S E D T R LE SO S I U Q C A L A M BIENS TES I C I L L I S R I O V A S E ET AUTR N O I T P U R R O C E D N A R G A L E D S U victimes S s S n I io t la u p o p s vice de er ée, au s t p a d a e r u d é c une pro Plaidoyer pour TRANSPARENCY INTERNATIONAL FRANCE TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ EXÉCUTIF................................................................................................................. 2 INTRODUCTION..................................................................................................................... 4 L’AFFAIRE DITE DES « BIENS MAL ACQUIS » & LE CAS TEODORIN NGUEMA OBIANG................................ 5 I. LE SORT DES « BIENS MAL ACQUIS » ET AUTRES AVOIRS ILLICITES ISSUS DE LA GRANDE CORRUPTION SE TROUVANT EN FRANCE : ÉTAT DU DROIT POSITIF ...................................... 7 A. La propriété des avoirs ayant fait l’objet d’une décision de confiscation................... 7 LA SUISSE ET LA « LEX DUVALIER »..................................................................................................... 10 B. L’affectation des avoirs confisqués (et dévolus à l’État français).............................. 12 II. LE SORT DES « BIENS MAL ACQUIS » ET AUTRES AVOIRS ILLICITES ISSUS DE LA GRANDE CORRUPTION : LA PROPOSITION DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL FRANCE .................... 14 A. Les 5 principes essentiels devant gouverner l’affectation des avoirs issus de la grande corruption........................................................................................................................ 14 B. Le dispositif d’affectation des avoirs issus de la grande corruption.......................... 16 ANNEXES........................................................................................................................... 20 1 RÉSUMÉ EXÉCUTIF A qui profite le crime ? Telle est la question à l’origine du rapport d’enquête du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) sur la fortune des potentats publié il y a tout juste 10 ans. Ce rapport fut le point de départ de l’affaire dite des « Biens Mal Acquis ». Les avoirs issus de la grande corruption procèdent pour l’essentiel de faits traduisant un manquement des agents publics à leur devoir de probité (et impliquent donc de l’argent volé aux caisses de QUELQUES CHIFFRES DU RAPPORT DE HUMAN RIGHTS WATCH* • • 138 e La Guinée équatoriale se place au rang sur 188 pays pour l’indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), une mesure du développement économique et social. Son score est similaire à celui du Ghana et de la Zambie, malgré un revenu par habitant qui est plus de cinq fois supérieur. • Les taux de vaccination des enfants ont chuté de façon spectaculaire depuis la fin des années 1990 et sont parmi les pires au monde. Par exemple, le taux rapporté pour la vaccination contre la tuberculose chez les nouveau-nés et les nourrissons était de 99% en 1997, 64 pour 35% cent en 2014 et en 2015, dernière année pour laquelle des données sont disponibles. Plus de la moitié de la population équatoguinéenne n’a pas accès à de l’eau potable sûre à proximité, un taux qui reste inchangé *Rapport publié le le 15 juin 2017 : depuis apparentés en Guinée équatoriale » 1995. La mise en oeuvre d’un tel principe, pour sensé et juste qu’il soit, est cependant loin d’être acquis. En l’état actuel de notre droit, rien ne permet en effet de garantir que les avoirs issus de la grande corruption soient restitués aux populations victimes ou, tout du moins, mis à leur bénéfice. Devenus 1 l’Etat et donc, aux contribuables) si bien que le bon sens et, plus encore, l’équité commanderaient de les mettre au profit des populations victimes de tels agissements et, notamment, au profit des catégories les plus pauvres qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services de base (eau, électricité…) que leur Etat manque à leur fournir. Ces dernières sont en effet les premières victimes de la corruption ; ce sont elles qui, dans leur vie quotidienne, paient le plus lourd tribut à l’enrichissement illicite de leurs élites dirigeantes. « Une manne du ciel ? Comment la santé et l’éducation paient le prix des opérations propriété de l’Etat par l’effet de la décision de confiscation, les fonds confisqués sont transférés au budget général de l’Etat français en tant que recette non fiscale si bien que leur utilisation au profit des populations victimes (qui constituerait dès lors une dépense publique) ne pourrait intervenir qu’à l’issue d’un vote dans le cadre de la loi de finances. https://www.hrw.org/fr/report/2017/06/15/une-manne-du-ciel/comment-la-sante-et-leducation-paient-le-prix-des-operations#page 2 Le Trésor Public français serait donc le tout premier (et, suivant les orientations de la loi de finances – l’ultime) bénéficiaire des avoirs issus de la grande corruption. Si ce scénario venait à se produire, il va sans dire que cela constituerait un nouveau scandale. