TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE CANADA I PROVINCE DE QUEBEC DISTRICT DE MONTREAL 500-53-000416-147 DATE 20 juillet 2016 SOUS LA PRESIDENCE DE SCOTT HUGHES, J.C.Q. AVEC DES ASSESSEURES Me CIaudIne avocate a la retraite Me M?IanEe Samson COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE I LA JEUNESSE, agissant en faveur de SYLVIE GABRIEL, STEEVE LAVOIE et JEREMY GABRIEL Partie demanderesse C. MIKE WARD Partie d?fenderesse et SYLVIE GABRIEL et STEEVE LAVOIE et JEREMY GABRIEL Parties victimes et plaignantes JUGEMENT Comme I?a soulign? Ia Cour d?appeI du Qu?bec dans I?arr?t Soci?te? St-Jean- Baptiste, Ies tribunaux ne sont pas arbitres en mati?re de courtoisie, de politesse et de Don 900?: lIs sont toutefois, pour reprendre Ies mots de Ia Cour Supr?me, Ies 1 Soci?t? Saint-Jean-Baptiste de Montr?al C. Hervieux?Payette, [2002] R.J.Q. 1669 (CA), par. 27. Voir aussi Dubois C. Soci?t? St-Jean Baptiste de Montr?al, [1983] CA. 247, 258. 500-53-000416?147 Page 2 gardiens des valeurs constitutionnelles canadiennes dent font partie Ia libert? d'expression mais aussi la promotion de l??galit? et le respect de la dignit? inh?rente a tout ?tre humains. Ce litige met en opposition deux droits fondamentaux: la libert? d'expression et le droit d??tre prot?g? contre des propos discriminatoires. Le Tribunal conclut que dans les faits de cette a?aire, le second droit doit pr?vaioir. I. MISE EN CONTEXTE La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Commission) demande au Tribunal de constater que le d?fendeur, monsieur Mike Ward, a port? atteinte au droit de J?r?my Gabriel de madame Sylvie Gabriel et de monsieur Steeve Lavoie a la sauvegarde de leur dignit?, de leur honneur et de leur reputation, sans discrimination fond?e sur le handicap ou l??tat civil, contrairement aux articles 4 et 10 de la Charts des droits et liben?s de la personne? (Charte). Le litige d?coule de propos tenus par monsieur Ward dans le cadre de son spectacle Mike Ward s?eXpose et sur Internet. La Commission demande au Tribunal de condamner monsieur Ward a verser, a titre de dommages moraux, une somme de 40 000 521 J?r?my, un montant de 10 000 a madame Gabriel et une somme de 10 000 35 a monsieur Lavoie. De plus, Ia Commission demande au Tribunal de condamner monsieur Ward a verser, a titre de dommages punitifs, un montant de 10 000 a J?r?my, une somme de 5 000 a madame Gabriel et un montant de 5 000 a monsieur Lavoie. La Commission demande en outre au Tribunal d?ordonner a monsieur Ward de ne plus tenir des propos en regard de J?r?my, de monsieur Steeve Lavoie et de madame Sylvie Gabriel en lien, de pres ou de loin, avec le handicap de J?r?my et de ne plus utiliser le handicap de J?r?my, directement ou indirectement, en diffusant son image ou en rapportant ses faits et gestes. ll. LES A. La situation de J?r?my J?r?my est n? pr?matur?ment Ie 10 d?cembre 1996. est atteint du de Treacher Collins. Ce entraine certaines malformations au niveau de la t?te, notamment aux oreilles et au palais. Dans le cas de J?r?my, ii s?est aussi manifest? par une surdit? severe. De plus, en raison d_?un deficit de son systeme Swing Inc. c. Elta Golf Inc., 2006 CSC 52, par. 59. 3 Saskatchewan (Human Rights Commission) 0. Whatcott, 2013 CSC 11, par. 66. 4 R.L.R.Q., 0. 0-12. 500-53-000416-147 Page 3 immunitaire, J?r?my doit recevoir des transfusions sanguines aux trois semaines. Depuis sa naissance, il a subi 23 chirurgies ayant n?cessit? une anesth?sie g?n?rale et a hospitalis? a de nombreuses reprises. Le dont il souffre n?affecte toutefois pas ses capacit?s intellectuelles ni son esp?rance de vie. A partir de Page de trois ans et jusqu?a son entr?e a l??cole secondaire en 2010, J?r?my fr?quente I'Ecole Oraliste de Qu?bec pour enfants malentendants ou sourds. [10] En 2003, alors que J?r?my est ag? de six ans, ses parents prennent la decision de lui faire implanter un appareil auditif ost?o-int?gr? connu sous le nom de BAHA. Sans son implant, Jeremy n?aurait aucune audition. Son implant lui permet d?entendre 80 a 90 des sons. Grace a cet appareil, il apprend a parler eta chanter. [11] J?r?my exprime rapidement le souhait de mener une carriers artistique internationale en chant. Sa mere entreprend de l?aider dans la realisation de ses projets. [12] En 2005, J?r?my participe a I??mission de t?l?vision Donnez au suivant et chante I'hymne national au Centre Bell avant un match des Canadians de Montreal. En mars 2006, ii assiste a un spectacle de C?line Dion a Las Vegas puis la rencontre et chante avec elle dans sa loge. En mai 2006, ll se rend a Home pour chanter devant le pape. ll participe ensuite a diff?rentes emissions et lance un album. Son autobiographie parait en 2007. En 2008, ll participe a un documentaire sur Ie de Treacher Collins. Par la suite, J?r?my fait quelques concerts et participe a des lev?es de fonds pour diff?rents organismes. En 2012, ll devient patient ambassadeur pour les hopitaux Shriners, ce qui l?amene a voyager au Canada et aux Etats-Unis. [13] J?r?my realise la plupart de ses engagements professionnels a titre b?n?vole. Les revenus g?n?r?s par la vente de son livre servent a lui payer des formations et a payer certains d?placements. Les parents de .J?r?my assument aussi certaines d?penses. [14] Cutre leur soutien financier, J?r?my peut compter sur le support moral de ses parents. l?aident a s?accepter tel qu'il est et investissent temps et argent pour que J?r?my puisse suivre des formations, mener ses activit?s professionnelles et r?aliser ses r?ves. Pendant son t?moignage, J?r?my dira d?eux qu?ils ont fait des sacrifices pour lui, pour satisfaire a ses demandes. [15] En 2010, J?r?my fait son entr?e a l??cole secondaire Cardinal-Roy dans le programme th??tre-?tudes. C?est la premiere fois qu?il est inscrit dans une ?cole r?guliere et certaines mesures d?adaptation sont mises en place pour favoriser sa r?ussite. obtient de bons r?sultats dans les cours de langues, mais eprouve des difficult?s en math?matique et en science. En 2012, iI doit quitter car il ne rencontre pas les exigences acad?miques du programme. Depuis septembre 2013, ii fr?quente le Centre d??ducation des adultes Louis-Jolliet et obtient de meilleurs r?sultats 500-53-000416-147 Page 4 acad?miques. Cette ?cole ?tant mieux adapt?e a ses besoins eta son horaire il n?a pas de rattrapage scolaire a effectuer s?il doit s'absenter pour des raisons m?dicales ou ses activit?s protessionnelles. B. Les blagues de monsieur Ward et leurs repercussions [16} Monsieur Ward est, humoriste depuis 1993 et, de fagon protessionnelle, depuis 1996. ll est diplom? de l'Ecole nationale de I?humour. II a donn? entre 4 000 et 5 000 spectacles en frangais, pour lesquels il a regu plusieurs prix. pratique l?humour noir, un style d?humour qui provient, principalement des Etats?Unis, de la Grande-Bretagne et du Canada. traits de sujets d?licats et aime s?attaquer aux tabous. [17] De septembre 2010 a mars 2013, monsieur Ward pr?sente un spectacle intitul? Mike Ward s?eXpose Ce spectacle a rod? pr?alablement dans les bars pendant un an. Monsieur Ward parle notamment de tolerance, de racisme et de religion. II s?en prend aussi a certaines personnes qu?il qualifie de vaches sacr?es dont on n?ose g?n?ralement pas rire parce qu?elles sont riches, influentes ou faibles. J?r?my est I?une d'entre elles, tout comme C?line Dion, Rene Angelil, Louis-Jose Houde, Guy A. Lepage, Ariane Moflatt et Jacques Languirand. {18] Dans son spectacle, monsieur Ward parle du petit J?r?my le jeune avec la sub-woofer sur la t?te. dit avoir pris sa defense aupres de ceux qui chialaient qu?il chantait mal leur disant Y?est mourant, laissez?le vivre son r?ve Soulignant que 5 ans plus y?est pas encore mort i monsieur Ward dit I?avoir crois? dans un Club Piscine et avoir essay? de le noyer pour finalement constater qu?? est pas tuable ll resume ensuite la maladie de J?r?my en disant Y?est lette i Le num?ro se termine par la declaration suivante: J?savais pas jusqu'ou je pouvais aller avec ce gag-la. do me suis dit a un moment donn?, je vais aller trop loin, ils vont arr?ter de rire. Non, vous n?avez pas gang [19] En trois ans, le spectacle Mike Ward s?eXpose a pr?sent? 230 fois et environ 135 000 billets ont vendus. Le spectacle a felt l?objet d?une captation vid?o en d?cembre 2012 et il a possible de le t?l?charger sur le site de monsieur Ward en 2013. Par la suite, il a vendu sur DVD, en 7 500 exemplaires. [20] Outre ses spectacles, monsieur Ward produit des capsules humoristiques qu?il diffuse sur son site Web. Les capsules sont disponibles pendant un an puis retirees du site. II arrive toutefois que certaines d?entre elles se retrouvent sur d?autres plates- formes sans l?autorisation de monsieur Ward. Certaines de ces capsules concernent Jeremy. [21] A l'occasion du lancement de l?autobiographie de J?r?my, monsieur Ward realise une capsule qui met J?r?my en scenes. ll est qualifi? de ?pas beau qui chante?. 5 Piece P-4 Video CD du spectacle Mike Ward s?eXpose 6 Piece Video CD des clips 1, 2 et 3 (vid?o 1). 500-53-000416-1 47 Page 5 ll est aussi mentionn? que la bouche de J?r?my ne ferme pas au complet. Monsieur Ward insinue, par ailleurs, que la mere de J?r?my a utilis? l?argent de ce dernier pour s?acheter des biens de luxe. {22] Monsieur Ward utilise I'image de J?r?my dans deux autres capsules. Dans la premiere, J?r?my chante une chanson grivoise7. Les parties ont incapables de retrouver et de produire en preuve I?autre capsule relative a J?r?my, mais monsieur Ward on reconnait I?existence. J?r?my a t?moign? que cette capsule contenait des blagues sur Ie pape et des insinuations de pedophilia. [23] En 2012, dans la cadre de l??mission Les Francs-Tireurs, monsieur Ward accords une entrevue au cours de laquelle il revient sur ses blagues au sujet de J?r?my et afiirme que 9a le fait rire de d?passer les limitesa. Se comparant a un cocai'nomane, il dit avoir besoin de faire des blagues qui vont trop loin. C?est apr?s avoir pris connaissance de cette entrevue que J?r?my et ses parents d?cident de porter plainte aupres de la Commission. Tous les t?moins de la Commission ont fait mention des repercussions que les blagues de monsieur Ward ont eues sur la vie personnelle et professionnelle de J?r?my. [24] Cost en 2010 que J?r?my voit Ia premiere capsule de monsieur Ward a son sujet. Il est alors au d?but du secondaire. Des amis de ses parents lui ont fait parvenir le lien Web afin qu?il Ia visionne et l'ont encourage a agir pour prot?ger sa carriers et sa reputation. J?r?my visionne ensuite l?ensemble des capsules et le num?ro de monsieur Ward Ie concernant. En les visionnant, ii se sent d?go?t?. Il est bless? parce qu?on rit de son handicap. ll est ?galement d?stabilis? par les allusions d?exploitation financiers concernant sa mere. [25] Les blagues de monsieur Ward amenent J?r?my a se questionner sur sa propre valeur: sa vie vaut~elle moins que celle d?un autre ll 59 replie sur lui-meme et perd confiance et espoir. Pendant deux ans, iI ne veut plus sortir, ne veut plus chanter, ne veut plus exister. [26] A I??cole, les autres ?leves r?petent les blagues entendues dans les capsules de monsieur Ward. J?r?my se sent ridiculis? et triste. ll d?veloppe alors des id?es suicidaires. II 59 confie a sa professeure de chant, mais le cache a ses parents. Ses r?sultats scolaires refletent ses sentiments et ses notes baissent. [27] Disant s??tre senti perdu, fragile, isol?, J?r?rny mentionne dans son t?moignage qu?il aurait eu besoin d?une aide Apres l?avoir d?abord ni? en centre-? interrogatoire, J?r?my reconnait en r?