Secrétariat général DIRECTION DES LIBERTES PUBLIQUES ET DES AFFAIRES JURIDIQUES PARIS, le 16 août 2017 SERVICE DU CONSEIL JURIDIQUE ET DU CONTENTIEUX Affaire suivie par Jean-Marc LESCURE jean-marc.lescure2@interieur.gouv.fr Tél : 01.40.07.31.32 Fax : 01.40.07.49.79 DLPAJ/CJC/SIAJ n° P 2017-3 Le Ministre d’état, Ministre de l’Intérieur CAA-Nantes 1702558 - reçu le 17 août 2017 à 14:02 (date et heure de métropole) à Madame le Président de la Cour administrative d’appel de Nantes OBJET: P.J: Demande de sursis à l’exécution du jugement n° 1601739 du tribunal administratif de Rennes en date du 15 juin 2017, annulant à compter du 31 octobre 2017, l’arrêté du préfet des Côtes-d’Armor du 18 février 2016 portant création de la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer Jugement attaqué Requête au fond Par jugement cité en objet, le tribunal administratif de Rennes a : - d'une part, annulé l'arrêté en date du 18 février 2016, par lequel le préfet des Côtesd’Armor a créé, à compter du 1er mars 2016, la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer, issue de la fusion de la commune de Binic et de la commune d’Etables-sur-Mer et, ADRESSE POSTALE : PLACE BEAUVAU 75800 PARIS CEDEX 08- STANDARD 01.49.27.49.27 – 01.40.07.60.60 ADRESSE INTERNET : www.interieur.gouv.fr - d'autre part, a condamné l'Etat à verser aux associations SOS Mariage Forcé et Terroir de Bretagne requérantes dans cette première instance, la somme de 1 500 euros, au titre des dispositions de l’article L.761-1 du Code de justice administrative (CJA). Par la requête jointe à la présente demande, j'ai interjeté appel contre ce jugement devant votre juridiction. En application des articles R.811-15 à R.811-18 du code des juridictions administratives, j'ai l'honneur de demander à la juridiction de céans de bien vouloir prononcer le sursis à l’exécution du jugement de première instance. Compte tenu des conséquences très lourdes de l’annulation de l’arrêté préfectoral portant création de la commune nouvelle, je demande en outre que ce sursis soit prononcé le plus rapidement possible et en tout état de cause avant le 31 octobre 2017, date d’effet de l’annulation. I. Rappel des faits et procédure CAA-Nantes 1702558 - reçu le 17 août 2017 à 14:02 (date et heure de métropole) Aux termes de l'article R.811-15 du CJA précité : « Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ». En l'espèce, les quatre moyens développés dans ma requête au fond, et repris ci-après, sont de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement contesté, compte tenu des erreurs de droit commises par le tribunal administratif de Rennes. Par ailleurs, les conclusions du jugement attaqué vont conduire à produire des effets juridiques définitifs, préjudiciable au requêtant et difficilement réparables qui nécessitent que soit suspendue son exécution, dans le cas où les conclusions d’appel seraient accueillies. Le sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes permettrait, dans l'attente d'une décision au fond de votre juridiction, de ne pas remettre en cause le fonctionnement de la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer qui existe effectivement depuis le 1er mars 2016. Un retour à la situation antérieure, c’est-à-dire une reconstitution de deux communes séparées engendrera des difficultés juridiques, comptables et fiscales considérables et fortement préjudiciables pour les collectivités concernées. II. Rappel des moyens développés dans la requête au fond. 1. Le jugement est entaché d’une erreur de droit dès lors que les comités techniques n’étaient pas compétents aux termes de l’article 33 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 pour rendre un avis préalablement à la décision de demander la création d’une commune nouvelle. 2 2-Les premiers juges ont commis une erreur sur la portée et le sens de l’article L. 21132 du CGCT en ajoutant une condition de légalité à la procédure de création d’une commune nouvelle qui n’est pas requise expressément par la loi en retenant que : « les demandes des communes de créer une commune nouvelle est subordonnée, notamment à la régularité de la délibération préalable de leur conseil municipal formulant une telle demande , délibération qui, en vertu des dispositions de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 doit être précédée d’un avis du comité technique ». 3- En considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 33 de la loi précitée, les délibérations actant la fusion des communes devaient nécessairement être précédées d’un avis du comité technique attaché à la commune, le juge a commis une erreur de droit. 4-Les juges ont commis une erreur d’appréciation tirée de l’application automatique de la jurisprudence « Danthony » sans considération spécifique au cas d’espèce. III. Des difficultés juridiques, comptables et fiscales considérables résulteraient de la reconstitution de deux communes. CAA-Nantes 1702558 - reçu le 17 août 2017 à 14:02 (date et heure de métropole) Il convient tout d’abord de rappeler qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'organise la "défusion" de communes et que, dès lors, suivant la position du Conseil d'Etat (18 février 1983, n° 28584, Cornet et a.), il y a lieu de considérer que les demandes ou les cas allant dans ce sens relèvent de la procédure de modification des limites territoriales des communes, telles que prévues par les articles L. 2112-1 et suivants du CGCT. L'application de la décision du juge de première instance a pour effet de reconstituer les communes de Binic et d’Etables-sur-Mer et de revenir à la situation antérieure au 1er mars 2016. 