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer les revendications des peuples tunisiens, égyptiens ou bien encore ukrainiens défilant dans les rues au lendemain de la chute des pouvoirs en place : « We want our money back ! » Rien – pas même la défaillance des gouvernements des Etats d’origine – ne justifie que les avoirs issus de la grande corruption ne soient pas retournés, d’une manière ou d’une autre, aux populations victimes. Dès lors, il est nécessaire et urgent d’adapter le dispositif français afin de garantir cette affectation. A cette fin, Transparency International France propose l’introduction d’un dispositif d’affectation des avoirs illicites. Le dispositif repose sur 5 principes essentiels que sont : TRANSPARENCE SOLIDARITÉ EFFICACITÉ INTÉGRITÉ REDEVABILITÉ Loin d’être limité à la seule affaire des « Biens Mal Acquis », le dispositif proposé a vocation à s’appliquer à toutes les affaires de grande corruption – aussi bien celles en cours (cf. les avoirs de Gulnara Karimova, les avoirs du clan Ben Ali...) que celles dont la justice pourrait se saisir à l’avenir. Alors que la France avait activement plaidé pour que la question de la restitution des avoirs illicites soit inscrite dans la Convention des Nations Unies contre la Corruption, il est désormais temps pour elle de prendre des mesures concrètes en ce sens. La présente note a été rédigée par Maud PERDRIEL-VAISSIERE, juriste membre de Transparency International France. Tous les efforts ont été faits pour vérifier l’exactitude des informations contenues dans cette note. Toutes les informations ont été jugées correctes à partir du 1 septembre 2017. Néanmoins, Transparency International France ne peut pas être responsable des conséquences de son utilisation à d’autres fins ou dans d’autres contextes. Imprimé sur du papier 100% recyclé. © 2017, Transparency International France, Tous droits réservés. 3 INTRODUCTION Quand je dis que dans toute la province il n’a rien laissé de tous ces objets précieux, je ne parle pas en accusateur, j’énonce simplement un fait. Je vais plus loin ; j’affirme qu’il n’a rien laissé dans les maisons, ni même dans les villes ; dans les édifices publics, ni même dans les temples ; rien chez les Siciliens, rien chez les citoyens romains ; en un mot, que dans la Sicile entière, tout ce qui a frappé ses regards ou excité ses désirs, décorations privées et publiques, ornements profanes et sacrés tout est devenu sa proie. (Extraits de “Oratio de Signis”, quatrième discours contre Verrès ; Cicéron - 70 av. J-C)2 Plus que tout autre citoyen, les personnes investies d’une mission de service public ou d’un mandat électif devraient être d’une probité à toute épreuve. Il n’est cependant pas rare que ces mêmes individus tirent un profit abusif de leur position pour s’enrichir au détriment de la collectivité. Si le fameux procès contre Verrès, dans lequel Cicéron s’était illustré, nous interroge sur le caractère inéluctable de la corruption, dans toute forme d’organisation politique de la société, il nous invite à adopter une approche pragmatique de l’exercice du pouvoir. Ainsi que le souligne le Professeur Ndiva Kofele-Kale, “Il est peu probable qu’il y ait déjà eu une classe dirigeante qui n’ait pas exploité son pouvoir politique pour favoriser ses propres intérêts financiers”.3 Lorsque les élites dirigeantes pratiquent la corruption à grande échelle et de manière systématique, l’on préfère alors l’expression de grande corruption. DÉFINITION “Grand corruption is the abuse of high-level power that benefits the few at the expense of the many, and causes serious and widespread harm to individuals and society”4 Des régimes prédateurs de Ferdinand Marcos (Philippines), du général Suharto (Indonésie), de Mobutu Sese Seko (Zaïre devenu la République Démocratique du Congo), du général Sani Abacha (Nigéria), de Jean-Claude Duvalier (Haïti)… Aux exemples plus récents dans l’affaire dite des « Biens Mal Acquis » en France (Gabon, Congo-Brazzaville, Guinée Equatoriale) ou bien aux régimes de Zine ElAbidine Ben Ali (Tunisie), d’Hosni Mubarak (Egypte), ou encore de Viktor Ianoukovitch (Ukraine)... Les exemples sont malheureusement légion. Verrès gouverna la Sicile en qualité de préteur de 73 à 70 av. J-C. Homme de plaisir, magistrat prévaricateur et cupide, il mit sa province en coupe réglée. Quand il quitta ses fonctions, les Siciliens lui intentèrent un procès de concussion et confièrent leurs intérêts à Cicéron. 3 “Good Governance as Political Conditionality, Democracy and Good Governance”, Ndiva Kofele-Kale, ICASSRT (1999). 