-interrogatoire avoir rencontr? a quelques reprises un a son ?cole, sur l?insistance de ses parents at professeurs. ll manquait toutefois d?assiduit? a ses rendez?vous. Piece P-3 Vid?o CD des clips 1, 2 et 3 (vid?o 2). Piece Vid?o CD de l'entrevue donn?e par monsieur a l'?mission Les Francs~Tireurs diffus?e sur les ondes de T?I?-Qu?bec le 18 janvier 2012. 500-53?000416-147 Page 6 {28] Pendant ces moments difficiles, les parents de Jeremy tentent de le motiver. Toutefois, Jeremy pergoit Ia douleur et le sentiment d'impuissance de ses parents. [29] Le pere de J?r?my, monsieur Steeve Lavoie, a t?moign? au sujet des repercussions que les blagues de monsieur Ward ont eues sur Jeremy et sa famille. A son entree a l??cole secondaire, J?r?my devient taciturne et s?isole alors qu?il ?tait auparavant enjou?. Ses notes baissent ?galement. Des membres du personnel de I??cole confirment a monsieur Lavoie que J?r?my ne semble pas aller bien. J?r?my parle toutetcis peu de ce qui Ie pr?occupe. [30} Sur Ie plan personnel, monsieur Lavoie vit difficilement les blagues de monsieur Ward au sujet de son fils et de sa conjointe et le iait que ces blagues soient reprises par d?autres personnes. Cela le rend egressif. ll veut prot?ger son fils, mais ne sait pas quot faire. Monsieur Lavoie ne communique pas avec monsieur Ward pour lui demander de cesser ses blagues parce qu?il craint que cela envenime Ia situation. ll espere que Ie tout s?estornpe avec Ie temps. [31] La mere de J?r?my, madame Sylvie Gabriel, a aussi t?moigne sur les consequences des blagues de monsieur Ward pour Jeremy et sa famille. A partir de 2010, elle constate un changement de comportement de la part de son fils. ll perd sa joie de vivre et devient de plus en plus d?pressif. Il est froid, triste et parle peu, m?me lorsqu'elle Ie questionne. ll finira par lui dire qu?il se fait ?coeurer a I??cole. [32] En tant que mere, madame Gabriel est d?vast?e par les propos de monsieur Ward concernant son fils. Elle estime qu'il est venu briser tout ce qu?elle a bati Elle a voulu dormer de l?esp?rance et de la force a J?r?my, I?aider a socialiser, lui montrer qu?il est possible de r?aliser ses r?ves en d?pit de son handicap. A ses yeux, les propos de monsieur Ward sont venus tout briser Elle, se demande comment une persenne peut ?tre aussi cruelle. Elle a pleur? enorm?ment. Elle souffre d?insomnie, est impatiente, a perdu confiance envers les gens. Elle prend des antid?presseurs depuis 2012. [33] Sur le plan personnel, madame Gabriel est aussi affect?e par les insinuations de monsieur Ward selon Iesquelles elle aurait tir? profit de son fils. Dans son milieu de travail, des personnes lui ont pr?t? une vie, ont pens? qu?elle ?tait riche et lui ont fait sentir qu?elle avait exploit? son fils, alors qu?il n?en est rien. En raison des hospitalisations fr?quentes de J?r?my, il a pendant longtemps impossible pour elle d?avoir un emploi. La famille occupe une maison modeste eta v?cu pendant longtemps avec le seul salaire de monsieur Lavoie. Ils n?ont ni chalet ni voiture sport, contrairement a ce que laisse entendre monsieur Ward dans I?une de ses capsules. [34] Madame Gabriel n?a jamais parle avec monsieur Ward. Elle n?a pas tent? de Ie joindre pour lui demander de cesser ses blagues. Elle a cru qu'il allait arr?ter de lui- m?me. Sa famille n?a pas les moyens d?engager un avocat et elle ignorait comment 500-53?000416-147 Page 7 porter plainte. Les propos tenus par monsieur Ward a I??mission Les Francs-Tireurs sont la goutte qui a fait d?border le vase. Elle s?est alors adress?e a la Commission. [35} Deux autres personnes ont t?moign? au sujet des repercussions que les blagues de monsieur Ward ont eues sur J?r?my. [36] Madame Nathalie Bourget est la professeure de chant de J?r?my. Elle est la premiere personne de l?entourage de J?r?my a avoir pris connaissance des blagues de monsieur Ward a son sujet. Elle en a inform? Ia mere de Jeremy. Par la suite, il est arriv? que J?r?my se confie a elle parce qu?il ne voulait pas inqui?ter sa mere. ll craignait que personne ne puisse l?aimer et avait des pens?es suicidaires. Madame Bourget a craint de le perdre. Puisqu?elle avait promis a J?r?my de ne pas rapporter ses propos a sa mere, elle a seulement dit a cette derniere que J?r?my n?allait pas bien. Elle a aussi conseill? a Jeremy de consulter un ou un travailleur social. [37] Monsieur Jean Pruneau, dont Ie nom d?artiste est Jean Perruno, est Ie producteur de J?r?my. Il Ie connait depuis 2008. Lui aussi a pu constater les consequences des blagues de monsieur Ward pour J?r?my. Pendant cette p?riode, il est t?moin de sa tristesse et regoit ses confidences. ll apprend ainsi que J?r?my est victime d'intimidation a l??cole. Le tout a un impact sur son talent et l?oblige a reprendre des enregistrements. Monsieur Perruno encourage J?r?my et sa mere a agir pour prot?ger leur int?grit?. [38] En 2014, J?r?my accorde une entrevue au Journal de Montr?al9 dans laquelle iI a?irme ne pas avoir d?amertume et minimise la soutfrance v?cue en lien avec les blagUes de monsieur Ward et I?intimidation dont il a victime. De meme, lors de sa participation a I??mission La victoire de l?amour J?r?my explique ?avoir bien r?agi face a la situation et avoir pardonn? a ceux qui lui ont fait du mal. A l?audience, J?r?my precise qu?il faisait alors allusion a ses camarades de classe et non a monsieur Ward et explique qu?il d?siraEt projeter une image forte et positive. De plus, a co moment, il ne se sentait pas encore pr?t a parler de ce qu?il avait v?cu et ne voulait pas nuire a sa carriere. ll croyait, par ailleurs, que les moqueries allaient cesser. C. La version de monsieur Ward [39] Monsieur Ward pr?sente au moins 200 spectacles d?humour par ann?e. ll ?crit lui-meme ses textes et realise ses spectacles de meme que les capsules video pr?sent?es sur son site Web. [40] Les capsules sont r?alis?es a I?aide du logiciel EasyTalk et d?une photo de la personne prise pour cible. Elles sont conserv?es sur son site Web pendant un an puis retirees. Cette formule lui donne I?occasion de faire des blagues sur l?actualit?. 9 10 Piece D-3 Entrevue accord?e au Journal de Montreal. Piece D-5 La Victoire de I?Arnour 500?53-000416-147 Page 8 Monsieur Ward compare ses capsules a du fast-food. Elles sont improvis?es, ?crites sur un coin de table. II ne les diffuse pas sur YouTube, mais il arrive que d?autres utilisateurs les rendent disponibles sur diff?rentes plates-tonnes sans son autorisation. [41] Monsieur Ward a entendu parler de J?r?my aux nouvelles et dans les journaux lorsqu?il a chante pour le pape. II as nie pas avoir fait des blagues a son sujet. ll reconnait, par ailleurs, ne jamais avoir communique avec J?r?my ou sa famille pour leur demander leur accord. [42] Au sujet de la premiere capsule, monsieur Ward pr?cise qu?il ignorait que J?r?my a une malformation qui emp?che sa bouche de fermer completement. a fait une blague a ce sujet, c'est parce que sur la photo utilis?e pour la capsule, Ia bouche de J?r?my est entrouverte. [43] Par ailleurs, a fait des blagues insinuant que la mere de J?r?my a pouss? son fils a r?aliser ses r?ves a elle et a profit? de son argent a des fins personnelles, c?est pour faire r?f?rence au ph?nomene frequent des showbiz moms II he croyait pas vraiment que sa mere s'enriohissait aux d?pens de J?r?my. [44] En ce qui concerne Ia capsule dans Iaquelle J?r?my chante une chanson grivoise, monsieur Ward explique avoir tout simplement eu besoin de la photo d?un chanteur. ll a utilis? cells do J?r?rny. [45] Monsieur Ward ne se souvient pas de la troisieme capsule mettant en vedette Jeremy. ll constate toutefois qu?une entree sur la blogue de son site Web fait r?f?rence a cette capsule. n?en conteste donc pas I?existence. [46] Les capsules concernant J?r?my ont retirees de son site Web, 3an en ce qui concerne leurs descriptions. [47] Dans le spectacle Mike Ward s?eXpose monsieur Ward a voulu d?montrer que l?on peut rire de tout. Le num?ro intitul? Les Intouchables porte sur des personnalit?s publiques dont il est difficile de rire sans cr?er un malaise. Rire d?un entant cr?e un malaise, d?ou sa decision de prendre J?r?my pour cible. [48] Monsieur Ward croyait que Ie fait pour J?r?my de chanter pour Ie pape et pour C?line Dion s?inscrivait dans la cadre des activit?s de l?association Make-a-Wish C?est pourquoi il pensait que J?r?my ?tait atteint d?une maladie incurable et qu?il allait mourir. C?est en constatant qu'il ne mourait pas qu?il a eu I?Ed?e de la blague sur sa tentative de noyer J?r?my. [49] Ce n?est pas la premiere fois que monsieur Ward fait des blagues sur une personne ayant un handicap. II a d?ja fait un num?ro avec monsieur Dave Richer, un autre humoriste qui a lui-m?me un handicap. Monsieur Ward explique que le fait de ne pas rire de quelqu?un, c?est l?exclure, Ie consid?rer trop faible et le prendre en piti?. Rire de quelqu?un, c?est I?inclure. 500-53-000416-147 Page 9 [50] arrive a monsieur Ward de faire de l?improvisation lors de ses spectacles, mais les blagues concernant J?r?my ont ?crites et test?es devant public en 2009. Pendant Ia p?riode de rodage, ces blagues ont toujours suscit? de bonnes reactions. Monsieur Ward dit trouver ridicule de se retrouver devant le tribunal pour des blagues dont tout Ie monde rit. [51] Monsieur Ward reconnait que ses blagues sur J?r?my ont pu d?passer les limites de certaines personnes. En entrevue dans Ie cadre de l??mission Les Francs- Tireurs, monsieur Ward a senti que ses blagues au sujet de J?r?my avaient d?pass? les limites de l?animateur Patrick Lagac?. Cela dit, l?humour noir ne cherche pas a faire plaisir a tout le monde et n'oblige pas a ?tre gentil. Le but de monsieur Ward demeure n?anmoins de faire rire, d?apporter du bonheur a son public, qu?il d?crit comme ouvert d?esprit et ayant Ie gout de rire. [52] Cast vers la fin de l?ann?e 2012 cu au d?but de l?ann?e 2013 que monsieur Ward est inform? par son g?rant de la plainte d?pos?e par J?r?my aupres de la Commission. [53] Dans le passe, monsieur Ward avait d?ja regu des mises en demeure d?coulant du contenu de ses num?ros d'humour, mais il n?avait jamais poursuivi. Habituellement, les gens qui souhaitent se plaindre de ses blagues communiquent avec son g?rant ou lui, mais ne veulent pas aller en cour. [54] Monsieur Ward a envisag? de retirer de son spectacle Ie passage concernant J?r?my. ll a pris Ia decision de ne pas le faire parce que la plainte aupres de la Commission semblait ?tre une question d?argent. Les blagues sur J?r?my ont donc plutot pris fin en meme temps que sa tourn?e, Is 3 mars 2013. [55] Monsieur Ward insiste sur Ie fait qu?il contribue a des collectes de fonds pour venir en aide a des personnes ayant un handicap, notamment par l?achat de bras robotis?s. De plus, il a particip? a des campagnes de sensibilisation contre I'intimidation. Monsieur Ward explique qu?il fait une difference tres nette entre l?acharnement contre une personne et une oeuvre artistique produite devant un public consentant. Ill. LES QUESTIONS EN LITIGE [56] Pour trancher Ie litige, le Tribunal doit r?pondre aux questions suivantes 1) Le d?fendeur a-t-il compromis le droit des plaignants a la sauvegarde de leur dignit?, de leur honneur et de leur reputation, sans discrimination fond?e sur le handicap ou l??tat civil, de fagon contraire aux articles 4 et 10 de la Charte? 