Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal Numéro de dossier: R R.2015.261 Arrêt du 4 février 2016 Cour des plaintes Composition Les juges pénaux fédéraux Stephan Blättler, président, Tito Ponti et Nathalie Zufferey Franciolli, le greffier David Bouverat Parties A. représenté par Me Raphaël Treuillaud, avocat, recourant contre MINISTÈRE PUBLIC DE LA CONFÉDÉRATION, partie adverse Objet Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France Remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP) -2- Faits: A. Par demande d'entraide du 23 mai 2014, le Tribunal de grande instance de Paris (ci-après: le TGI) a exposé qu'il avait ouvert une instruction pénale contre inconnu pour corruption, trafic d'influence, abus de biens sociaux, blanchiment, recel, complicité, ainsi que faux et usage de faux. L'enquête, qui avait pour toile de fond le financement par l'Etat libyen de la campagne électorale de B. en 2007, portait notamment sur des agissements qu'aurait commis le dénommé C., par le biais de la société D. Était sollicitée la remise de tout moyen de preuve présentant des liens avec cette affaire (act 1.9). B. Le Ministère public de la Confédération (ci-après: le MPC), auquel l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'OFJ) avait délégué la cause pour traitement, est entré en matière par ordonnance du 10 juin 2014, relevant qu'il avait luimême ouvert le 11 avril 2011 une procédure pénale concernant la société D., pour un complexe de fait connexe à celui décrit dans la demande (act. 1.2). C. Le 28 mai 2015, le TGI a précisé au MPC que les enquêteurs s'intéressaient à l'acquisition par l'Etat libyen d'un bien immobilier à Z. (France; act. 1.9). D. Le 7 juillet 2015, le MPC a ordonné le versement au dossier des copies de la documentation, récoltée dans la procédure pénale nationale, concernant les comptes auprès de la banque E. nos 1 et 2, dont le titulaire est A. (cf. act. 1.5). E. Par décision de clôture du 17 août 2015, le MPC a ordonné la transmission aux autorités françaises de ladite documentation (act. 1.5). F. Par mémoire du 17 septembre 2015, A. interjette un recours contre cette décision. Il conclut au rejet de la demande d'entraide, ainsi qu'à la constatation de son droit de consulter l'intégralité du dossier constitué par le MPC, subsidiairement à la confirmation de l'acte entrepris, assortie de l'injonction au MPC de transmettre à l'autorité requérante les déterminations qu'il a faites, respectivement les pièces qu'il a produites, tout au long de la procédure d'entraide (act. 1). G. L'OFJ renonce à déposer une réponse, tandis que le MPC conclut le -3- 19 octobre 2015 au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité (act. 6 et 7). H. Par réplique du 29 octobre 2015, le recourant persiste dans ses conclusions (act. 9). I. L'OFJ et le MPC renoncent à déposer une duplique (act. 13 et 14). Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit. La Cour considère en droit: 1. 1.1 L'entraide judiciaire entre la République française et la Confédération suisse est prioritairement régie par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur pour la Suisse le 20 mars 1967 et pour la France le 21 août 1967, ainsi que par l'Accord bilatéral complétant cette Convention (ci-après: Accord bilatéral; RS 0.351.934.92), conclu le 28 octobre 1996 et entré en vigueur le 1er mai 2000. S'agissant d'une demande d'entraide présentée notamment pour la répression du blanchiment d'argent, entre également en considération la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (CBl; RS 0.311.53), entrée en vigueur le 11 septembre 1993 pour la Suisse et le 1er février 1997 pour la France. Les art. 48 ss de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 (CAAS; n° CELEX 42000A0922[02]; Journal officiel de l'Union européenne L 239 du 22 septembre 2000, p. 19-62) s'appliquent également à l'entraide pénale entre la Suisse et la France (cf. arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.98 du 18 décembre 2008, consid. 