1- Les conséquences institutionnelles : s’agissant des structures communales, l’ordonnancement juridique tel qu’il existait avant le 1er mars 2016 sera rétabli dans toutes ses composantes. Il en découle d’une part, que les conseils municipaux des communes de Binic et d’Etables-sur-Mer seront rétablis dans leurs fonctions et pourront donc se réunir et délibérer à nouveau sur les affaires communales respectives à compter du 1er novembre 2017. D’autre part, les municipalités existantes avant le 1er mars 2016 sont elles-mêmes rétablies dans leurs droits et prérogatives. Cette situation sera incomprise par les élus qui ont créé cette commune nouvelle et qui ont fait état de leur volonté de mettre en œuvre à nouveau un processus de fusion si l’annulation de la fusion actuelle était confirmée. Il serait en effet dommageable de reconstituer la situation juridique au 1er mars 2016 à compter du 1er novembre 2017, alors que les communes redemanderont rapidement à refusionner et qu’elles devront en même temps prendre en charge la reconstitution de la situation juridique précédant le 1er mars 2016. Par ailleurs, s’agissant des représentants dans les organismes extérieures, les anciens conseils municipaux sont rétablis dans l’exercice de leurs fonctions, sans nouvelle élection, et leur mandat antérieur est maintenu jusqu’au prochain renouvellement général, en application de l’article L 5211-8 du CGCT « Sans préjudice des dispositions de l’article L2121-33, le mandat des délégués est lié à celui du conseil municipal de la commune dont ils sont issus. 3 Ce mandat expire lors de l’installation de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale suivant le renouvellement général des conseils municipaux. (…) ». En mars 2016, les communes de Binic et Etables-sur-Mer appartenait à la communauté de commune du Sud Goëlo. La commune nouvelle est désormais rattachée à la communauté d’agglomération de Saint Brieuc Armor agglomération. Il faudra donc procéder à de nouvelles nominations au sein de cette communauté d’agglomération puis recommencer la procédure probablement dans quelques mois en cas de nouvelle fusion. 2- Des difficultés en termes de gestion du personnel et de dialogue social En matière de gestion des ressources humaines, la scission en deux communes d’ici le 30 octobre 2017, va déstabiliser la gestion des personnels. En effet, dans le cadre de la commune nouvelle, de nombreuses mesures d’organisation des services et d’harmonisation des conditions de travail ont été mises en place après avis du comité technique. Ainsi, l’harmonisation de l’organisation du temps de travail a été actée en accord avec les représentants du personnel lors du comité technique du 8 juillet 2016. CAA-Nantes 1702558 - reçu le 17 août 2017 à 14:02 (date et heure de métropole) Puis, le 7 octobre 2016, ce même comité technique a validé la modification du tableau des effectifs, le nouveau dispositif de régime indemnitaire et la prime de fin d’année ainsi que l’harmonisation des pratiques de l’entretien professionnel; Enfin, le 13 décembre 2016 ce comité a discuté et émis un avis favorable à l’organisation nouvelle des services techniques suite à la fusion. Les mesures concrètes permettant ces réorganisations et harmonisations des conditions de travail vis-à-vis des personnels seront remises en cause par les conséquences d’une annulation. Les avantages mis en place à l’attention des agents mais également en terme d’amélioration du service public grâce à la fusion et aux réorganisations qui en ont découlés ne pourront systématiquement être maintenus alors même que ce projet a été construit dans un dialogue social constructif et a permis de donner une véritable cohérence s’agissant des ressources humaines de la commune nouvelle. La défusion ne permettra pas d’assurer cette même cohérence et va déstabiliser le dialogue social qui a toujours été constructif avec les organisations syndicales représentatives des personnels ainsi qu’en attestent les avis toujours favorables rendus parle comité technique. 