2) La libert? d?expression artistique exonere-t-elle Ie d?fendeur de toute responsabilit? pour ses propos relatifs aux plaignants? 500-53-000416-147 Page 10 3) Les plaignants ont-ils droit aux dommages moraux et punitifs r?clam?s en Ieur faveur? 4) L?ordonnance r?clam?e est-elle justifies? IV. LE DROIT APPLICABLE [57] Le recours de la Commission prend appui sur les dispositions suivantes de la Charte 4. Touts personne a droit a la sauvegarde de sa dignit?, de son honneur et de sa reputation. 10. Toute personne a droit a la reconnaissance eta I'exercice, en pleine ?galit?, des droits et Iibert?s de la personne, sans distinction, exclusion ou pr?f?rence fond?e sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'?tat civil, l'age sauf dans la mesure pr?vue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationals, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d?un moyen pour pallier ce handicap. 49. Une atteinte illicite a un droit ou a une libert? reconnue par la pr?sente Charte contere a la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la reparation du prejudice moral ou materiel qui en r?sulte. 7 En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur a des dommages-inte?r?ts punitifs. [58] L?article 10 de la Charte ne protege pas le droit a l??galit? de facon autonome; le droit a la non-discrimination n?est prot?g? que dans l?exercice des autres droits et libert?s garantis par la Charte?. La combinaison des articles 4 et 10 de la Charte protege Ie droit a l??galit? dans la reconnaissance et l?exercice des droits a la dignit?, a la reputation eta l?honneur. [59] L?article 4 garantit trois droits distincts12 le droit a la sauvegarde de sa dignit?, Ie droit a la sauvegarde de son honneur et le droit a la sauvegarde de sa reputation. [60] En plus d'?tre un droit prot?g? par son article 4, la dignit? humaine est mentionn?e a deux reprises dans le Pr?ambule de la Charte Consid?rant que tous les ?tres hUmains sont ?gaux en valeur et en dignit? et ont droit a une ?gale protection de la loi; 11 Quebec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier A?ronautique Centre deformation), 2015 080 39, par 53. Calego International Inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 924, par. 101; Commission des droits de la personne 0. Centre d'accueil Villa Plaisance, [1996] R.J.Q. 511 (T.D.P.Q.). . 12 500-53-000416-147 7 Page 1 1 Consid?rant que ie respect de la dignit? de l??tre humain, I??galit? entre les femmes et les hommes et 1a reconnaissance des droits et libert?s dont its sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la libert? et de la paix. [61] La dignit? humaine apparait ainsi comme la pierre anguiaire de la Chane?, comme une vaieur sous-jacente a I?ensembie des droits et libert?s qu?eile protege?. [62] La Cour d'appel du Qu?bec d?finit Ia dignit? comme Ie respect auquel a droit la personne pour eiie-m?me, en tant qu'?tre humain et sujet de droit >35. Ainsi, cheque ?tre humain possede une valeur intrins?que qui Ie rend digne de respec . >95 [63] Le droit a la dignit? jouit d?une protection sur la scene internationale. L?article premier de la?De?cIaration universe/[e des droits de I?Homme ?nonce que tous les ?tres humains naissent libres et ?gaux en dignit? et en droits?. [64] Une atteinte au droit a la dignit? s?appr?cie de facon objective?. a atteinte a la dignit? Iorsqu?une personne essuie un affront particulierement m?prisant envers son identit? raciale, ethnique ou autre, et Iourd de consequences pour elle >99. [65] Tout comme Ie droit au respect de la dignit?, le droit au respect de la reputation est inherent a la personne humaine; la bonne reputation de I?individu repr?sente et refiete sa dignit? inh?rente >30. [66] Le droit au respect de la reputation est protege par la Charte mais aussi par les articles3 et 35 du Code civil du Quebec 3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalit?, teis le droit a la vie, a I'inviolabilit? et a l'int?grit? de sa personne, au respect de son nom, de sa reputation et de sa vie priv?e. Ces droits sont incessibles. 35. Toute personne a droit au reSpect de sa reputation et de sa vie priv?e. 13 Coutu 0. Quebec (Commission des droits de la personne), [1995] FUD. 1628, 1651 (CA). Quebec (Curateur public) 0. Syndicat national des employ?s de I?h?pital St?Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, per. 100. Calego International Inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pr?c., note 12, par. 101. Quebec (Curateur public) c. Syndicat national des employee de I?h?pital St?Ferdinand, pr?c., note 14. par. 104. ?7 A.G. R?s. 217 A Doc. N.U., a la p. 71 (1948). Calego International Inc. 0. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pr?c., note 12, par. 99 et 102. Voir aussi Quebec (Curateur public) 0. Syndicat national des employ?s de l?hopital St-Ferdinand, pr?c., note 14, par. 108. Calego International Inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, id., par. 99. 2? Hill c. Eglise de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, per. 120. 15 16 19 500-53w000416?147 Page 12 Nulle atteinte ne peut ?tre port?e a la vie priv?e d'une personne sans que ceIIe-ci consents ou sans que la loi l'autorise. [67] Une atteinte a la reputation est appr?ci?e objectivement, en se r?f?rant au point de vue du citoyen ordineire >31. [L]?atteir1te port?e a la reputation d?une personne peut reposer sur des allegations de fait ou simplement sur des propos outregeents et injurieux >32. Elle se treduit par une diminution de l?estime et de la consideration que les autres portent a la personne qui est I?objet des propos ?23. [68] Alors que la reputation a trait a la fegon dont une personne est percue par les autres, l'honneur renvoie plutot a l?opinion qu?une personne a d?elIe-m?me??4 L?honneur est li? l'estime que la personne au sentiment tent personnel que social de la consideration qu?elle m?rite. II a un caractere subjectit et est lergement tributeire de l'int?riorit? de la personne, de meme que de sa position sociele ainsi que des moeurs sociales, selon les cultures et les ?poques. En d'eutres termes, perdre son honneur, c?est un peu perdre la consideration de ses semblebles, du moins a see yeux?5 [69] Plesieurs instruments internationaux protegent le droit au respect de I?honneur et de la reputation, dont Ia Declaration universal/e des droits de I?homme25 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques?. La Convention relative aux droits des personnes handicapr,"e528 et la Convention relative aux droits de I?enfant29 protegent, respectivement et de facon plus sp?cifique, le droit a la sauvegarde de l?honneur et de la reputation de la personne ayant un handicap et celui de l?entant. Ces instruments 2? Bou Malhab c. Diffusion M?trom?dia CMR Inc., 2011 080 9, per. 26. 22 Id., par. 15. 23 lot, par. 27. 24 Edith DELEURY et Dominique GOUBAU, Le droit des personnes physiques, 4e Cowansville, Editions Yvon Blais, 2014 au per. 171. 7 Marie Annik Gregoire, R?peration a la suite d'une atteinte aux droits a l'honneur, a la dignit?, a l'?gelit?. a la reputation et a la vie priv?e tesc 27 clans Pierre-Claude Lafond, dir, JurisClasseur Quebec-Obligations et responsabilit? civile, feuilles mobiles, Montreal, LexisNexis au para 3. Pr?c., note 17, art. 12 Nul ne sera i?objet d?immixtions arbitraires dans sa vie priv?e, sa familie, son domiciie ou sa correspondence, ni d?atteintes a son honneur et a se reputation. Toute personne a droit a la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes 19 d?cembre 1966, 999 RTNU 171, art. 17 Nul ne sera l?objet d?immixtions arbitraires ou ill?gales dens sa vie priv?e, sa famille, son domicile cu sa correspondence, ni d'atteintes ill?geies a son honneur et a sa reputation 13 d?cembre 2006, 2515 3, art. 22 Aucune personne hendicap?e, quel que soit son lieu de r?sidence ou son milieu de vie, ne sera l?objet d'immixtions arbitraires ou ili?gales dans sa vie priv?e, se iamille, son domicile cu sa correspondence ou eutres types de communication ni d?atteintes ili?gales a son honneur et a se reputation. Les personnes handicep?es ont droit a la protection de la loi centre de telles immixtions ou de telles atteintes 20 novembre 1989, 1577 RTNU 3, art. 16 1. Nul enfent ne fere l'objet d'immixtions arbitraires ou ill?gales dens sa vie priv?e, sa femille, son domicile ou sa correspondence, ni d?atteintes ill?gales a son honneur et a sa reputation. 2. L'enfent a droit a la protection de ta loi centre de telles immixtions ou de telles atteintes 25 26 27 2B 29 500-53-000416-147 Page 13 internationaux de protection des droits de la personne peuvent servir d?inspiration dans l?interpr?tation des dispositions de la Charte. [70] Le moyen de defense invoqu? par monsieur Ward repose sur la libert? d'expression et sur le caractere artistique et humoristique de ses propos. [71] La Charte garantit la libert? d'expression a son article 3 3. Toute personne est titulaire des iibert?s fondamentales telles la libert? de conscience, la libert? de religion, la libert? d'opinion, Ia libert? d?expression, la libert? de r?union pacitique et la libert? d?association. [72] L'alin?a 2b) de la Charta canadianne des droits at Iibart?s30 protege ?galement cette libert? fondamentale 2. Chacun a les libert?s fondamentales suivantes b) libert? de pens?e, de croyance, d?opinEon et d?expression, compris la libert? de la presse et des autres moyens de communication; [73] La libert? d?expression est prot?g?e par les Chartes des droits pour assurer que chacun puisse manifester ses pens?es, ses opinions, ses croyances, en fait, toutes les expressions du coeur ou de l?esprit, aussi impopuiaires, d?plaisantes ou contestataires soient-elles ?31. Elle est au coeur m?me de notre conception de la d?mocratie >92; elle permet aux individus de s??manciper, de cr?er et de s?informer, elle encourage Ia circulation d?id?es nouvelles, elle autorise la critique de l?action ?tatique et favorise - l'?mergence de la v?rit? >533. [74] La garantie de la libert? d?expression rev?t une large port?e. Elle vaut non seulement pour les "intormations" ou "id?es" accueillies avec faveur ou consid?r?es comme inoffensives ou indiff?rentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquietent I?Etat ou une fraction quelconque de la population. >>34 Elle protege tout 3? Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe de la Loi de 1982 sur [9 Canada, 1982, c.11 (R.- 31 Irwin Toy Ltd. c. Ou?bec (Procureur g?ne?ral), [1989] 1 R.C.S. 927, 968. 32 Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott, pr?c., note 3, par. 64. 33 Bou Malhab c. Diffusion Me'trom?dia CMR Inc., pr?c., note 21, par. 17. Voir aussi Soci?te? Radio- Canada c. Canada (Procureur g?n?ral), 2011 080 2. Handyside, Cour Eur. D. H., d?cision du 29 avril 1976, s?rie A n0 24, a la p. 23, cit?e avec approbation par la Cour Supreme du Canada dans l'arr?t Irwin Toy Ltd. 0. Quebec (Procureur g?n?ral), pr?c., note 31. 34 Page 14 autant les propos recherch?s que les remarques qui provoquent ?35. Des Iors qu?une activit? transmet ou tente de transmettre une signification, elle a un contenu expressif et releve a premiere vue du champ de la garantie Seul I??crit ou le discours qui exprime Ia violence ou la menace de recourir a la violence est exclu, d?entr?e de jeu, du champ d?activit? prot?g? par la libert? d?expression37. [75] Cela dit, la Cour Supreme du Canada a reconnu a maintes reprises que la libert? d?expression n?est pas un droit absolu et que des restrictions a cette libert? peuvent se justifieraa. La libert? d?expression peut ?tre limit?e par d?autres droits propres a une soci?t? d?mocratique, dont le droit a la protection de la reputation le droit au respect de l?honneur, le droit a la sauvegarde de la dignit? et la droit a l??galit?. [76] Plusieurs conventions internationales refletent ce besoin d??quiltbre entre les droits fondamentaux40. Par exemple, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Canada est partie, assujettit l?exercice du droit a la Iibert? d'expression au respect de la reputation d'autrui. La Convention am?ricaine relative aux droits de l?homme?? ainsi que la Convention de sauvegarde des droits de l?homme et des Iibert?s fondamentales?, contiennent des garanties similaires. V. ANALYSE A. La pr?sence de discrimination au sens des articles 4 et 10 de la Charte [77] C?est la plus souvent dans Ie contexte d?un recours en difiamation que les tribunaux sont appel?s a ?tablir un point d??quilibre entre la libert? d?expression et les autres droits fondamentaux. En I?espece, conform?ment a son champ de competence?, Ie Tribunal est saisi d?un recours pour discrimination. La premiere ?tape de l?analyse consiste done a determiner si les plaignants ont victimes de discrimination au sens de I?article 10 de la Charte. 35 Bou Malhab c. Diffusion M?trome?dia CMR lnc., pr?c., note 21, par. 17. Voir aussi Fl. 0. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697; R. 0. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452. Irwin Toy Ltd. 0. Quebec (Procureur general), pr?c., note 31, 969 (nos soulignements). 0. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573; Irwin Toy Ltd. c. Procureur general du Quebec, pr?c., note 31, 971; Libman c. Procureur general du Quebec, [1997] 3 569, 594; R. c. Khawaja, [2012] 2 559; Saskatchewan (Human Fiights Commission) 0. Whatcott, pr?c., note 3, par. 112. Saskatchewan (Human Rights Commission) 0. Whatcott, id., par. 64. I Bou Malhab c. Diffusion Me'trome'dia CMFI Inc., pr?c., note 21, par. 17. Voir aussi Hill c. Eglise ole scientologie de Toronto, pr?c., note 20, par. 102-106; Prud?homme c. Prud?homme, 2002 CSC 85, par. 43; Gilles E. N?ron Communication Marketing Inc. c. Chambre des notaires du Quebec, 2004 CSC 53, par. 52. Bou Malhab c. Diffusion Me'trom?dia lnc., pr?c., note 21 par. 16. 4? 1144 R.T.N.U. 123, art. 11, 13(1) et (2). 42 213 R.T.N.U. 221, art. 10. 43 Art. 111 de la Charte. 36 37 38 39 40 500-53-000416?147 Page 15 [78] a discrimination au sens de I?article 10 de la Charte Iorsque sont r?unis les trois ?l?ments suivants 1. une distinction, exclusion ou preference, 2. fond?e sur i?un des motifs ?num?r?s a l?article 10 de la Charte, at 3. qui a pour effet de d?truire ou de compromettre ie droit a une pleine ?galit? dans la reconnaissance et I?exercice d?un droit ou d'une Iibert? de la personne?. [79] Cast a la Commission qu?il incombe d??tablir ces trois ?l?ments selon Ia preponderance des probabilit?s45. Si le Tribunal parvient a la conclusion que la Commission a d?montr? que les plaignants ont victimes de discrimination au sens de I?article 10 de la Charte, i lui faudra determiner si I?atteinte a leur droit a l??galit? est justifi?e par la libert? d?expression de monsieur Ward. [80] ll est par ailleurs bien ?tabli qu'en matiere de discrimination, une victims n'a pas a prouver l'intention de discriminer ou de porter prejudice, pas plus que l'auteur d'une discrimination ne peut se justifier en prouvant sa bonne foi ou ses bonnes intentions?. 1. l_Jne distinction. exclusion our?f?rence [81] II a prouv? que J?r?my a fait I?objet de propos de la part de monsieur Ward dans son spectacle Mike Ward s?eXpose ainsi que dans trois capsules diffus?es sur le Web. II a aussi d?montr? que madame Gabriel a vis?e personnellement par certains propos de monsieur Ward. [82] En exposant J?r?my et sa mere a la moquerie, monsieur Ward les a ainsi distingu?s cu diff?renci?s dans is but de faire rire son auditoire. 2. Fond?e sur l?un des motifs ?num?r?s a l?article 10 de la Charte [83] Les propos de monsieur Ward au sujet de Jeremy et de sa mere doivent ?tre consid?r?s dans leur contexts et dans leur ensemble?. Compte tenu de sa competence en mati?re de discrimination, il est cependant n?cessaire que la Tribunal identifie avec pr?cision les propos de monsieur Ward qui sont li?s a un motif interdit de 44 Commission scolaire r?gionale de Chamny c. Bergevin, [1994] 2 525, 538; Qu?bec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) 0. Montreal (Ville); Oue?bec (Commission des droits de la personne et des droits da la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665. Art. 2804 Quebec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Ae?ronautique Centre de formation), pr?c., note 11, par. 56, 59, 65. Ou?bec (Ville de) 0. Commission des droits de la personne du Ou?bec, 1989 CanLll 613 (QCCA), [1989] 831, p. 841~842 (C.A.). Par analogie, voir en matiere de diffamation :F'rud?homme c. Prud?homme, pr?c., note 39. 45 46 47 500-53?000416-147 Page 16 discrimination. Des propos pourraient ?tre diffamatoires ou autrement fautifs sans que le Tribunal ait comp?tence pour les sanctionner. [84] La Commission soumet que les propos tenus par monsieur Ward au sujet de J?r?my sont fond?s sur son handicap. [85] La teneur du lien qui doit exister entre la difference de traitement et un motif prohib? de discrimination a pr?cis?e par la Cour Supreme du Canada dans l?arr?t Bombardier?. Le plus haut tribunal du pays a ?tain clairement qu?il n?est pas n?cessaire que la personne responsable de la distinction, de l?exclusion ou de la preference ait fond? sa d?cisicn ou son geste uniquement sur la motif prohib?; il est suffisant qu?elle se soit bas?e partiellement sur un tel motif pour que son comportement soit jug? discriminatoire?. En d?autres termes, il suffit que la motif ait contribu? aux d?cisions ou aux gestes reproch?s pour que ces derniers soient consid?r?s comme discriminatoires [86] A la lumiere de l?ensemble de la preuve, dont le num?ro du spectacle Mike Ward s?eXpose et la t?moignage de monsieur Ward, Ie Tribunal conclut que, salon la preponderance des probabilit?s, c?est parce qu?il est une personnalit? publique qui attire Ia sympathie du public at parait intouchable comme Gr?gory Charles ou C?line Dion, que J?r?my a pris pour cible. n?a pas choisi Jeremy a cause de son handicap. [87] Ainsi, Ia decision de monsieur Ward de faire des blagues sur J?r?my n??tant pas elle-m?me discriminatoire, le Tribunal doit concentrer son analyse sur les propos eux? memes afin de determiner s?ils sont ou non li?s au handicap de J?r?my. [88] Parmi I?ensemble des propos reproch?s a monsieur Ward, Ie Tribunal a identifi? quatre passages (trois lors du spectacle et le quatri?me dans une capsule) of: il est fait r?f?rence au handicap de J?r?my. [89] D?abord, dans son spectacle, monsieur Ward dit - Vous vous rappelez du petit J?r?my, t'sais le jeune avec la sub?woofer su?a t?te - J'suis all? voir sur Internet c??tait quoi sa maladie? Sais-tu c?est quoi qu?y a? Y?est lettel [90] Dans Ie m?me num?ro de son spectacle, monsieur Ward fait aussi r?f?rence a la maladie de J?r?my en mentionnant qu?il ?tait cens?ment mourant mais n'est pas 48 Oue?bec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier A?ronautique Centre de formation), pr?c., note 11. 49 Id., par. 48. 5? Id. 500-53-000416-147 Page 17 mort, d?ou sa tentative de le noyer dans un Club Piscine et son constat qu?il n'est pas tuable [91] Ces propos au sujet de J?r?my sont tenus dans Ie contexts d?un num?ro d?humour intitul? Les lntouchables dans lequel plusieurs autres personnalit?s publiques sont ?corch?es, notamment sur la base de leur apparence physique. Ce qui distingue J?r?my des autres personnes vis?es par monsieur Ward dans son num?ro, est le fait que les caract?ristiques physiques mentionn?es par monsieur Ward sont li?es a son handicap ou a l?utilisation d?un moyen pour pallier un handicap. [92] D'autre part, dans une capsule diffusscene J?r?my en tant que personnage, monsieur Ward qualifie ce dernier de pas beau qui chante II fait aussi r?f?rence au fait que la bouche de J?r?my ne ferme pas au complet. Du meme souffle, le personnage de J?r?my enchaine en disant: C?est une operation que j?aurais aim? avoir, male 93 l?air que j?aimais mieux mettre tout mon argent dans Ie char sport que ma mere a achet?. Faque la moi je suis pogn? avec ma petite boite de son sur la t?te, ma gueule qui ne ferme pas pis un livre assez moyen merci. Ces propos ont un lien avec le handicap de Jeremy. [93] Le Tribunal pr?cise qu?il n?a pas competence pour juger des propos possiblement di?amatoires de monsieur Ward quanta la fagon dont madame Gabriel a administr? les sommes pergues par son fils dans le cadre de ses activit?s professionnelles. Cependant, dans le passage cit? pr?c?demment, le Tribunal note un lien entre les soins regus par J?r?my, les moyens utilises pour pallier son handicap et les insinuations de monsieur Ward quanta la facon dont madame Gabriel aurait utilise l'argent de son file. [94] Par contre, le Tribunal juge que les propos tenus par monsieur Ward dans la capsule on) Is personnage de J?r?my chante une chanson grivoise ne sent pas fond?s sur son handicap. [95] Monsieur Ward a reconnu l?existence d?une autre capsule mettant en scene le personnage de J?r?my. Cette capsule n?a toutefois pu ?tre retrouv?e et produite en preuve devant le Tribunal. Selon le t?moignage de J?r?my, i ?tait question do pape et de p?dophilie dans cette capsule. Le Tribunal juge que ces propos sont sans lien avec le handicap de J?r?my. [96] Le Tribunal doit maintenant determiner si les propos de monsieur Ward relatifs au handicap de J?r?my ont port? atteinte au droit a l??galit? de ce dernier et de ses parents dans la reconnaissance et l?exercice des droits a la dignit?, a l?honneur et a la reputation. 