1.3). Dans les relations d'entraide avec la République française, les dispositions pertinentes de l'Accord de coopération entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers (ci-après: Accord anti-fraude; RS 0.351.926.81; cf. également FF 2004 5807 à 5827 et 6127 ss) sont également applicables. En effet, bien qu’il -4- ne soit pas encore en vigueur, en vertu de son art. 44 al. 3, l’Accord antifraude est applicable entre ces deux Etats à compter du 8 avril 2009. Les dispositions de ces traités l'emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit en l'occurrence la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11). Celles-ci restent toutefois applicables aux questions qui ne sont pas réglées, explicitement ou implicitement, par les dispositions conventionnelles (art. 1 al. 1 EIMP), ainsi que lorsqu'elles permettent l'octroi de l'entraide à des conditions plus favorables (ATF 140 IV 123 consid. 2; 137 IV 33 consid. 2.2.2; 136 IV 82 consid. 3.1; 130 II 337 consid. 1; 124 II 180 consid. 1a). Le respect des droits fondamentaux est réservé (ATF 135 IV 212 consid. 2.3; 123 II 595 consid. 7c p. 617). 1.2 La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est compétente pour connaître des recours dirigés contre les décisions de clôture de la procédure d’entraide rendues par les autorités cantonales ou fédérales d’exécution et, conjointement, contre les décisions incidentes (art. 25 al. 1 et 80e al. 1 EIMP, mis en relation avec l'art. 37 al. 2 let. a ch. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération [LOAP; RS 173.71]). 1.3 Formé dans les trente jours à compter de la notification de la décision de clôture rendue par le MPC, le recours a été déposé en temps utile (art. 80k EIMP). 1.4 Aux termes de l’art. 80h let. b EIMP, a qualité pour recourir en matière d’entraide quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d’entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. Précisant cette disposition, l’art. 9a let. a OEIMP reconnaît au titulaire d’un compte bancaire la qualité pour recourir contre la remise à l’Etat requérant d’informations relatives à ce compte (cf. ATF 137 IV 134 consid. 5.2.1 et 118 Ib 547 consid. 1d). Le recourant, qui est titulaire des comptes dont la remise de la documentation à l'Etat requérant a été ordonnée dans l'acte entrepris, a qualité pour recourir contre cette mesure. 1.5 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. -5- 2. 2.1 Lorsque les informations dont la remise est envisagée proviennent d’une procédure interne et sont, dès lors, déjà en mains de l’autorité d’exécution, il y a en principe lieu d’admettre que l’administré n’est touché que de manière indirecte, de sorte qu’il n’est pas légitimé à recourir (cf. notamment arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2014.106-109 du 3 novembre 2014, consid. 1.5, et les références citées). 2.2 Ce principe a été tempéré par la jurisprudence, notamment dans deux cas. Une de ces exceptions est réalisée lorsque l’autorité d’exécution envisage de transmettre des documents bancaires ou des procès-verbaux contenant des informations sur les comptes bancaires dont l’administré est titulaire, dans la mesure où leur transmission emporterait transmission d’informations bancaires (art. 9a let. a OEIMP; ATF 124 II 180 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 1A.33/2005 du 15 mars 2005, consid. 4; TPF 2007 79 consid. 1.6.1 et 1.6.3). Une autre exception est réalisée lorsque le recourant a été entendu dans une procédure suisse distincte mais que les faits sur lesquels il est interrogé sont en rapport étroit avec la demande d’entraide. Dans une telle situation, bien que les procès-verbaux soient déjà en mains de l’autorité d’exécution et n’impliquent pas, pour l’exécution de la demande d’entraide, de mesure de contrainte, le recourant devrait pouvoir s’opposer à leur transmission comme pourrait le faire la personne interrogée dans le cadre de la procédure d'entraide (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1A.243/2006 du 4 janvier 2007, consid. 1.2; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.281 du 7 juillet 2010, consid. 