4 Transparency International, 21 septembre 2016: https://www.transparency.org/news/feature/what_is_grand_corruption_and_how_can_we_stop_it 2 4 L’AFFAIRE DITE DES «BIENS MAL ACQUIS» & LE CAS TEODORIN NGUEMA OBIANG L’affaire dite des « Biens Mal Acquis » désigne une procédure pour blanchiment des produits de la corruption, initiée par SHERPA en 2007, à l’encontre des présidents du Congo-Brazzaville (Denis Sassou Nguesso), du Gabon (feu Omar Bongo Ondimba) et de la Guinée Equatoriale (Teodoro Obiang Mbasogo) ainsi que des membres de leur entourage respectif (famille et proches collaborateurs). Teodorin Nguema Obiang, le fils du chef d’Etat de la Guinée Equatoriale et, depuis peu, vice-président de cet Etat, fait partie des personnes politiquement exposées, mises en cause dans le cadre de l’affaire. Notoirement connu pour mener un train de vie fastueux (il est surnommé le « playboy »), visé par une seconde procédure aux Etats-Unis, Teodorin Nguema Obiang s’est rapidement retrouvé au coeur des principaux développements de l’affaire. Au total, ce sont plus de cent millions d’euros d’avoirs qui ont été saisis par la justice française ,dont une résidence Avenue Foch estimée à près de 107 millions d’euros, et un parc automobile (Bugatti Veyrons, Maserati MC12, Porsche Carrera GT, Ferrari Enzo …) d’une valeur de 7 millions d’euros – avoirs qui sont, pour l’essentiel, actuellement gérés par l’AGRASC. Après 10 ans d’enquête, Teodorin Nguema Obiang a été renvoyé par les magistrats instructeurs, devant le Tribunal Correctionnel de Paris, afin qu’il réponde de faits de blanchiment d’abus de biens sociaux, de de corruption, commis sur le sol français, entre 1997 et 2011 : son procès, qui s’est ouvert le 19 juin, s’est conclu le 6 juillet dernier ; le parquet a requis à l’encontre de Teodorin Nguema Obiang 3 ans d’emprisonnement, 30 millions d’amende ainsi que la confiscation des biens saisis par la justice. Le Tribunal Correctionnel doit rendre sa décision le 27 octobre5. ALORS QU’INITIALEMENT LA FORTUNE ACCUMULÉE PAR LES « KLEPTOCRATES » ÉTAIT PRINCIPALEMENT RECYCLÉE SUR LE TERRITOIRE DE LEUR ÉTAT, LA GLOBALISATION A FACILITÉ LA CIRCULATION DES FLUX FINANCIERS OFFRANT TOUT À LA FOIS « UNE PLUS GRANDE MOBILITÉ DE LA RICHESSE ET UNE CAPACITÉ À LA DISSIMULER ».6 EN EFFET, DE NOS JOURS, IL SUFFIT D’UN CLIC SUR LE CLAVIER D’UN ORDINATEUR POUR TRANSFÉRER DES FONDS ILLICITES À L’ÉTRANGER. blanchiment de détournement de fonds publics, de blanchiment d’abus de confiance, et de blanchiment 5 6 Plus d’informations sur le procès : https://transparency-france.org/aider-victimes-de-corruption/biens-mal-acquis/ “Pursuing the Assets of Former Dictators”, Abram Chayes in “Proceedings Of The 81st Annual Meeting Of The American Society Of International Law”, p.395 (1987). 5 Si le volume exact des produits de la grande corruption circulant dans nos économies est difficile (pour ne pas dire impossible) à chiffrer avec précision, relevons tout de même que suivant le dernier rapport publié par le Global Financial Integrity (GFI), les pays en développement et les économies émergentes auraient perdu 7.8 trillion de dollars en flux financiers illicites au cours de la période 2004-2013.7 Bien que l’intégralité de ces flux illicites ne soit évidemment pas reliée à la grande corruption – ils peuvent provenir du trafic de drogues, de l’évasion fiscale ou bien encore de la ‘petite corruption’ – ils n’en illustrent pas moins la gravité du problème. A supposer que la grande corruption ne représente que 1% du total des flux illicites recensés par le GFI – ce qui est au demeurant une estimation plutôt conservatrice – cela représente malgré tout un manque à gagner considérable pour les pays concernés. OÙ EST PASSÉ L’ARGENT ? Le top 10 des chefs de gouvernement corrompus, les conditions d’emploi et estimation des montants prétendument détournés8 1. Mohamed Suharto, Président d’Indonésie 1967–98, 15 à 35 milliards de dollars 2. Ferdinand Marcos, Président des Philippines 1972–86, 5 à 10 milliards de dollars 3. Mobutu Sese Seko, Président du Zaïre 1965–97, 5 milliards de dollars 4. Sani Abacha, Président du Nigeria 1993–98, 2 à 5 milliards de dollars 5. Slobodan Milosevic, Président de la Serbie/Yougoslavie 1989-2000, 1 milliard de dollars 6. Jean-Claude Duvalier, Président d’Haïti 1971–86, 300 à 800 millions de dollars 7. Alberto Fujimori, Président du Pérou 1990–2000, 600 millions de dollars 8. Pavlo Lazarenko, Premier ministre d’Ukraine 1996–97, 114 to 200 millions de dollars 9. Arnoldo Alemán, Président du Nicaragua 1997–2002, 100 millions de dollars 10. Joseph Estrada, Président des Philippines 1998–2001, 78 à 80 millions de dollars De toute évidence, la grande corruption et le blanchiment consécutif de ses produits à travers la planète constituent un enjeu majeur de développement. Dès lors, le recouvrement de ces avoirs contribuerait grandement au développement des pays qui en ont été injustement privés. 