongolie, Iran, Afrique de l?Est montrent qu?il est possible d?ame?liorer l?offre d??ducation aux populations mobiles. La premiere r?ponse aux consequences de la mobilit? sur l??cole a l??cole mobile. Dans le cas d'une famille se d?placant peu, ce type d??cole est une solution adequate. Les ?coles mobiles ont connu un succ?s dans certains pays, comme l?Iran, mais seulement 1a 011 les ?leveurs se d?placent ensemble, aux memes periodes de l?annee. Et aussi quand il a une transhumance de masse entre les paturages et ceux d'hiver mais peu de d?placements en dehors de ces deux p?riodes. Les ?coles mobiles en Afrique fonctionnent mal si les campements ne restent pas ensemble durant une grande partie de l?ann?e, ce qui est rare. Avec la mobilit? de l'?cole, 1e recrutement de bons instituteurs s'avere compliqu? car ceux?ci sont difficiles a g?rer et a ?valuer. La technologie de communication de masse progresse tr?s Vite et il faudrait la suivre pour saisir les Opportunit?s offertes. Les telephones portables en sont un bon exemple. D'apr?s les 96 experiences au Somaliland et au Bangladesh, il semble probable que les telephones portables seront a la base des systemes d??ducation a distance dans un proche avenir. En mati?re d??ducation en milieu pastoral, l?apprentissage a distance par la radio, qui a fait ses preuves dans d?autres pays (Afrique de l?Est, Australie, Mongolie, etc.) a habitat diSpers? et ?loign? des centres, permettrait de r?duire les co?ts, d?assurer un enseignement de qualit? et aussi de responsabiliser davantage les parents, en particulier les mines. Cela permettrait aussi de d?placer I?accent, mis aujourd?hui sur les infrastructures et les salaires des fonctionnaires, vers un travail consequent sur le contenu, l?utilit? et l?adaptation de l??cole aux besoins du milieu. Examinons l?exemple du Kenya les emissions sont faites au niveau du district et Visent les enfants d?age scolaire qui restent en brousse avec leurs familles. Chaque enfant inscrit est ?quip? d'un r?cepteur, d'un carnet de notes et recoit ?galement du materiel imprim?. Les emissions sont diffus?es par la radio et capt?es par les enfants dans le campement ou en brousse, plusieurs fois dans la journ?e, de maniere r?p?t?e. Le district est divis? en zones un tuteur est nomm? pour chaque zone et il visite les families dans leurs campements. Ce syst?me pr?sente plusieurs avantages dont le plus important est que les enfants scolaris?s a distance ne sont pas obliges de quitter leurs propres campements et restent sous l?autorite parentale. Ceci est notamment vrai pour les filles qui peuvent ainsi ?tre plus nombreuses a ?tre scolaris?es. Les investissements de d?part sont lourds (achat de l??metteur, preparation des emissions, ?quipement des ?l?ves, etc.), mais les co?ts marginaux chutent rapidement d?s que le systeme est propos? de maniere ?largie aux autres regions et populations. L?enseignement a distance par la radio pourrait faire l?objet d?une phase d?exp?rimentation qui menerait sur I??laboration d?une veritable politique nationale d'enseignement des ?leveurs et d?autres populations mobiles (p?cheurs Bozos, etc .). Les ateliers de concertation orientation que nous avons proposes dans le chapitre 4 pourraient sur cette approche, en rappelant par ailleurs la n?cessit? de baser les PDESC (Programmes de Developpemet Economique, Social et Culturel) sur des diagnostics sectoriels s?rieux. Au niveau des enseignements seeondaire et sup?rieur, les ?tudiants issus du milieu pastoral connaissent des conditions mat?rielles dif?ciles (h?bergement, transport, etc.). L?Etat, les collectivit?s d?centralis?es et les parents pourraient collaborer pour mettre en place des foyers. Les ?coles avec intemat peuvent convenir a une minorit? d'enfants, si les conditions de l'internat sont acceptables. En outre, il faut envisager une decentralisation des structures d?enseignement secondaire, technique professionnel et sup?rieur. La proximit? des structures d?enseignement et des internats permettraient aux filles de