2.2). Dans un arrêt du 11 février 2005, le Tribunal fédéral a en outre reconnu à un recourant la qualité pour agir contre la transmission d'un rapport intermédiaire de la police judiciaire fédérale mentionnant les avoirs du recourant et contenant un résumé de ses différentes déclarations (arrêt du Tribunal fédéral 1A.268/2004 du 11 février 2005, consid. 2.2; v. également arrêt du Tribunal fédéral 1A.133/2000 du 24 juin 2000, consid. 1b in fine; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2014.103 du 9 octobre 2014, consid. 1.5.1; RR.2013.3 du 22 mars 2013, consid. 2.3; RR.2012.206 du 19 décembre 2012, consid. 2.3; RR.2010.60 du 8 juillet 2010, consid. 1.3.2/a). 2.3 En l'espèce, vu la nature des documents récoltés dans la procédure pénale suisse, leur transmission à l'autorité requérante emporterait remise de documentation bancaire, de sorte que le recourant a qualité pour recourir à leur égard. -6- 3. 3.1 Le recourant dénonce tout d'abord une violation de son droit d'être entendu, au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. La décision entreprise serait insuffisamment motivée et le MPC ne lui aurait pas accordé un accès suffisant au dossier. 3.2 3.2.1 La motivation d'une décision respecte l'art. 29 al. 2 Cst. si l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité n'est en revanche pas tenue de se prononcer sur tous les moyens des parties, mais peut au contraire se limiter aux questions décisives pour trancher le litige (cf. ATF 136 I 229 consid. 5.2; 136 I 184 consid. 2.2.1). 3.2.2 Dans l'acte entrepris, respectivement dans la décision d'entrée en matière du 10 juin 2014, le MPC a résumé le contenu de la demande d'entraide française, en particulier le mécanisme litigieux décrit, et expliqué en quoi celui-ci concernait les comptes dont le recourant est le titulaire. Il a aussi mentionné les infractions poursuivies dans l'Etat requérant, précisé sous le coup de quelles dispositions pénales suisses les agissements suspectés étaient susceptibles de tomber et exposé les dispositions et principes du droit de l'entraide internationale en matière pénale qui s'appliquaient au cas d'espèce. A la lecture des deux actes en question, le recourant pouvait donc comprendre le raisonnement adopté par le MPC pour ordonner la transmission de la documentation bancaire litigieuse à l'autorité requérante. Ainsi, il était en mesure d'attaquer utilement la décision de clôture objet du présent recours. Il s'ensuit que l'argumentation tirée d'une motivation insuffisante est mal fondée. 3.3 3.3.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment d'avoir accès au dossier, car on ne peut défendre convenablement ses intérêts si l'on ne sait pas sur quoi l'autorité appelée à prendre une décision va se fonder en fait (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 135 I 279 consid. 2.3 p. 282). 3.3.2 Le recourant admet avoir reçu du MPC une copie de la demande d'entraide. Il relève que ledit document a été caviardé, mais ne cherche pas à démontrer que les informations censurées pourraient présenter le moindre intérêt pour lui; plus généralement, il ne prétend pas que la décision entreprise repose sur des éléments factuels – ressortant de ladite demande ou de tout autre pièce – qui n'ont pas été portés à sa connaissance et on ne voit pas que tel serait le cas. Par ailleurs, avant de rendre l'acte attaqué, le MPC a aussi -7- transmis au recourant un schéma des transactions effectuées par le biais de ses comptes bancaires qui présentent des liens avec le complexe de faits décrits dans la demande (act. 9.3). Le recourant – qui prétend que les opérations bancaires en cause ont été faites à son insu – reproche principalement au MPC de ne pas lui avoir fourni d'informations relatives aux personnes et aux circonstances à l'origine de celles-ci. Cette argumentation est dénuée de pertinence. En effet, on ne voit pas qu'il s'agisse là d'éléments susceptibles d'influencer l'issue du présent litige dès lors que l'existence desdites transactions n'est, à juste titre, pas remise en cause, et l'intéressé n'expose pas en quoi tel pourrait être le cas. Les éclaircissements sollicités par le recourant surviendront, le cas échéant, dans le contexte de la plainte qu'il dit avoir déposée auprès du MPC pour une utilisation abusive des relations bancaires litigieuses. 3.4 4. 