3- Des conséquences budgétaires et financières particulièrement dommageables L’annulation de l’arrêté portant création de la commune nouvelle de Binic-Etables-surMer va en outre entraîner des conséquences budgétaires et financières tout à fait défavorables pour les collectivités concernées. En effet, la création de commune nouvelle contribue à rationaliser l’organisation de territoire. A cette fin le législateur a prévu des incitations financières. Ainsi l’article L2113-20 du CGCT prévoit que si une commune nouvelle créée au 1er janvier 2017 regroupe soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes d'un même EPCI, elle bénéficiera des dispositions suivantes (pacte de stabilité) pendant trois ans : 4 - garantie de non-baisse de la dotation forfaitaire (la dotation forfaitaire de la commune nouvelle sera au minimum égale à la somme des dotations forfaitaires des communes fusionnant perçues l'année précédant celle de la création de la commune nouvelle) ; - majoration de 5% de la dotation forfaitaire si la commune nouvelle a une population INSEE comprise entre 1 000 et 10 000 habitants ; - garantie de non-baisse des dotations de péréquation par rapport à la somme des montants perçus les années précédentes par les communes fusionnées, cette somme étant actualisée du taux de progression annuel de la dotation pour la DSR. Dans le cas d’espèce, la commune nouvelle de Binic Etables sur Mer a pu bénéficier de ces dispositions car sa population recensée s’élève en 2017 à 7 025 habitants. Par conséquent et afin de garantir la non baisse de sa dotation forfaitaire, la commune nouvelle a été exonérée de l'écrêtement tel que défini par l'article L. 2334-7 du CGCT et de la contribution au redressement des finances publiques pour 2017(CRFP) découlant de l'article L. 2334-7-3 du CGCT. Le montant de l'exonération de la CRFP s'élève à 68 831 euros pour la commune nouvelle. De plus, la commune a bénéficié de la majoration de sa dotation forfaitaire, cette majoration s’élève à 54 135 euros. CAA-Nantes 1702558 - reçu le 17 août 2017 à 14:02 (date et heure de métropole) Enfin, sur les dotations de péréquation, la commune nouvelle a bien bénéficié des dispositifs de garantie en percevant une DSR bourg-centre et une DSR péréquation progressant comme le taux d’augmentation de la dotation (+14,5%). Les communes défusionnées issues de la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer perdront le bénéfice de ces incitations à compter du 1er janvier 2018, alors qu’aucune des communes originelles ne peut porter à elle seule de nombreux projets qui contribuent à l’animation et au développement de ce territoire touristique. Par ailleurs, la défusion aura également un impact sur le calcul du potentiel fiscal servant dans la répartition des dotations et des fonds de péréquations. Enfin, dans le cas où une nouvelle commune nouvelle était créée, elle ne bénéficiera pas à nouveau de l’ensemble de ces avantages dont le bénéficie était lié à l’existence de la commune nouvelle au 1e janvier 2017. Du point de vue comptable, les conséquences du jugement du tribunal administratif de Rennes sont également multiples : - toutes les opérations comptables issues de la procédure de fusion doivent être mises en œuvre en sens inverse. Ainsi, les comptes fusionnés seront-ils repris compte par compte pour être ventilés vers les deux communes dans leur format et périmètre antérieurs ; - les opérations comptables liées à la dette et aux emprunts, au patrimoine, les amortissements et les provisions retourneront après calculs aux deux communes ; - il sera procédé à des reversements de fiscalité. 5 - les transferts des contrats et des biens deviennent caducs et sont rétrocédés aux communes ; En outre, s'agissant des numéros INSEE, le n° du code officiel géographique, le n° SIRENE des communes et le n° SIRET de leurs établissements publics devront être rétablis. Enfin, la date d'effet de la "défusion", fixée au 31 octobre 2017, aggravera les difficultés de restitution des comptes car intervenant en plein exercice budgétaire. A cet égard, la direction générale des finances publiques et la direction générale des collectivités locales recommandent systématiquement, pour les fusions des communes, que celles-ci s'opèrent à compter du 1er janvier pour limiter la charge des opérations de gestion budgétaire et comptable. Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, le sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 15 juin 2017 est parfaitement justifié par les difficultés juridiques et financières qu'engendrera la reconstitution des communes d’Etables-sur-Mer et de Binic. CAA-Nantes 1702558 - reçu le 17 août 2017 à 14:02 (date et heure de métropole) Les conditions prévues aux articles R.811-15 à R.811-18 du CJA, régissant la procédure du sursis à l’exécution, sont donc remplies en l’espèce puisque d’une part, les moyens développés sont sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement et que d’autre part, l’application de ce jugement, dans l’attente de l’examen au fond de ma requête, sera source de conséquences financières préjudiciables et difficilement réparables pour les collectivités concernées. III. Conclusion Pour ces motifs, et tout autre à produire, déduire ou suppléer, même d’office, je conclus à ce qu’il plaise à la Cour administrative d’appel de Nantes de prononcer, dans l'attente d'une décision au fond relative à cette instance, le sursis à l’exécution du jugement n° 1601739 du tribunal administratif de Rennes en date du 15 juin 2017, annulant l’arrêté du préfet des Côtesd’Armor en date du 18 février 2016, créant, à compter du 1er mars 2016, la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer. L’adjointe au directeur des libertés publiques et des affaires juridiques Chef du service du conseil juridique et du contentieux, Pascale Léglise 6