poursuivre leurs ?tudes, sans ?tre s?par?es de leurs familles. Il faudrait aussi que l??ducation soit la priorit? dans la cooperation d?centralis?e pour que les ?tudiants issus de ces milieux pauvres puissent b?n?ficier de bourses. Tcssaiit Total r?gion Kidal Goudam Gourma-Rharous Niafunk? Tombouctou TOTAL r?gion Tombouctou SCOLARISATION DANS LES TROIS REGIONS DU NORD7 Public Priv? Communautaire M?dcrsas Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautairc M?dcrsas Total Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautairc M?dersas Public Priv? Communautaire M?dersas 37 0 0 5466 0 0 157 5623 TOMBOUCTOU 50 9 57 27 9299 82 367 697 11125 32 198 324 9376 473 190 691 11768 77 1051 500 13101 1089 26 3609 92 1876 42 54 669 1054 1753 39 5415 141 4088 104 Tableaux r?alis?s a partir de l?Annuaire national des statistiques scolaires de l?enseignementfondamental 2009-2010, Minist?re de l??ducation, de l?alphab?tisation et des langues nationales, Cellule de plani?cation et de statistiques, R?publique du Mali, R?publique du Mali, 2010. 8 Le rapport maitre/?l?ve correspond au nombre d'?l?ves pour 1 mai?tre. Le total est calcul? par une moyenne, en fonction du total du nombre d??l?ves par le nombre total des ma?l?tres. 98 Ansongo Bourem M?naka Total r?gion Gao Total Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautaire M?dersas Public Priv? Communautaire M?dersas TOTAL 99 ANNEXE 8 COMME OUTIL DE LA CONFIANCE La soci?t? malienne dispose de multiples m?canismes sociaux de gestion des conflits qui jouent un role important dans le retour a la paix. Pour autant, cela n?emp?che pas les violences, ni encore ne garantit a 100% 1e long travail de cicatrisation n?cessaire pour l??tablissement d?une con?ance solide. Au s0rtir de la deuxi?me rebellion, une loi d?amnistie (n?l6 du 7 mars 1997) a vot?e pres d?un an apres 1a c?r?monie de la Flamme de la Paix qui a eu lieu a Tombouctou le 27 mars 1996. Cette loi qui accompagne le retour au calme pour l?ensemble des acteurs arm?s a, dans la pratique, contribu? a court - circuiter toute investigation historique pouvant ?clairer les massacres et rendre justice aux victimes. Il n?est pas rare de voir que des moments de violence intense prennent beaucoup de temps a se cicatriser dans la m?moire collective. Les seuls actes m?moriels ne peuvent pas remplacer ce que l?on appelle 1e devoir de justice. Un travail de cicatrisation est indispensable pour le r?tablissement de la confiance et la projection dans un avenir commun. Plusieurs m?thodes ont adopt?es en fonction des situations de violence. Le mod?le sud- africain des commissions verit? et reconciliation est le plus connu, mais aussi peut??tre le plus ardu. Tres port? sur la visibilit? publique des ?changes entre bourreau et victime ce systeme est plus dif?cilement applicable dans des soci?t?s qui ont une expression plus pudique de la souffrance. Un autre modele, sans doute le plus courant, est celui du recours aux actes m?moriels (ceremonies, monuments, celebrations, etc.) qui accompagnent souvent des accords de paix. Mais il s?avere que le travail de m?moire est tout a fait different de celui de l?histoire, voire meme il peut s?y opposer (cf. entre autres Maurice Halbwachs ou Tsvetan Torodov) et g?n?rer des trous noirs et des traumatismes, tres dif?ciles a sunnonter pour l??tablissement d?un vivre ensemble dans la paix. Ceci peut conduire parfois a des comportements victimaires qui r?clamant un devoir de justice, au point de recourir ?a des m?thodes parmi les plus radicales. Preposition Le cheminement pour l??tablissement d?une histoire commune peut se r?sumer en trois ?tapes successives et n?cessaires - La volont? de reconnaitre une histoire violente commune ayant g?n?r? des massacres de populations civiles, La mise en place d?un travail d?histoire ayant pour postulat la recherche d??v?nements pr?cis et circonstanci?s, a partir notamment de la collecte de t?moignages (ce travail est d?autant plus n?cessaire que les t?moins de la premiere rebellion, par exemple, se font ages), La reconnaissance collective des faits et actes de violences et de massacres, peuvent alors d?boucher sur plusieurs formules qui ne s?excluent pas entre elles 100 a) La reconnaissance des victimes b) Le pardon c) Des actes do justice avec indemnisation d) A terme l??tablissement d?une histoire commune, enseign?e 5t l??cole, qui permette la con?ance r?ciproque et la construction vers un avenir commun. 