4.1 Compte tenu de ce qui précède, le premier moyen soulevé est mal fondé. Le recourant soutient ensuite que "la procédure conduite à l'étranger vise manifestement à la poursuite d'infractions à caractère politique, et à poursuivre ou à punir des personnes en raison de leurs opinions politiques" (act. 1, p. 3). Il faut en déduire que l'intéressé dénonce une violation de l'art. 2 let. a CEEJ, qui correspond en substance à l'art. 3 al. 1 EIMP, et de l'art. 2 let. b EIMP. 4.2 L'art. 2 let. a CEEJ dispose que l'entraide pourra être refusée, notamment, si elle vise des infractions considérées par la Partie requise soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques, alors qu'aux termes de l'art. 3 al. 1 EIMP, la demande est irrecevable entre autres si la procédure vise un acte qui, selon les conceptions suisses, revêt un caractère politique prépondérant. Selon l'art. 2 let. b EIMP, la demande est irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure à l'étranger tend à poursuivre ou à punir une personne en raison de ses opinions politiques, de son appartenance à un groupe social déterminé, de sa race, de sa confession ou de sa nationalité. 4.3 La question de savoir si le recourant est habilité à se prévaloir de ces dispositions bien qu'il ne réside pas dans l'Etat requérant et n'y soit pas poursuivi, peut demeurer indécise pour les motifs qui suivent. -8- 4.4 L'octroi de l'entraide est exclu pour la poursuite d'un délit politique absolu ou relatif. Le premier type d'infraction en cause est celui dirigé exclusivement contre l'organisation politique et sociale de l'Etat requérant, lorsque ce but est un élément constitutif du délit. Appartiennent à cette catégorie notamment les actions de subversion de l'Etat, l'insurrection, la sédition, le coup d'Etat, la haute trahison et l'espionnage (ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 4e éd. 2014, n° 618 et les références citées). Le recourant ne cherche pas à établir que l'état de fait décrit dans la demande d'entraide du 23 mai 2014 correspond à un cas de figure de ce genre et on recherche en vain toute circonstance qui permettrait de l'affirmer. Le délit politique relatif est une infraction qui ressortit d'ordinaire au droit commun mais ne donne pas lieu à la coopération parce que l'acte revêt un caractère politique prépondérant. Il doit avoir été commis dans le cadre d'une lutte pour ou contre le pouvoir et se situer clairement dans un rapport de connexité étroit et direct, avec l'objet de cette lutte (ZIMMERMANN, op. cit., n° 619 et les références citées). En l'occurrence, le recourant se limite à affirmer "qu'on assiste, par requête d'entraide judiciaire interposée, à un épisode de la guerre des clans politiques en France" (act. 1, p. 10), dès lors que dans ce pays "le Parquet est totalement aux ordres de l'Exécutif, qui en nomme et en démet les représentants" (ibidem). Ce faisant, l'intéressé ne démontre pas que les conditions précitées sont réalisées, ce qu'on ne saurait admettre au seul motif qu'aujourd'hui, le parti de l'ancien Président B. se trouve dans l'opposition au gouvernement français. Enfin, lorsque – comme en l'espèce – des poursuites ont été ouvertes contre inconnu, elle ne peuvent par essence pas viser une personne en raison de ses opinions politiques. Aussi, l'application de l'art. 2 let. b EIMP ne sauraitelle en l'espèce s'opposer à l'octroi de l'entraide. Il s'ensuit que le premier grief soulevé est mal fondé. 5. Se prévalant de l'art. 2 let. b CEEJ, le recourant affirme ensuite que l'octroi de l'entraide ne peut pas être accordé car cette mesure irait à l'encontre des intérêts essentiels de la Suisse. On recherche vainement toute argumentation à l'appui de ce grief, la seule assertion selon laquelle les enquêtes du genre de celle menée par l'Etat requérant "ne font que salir la réputation de notre pays" (act. 1, p. 10 in fine) ne pouvant pas être considérée comme telle. Aussi, n'y a-t-il pas lieu de se pencher sur ce grief. -9- 6. 