COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N°17NT02558 ---AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ---La Cour administrative d'appel de Nantes Ordonnance du 19 octobre 2017 ---Le président de la 4ème chambre Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Les associations SOS Mariage Forcé et Terroir de Bretagne ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du préfet des Côtes d’Armor du 18 février 2016 portant création de la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer. Par un jugement n° 1601739 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté du préfet des Côtes-d’Armor du 18 février 2016 à compter du 31 octobre 2017. Procédure devant la cour : Par un recours, enregistré le 17 août 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer le sursis à l’exécution de ce jugement du tribunal administratif de Rennes n°1601739 du 15 juin 2017. Il soutient que : - il résulte des termes de l’article 33 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 que les comités techniques paritaires n’étaient pas compétents pour rendre un avis préalablement aux délibérations décidant de demander la création d’une commune nouvelle ; - eu égard à la portée et au sens de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal qui a ajouté une condition non prévue par la loi à la procédure de création d’une commune nouvelle, la validité des demandes des communes de créer la commune nouvelle n’est pas subordonnée à la régularité de la délibération préalable de leur conseil municipal formulant une telle demande ; - les délibérations décidant la fusion des communes ne doivent pas nécessairement être précédées d’un avis du comité technique paritaire attaché à la commune ; - la jurisprudence « Danthony » n’était pas applicable compte tenu de la spécificité du cas d’espèce ; N°17NT02558 2 - l’application du jugement de première instance, qui a pour effet de reconstituer les communes de Binic et d’Etables-sur-Mer et de revenir à la situation antérieure au 1er mars 2016, entraînera des difficultés considérables, en premier lieu, d’ordre institutionnel du fait du rétablissement des structures communales antérieures au 1er mars 2016, en deuxième lieu, en termes de gestion du personnel compte tenu de la remise en cause des mesures concrètes de réorganisation des services et d’harmonisation des conditions de travail qui ont été mises en place, en troisième lieu, au regard des conséquences budgétaires et financières particulièrement dommageables du fait de la perte des avantages constitués par les incitations financières à la fusion, de l’obligation de revenir sur toutes les opérations comptables issues de la fusion des comptes, de la nécessité de procéder à des reversements de fiscalité et de revenir sur les transferts de contrats et de biens. Vu le recours n°17NT02468 par lequel le ministre d’Etat ministre de l’intérieur demande l’annulation du jugement n° 1601739 du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté du préfet des Côtes-d’Armor du 18 février 2016 à compter du 31 octobre 2017. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative. 1. Considérant, d’une part, qu’aux termes du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « … les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel (…). » ; qu’aux termes de l’article R. 811-15 du code de justice administrative : « Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. » ; que l’article R. 811-17 du même code dispose que « Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. » ; 2. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1o A l'organisation et au fonctionnement des services; 2o Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels; 3o Aux grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences; 4o Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents; (…) 6o Aux sujets d'ordre général intéressant l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail…. » ; qu’aux termes de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales : « Une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës : 1° … à la demande de tous les conseils municipaux ;… » ; que le deuxième alinéa de l’article L. 2113-6 du même code dispose que « II. – L'arrêté du représentant de l'Etat dans le département 3 N°17NT02558 prononçant la création de la commune nouvelle détermine le nom de la commune nouvelle, le cas échéant au vu des avis émis par les conseils municipaux, fixe la date de création et en complète, en tant que de besoin, les modalités. » ; 3. Considérant que, par le jugement dont le sursis à exécution est demandé, le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté du préfet des Côtes d’Armor du 18 février 2016 portant création de la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer, en différant cette annulation jusqu’au 31 octobre 2017, au motif que la consultation obligatoire, en application des dispositions précitées de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984, du comité technique paritaire de chacune des deux communes en cause, préalablement à l’adoption par le conseil municipal d’une délibération demandant la création d’une commune nouvelle, qui a pour objet d'éclairer ce conseil sur la position des représentants du personnel de la commune concernée, constitue pour ces derniers une garantie, laquelle a été méconnue ; 4. Considérant que le ministre de l’intérieur soutient que, en premier lieu, il résulte des termes de l’article 33 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 que les comités techniques paritaires n’étaient pas compétents pour rendre un avis préalablement aux délibérations décidant de demander la création d’une commune nouvelle, en deuxième lieu, eu égard à la portée et au sens de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal qui a ajouté une condition non prévue par la loi à la procédure de création d’une commune nouvelle, la validité des demandes des communes de créer la commune nouvelle n’est pas subordonnée à la régularité de la délibération préalable de leur conseil municipal formulant une telle demande, en troisième lieu, les délibérations décidant la fusion des communes ne doivent pas nécessairement être précédées d’un avis du comité technique paritaire attaché à la commune et la jurisprudence « Danthony » n’était pas applicable compte tenu de la spécificité du cas d’espèce, en quatrième et dernier lieu, l’application du jugement de première instance, qui a pour effet de reconstituer les communes de Binic et d’Etables-sur-Mer et de revenir à la situation antérieure au 1er mars 2016, entraînera des difficultés considérables, d’une part, d’ordre institutionnel du fait du rétablissement des structures communales antérieures au 1er mars 2016, d’autre part, en termes de gestion du personnel compte tenu de la remise en cause des mesures concrètes de réorganisation des services et d’harmonisation des conditions de travail qui ont été mises en place, enfin, au regard des conséquences budgétaires et financières particulièrement dommageables du fait de la perte des avantages constitués par les incitations financières à la fusion, de l’obligation de revenir sur toutes les opérations comptables issues de la fusion des comptes, de la nécessité de procéder à des reversements de fiscalité et de revenir sur les transferts de contrats et de biens ; qu’aucun des moyens ainsi invoqués ne présente un caractère sérieux et n’est de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par le jugement attaqué ; 5. Considérant que les moyens invoqués dans la requête à fin d’annulation du jugement susvisé du tribunal administratif de Rennes ne revêtant pas, en l’état de l’instruction, un caractère sérieux, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les conséquences difficilement réparables de l’exécution de ce jugement ne peuvent être utilement invoquées ; qu’en tout état de cause, le jugement critiqué ayant différé jusqu’au 31 octobre 2017 les effets de l’annulation prononcée, il incombait aux communes intéressées et au préfet des Côtes d’Armor de prendre, durant la période courant de la notification du jugement à la date susmentionnée, les mesures nécessaires pour régulariser le vice de procédure fondant cette annulation afin que puisse être prononcée régulièrement la création de la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer ; ORDONNE : 4 N°17NT02558 Article 1er : Le recours du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes n°1601739 du 15 juin 2017 est rejeté. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à l'association SOS mariage forcé et à l'association Terroir de Bretagne. Une copie en sera adressée pour information au préfet des Côtes d’Armor et à la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer. Fait à Nantes, le 19 octobre 2017. Le président de la 4ème chambre, L. LAINÉ La République mande et ordonne au ministre d’Etat ministre de l’intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.