7 8 “Illicit Financial Flows from Developing Countries: 2004-2013”, GFI (Décembre 2015). “Global Corruption Report”, Transparency International (2004). 6 D’après une étude conjointe de la Banque mondiale et de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), le recouvrement de 100 millions de dollars d’avoirs illicites permettrait indifféremment de financer : 3.3 et 10 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticides, Une année de traitement pour plus de 600.000 personnes affectées par le VIH/SIDA, Entre 50 et 100 millions de traitement basé sur l’utilisation de l’artémisinine pour soigner la malaria, La vaccination complète de 4 millions d’enfants, L’accès à l’eau à quelques 250.000 foyers, Ou encore 240 kilomètres de routes à deux voies bitumées. Entre 9 L’affaire dite des « Biens Mal Acquis », tout autant que les différentes enquêtes ouvertes dans le prolongement du « Printemps arabe », démontrent que la France accueille bon nombre de fonds d’origine illicite : ces fonds sont placés sur des comptes bancaires, investis dans la pierre (le plus souvent dans les quartiers chics de la capitale ou bien encore sur la Côte d’Azur), financent l’acquisition de voitures de luxe, ou bien encore l’achat d’objets d’art... Si de tels avoirs sont susceptibles de confiscation, en revanche, en l’état actuel de nos textes, rien ne permet de garantir que ceux qui sont ou viendraient à être confisqués en France soient affectés au développement des pays qui en ont été injustement privés et notamment à l’amélioration des conditions de vie des populations qui, en particulier les plus pauvres, n’ont pas les moyens de s’offrir les services de base que leur Etat n’est pas en mesure de fournir - ci-après visées sous l’appellation « populations victimes » (I) – une situation qui mériterait d’être corrigée (II). DÉFINITION DE LA CONFISCATION La confiscation consiste à déposséder de manière permanente le propriétaire d’un bien, entaché d’illégalité de son droit de propriété sur celui-ci. Elle s’oppose à la saisie ou au gel qui sont des mesures temporaires. En France, la confiscation est une sanction pénale qui ne peut être prononcée qu’à l’issue d’un jugement de condamnation. I. LE SORT DES « BIENS MAL ACQUIS » ET AUTRES AVOIRS ILLICITES ISSUS DE LA GRANDE CORRUPTION SE TROUVANT EN FRANCE : ÉTAT DU DROIT POSITIF Afin d’appréhender cette question, seront successivement considérées les problématiques relatives au transfert de propriété des avoirs confisqués (A) et à leur affectation (B). A. La propriété des avoirs ayant fait l’objet d’une décision de confiscation Les règles relatives à la propriété des avoirs 9 “Stolen Asset Recovery (StAR) Initiative: Challenges, Opportunities, and Action Plan”, Banque mondiale & ONUDC (Juin 2007). Pour plus d’informations sur le sort des biens à l’issue d’un jugement de condamnation, voir Annexe A. 10 7 confisqués, figurant dans notre Code de procédure pénale, varient suivant que la décision de confiscation a été prise par les juridictions françaises ou par les juridictions étrangères. • La décision de confiscation prise par les juridictions françaises (confiscation dite « autonome »)10 : en ce cas, ce sont les dispositions de l’article 13121 du Code pénal qui s’appliquent. Suivant ce texte : « La chose confisquée est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution, dévolue à l’Etat »11. En d’autres termes, sauf dispositions légales contraires, la décision de confiscation emporte le transfert de la propriété de la chose confisquée, au profit de l’Etat français. Toutefois, un certain nombre de dispositions particulières prévoient l’attribution de la chose confisquée à une entité autre que l’Etat français, ou bien encore sa destruction12. Pour autant, aucune n’est pertinente lorsqu’il est question de faits de grande corruption, puisqu’il faut déduire que les décisions de confiscation prises par les juridictions françaises en pareille matière emportent transfert de la propriété des avoirs au profit de l’Etat français. • ❖La décision de confiscation prise par les juridictions étrangères (i.e. la France est sollicitée aux fins d’exécuter sur le territoire français une décision de confiscation rendue à l’étranger) : notre code de procédure pénale prévoit, dans cette hypothèse, des règles de partage au profit de l’Etat ayant ordonné la confiscation. Ces règles varient suivant que l’Etat en question est membre ou non de l’Union Européenne (UE) et, le cas échéant, selon qu’il a transposé dans son droit interne, la décisioncadre du Conseil de l’UE du 6 octobre 2006 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation13 ; • L’Etat ayant ordonné la confiscation est membre de l’UE et a transposé dans son droit interne la décision-cadre du Conseil de l’UE du 6 octobre 2006 → Article 713-32 du Code de procédure pénale. Suivant ce