101 ANNEXE 9 AQMI AU NORD - MALI AQMI et le contexte religieux au Nord Au stade actuel, AQMI semble ?tre encore dans une phase de recherche d?implantation. La question de l?ancrage religieux dans les r?gions nord, et plus largement au Mali, est tres discut?e. Son ideologie ne semble pas s?duire l?islam local, et cela en d?pit des dernieres mutations meme en faveur d?un islam plus fervent. L?islam au Nord Mali, comme partout ailleurs, n?est pas fig? et i1 subit des mutations. Quelles sont?elles Elles sont dues premi?rement aux changements sociaux. Les demandes r?pondent a des trajectoires de plus en plus diversifi?es, les ?d?les sont davantage connect?s et exigent de nouveaux espaces d?adh?sion religieuse, plus collective et plus moderne. Grace aux moyens de communication avec la umma mondialis?e, les pOpulations du Nord comme du Sud du Mali regoivent la diffusion de normes d?un islam globalis?. Deuxi?mement, la majorit? des populations au Nord se disent contre le recours a la violence en mati?re de religion et condamnent fermement l?enlevement d?otages. Les quelques adh?sions enregistr?es rel?vent de parcours isol?s et ne refletent pas une adhesion massive a AQMI, ni d?une communaut?, ni d?un groupe religieux local Speci?que. Cette question de l?accointance religieuse est a avec beaucoup de prudence car elle conduit a des amalgames. L?ancrage ?conomique et social AQMI differe de l?islam local, d?une part, en ce que l?information qui se diffuse grandement a son sujet (joumaux, television mais aussi les discussions dans les campements) met l'accent sur ses activit?s nocives et, d?autre part, en ce que ses atouts dc seduction sont surtout d?ordre ?conomique a remuneration pour les jeunes int?grant l?organisation, a distribution d?aliments dans les campements pauvres, achats de b?tes au prix le plus fort, un certain pouvoir d?achat localement (carburant, alimentation, etc). En dehors de ce role de palliatif ?conomique, les populations observent que dans sa phase d?implantation, les membres n?attaquaient pas les gens directement ou leurs biens, il ne s?ins?raient pas dans les problemes communautaires, i1 ?taient en retrait et ne rencontraient pas les responsables politiques locaux. AQMI n??tait pas tr?s visible pour les p0pulations dans le Nord. Jusque?la, ils ne d?rangeaient pas directernent les communaute?s dans leurs campements. Cependant, plus r?cemment (en 2011), les pOpulations relatent des cas isol?s, mais inqui?tants ou AQMI fustige l?enseignement du francais au detriment de l?arabe. Elles constatent l?arr?t 102 des projets de d?veloppement du fait du retrait des partenaires occidentaux. La creation r?cente de medressas appuyees par AQMI, dans la r?gion de Tessalit, diffusant des id?es jug?es radicales (condamnation de la mixit? 2?1 l??cole, dans les f?tes, etc.), est aussi pergue comme potentiellement dangereuse. Des trajectoires socio - politiques locales bien Sp?ci?ques Il faut distinguer AQMI de la trajectoire historique des rebellions. La liaison des deux contribue 51 alimenter les amalgames et 2?1 marginaliser les problemes politiques locaux. L?association avec AQMI, fortement stigmatis?e, expose aux repr?sailles de l?Occident, mais, depuis le de?clenchement des hostilite?s le 17 janvier 2012, dans un contexte d?affrontement militaire, la capacit? militaire peut en faire un alli? potentiel conjoncturel, malgr? les r?ticences locales d?jz?l ?voqu?es. Il faut ?viter d?entretenir l?id?e est une puissance incontournable, au detriment des probl?matiques structurelles, car cela le positionne comme une donne inevitable dans les marges politiques locales. 103