6.1 Le recourant soutient encore que l'état de fait décrit dans la demande d'entraide ne satisfait pas, en raison de son caractère vague, aux exigences posées par l'art. 28 EIMP. Le TGI n'aurait notamment pas mentionné de faits tombant sous le coup des infractions alléguées, si bien que la condition de la double punissabilité ne serait pas remplie. Ces manquements montreraient que la demande d'entraide n'est en réalité qu'une recherche indéterminée d'informations; partant, le principe de la proportionnalité serait violé. 6.2 6.2.1 Selon l'art. 28 EIMP – qui pose en la matière des exigences équivalentes à celles de l'art. 14 CEEJ –, une demande d'entraide tendant à la remise de moyens de preuve doit indiquer (al. 2) l'organe dont elle émane et, le cas échéant, l'autorité pénale compétente (let. a), l'objet et le motif de la demande (let. b), la qualification juridique des faits (let. c) et la désignation aussi précise et complète de la personne poursuivie (let. d), ainsi que (al. 3) un bref exposé des faits essentiels (let. a) et le texte des dispositions légales applicables au lieu de commission de l'infraction (let. b). Cette disposition légale est précisée par l'art. 10 al. 2 OEIMP, selon lequel doivent en tout cas figurer le lieu, la date et le mode de commission de l'infraction (arrêt du Tribunal fédéral 1A.145/2006 du 15 septembre 2006, consid. 2.1). Selon la jurisprudence, l'on ne saurait exiger de l'Etat requérant un exposé complet et exempt de toute lacune, puisque la procédure d'entraide a précisément pour but d'apporter aux autorités de l'Etat requérant des renseignements au sujet des points demeurés obscurs (ATF 117 Ib 64 consid. 5c et les arrêts cités). L'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils sont présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 118 Ib 111 consid. 5b; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2014.75-76 du 5 septembre 2014, consid. 5.2). 6.2.2 La remise de documents est une mesure de contrainte au sens de l'art. 63 al. 2 let. c EIMP, qui ne peut être ordonnée, selon l'art. 64 al. 1 EIMP, que si l'état de fait exposé dans la demande correspond, prima facie, aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. L'art. 6 de la convention pose la même exigence. L'examen de la punissabilité selon le droit suisse comprend les éléments constitutifs objectifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières du droit suisse en matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II 184 consid. 4b; 122 II 422 consid. 2a; - 10 - 118 Ib 448 consid. 3a et les arrêts cités). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes; il suffit qu'ils soient réprimés, dans les deux Etats, comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc; 117 Ib 337 consid. 4a; 112 Ib 225 consid. 3c et la jurisprudence citée). La réunion des éléments constitutifs d'une seule infraction suffisent pour l'octroi de la «petite» entraide (cf. ATF 125 II 569 consid. 6; arrêt du Tribunal fédéral 1C_138/2007 du 17 juillet 2007, consid. 2.3.2). Pour déterminer si la condition de la double incrimination est réalisée, le juge de l'entraide se fonde sur l'exposé des faits contenu dans la requête. L'autorité suisse saisie d'une requête n'a pas à se prononcer sur la réalité de ces faits (ATF 136 IV 4 consid. 4.1; 107 Ib 264 consid. 3a; 1A.270/2006 du 13 mars 2007, consid. 2.1; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.69 du 14 août 2008, consid. 3). 6.2.3 Selon le principe de la proportionnalité, la question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en principe laissée à l’appréciation des autorités de poursuite de l’Etat requérant. L’Etat requis ne disposant généralement pas des moyens qui lui permettraient de se prononcer sur l’opportunité de l’administration des preuves acquises au cours de l’instruction étrangère, il ne saurait substituer sur ce point sa propre appréciation à celle des magistrats chargés de l’instruction. La coopération ne peut dès lors être refusée que si les actes requis sont manifestement sans rapport avec l’infraction poursuivie et impropres à faire progresser l’enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.33-36 du 25 juin 2009, consid. 