texte, dès lors que le montant total des sommes recouvrées est supérieur à 10.000 €, un partage à parts égales s’opère avec l’Etat étranger.14 • ✓Dans tous les autres cas, ce sont les dispositions de l’article 713-40 du Code de procédure pénale qui s’appliquent. Suivant ce texte, la propriété des avoirs est dévolue à l’Etat français, sauf accord contraire conclu avec l’Etat étranger requérant (le partage n’est donc pas automatique). Le cas échéant, dès lors que Ce principe est par ailleurs repris à l’article L.1124-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. La loi prévoit ainsi la destruction des choses illicites ou dangereuses (tels que les produits stupéfiants) ou bien encore la remise des animaux confisqués à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique. 13 Les règles de partage édictées dans le cadre de l’UE ne s’appliquent que si l’Etat ayant ordonné la confiscation a transposé dans son droit interne la décision-cadre du Conseil de l’UE du 6 octobre 2006 ; dans le cas contraire, ce sont les règles prévues à l’article 713-40 du Code de procédure pénale qui s’appliquent (Cass. Crim. 28 mai 2015 ; n° : 14-83612). 14 La règle de partage ne concerne que les sommes d’argent et le produit de la vente des biens confisqués. Les biens confisqués qui n’auraient pas été vendus sont quant à eux dévolus à l’Etat français sauf accord contraire avec l’Etat requérant. 11 12 8 le montant total des sommes recouvrées (ce inclut le produit de la vente des biens confisqués) est supérieur à 10.000 €, il est possible d’opérer un partage à parts égales avec l’Etat étranger. La Convention des Nations Unies Contre la Corruption (CNUCC) va quant à elle plus loin, puisqu’elle prévoit la restitution obligatoire et intégrale des avoirs illicites au profit de l’Etat étranger (« victime ») dans les cas de soustraction de fonds publics ou de blanchiment de fonds publics soustraits (Article 57.3.a)).15 Par ailleurs , la convention organise la restitution du produit de toute autre infraction visée par la CNUCC : l’article 57.3.b) prévoit en effet, en pareille hypothèse, que l’État Partie requis [où se trouvent les avoirs illicites] doit restituer les biens confisqués à l’État Partie requérant lorsque ce dernier fournit des preuves raisonnables de son droit de propriété antérieur sur lesdits biens ou bien lorsque l’État Partie requis reconnaît un préjudice à l’État Partie requérant comme base de restitution des biens confisqués. Ces dispositions, qui visent précisément à organiser et faciliter la restitution des avoirs illicites au profit de l’Etat victime, ne sont cependant quasiment jamais appliquées, ainsi que le confirme une récente étude de l’ONUDC : « Bien que des condamnations pour blanchiment d’argent puissent être prononcées dans l’État dont les fonds publics sont détournés, la plupart de celles examinées pour ce rapport ont eu lieu en dehors du pays où a eu lieu l’infraction d’origine de détournement de fonds. En analysant les affaires qui ont été examinées dans le rapport, la rareté des demandes de coopération internationale basées sur les ordres de confiscation dans l’État dont les ressources ont été détournées ou qui ont subi un préjudice est notable. Un exemple important de confiscation domestique a eu lieu concernant l’ancien gouverneur d’Etat Diepreye Alamieyesigha (...). À l’exception de cette possibilité, l’analyse des cas examinés n’a révélé aucune demande des États qui avaient subi un préjudice pour la restitution des fonds sur la base des ordonnances de confiscation prévues à l’article 57, paragraphes 3 a) et b) de la Convention, sur la base d’une ordonnance de confiscation de leurs tribunaux » ”.16 La raison en est simple : les règles de restitution de la CNUCC (tout comme les règles de partage prévues par notre Code de procédure pénale) ne jouent que lorsque les juridictions étrangères ont engagé et mené à leur terme les procédures judiciaires nécessaires aux fins de recouvrer les avoirs illicites blanchis et/ou recelés à l’étranger. Or, lorsqu’il est question de grande corruption et tout particulièrement lorsque les agissements illicites mettent en cause des agents publics de haut rang (qui plus est, en exercice), il est, le plus souvent, illusoire d’espérer que les juridictions de l’Etat d’origine entreprennent des démarches en ce sens. En effet, dans un Etat où prospère la grande corruption, les autorités judiciaires sont pour le plus souvent empêchées d’agir, soit qu’elles craignent des représailles, soit qu’elles soient elles-mêmes sujettes à la corruption. Il est également des cas où des actions judiciaires sont engagées dans le pays d’origine. Pour autant, les motivations profondes des procédures en question, tout autant que les conditions dans lesquelles elles sont conduites, sont bien souvent On rappellera que suivant l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». En d’autres termes, sous réserve de la condition de réciprocité, les dispositions de la CNUCC doivent prévaloir sur les règles de partage figurant dans notre Code de procédure pénale. 