500-53-000416-147 Page 18 3. Qui a pour effet de d?t_r_qire ou de comprometLre le groit a une pleine ?cialit? glans lg reconna__issance et l?exercice c_l?un c_lroit ou d?une Iibert? de la personne [97] Le Tribunal juge que ies propos de monsieur Ward au sujet du handicap de J?r?my et de I?utilisation d?un moyen pour pallier son handicap ont port? atteinte, de fagon discriminatoire, au droit de J?r?my au respect de sa dignit?, de son honneur et de sa reputation. [98] Dans I?arr?t Calego, Ia Cour d?appel du Quebec a souiign? que Ie but poursuivi par I?article 4 et ne saurait ?tre de permettre a toute personne qui, subjectivement et meme de bonne foi, se croit vis?e par une insulte ou par une injure a teneur discriminatoire, de brandir avec courroux ies notions de dignit? ou d?honneur et de demander reparation par voie do justice. Ainsi, pour parvenir a d?montrer une atteinte discriminatoire au droit au respect de sa dignit? ou au droit a la sauvegarde de son honneur, une personne doit avoir essuy? un affront particulierement m?prisant et lourd de consequences pour elle ?52. Les propos doivent ?tre appr?ci?s dans le contexte pr?cis 01] se trouve la personne qui s'estime victime de discriminationsa. [99] Le Tribunal n?a aucun doute que les propos de monsieur Ward seion Iesquels J?r?my est iette a un sub-woofer sur la t?te et a une petite bouche qui ne ferme pas atteignent le degr? de gravit? exig? par la Cour d'appel. J?r?my a Ionguement t?moign? au sujet de la d?tresse que ces propos, ensuite r?p?t?s par d?autres, ont engendr?e chez lui et ses parents. [100] La dignit? humaine est d?finie par la Cour Supreme du Canada ainsi: La dignit? humaine signifie qu'une personne ou un groupe ressent du respect et de l'estime de 501. Elle releve de l'int?grit? physique et et de la prise en main personnelle. La dignit? humaine est bafou?e par le traitement injuste fond? sur les caract?ristiques ou la situation personnelle gui n'ont rien a voir avec les besoins, les capacit?s ou Ies m?rites de la personne. 4 [101] La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicap?es55 de 2006 reconnait que toute discrimination tond?e sur Ie handicap est une negation de la dignit? et de la vaieur inh?rentes a la personne humaine. 5? Calego International Inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pr?c., note 12, par. 98. 52 par. 99. 53 par. 102. 54 Law c. Canada (Ministers de I'Emploi et de l'immigration), 1999 CanLli 675 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 497, per. 53). 55 Pr?cit? note 28 au pr?ambule, par. h. 500-53-000416-147 Page 19 [102] L'effet des propos de monsieur Ward est de distinguer Jeremy par rapport a d'autres personnes qui n'ont pas de handicap. Ses propos sont discriminatoires et ont port? atteinte au respect de sa dignit? et son honneur. Ce genre de comportement est clairement interdit par la Charte. De plus, Ie Tribunal croit J?r?my quand il a?irme avoir humili? par ces propos. Son t?moignage d?montre clairement qu?il s?est senti diminu? par rapport aux autres. [103] Selon la Cour Supreme du Canada, une atteinte a la reputation se traduit par une diminution de I?estime et de la consideration que les autres portent a la personne qui est I?objet des propos Pour determiner s?il a eu atteinte a la reputation de J?r?my, le Tribunal doit donc se demander si les propos de monsieur Ward ont diminu? I'estime que Ie citoyen ordinaire porte a ce dernier57. [104] L?ensemble des t?moins qu?a fait entendre Ia Commission se sont dits pr?occup?s des repercussions des propos de monsieur Ward sur la reputation et la carriere artistique de Jeremy. [105] Selon son t?moignage, J?r?my a moins sollicit? a compter de 2008. II a Iaiss? entendre devarit le Tribunal que des organismes ont refuse de s?associer a lui en raison des propos de monsieur Ward a son sujet. Cependant, il a incapable d?identitier ces organismes. [106] Monsieur Lavoie rench?rit. A son avis, les propos de monsieur Ward ont nui a la carriere de J?r?my pour qui, en tant qu?? enfant handicap? il ?tait d?ja difficile d??tre pris au s?rieux. Incidemment, dans son milieu de travail, le pere de J?r?my a entendu des collegues reprendre les blagues de monsieur Ward au sujet de son fils. [107] Madame Gabriel fait un lien entre les blagues de monsieur Ward et Ie ralentissement des activit?s professionnelles de son fils. J?r?my ?tait auparavant sollicit? pour des collectes de fonds, notamment par des ?glises et par Enfant Soleil. Selon elle, plus it eu de sketchs, moins Ie telephone a sonn?. Maintenant, ii ne sonne plus pantoute Les propos de monsieur Ward ont done so, a son avis, un gros impact sur la carriere de son fils. [108] II a prouv? que les activit?s professionnelles de J?r?my ont ralenti a compter de 2008. Cependant, la Commission n?a pas ?tabli, selon la preponderance des probabilit?s, que cela d?coule des propos de monsieur Ward. [109] La preuve de la Commission r?v?le que la carriere de J?r?my a d?but? en 2005 par sa participation a l??mission Donnez au suivant et la chant de l?hymne national avant on match des Canadiens de Montreal. Elle a connu son apogee lorsqu?il a rencontr? Celine Dion et a chant? devant Ie pape au printemps 2006, alors qu?il ?tait age de 9 ans. La meme ann?e, il a lance on album. L?ann?e suivante, son 56 Bou Malhab c. Diffusion M?trome?dia Ina, pr?c., note 21 par. 27. 57 Id., par. 32. 500-53-000416-147 Page 20 autobiographie a publi?e. Puis, en 2008, ii a particip? a un documentaire pour faire connaitre le de Treacher Collins, dont il est atteint. Par la suite, ses activit?s professionnelles ont consist? a donner quelques concerts at a participer a di??rentes collectes de fonds. Dans la plupart de ses activit?s, J?r?mya agi b?n?volement. [110] Les accomplissements de J?r?my sont certes admirables, mais ils ne t?moignent pas d?une carriere artistique bien ?tablie. Comme l?ont soulign? Jean Perruno et Steeve Lavoie, il est difficile pour on artists de percer. Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi J?r?my a moins sollicit? a partir de 2008. La preuve ne permet pas de conciure que les blagues de monsieur Ward au sujet de son handicap en font partie. [111] De meme, la preuve ne permet pas de conciure que les propos de monsieur Ward en lien avec le handicap de J?r?my ont port? atteinte a la reputation de ce dernier aupr?s de son entourage, compris les membres des communaut?s religieuses. Essentieilement, le t?moignage de madame Gabriel sur cette question fait ?tat de ses impressions quant a la maniere dont les pr?tres et les religieuses ont pu interpreter certaines allusions a des actes de pedophilia. Selon Ia preponderance de la preuve, les propos Iitigieux dont le Tribunal est saisi, c?est-a-dire ceux en lien avec Ie handicap de J?r?my, n'ont pas contribu? a ce que les communaut?s religieuses s??loignent de la famille Gabriel, en supposant qu?elles aient v?ritablement pris leurs distances. [112] Selon J?r?my et madame Gabriel, les propos de monsieur Ward ont aussi eu un gros impact pour J?r?my a l??cole. En 2010, ii a commence a se faire ?coeurer les blagues de monsieur Ward au sujet de son apparence physique ont reprises par les camarades de classe. Cast a as moment que J?r?my a v?ritablement pris conscience de sa difference. Les enfants lui faisaient dire le mot p?dophile et ont fait plusieurs blagues sur le theme de la p?dophilie. Madame Gabriel ?tablit aussi un lien entre les blagues de monsieur Ward et le fait que des enfants aient trait? J?r?my de lette et de mongol [113] Le pere de J?r?my a mentionn? dans son t?moignage que ce dernier avait regu des courriels de menaces ou d?insultes. en recoit encore. Certains de ces courriels reprennent des propos tenus par monsieur Ward. II ressort toutefois aussi de son t?moignage que J?r?my a commence a recevoir des courriels d?plac?s dans I?ann?e qui a suivi sa prestation devant Ie pape, soit bien avant que monsieur Ward le prenne pour cible. [114] En ce qui concerns les moqueries dont J?r?my a victime a I??cole, le Tribunal retient des t?moignages de J?r?my et de sa mere que la plupart des blagues ont port? sur la performance de J?r?my devant le pape et la p?dophilie. Ces blagues ne rev?tent pas un caractere discriminatoire. Par contre, le Tribunal note qu?en s?inspirant des propos de monsieur Ward, des ?leves ont fait des blagues sur son implant et sur sa bouche. Monsieur Lavoie a d?ailleurs rapport? que certains de ses 500-53-000416-147 Page 21 collegues ont aussi fait des blagues sur le physique de J?r?my en reprenant les propos de monsieur Ward dans ses capsules. [115] Exposer une personne a des taquineries ou des moqueries peut constituer une atteinte discriminatoire au droit au respect de la r?putatio?nss. Selon la Cour d?appel du Qu?bec dans Soci?t? Radio-Canada c. Radio Sept-lies Inc., il a difiamation lorsqu'une personne tient des propos qui font perdre l'estime ou la consideration de quelqu'un ou qui, encore, suscitent a son ?gard des sentiments d?favorables ou d?sagr?ables; [la difiamation] implique une atteinte injuste a la r?putation d?une personne, par le mal que I?on dit d?elle ou la haine, le m?pris ou le ridicule auxquels on l?expose. 9 Dans Fillion c. Chiasson, la Cour d?appel a jug? que la d?nigrement d'une personne (par des moqueries sur son apparence physique constitue une atteinte a la reputation 0. Lorsque ces moqueries concernent des caract?ristiques physiques li?es a un handicap, l?atteinte a la reputation rev?t un caractere disoriminatoire. [116] En somme, a la lumiere de l?ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que les propos de monsieur Ward en lien avec le handicap de J?r?my n?ont pas alt?r? sa reputation professionnelle aux yeux de la communaut? artistique, des organismes de bienfaisance et des communaut?s religieuses. Par contre, le Tribunal considere qu?en exposant J?r?my a la moquerie en raison de son apparence physique caract?ris?e par son handicap, monsieur Ward a port? atteinte, de fagon discriminatoire, au droit au respect de la reputation de ce dernier. Cela dit, le Tribunal ne croit pas que monsieur Ward soit a l?origine de toutes les moqueries dont J?r?my a pu ?tre victime en raison de son apparence. Le Tribunal reviendra sur cette question au moment d??valuer Ie pr?judice subi par J?r?my. B. Le moyen de d?fense fond? sur la libert? d?expression [117] Le droit a l??galit? n?est pas absolu. La personne qui aux articles 4 et 10 de la Charte peut ?tre exon?r?e de toute responsabilit? si elle parvient a d?montrer que la difference de traitement d?nonc?e par la partie plaignante est justifi?e. Apres avoir conclu que J?r?my a victime de discrimination, le Tribunal doit maintenant determiner si l?atteinte a son droit a l??galit? est justifi?e par la Iibert? d?expression de monsieur Ward. [118] Quand deux droits quasi constitutionnels s?entrechoquent dans un Iitige priv?, comme c'est la cas en l'espece, il convient de proc?der a un exercice de pond?ration ou de conciliation des droits en presence?. Cet exercice est Ie plus souvent effectu? an application de I?article 9.1 de la Charte. Cette disposition pr?voit que 5'3 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Dan-My Inc., 1998 CanLll 18453. 