3.1). Le principe de la proportionnalité interdit en outre à l’autorité suisse d’aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d’accorder à l’Etat requérant plus qu’il n’a demandé. Cela n’empêche pas d’interpréter la demande selon le sens que l’on peut raisonnablement lui donner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s’il est établi que toutes les conditions à l’octroi de l’entraide sont remplies; ce mode de procéder permet aussi d’éviter d’éventuelles demandes complémentaires (ATF 121 II 241 consid. 3a; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.286-287 du 10 février 2010, consid. 4.1). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d’origine délictueuse, il convient en principe d’informer l’Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des entités (personnes physiques ou morales) et par le biais des comptes impliqués dans l’affaire, même sur une période relativement étendue (ATF 121 II 241 consid. 3c). - 11 - Certes, il se peut également que les comptes litigieux n’aient pas servi à recevoir le produit d’infractions pénales, ni à opérer des virements illicites ou à blanchir des fonds. L’autorité requérante n’en dispose pas moins d’un intérêt à pouvoir le vérifier elle-même, sur le vu d’une documentation complète, étant rappelé que l’entraide vise non seulement à recueillir des preuves à charge, mais également à décharge (ATF 118 Ib 547 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 1A.88/2006 du 22 juin 2006, consid. 5.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2007.29 du 30 mai 2007, consid. 4.2). Selon la jurisprudence, le principe de l’utilité potentielle joue un rôle crucial dans l’application du principe de la proportionnalité en matière d’entraide pénale internationale. C’est le propre de l’entraide de favoriser la découverte de faits, d’informations et de moyens de preuve, y compris ceux dont l’autorité de poursuite étrangère ne soupçonne pas l’existence. Il ne s’agit pas seulement d’aider l’Etat requérant à prouver des faits révélés par l’enquête qu’il conduit, mais d’en dévoiler d’autres, s’ils existent. Il en découle, pour l’autorité d’exécution, un devoir d’exhaustivité qui justifie de communiquer tous les éléments qu’elle a réunis, propres à servir l’enquête étrangère, afin d’éclairer dans tous ses aspects les rouages du mécanisme délictueux poursuivi dans l’Etat requérant (arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2010.173 du 13 octobre 2010, consid. 4.2.4/a et RR.2009.320 du 2 février 2010, consid. 4.1; ZIMMERMANN, op. cit., n° 722 ss). 6.3 Il ressort des documents fournis par le TGI que l'Etat libyen a acquis une villa à Z. (France), par le biais d'une vente effectuée en mai 2009 entre F. Inc. et la société D. Or, ce contrat aurait été passé dans le but de détourner des fonds, le prix versé par la seconde entité précitée à la première ayant été sciemment surévalué. L'utilisation, par les dirigeants d'une société, de fonds appartenant à celle-ci en vue d'obtenir une contreprestation d'une valeur qu'ils savent inférieure, peut a priori tomber sous le coup de la gestion déloyale au sens de l'art. 158 CP. Dès lors, la condition de double incrimination est remplie au regard de l'état de fait décrit dans la demande d'entraide, respectivement dans son complément du 28 mai 2015. C'est le lieu de préciser qu'aux termes de l'art. 64 al. 1 EIMP, la punissabilité des faits selon le droit de l'Etat requérant n'a pas à être examinée par l'autorité d'entraide, sauf si le défaut de compétence répressive est évident au point de faire apparaître comme abusive la demande d'entraide (ATF 116 Ib 89 consid. 2 c) aa); arrêt du Tribunal fédéral 1A.205/2006 du 7 décembre 2006, consid. 3.2; cf. aussi FIOLKA, Commentaire bâlois, Internationales Strafrecht, Bâle 2015, n° 7-9 ad art. 32 EIMP et les références citées), condition qui n'est manifestement pas réalisée en l'espèce. - 12 - Par ailleurs, le schéma qu'a transmis le MPC au recourant (cf. supra consid. 