16 “Digest of asset recovery cases”, ONUDC (Décembre 2013). 15 9 hautement sujettes à caution17 et représentent autant de freins à la coopération internationale et à la mise en oeuvre des dispositions relatives au partage ou à la restitution des avoirs. On rappellera à cet égard que la France refuse l’exécution d’une décision de confiscation rendue à l’étranger, dès lors que cette dernière : « a été prononcée dans des conditions n’offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense » (article 713-37 du Code de procédure pénale). Qui plus est, même dans les cas où les juridictions de l’Etat d’origine auraient la volonté (sincère) d’engager des procédures - ce qui n’arrive le plus souvent qu’après la chute du régime corrompu – la défaillance de leur système judiciaire (et notamment leur manque de moyens/capacité) constitue un autre obstacle de taille au succès de leurs démarches. Il suffit, pour s’en convaincre , d’apprécier les difficultés rencontrées par la République d’Haïti dans ses efforts visant à recouvrer les avoirs volés par Monsieur Jean-Claude Duvalier et blanchis en Suisse. Ces difficultés sont d’ailleurs à l’origine de la loi fédérale suisse sur la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes politiquement exposées. LA SUISSE ET LA « LEX DUVALIER » L’affaire Duvalier démarra en 1986 – au lendemain de la chute de l’ancien dictateur Haïtien – lorsque le nouveau régime en place adressa à la Suisse une demande d’entraide en vue d’identifier et de bloquer les avoirs de Jean-Claude Duvalier et de son entourage. À la suite des coups d’État qui s’étaient succédé en Haïti, les autorités haïtiennes n’avaient toutefois pas été en mesure d’apporter à la Suisse les éléments de preuve au soutien de leur demande, ce qui avait conduit l’Office fédéral de la justice à décider, le 15 mai 2002, à mettre fin à l’entraide. Cependant , afin d’éviter que les avoirs suisses des Duvalier – d’un montant de 7,6 millions de francs – ne reviennent à la famille de l’ancien dictateur, le gouvernement suisse procéda au blocage des fonds. Cette mesure politique sera d’ailleurs renouvelée à plusieurs reprises. Finalement, en décembre 2008, le Conseil fédéral a reconnu la nécessité de légiférer en la matière et chargea le Département fédéral des affaires étrangères d’établir un projet de loi visant à faciliter la restitution des avoirs illicites aux pays spoliés dans le cas des Etats défaillants. C’est dans le contexte que sera adoptée, en 2010 , la “loi fédérale suisse sur la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes Le plus souvent, ces actions sont entreprises en réponse aux procédures ouvertes à l’étranger (là où sont blanchis les avoirs illicites) afin de les court-circuiter et/ou de se voir restituer les avoirs sujets à confiscation. Il suffit de voir à cet égard les procédures récemment engagées par la Guinée Equatoriale et l’Ouzbékistan : Gulnara Karimova, la fille ainée de l’ancien président d’Ouzbekistan, est un coeur d’une série de scandales de corruption qui font actuellement l’objet d’enquêtes dans différents pays dont la France. Semble-t-il désireux de récupérer les avoirs en question – dont bon nombre sont actuellement saisis à l’étranger – et conscient de la nécessité, pour ce faire, qu’un jugement de condamnation soit rendu par ses tribunaux, l’Ouzbékistan n’a pas ménagé ses efforts. Le 15 juillet 2015, le Tribunal pénal de Tashkent aurait ainsi rendu un jugement de condamnation… sauf que rien ne permet de corroborer la réalité de ce procès et qu’en tout état de cause, eu égard à l’état de la justice ouzbek, les conditions dans lesquelles ladite procédure judiciaire aurait été menée restent hautement sujettes à caution. Pour plus d’informations, voir : “Tackling corruption in Uzbekistan: a white paper”. La stratégie adoptée par le gouvernement équato-guinéen en réponse à l’affaire des « Biens Mal Acquis » n’est pas tellement différente si ce n’est qu’elle vise moins à recouvrer les avoirs qu’à contrarier le procès de Teodorin Nguema Obiang. C’est ainsi que le 12 avril 2017, soit près de deux mois avant l’ouverture dudit procès devant le Tribunal Correctionnel de Paris, le Parquet de Malabo ouvrit une enquête pour corruption à l’encontre des représentants des entreprises SOMAGUI FORESTAL SL, EDUM SL et SOCAGE SL (associés à Teodorin Nguema Obiang et mises en cause dans le cadre de l’affaire des « Biens Mal Acquis »). Cette enquête express déboucha sur un procès éclair le 8 juin 2017 lors duquel le Ministère Public se prononça en faveur d’un acquittement. Et, sans surprise aucune, le 13 juin suivant, le Tribunal acquitta les prévenus estimant «n’avoir trouvé aucun acte délictueux contre les accusés ni contre les entreprises qu’ils représentent». Il va de soi que ce « procès » ne constitue qu’un stratagème grossier uniquement destiné à faire échec à la procédure valablement engagée en France. Source : Bureau d’information et de presse de Guinée équatoriale. 