59 Soci?t? Radio-Canada 0. Radio Sept-lies Inc., [1994] R.J.Q. 1811 (C.A.). 5" Fillion c. Chiasson, 2007 QCCA 57o. 5? Fioy c. Corporation Sun Media (Journal de Quebec), 2016 0000 3878, par. 71. 50053?000416-147 Page 22 9.1 Les libert?s et droits fondamentaux s?exercent dans le respect des valeurs d?mocratiques, de l?ordre public et du bien-?tre g?n?ral des citoyens du Quebec. La loi peut, a cet ?gard, en fixer la port?e et en am?nager I'exercice. [119] L?application de cette disposition justificattve vise a determiner si une mesure qui porte atteinte prima facie a l?un des droits fondamentaux prot?g?s par les articles 1 a 9 de la Charte peut ?tre justifi?e dans la cadre d?une soci?t? libre at d?mocratique. Aucune disposition d?exception analogue a l?article 9.1 ne se retrouve au chapitre de la Charte, dans lequel est enchass? ie droit a l??galit?. C?est pourquoi la Cour Supreme ds Canada juge que l?article 10 n'est pas soumis a I?analyse de l'article 9.162. [120] Bien que l?article 10 ne soit pas soumis directement a l?article 9.1 de la Charte, cette clause de justification s?applique indirectement lorsqu?il a contravention au droit a I??galit? dans l?exercice d?un droit ou d?une libert? garantis par les articles 1 a 963. [121] De la meme tacon, I?article 9.1 de la Charte est applicable, indirectement, pour determiner si une atteinte discriminatoire au droit a la sauvegarde de sa dignit?, au droit a la sauvegarde de son honneur ou au droit a la sauvegarde de sa reputation est justiti?e cu non. La n?cessit? de concilier les diff?rents droits prot?g?s par la Charte n?est d?ailleurs pas uniquement pr?vue par I?article 9.1. Elle apparait aussi clairement a la lecture du quatrieme consid?rant du pr?ambule de la Charte les droits et libert?s de la personne humaine sont ins?parables des droits et libert?s d?autrui et du bien-?tre g?n?ral [122] La recherche d?un ?quilibre entre le droit a l??galit? dans la reconnaissance et l?exercice des droits au respect de la reputation, de l?honneur et de la dignit? et la libert? d'expression est an exercise d?licat. [123] Dans I?arr?t Whatcott, la Cour Supreme a ?tabli que les ?crits et les discours ne seront pas trait?s sur un pied d??galit? lorsqu?il s?agit de trouver un juste ?quilibre entre des valeurs concurrentes selon leur nature, les divers types d??crits et de discours se rapprochent ou s??loignent relativement des valeurs fondamentales a la base de la libert? [d?expression], ce qui a son tour influe sur la valeur de l??crit ou du discours en question par rapport aux autres droits garantis par la Charte dont l?exercice ou la protection peut porter atteinte a la libert? d?expression.?E34 Ainsi a bien des fagons d?exercer sa facult? d?expression et toutes ne constituent pas, sur un meme pied d??galit?, l'exercice d?une libert? fondamentale [124] Dans I?arr?t Irwin Toy, la Cour Supreme a d?gag? les trois valeurs sous-jacentes au droit a la libert? d?expression, a savoir I??panouissement personnel, la recherche de 62 Devine 0. Ou?bec (Procureur g?n?ral), [1988] 2 R.C.S. 790. 63 Id.. p. 818?819. 64 Saskatchewan (Human Flights Commission) 0. Whatcott, pr?c., note 3, par. 112. 55 Calego International Inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pr?c., note 12, par. 1t4. 500-53-000416-147 Page 23 la v?rit? par l??change ouvert d?id?es et le discours politique qui est fondamental pour la d?mocratiess. Plus le propos litigieux est li? a I?une de ces valeurs, plus grand est son poids dans I?exercice de pond?ration des droits. [125] La Cour Supreme a jug? que le discours politique doit jouir d?une reconnaissance particuliere sur la plan de la libert? d?expression67. Pour trancher ce Iitige, Ie Tribunal doit determiner si les propos humoristiques b?n??cient aussi d?un statut particulier. [126] Le Tribunal a d?ga etain que I?expression de la colere ne saurait justifier des propos discriminatoires6 . A I?tnverse, la volont? de faire rire pourrait-elle rendre licites de tels propos [127] Dans l?arr?t Whatcott, Ia Cour Supreme indique que l?humour permet de tenir des propos d?nigrants ou blessants susceptibles de porter atteinte a la dignit? des membres d?un groupe prot?g? Les formes d?expression qui critiquent et qui cultiVent l?humour au detriment d?autres personnes peuvent ?tre d?nigrantes au point de devenir r?pugnantes. Les representations qui rabaissent un groupe minoritaire ou qui portent atteinte a sa dignit? par des blagues, des railleries ou des injures peuvent ?tre blessantes. Toutefois, pour les raisons que j?ai expos?es, les id?es o?ensantes ne sufiisent pas pour justifier une atteinte a la libert? d?expression.69 [128] Ce faisant, la Cour Supreme scuscrit a la position adopt?e par la Cour d?appel de la Saskatchewan dans l?a?aire Owens [traduction] Bien des propos prot?g?s de touts ?vidence par la Constitution exposent dans une certaine mesure au ridicule, rabaissent ou portent atteinte a la dignit? pour des motifs tond?s sur la race, la religion et autres. J?ai a l'esprit, a titre d'exemple, la caricature qui ridiculise des personnes originaires d'un pays en particulier, l'article de magazine qui critique le programme des politiques sociales d?un groupe religieux, et ainsi de suite. Dans le cadre d?une d?mocratie saine et solide, la libert? d?expression doit faire place a as type de [129] Le Iitige dont Ie Tribunal est saisi se distingue du fait que les propos discriminatoires de monsieur Ward ne visaient pas un groupe mais une personne en 66 Irwin Toy Ltd. c. Quebec (Procureur general), pr?c., note 31, 976; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, par. 23; Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott, pr?c., note 3, par. 55. 67 R. c. Sharpe, id. 63 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Lamarre, 2004 Can 48550 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Entreprise conjointe Pichette, Lambert, Somec, 2007 21; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Brisson, 2009 3; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Abdelkader, 2012 17. Saskatchewan (Human Rights Commission) 0. Whatcott, pr?c., note 3, par. 90. 7? Owens v. Saskatchewan (Human Rights Commission), 2006 par. 53. 69 500-53-000416?147 Page 24 particulisr?. La question est donc ds determiner si la libsrt? d?expression prot?g?s par la Charts psrmet ds faire des blagues discriminatoires sn lien avec le handicap d?uns personne nomm?msnt identifies. [130} En matiere de diffamation, les tribunaux ont d?gag? uns s?rie de critsres qui ds determiner si l?attsinte a la reputation d?une personne est justifi?e par la liberte' d?expressicn. La v?racit? des propos st l?int?r?t public sont des facteurs Le contexts dans lequel les propos ont prononc?s, ls ton employ?, l'identit? de l?autsur propos st cells de la victims le sont ?galemsnt. Le Tribunal sstims que ces sont aussi utiles au moment ds determiner si uns atteints discriminatoirs au droit a la sauvegards de la reputation, au respect de l?honnsur et a la sauvegaide de la dignit? est justifi?e par la libsrt? d'expressicn. [131] Le litige oppose deux personnalit?s publiquss. Les propos reproch?s a monsieur Ward ont tenus pubiiquement, sur scene st sur le Web. Les capsules diffus?es sur is Web sont concues rapidement alors que pour ses spectacles, les blaguss sont r?dig?es a l?avancs st tsst?ss devant public. C?est ls rirs du public qui sert de balise a monsieur Ward. Si ls public rit, c?est que la blague est r?ussie st doit conserves. Dans le num?ro Les lntouchables les blaguss sur J?r?my ont toujours remport? du succes. [132] Monsieur Ward affirms que son objectif est de faire rire mais aussi de brissr tabous. Selon lui, on peut rire ds tout, mais pas avec n?imports qui. Pour lui, rire d?une personne ayant un handicap, c?sst lui fairs uns place st ns pas la prendre en piti?. Dans son t?moignags, monsieur Ward reconnait cependant ns pas s??tre souci? ds la facon dont ses propos allaisnt ?tre recus par J?r?my st sa famille. [133] L?humour psut csrtes avoir des vertus educatives73 ou inclusivss, mais il doit, pour cs fairs, ?trs exerc? dans ls respect de la dignit? ds la personne vis?e. Aucune forms d?humour ns fait exception a cstte Dans l?affaire Commission des droits ds Ia personne at dos droits ds Ia c. Villemaire, ls Tribunal a jugs que ?l?humour ne peut servir de pr?texte, de paravent ou de justification a une conduits discriminatcire>>75. En fait, il peut m?me constituer un facteur aggravant Selon les circonstances, il psut meme constituer uns forms particulisrsment insidieuss de discrimination. Tenter de faire rire a propos ds caract?ristiques psrsonneliss qui constituent des motifs interdits ds discrimination comports un risque ?vident de banalisation ds l'interdiction ds la discrimination. L?humour 7? Calsgo International Inc. 0. Commission droits de la personne st des droits ds la pr?c., note 12, paragraphs 112. Prud?homms c. Prud?homms, pr?c., note 47; Gilles E. N?ron Communication Marketing Inc. c. Chambre des notairss du Quebec, pr?c., note 47, par. 60. 73 Commission des droits ds Ia personne c. Lemay, 1995 CanLli 10775 (QC TDP). 74 Rosenberg c. Lacsrte, 2013 0003 6286, par. 155. 75 Commission des droits de la personne st des droits ds Ia c. Viliemaire. 2010 8, par. 46. 72 500-53?000416-147 Page 25 peut avoir pour efiet d'isoler encore davantage la personne qui fait l'objet de discrimination, en attirant les rieurs du cots de celui q7ui se moque et en discr?ditant les protestations de la victims ds discrimination. 