3.3.2) fait état de plusieurs flux financiers (notamment en septembre 2009) entre une relation bancaire détenue par F. Inc. et les comptes dont la transmission de la documentation a été ordonnée. Ces moyens de preuve présentent ainsi une utilité, au moins potentielle, pour l'autorité requérante, d'autant que le montant d'une transaction mentionnée dans ledit schéma (à savoir Eur 10'140'000) figure expressément dans le complément à la demande du 28 mai 2015. Enfin, le recourant, qui se limite à évoquer une nouvelle fois le caractère politique de l'enquête française, respectivement à affirmer qu'il n'a rien à voir avec F. Inc., ne parvient pas à démontrer que l'état de fait décrit par l'autorité requérante serait entaché de contradictions ou de lacunes évidentes, manifestement établies. La série de griefs soulevée s'avère ainsi mal fondée. 7. 7.1 7.2 Finalement, le recourant se plaint d'une "absence de respect de la confidentialité" (act. 1, p. 3). Il redoute qu'en cas d'octroi de l'entraide, "son nom soit […] traîné dans la boue dans les gazettes française [sic]" (act. 1, p. 10), ce qui serait d'autant plus injuste qu'il ne savait rien des transactions litigieuses. Si l'éventualité que le nom du recourant soit révélé par la presse française ne peut a priori pas être totalement écartée en l'espèce, l'intéressé ne cherche pas à démontrer en quoi l'application d'une disposition légale ou d'un principe juridique quelconque justifierait pour autant le refus de coopérer avec les autorités de l'Etat requérant. Par ailleurs, suivre le recourant reviendrait à dire que la demande d'entraide doit être rejetée dès lors que la personne touchée parvient à établir l'existence d'un risque que son identité soit rendue publique. Cela signifierait que toute coopération internationale est de fait exclue si l'enquête étrangère est – ou sera, hypothétiquement, à un moment ou un autre – l'objet d'une couverture médiatique. Or, une telle conception priverait de toute portée les règles sur la remise de moyens de preuve dans un nombre potentiellement très élevé de cas, ce qui ne se conçoit pas. L'argumentation ici développée est ainsi mal fondée, aussi bien en ce qu'elle concerne la conclusion principale que la conclusion subsidiaire du recours. A noter sur ce dernier point que rien n'empêche le recourant de faire parvenir lui-même à l'autorité requérante les documents dont il requiert la transmission par le biais du MPC. - 13 - 8. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 9. En règle générale, les frais de procédure, comprenant l’émolument d’arrêté, les émoluments de chancellerie et les débours, sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 [PA; RS 172.021], applicable par renvoi de l’art. 39 al. 2 let. b LOAP). Le montant de l’émolument est calculé en fonction de l’ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties, de leur situation financière et des frais de chancellerie (art. 73 al. 2 LOAP). Le recourant, qui succombe, supportera les frais du présent arrêt, lesquels se limitent à un émolument fixé à CHF 5'000.-- (art. 73 al. 2 LOAP et art. 8 al. 3 du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale du 31 août 2010 [RFPPF; RS 173.713.162] et art. 63 al. 5 PA), couvert par l'avance de frais déjà versée. - 14 - Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce: 1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2. Un émolument de CHF 5'000.--, couvert par l'avance de frais versée, est mis à la charge du recourant. Bellinzone, le 4 février 2016 Au nom de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral Le président: Le greffier: Distribution - Me Raphaël Treuillaud, avocat Ministère public de la Confédération Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire Indication des voies de recours Le recours contre une décision en matière d’entraide pénale internationale doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 10 jours qui suivent la notification de l’expédition complète (art. 100 al. 1 et 2 let. b LTF). Le recours n’est recevable contre une décision rendue en matière d’entraide pénale internationale que s’il a pour objet une extradition, une saisie, le transfert d’objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s’il concerne un cas particulièrement important (art. 84 al. 1 LTF). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu’il y a des raisons de supposer que la procédure à l’étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d’autres vices graves (art. 84 al. 2 LTF).