17 10 politiquement exposées”. Cette loi autorise les autorités suisses à confisquer, de manière autonome, des avoirs illicites (i.e. sans attendre un jugement de condamnation dans l’Etat d’origine), dès lors que l’Etat d’origine n’est pas capable de mener à son terme une procédure d’entraide judiciaire en raison de la défaillance de ses institutions. Cette loi (également connu sous le nom de « Lex Duvalier ») sera par la suite enrichie, afin d’appréhender d’autres situations de défaillance, telles que celles rencontrées dans le cadre du printemps arabe18. Au final, en matière de grande corruption, les états d’origine n’engagent, le plus souvent, aucune action à des fins de recouvrement (ou bien ne parviennent pas à les mener valablement à leur terme). Aussi, les règles de partage figurant dans notre Code procédure pénale tout autant que les règles de Sur cette base, le Tribunal Fédéral a ordonné la confiscation des avoirs de Duvalier, en décembre 2013, ouvrant ainsi la voie pour leur restitution au profit du peuple Haïtien. Avoirs confisqués de manière Avoirs confisqués France en en application d’une décision de confis- autonome par les juridictions cation rendu à l’étranger françaises (article 131-21 du Code pénal) État membre de l’UE : Article État non membre de l’UE : En application de l’article 57 de 713-32 du Code de pro- Article 713-40 du Code de la CNUCC : cédure pénale → Partage à procédure pénale → Le par- Restitution intégrale des avoirs parts égales (50%-50%) des tage des avoirs n’est pas à l’État étranger // SEULES sommes d’argent obligatoire et requiert un Conditions : recouvrées // accord avec l’état étranger • Condition : Réciprocité (cf. Article 55 de la Consitution) Transposition de la déci- • Qualité de la procédure sion-cadre du Conseil de engagée à l’étranger (cf. l’UE du 6 octobre 2006 Article 713-37 du Code de procédure pénale) En définitive, en application des règles de partage et de restitution et des conditions posées par ces textes, la propriété de tout ou partie des avoirs confisqués en France en application d’une décision de confiscation rendue à l’étranger peut être transféré à l’État français ÉTAT FRANÇAIS 18 A propos des fonds Duvalier déposés en Suisse ; Plate-forme Haïti de Suisse (2014). 11 restitution édictées par le CNUCC, n’ont quasiment jamais vocation à s’appliquer, ou bien, s’agissant des règles de partage prévues par notre Code de procédure pénale, lorsque celles-ci s’appliquent, ce n’est très vraisemblablement qu’au profit d’Etats tiers.19 En d’autres termes, la confiscation des produits de la grande corruption se trouvant en France, emporte, le plus souvent, transfert - le cas échéant total (confiscation autonome) ou partiel (cf. mise en jeu des règles de partage au profit d’Etat tiers) de la propriété au profit de l’Etat français.20 Or, si l’on conçoit aisément que l’absence de gouvernance, voire l’état de défaillance des Etats d’origine, rendent (légalement) impossible le partage ou la restitution des avoirs illicites à leur profit : en revanche, rien ne justifie que les avoirs ayant fait l’objet d’une décision de confiscation ne soient pas mis au bénéficie des populations victimes, qui sont, rappelons-le, les premières victimes de la grande corruption. Toute autre solution ne peut que constituer une « double peine » ; les populations victimes payant en effet, non seulement pour la corruption de leurs élites dirigeantes, mais qui plus est, pour les dysfonctionnements de leur appareil judiciaire. D’où l’importante question de l’affectation des avoirs. B. L’affectation des avoirs confisqués (et dévolus à l’État français) Par défaut, les sommes d’argent recouvrées, tout comme le produit de la vente des biens confisqués, sont affectés au budget général de l’Etat en tant que recettes non fiscales. La loi ne prévoit que quatre exceptions à cette règle d’affectation21. Pour autant, aucune n’est pertinente par rapport à la question qui nous occupe, si bien qu’en l’état actuel de nos textes, les avoirs issus de la grande corruption ont nécessairement vocation à être, pour partie, transférés à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), en vue de son financement (montant plafonné) et pour le reste, au budget général de l’Etat. L’AFFECTATION DES AVOIRS CONFISQUÉS : LES RÈGLES EXISTANTES ET L’ORDRE SUIVANT LEQUEL ELLES S’APPLIQUENT 1 → Indemnisation des parties civiles non indemnisées 2 → Alimentation des fonds spéciaux : • • Avoirs provenant de la confiscation des