6 [134] Des propos inacceptablss en priv? ne deviennent pas automatiquement licites du fait d??trs prononc?s par un humoriste dans la sphere publique. Plus encore, Ie fait ds disposer d?une tribune impose certaines responsabilit?s. Un humoriste ne peut agir uniquement en fonction des rires de son public; il doit aussi tenir compte des droits fondamentaux des personnes victimes de ses blagues. [135] Pas plus que leur nature humoristique, le caractere artistique des propos de monsieur Ward ne saurait le mettre entierement a l?abri des recours. La libert? d?expression comprend la libert? d?expression artistique, sans toutefois que celle-ci ait un statut sup?rieur a la libert? d?expression generals". La libert? d?expression artistique est donc aussi Iimit?e par les autres droits prot?g?s par la Charte. [136] Eri l?espece, J?r?my a pris pour cible, nomm?ment et a plusieurs reprises, par monsieur Ward, et cs, sans jamais avoir consenti. Ce consentement constitue la difference importante avec la situation de monsieur Dave Richer, dont a fait mention monsisur Ward dans son t?moignage. Le fait que J?r?my soit connu du public so raison de ses activit?s artistiques l?expose a ?tre l?objet de commentaires et de blagues sur la place publiquem, mais cela ne saurait ?tre interpr?t? comme une renonciation a son droit au respect de son honneur, de sa reputation et de sa dignit?, sans discrimination fond?e sur son handicap ou l?utilisation d?un moyen pour pallier ce handicap. [137] Le Tribunal note, par ailleurs, que les blagues a monsieur Ward ne soulevent pas une question d?int?r?t public et ne s?inscrivent pas dans le cadre d?uri d?bat public sur des questions d?int?r?t general?. [138] En tenant compte du contexts, le Tribunal conclut que les blagues de monsisur Ward ont outrepass? les limitss de ce qu?une personne raisonnable doit tol?rer au nom de la libert? d'expressiori. La discrimination dont J?r?my a victims est injustifi?e. ?5 Id. Aubry c. Editions Vice-Verse lnc., {199811 no.3. 591. 78 Elena c. Editions Bang Bang Inc., 2011 QCCS 2624, par. 82; Beaudoin G. La Lt?e, 1997 CanLEl 8365 (QC CS), par. 50 a 52; Kanavaros c. Artinian, 2010 QCCS 3398. Voir au meme e?st Aubry c. Editions Vice?Verse, id., par. 58.; Wis Fiadio Ltd. 0. Simpson, 2008 CSC 40, par. 75.; Landry c. Dumont, 2012 QCCS 2769, par. 52-53; Rosenberg c. Laoerte, 2013 9008 6286. par. 177. Calego International Inc. 0. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pr?c., note 12, par. 114. 79 500-53-000416-147 Page 26 C. Les r?clamations des parents [139] Le Tribunal doit determiner si les parents de J?r?my ont aussi victimes de discrimination fond?e sur le handicap de leur fils ou leur ?tat civil. La jurisprudence de la Cour d?appel sur cette question est partag?e. [140] Dans I?arr?t Commission scolaire dos Phares (2006),, la Cour d?appel a confirm? la conclusion par Iaquelle le Tribunal avait condamn? la commission scolaire a verser conjointement a un ?leve handicap? eta ses parents une somme de 30 000 35 a titre de dommages moraux?). [141] Cependant, dans l?arr?t Commission scolaire des Phares (2012), la Cour d?appel a annul? la conclusion du Tribunal ordonnant Ie versement de dommages moraux aux parents d?un enfant victime de discrimination sur la base de son handicap?. La Cour a alors ?tabli une distinction entre la situation de l?enfant handicap? qui fait l?objet de discrimination et la situation de ses parents Les parents de Jo?l n'ont pas victimes de discrimination en raison des decisions prises par l'appelante. Seul ce dernier 3 cu non victime d'exclusion. Dit autrement, les parents de Jo?l n'ont pas regu un traitement different en raison de la trisomie de leur iils.82 [142] Dans l?arr?t Beauchesne c. Syndicat des cols bleus regroupe?s de Montreal (SCFP-301), Ia Cour d?appel a r?it?r? que les parents d?un enfant handicap? ne peuvent invoquer pour eux~m?mes les garanties offertes par la Charte. En parlant de la mere de l?enfant, la Cour ?crit [103] Beauchesne n?est pas handicap?e et elle ne fait pas usage d'un moyen pour pallier un handicap. C?est son fils qui est handicap? et pour qui sa pr?sence repr?sente un moyen de pallier. Or, comme Ie plaide le Syndicat et dans l'?tat actuel des choses, la Charte qu?b?coise ne permet pas a one personne d?invoquer pour elle-rn?me le handicap d'une autre ou le fait d'?tre le moyen utilis? par cette autre personne. Ie cas ?ch?ant, pour pallEer son handicap.83 [143] Plus r?cemment, cependant, la Cour d?appel a nuanc? sa position en jugeant que les parents qui se consacrent a l'entrainement d?un chien d?assistance destin? a 7 Commission scolaire des Phares c. Commission des .droits de la personne et des droits de. la . jeunesse, 2006 QCCA 82. Commission soolaire des Phares 0. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012 QCCA 988. Voir aussi Commission cles droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Commission scolaire de Montreal, 2014 5 (requ?te pour permission d?appeler accueillie 2014 QCCA 1761); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse 0. Destination Dollar Plus Inc., 2014 15. Commission scolaire de's Phares c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, id., par. 182. (nos soulignements). Beauchesne c. Syndicat des cols bleus regroup?s de Montreal 2013 QCCA 2069. B1 82 83 500-53-000416-147 Page 27 leur fils b?n?ficient de la protection de la Charts, m?me en l?absence de ce derniera?. Dans cette affairs, les parents avaient eux-m?mes victimes d?un refus de location an raison de la presence du chien d?assistance de leur enfant. Dans le passe, le Tribunal a aussi jug? qu?il a discrimination fond?e sur l??tat civil lorsqu'une personne fait elle-meme l?objet d?un traitement pr?judiciable diff?rent en raison de l?iclentit?85 ou des caract?ristiques particulierese?6 de son entant ou de son conjoint. [144] En somme, les tribunaux reconnaissent qu?un parent est victime de discrimination lorsqu?il fait luium?me l?objet d?une difference de traitement pr?judiciable en lien avec une caract?ristique personnelle de son enfant. [145] En l?esp?ce, la mere de J?r?my a regu un traitement diff?rent en raison du handicap de son tils. [146] La mere de J?r?my a personnellement fait l?objet de blagues de la part monsieur Ward. Elle n?a pas cibl?e en tant que madame Gabriel mais en tant que mere de J?r?my. Les blagues la concernant ne sont pas toutes discriminatoires. Par example, les blagues insinuant que les r?ves r?alis?s par J?r?my sont ceux de sa mere et non les siens ne sont pas discriminatoires. Cependant, dans i?une des capsules of: monsieur Ward met en scene le personnage de J?r?my, monsieur Ward souligne que la bouche de J?r?my ne ferme pas au complet et ajoute: C?est une operation que j?aurais aim? avoir, mais ca l?air que j?aimais mleux mettre tout mon argent dans le char sport que ma mere a achet?. Faque la moi je suis pogn? avec ma petite boite de son sur la t?te, ma gueule qui ne ferme pas pis un livre assez moyen merci?. Monsieur Ward insinue que J?r?my n?a pas pu obtenir les meilleurs soins parce que sa mere a pr?f?r? utiliser son argent a d?autres fins. Cette blague vise madame Gabriel personnellement et elle est li?e au handicap de son fils._ N?th du handicap de J?r?my, madame Gabriel n?aurait pas fait l?objet de cette blague d?sobligeante. Le Tribunal voit une atteinte discriminatoire a son droit, a la sauvegarde de sa dignit?, de son honneur et sa reputation. Cette blague outrepasse les limites de ce qu?une personne raisonnable doit tol?rer au nom de la libert? d'expression. Ce moyen de defense est donc rejet?. [147] Quant a monsieur Lavoie, il a tres touch? par les propos de monsieur Ward au sujet de son fils et de sa conjointe. ll a ?prouv? de la colere, de la tristesse et un sentiment d?impuissance. Cependant, il n?a pas lui-m?me victime d?un traitement pr?judiciable de la part de monsieur Ward. Le Tribunal comprend les sentiments exprim?s par monsieur Lavoie, mais rejette les r?clamations le concernant. 84 85 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunessa c. 2015 QCCA 1544. Brossard 0. Commission des droits de la personne du Ou?bec, [1988] 2 R.C.S. 279; B. 0. Ontario, 2002 080 66. Commission des droits da Ia personne et des droits da Ia jeunesse c. Industriella Alliance, assurances auto at habitation Inc., 2013 7; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Quebec (Ville de), 2013 32. 86 500-53-000416-147 Page 28 VI. LES REPARATIONS [148} La Commission a pr?sent? des demandes d?ordre mon?taire ainsi qu?une demande d?ordonnance. [149] La Commission r?clame a titre de dommages moraux un montant de 40 000 pour J?r?my et un montant de 10 000 pour chacun de ses parents. Le Tribunal est d?avis que des dommages moraux doivent ?tre accord?s a Jeremy eta sa mere. [150] Mesurer le dommage moral et determiner l?indemnit? cons?quente constitue une tache delicate et torc?ment discr?tionnaireBT. {151] En l?espece, il lmporte de distinguer entre les al?as de la vie dont J?r?my et sa famille ont victimes et Ie prejudice qui d?coule des propos de monsieur Ward. Compte tenu du champ de competence du Tribunal en matiere de discrimination uniquement, il faut au surplus distinguer le prejudice qui d?coule des blagues discriminatoires de monsieur Ward du prejudice qui d?coule possiblement de ses autres blagues concernant J?r?my et sa mere. [152] II a mis en preuve que les difficult?s scolaires de J?r?my sont en partie attribuables a ses absences fr?quentes dues a ses problemes de sant? et a ses activit?s professionnelles. La mere de J?r?my a t?moign?, par ailleurs, au sujet des difficult?s rencontr?es avec certains enseignants qui ne respectaient pas le plan d?intervention pr?vu pour son fils. [153] II a aussi mis en preuve que les moqueries dont J?r?my a victime a l??cole ?taient principalement li?es a sa prestation de chant devant le pape et non a son handicap. La mere de J?r?my a longuement t?moign? sur les blagues de p?dophilie dont son file a victime. D?ailleurs, i ressort des t?moignages de ses deux parents que J?r?my a fait I?objet de blagues et d?insinuations sur le theme de la p?dophilie bien avant que monsieur Ward le prenne pour cible. [154] La mere de J?r?my a t?moign?? que depuis Ia naissance de J?r?my, Ie regard des autres est pesant. Elle a aussi reconnu que J?r?my s?est fait trapper alors qu?il ?tait plus jeune et s?est fait insulter bien avant que monsieur Ward fasse des blagues a son sujet. [155] A la lumiere de i?ensemble de la preuve, le Tribunal comprend que les blagues discriminatoires de monsieur Ward ont contribu? a rendre plus di?icile encore la r?alit? de J?r?my en tant qu?entant ayant un handicap, son entr?e dans l?adolescence et son passage a l??cole secondaire. J?r?my a t?moign? au sujet de la d?tresse dans Iaquelle il a v?cu pendant cette p?riode. Ses parents, madame Bourget et monsieur Perruno ont aussi t?moign? au sujet des changements de comportement observes chez J?r?my a B7 Calego International Inc. 0. Commission des droits de la personne et des drafts de la jeunesse, pr?c.. note 12, par. 59. 500-53-000416-147 Page 29 cette p?riode. Ce dernier a perdu sa joie de vivre, s?est repli? sur Iui-m?me eta meme eu des id?es suicidaires. [156] Les difficult?s v?cues par J?r?my ne sont pas toutes imputables a monsieur Ward et les blagues don't il a victime ne rev?tent pas toutes un caractere discriminatoire. Pour ces raisons, le Tribunal estime appropri? de lui accorder un montant de 25 000 en guise de reparation pour le prejudice moral subi en raison des propos discriminatoires de monsieur Ward. Pour fixer ce montant, Ie Tribunal tient compte du fait que les blagues discriminatoires de monsieur Ward ont r?p?t?es a de nombreuses reprises pendant sa tourn?e qui a dur? plus de deux ans, et ont largement di?us?es. [157] Dans son t?moignage, madame Gabriel a relate de fagon convaincante les e?ets des blagues de monsieur Ward a son sujet. Dans son milieu de travail, elle a pergue comme une mere qui profitait de son enfant. Nul doute que cette situation l?a grandement affect?e et I'afiecte encore. Cependant, la plupart des blagues a son sujet ne rev?tent pas un caractere discriminatoire et le Tribunal n?a pas competence pour decider de leur caractere diffamatoire ou non. Dans ce contexte, le Tribunal estime qu?un montant de 5 000 est une reparation appropri?e pour le prejudice moral que a occasionn? la blague discriminatoire de monsieur Ward au sujet de la chirurgie qu?elle aurait refus?e a son fils. [158] La Commission r?clame a titre de dommages punitifs un montant de 10 000 pour J?r?my et un montant de 5 000 pour chacun de ses parents. Le Tribunal conclut que des dommages punitifs doivent ?tre accord?s a J?r?my eta sa mere. [159] Les dommages punitifs poursuivent des objectifs de punition, de dissuasion et de d?nonciation des comportements jug?s particuli?rement r?pr?hensiblesea. L?attribution de dommages punitifs vise a punir l?auteur d?une atteinte illicite et intentionnelle a un droit prot?g? par la Charte, a la dissuader de r?cidiver, a d?courager les tiers d?agir de la meme fagon et a exprimer Ia d?sapprobation face a ce comportement. [160] Dans l'arr?t Syndicat national des employ?s de I?h?pital St-Ferdinand, la Cour Supreme a pr?cis? en ces termes les circonstances dans lesquelles une condamnation au paiement de dommages punitifs est possible an vertu de l?article 49 alin?a 2 de la Charte ll aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alin?a de l'art. 49 de la Charte lorsque l?auteur de l'atteinte illicite a un ?tat d'esprit qui denote un d?sir, une volont? de causer les consequences de sa conduite fautive ou encore s?il agit en toute connaissance des consequences, imm?diates et natureiles ou au moins extremement probables, que cette conduite engendrera. Ce critere est moins strict que l?intention particuliere, mais d?passe, toutefois, la simple Ba de Monrigny c. Brossard (Succession), 2010 CSC 51, par. 47 et suiv. 500-53?000416?147 Page 30 negligence. Ainsi, l?insouciance dont fait preuve un individu quant aux consequences de ses actes fautifs, si d?r?gl?e et t?m?raire soit?elle, ne satisfera pas, a elle seule, a ce critere.89 [161] L?analyse du caractere intentionnel ou non d'une atteinte illicite comporte un volet subjectif et un volet objectifgo. Le volet subjectif consiste a determiner si l?auteur de la violation souhaitait la consequence de son acte ?91. Le volet objectif de l?analyse vise a ?valuer si une personne raisonnable, dans la m?me situation que l?auteur, aurait pu pr?voir les consequences subies par la victime. ?92 C?est en vertu cle ce deuxieme critere que des dommages punitifs sont accord?s a Jeremy eta sa mere. [162] Monsieur Ward reconnait qu?il ne se pr?occupe pas des sentiments de ses victimes et de leur famille lorsqu'il r?dige une blague. l est toutefois conscient qu'une blague peut blesser et serait pr?t a cesser d?utiliser une blague si on lui apprenait que sa victime en est pein?e. Parce qu'il sentait que l?animateur avait choqu? par ses blagues au sujet de J?r?my, il a reconnu dans l??mission Les Francs-Tireurs que ces blagues allaient trop loin, qu?elles d?passaient la limite. [163] Le Tribunal est convaincu que monsieur Ward ne pouvait ignorer les consequences de ses blagues sur J?r?my. Une personne raisonnable ne peut d?ailleurs pas ignorer qu?un enfant handicap? sera profond?ment bless? qu?un humoriste connu fasse publiquement des blagues sur son handicap, notamment en affirmant qu?il est ?lette?. De m?me, une personne raisonnable ne peut ignorer que la mere d?un enfant handicaps sera bless?e que l?on insinue, meme a la blague, qu?elle a pr?f?r? s?acheter une voiture sport plutot que de payer une chirurgie a son enfant. [164] Le Tribunal reconnait qu?il peut ?tre difficile pour un artiste de l?humour d??valuer 00 se trouve la limite de l'exercice legitime de sa libert? d?expression. Cependant, en l?espece, la preuve r?v?le que monsieur Ward a outrepass? cette limite de fagon intentionnelle, au sens ou l?entend la Cour Supreme dans l?arr?t Syndicat national des employ?s de I?h?pital St-Ferdinand. [165] Le Tribunal jouit d'un pouvoir discr?tionnaire dans la determination du montant des dommages punitifs. Selon l?article 1621 ce montant doit ?tre determine an tenant compte de toutes les circonstances appropri?es et, notamment, de la gravit? du comportement de monsieur Ward, de sa situation patrimoniale et de l??tendue de la reparation a laquelle il est d?ja tenu envers la victime. [166] En l?espece, les propos discriminatoires de monsieur Ward ont un caractere ont tenus dans une capsule et dans un spectacle, tous deux largement 89 Quebec (Curateur public) c. Syndicat national des employe?s de I'h?pital St?Ferdinand, pr?c., note 14, par. 121. 90 Construction Val-d?Or Lt?e c. Gestion LRO (1997) Inc, J.E. 2006-209 (C.A.). 9? Id. (par. 23). 92 Id. 500?53?000416-147 Page 31 diffuses. Pendant les ann?es 2010 a 2013, monsieur Ward a pr?sent? son spectacle a 230 reprises, devant environ 135 000 personnes g?n?rant ainsi d?imporlants revenus. Le spectacle a aussi fait l?objet d'une captation vid?o et a vendu en ligne et sur DVD. En outre, bien que monsieur Ward t?moigne que apprend qu?une de ses blagues blesse la personne vis?e, il serait pr?t a la retirer de son spectacle, les faits ici qu?il ne l?a jamais fait, en ce qui concerne J?r?my. Par surcroit, il aflirme avec arrogance, ?tre convainou que la plainte aupres de la Commission n'?tait "qu?une question d?argent". [167} Pour ces raisons, Ie Tribunal juge appropri? de condamner monsieur Ward a verser a J?r?my une somme de 10 000 eta sa mere un montant de 2 000 a titre de dommages punitifs. Selon la preuve relative a la situation patrimoniale de monsieur Ward93, ce montant para?l?t raisonnable. {168} La Commission demands au Tribunal d?ordonner au d?fendeur, monsieur Mike Ward, de ne plus tenir des propos en regard de J?r?my, de monsieur Steeve Lavoie et de madame Sylvie Gabriel en lien, de pres ou de loin, avec Ie handicap de J?r?my et de ne plus utiliser le handicap de J?r?my, directement ou indirectement, en diffusant son image ou en rapportant ses faits et gestes. [169] A plusieurs reprises, la Cour Supreme a insist? sur la n?cessit? de la flexibilit? et de la cr?ativit? dans la conception des r?parations a accorder pour les atteintes aux droits tondamentaux de la personne >94. La Cour a an outre explicitement reoonnu que la mise en oeuvre de ces droits sous le r?gime de la Charte peut conduire a I?imposition d?obligations de faire ou de ne pas faire, destin?es a corriger ou a emp?cher la perpetuation de situations incompatibles avec [celle-ci] [170] Une ordonnance ?mise par le Tribunal doit se rapporter au litige soumis au Tribunal, ?tre appuy?[e] par la preuve pertinente et ?tre appropri?[e] compte tenu de l?ensemble des circonstances Le fait que l?ordonnance recherch?e restreigne la libert? d'expression de monsieur Ward fait partie des circonstances dont le Tribunal doit tenir compte. [171] La port?e de l?ordonnance recherch?e est excessive puisqu?elle aurait pour e?et d?emp?cher monsieur Ward de tenir des propos qui ne? sont ni discriminatoires ni autrement contraires a la Charte. 93 94 Piece P-11 Declaration des revenus et prestations 2013. Quebec (Commission dos droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Cgmmunauta? urbaine do Montreal, 2004 CSC 30, par. 26. Voir aussi Doucet-Boudreau c. NouveIIe-Ecosse (Ministre de I?Education), 2003 CSC 62, par. 2425 et 94; Bombardier, pr?o., note 11, par. 104. Ou?bec (Commission des droits de la personne et des droits da Ia jeunesse) c. Communaut? urbaine de Montreal, id., par. 26; Qu?bec (Commission des droits de 'la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier A?ronautique Centre de formation), id. Quebec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) o. Bombardier Inc. (Bombardier A?ronautique Centre de formation), id., par. 103. 95 96 500-53-000416?147 Page 32 [172] Par ailleurs, Ie Tribunal ne croit pas n?cessaire de prononcer une ordonnance dont la port?e serait mieux circonscrite. Dans le pass?, il est arrive que le Tribunal ordonne a une personne de cesser tout propos discriminatoire a l'endroit d?une autre97. L??mission d?une ordonnance de cette nature est parfois appropri?e pour pr?venir Ia r?cidive, tout particulierement lorsque l?auteur de la discrimination nie toute responsabilit?. [173] Monsieur Ward n?a pas cherch? a se d?responsabiliser. II a plutot invoqu? que ses propos relevaient de la libert? d?expression artistique. Devant le Tribunal, monsieur Ward a reconnu que ses blagues sur J?r?my ?taient un mauvais move puisqu?il s?est retrouv? en cour Maintenant que Ie Tribunal a ?tabli qu?il a outrepass? les limites de la libert? d?expression en portant atteinte au droit a l??galit? de J?r?my et de sa mere, il a lieu de penser que monsieur Ward modifiera sa conduite de fagon a ne plus contrevenir aux garanties d??galit? pr?vues par la Charte. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL [174] ACCUEILLE en partie la demande introductive d'instance; [175] CONDAMNE le d?fendeur, Mike Ward, 531 verser les montants suivants a) une somme de 25 000 35 a J?r?my Gabriel a titre de dommages moraux avec int?r?ts au taux l?gal et l'indemnit? additionnelle pr?vue a l'article 1619 du Code civil du Quebec, a compter do 9 juin 2014, date de signification de la proposition de mesures de redressement; b) une somme de 5 000 madame Sylvie Gabriel 3 titre de dommages moraux avec int?rets au taux l?gal et l'indemnit? additionnelle pr?vue a I?article 1619 du Code civil du Quebec, :21 compter du 9 juin 2014, date de signification de la proposition de mesures de redressement; c) une somme de 10 000 a J?r?my Gabriel a titre de dommages punitifs avec int?r?ts au taux l?gal et l'indemnit? additionnelle pr?vue :1 Particle 1619 du Code civil du Quebec, a compter de la date de ce jugement; d) une somme de 2 000 :21 madame Sylvie Gabriel a titre de dommages punitifs avec int?r?ts au taux l?gal et l?indemnit? additionnelle pr?vue a l?article 1619 du Code civil du Quebec, :31 compter de la date de ce jugement. i - i: . /in3/dgwg?i\ [176] AVEC FRAIS de justice. Juge\a{l Tribunal dis/Emits de la personne 97 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. P?riard, 2007 10. 500-53-000416-147 Me Marie Dominique Madame Elise Nadeau (stagiaire) BOIES DRAPEAU BOURDEAU 360, rue Saint-Jacques Guest, 26? ?tage Montreal (Quebec) H2Y 1P5 Pour la partie demanderesse Me Julius H. Grey Me Simon Gruda-Dolbec Me Julien Massicotte-Dolbec 1155, boul. Rene-Levesque Ouest, suite 1715 Montreal (Quebec) H38 2K8 Pour Ia partie d?fenderesse Dates d?audience 23 septembre 2015 24 et 26 f?vrier 2016 Page 33