biens mobiliers ou immobiliers de personnes reconnues coupables d’infraction en matière de trafic de stupéfiants  Fonds de concours stupéfiants ; Avoirs provenant de la confiscation des biens mobiliers ou immobiliers de personnes reconnues coupables d’infraction en matière de traite des êtres humains et de proxénétisme  Fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées 3 → Autofinancement de l’AGRASC (montant plafonné) 4 → Alimentation du budget général de l’Etat (affectation par défaut) On peut en effet concevoir l’hypothèse où l’entraide judiciaire de la France est requise par un Etat étranger ‘A’ aux fins de confisquer des avoirs issus de faits de grande corruption mettant en cause un agent public originaire d’un Etat étranger ‘B’ (et de penser notamment à l’entraide judiciaire accordée par la France aux EtatsUnis en lien avec les avoirs du clan Abacha situés en France). En ce cas, le partage des avoirs s’opérerait, théoriquement, non pas au profit de l’état d’origine (l’Etat ‘B’) mais au profit d’un Etat tiers (l’Etat ‘A’ où a été prise la décision de confiscation). 20 Il convient de préciser que ces développements demeurent, pour l’heure, essentiellement théoriques dans la mesure où les règles applicables en la matière sont relativement récentes et qu’en tout état de cause, nous ne disposons pas de précédents judiciaires. En effet, tandis qu’aucune décision de confiscation n’a encore jamais été rendue en France en lien avec des faits de grande corruption, la France n’a encore jamais eu à se prononcer sur l’exécution d’une décision de confiscation rendue à l’étranger à raison de tels faits 21 Tout d’abord, en vertu de l’article 706-164 du Code de procédure pénale, les parties civiles non indemnisées peuvent obtenir de l’AGRASC que leur indemnisation leur 19 12 Les recettes ainsi inscrites au budget général de l’Etat, ne peuvent, en vertu de la règle de nonaffectation budgétaire, être affectées à une dépense Cette situation contraste avec les principes relatifs à la disposition et au transfert des avoirs confisqués en matière de grande corruption élaborés en 2005 particulière : toutes les recettes de l’Etat sont en par le G822. Le Principe n° 2 prévoit notamment : effet indistinctement destinées à la couverture de l’ensemble des dépenses inscrites au budget. « A chaque fois que cela est possible et approprié, sans porter préjudice aux autres victimes, les biens recouvrés dans des affaires de grande corruption L’article 16 de la Loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit cependant la possibilité de déroger à ce principe et d’affecter des recettes non fiscales à certaines dépenses du budget de l’État. En effet, suivant ce texte : « certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d’un budget annexe ou d’un compte spécial ». En tout état de cause, l’engagement d’une dépense au profit des populations victimes, tout autant que la création d’un compte spécial (ou de toute autre procédure d’affectation particulière), sur le fondement de l’article 16 de la LOLF ne pourraient être décidées que dans le cadre de la loi de finances (avec les risques d’insécurité juridique que cela implique du fait des alternances politiques). En définitive, en l’état actuel de nos textes, rien ne permet de garantir l’affectation des avoirs illicites confisqués au profit des populations victimes de la grande corruption. devraient bénéficier aux populations des Etats victimes de la corruption ». Et de préciser : « à cette fin, les juridictions qui confisquent les produits de la corruption étrangère devraient être encouragées à adopter une vision large sur la nécessité de restituer les produits de la grande corruption aux pays qui l’ont subie ». Cette situation contraste par ailleurs avec la pratique d’un nombre croissant d’Etats qui accordent une place centrale aux populations victimes en matière de recouvrement d’avoirs illicites. On peut notamment évoquer la Suisse qui vient tout récemment d’enrichir son arsenal législatif en la matière afin notamment “d’assurer que les valeurs restituées profiteront bien à la population de l’Etat d’origine voire à un groupe de cette population”23. L’accord conclu aux Etats-Unis par le Département de la justice, avec Teodorin Nguema Obiang, en vue de mettre un terme aux procédures de confiscation engagées par les autorités de poursuites américaines en lien avec les avoirs illicites de ce dernier sur le sol américain participe de cette même volonté. En effet, l’accord prévoit qu’une partie des soit payée sur les fonds ou sur la valeur liquidative des biens de son débiteur dont la confiscation a été décidée par une décision définitive. Cette disposition, qui a la primauté sur les trois autres règles d’affectation, ne permettrait cependant pas d’indemniser les populations victimes de la grande corruption faute pour ces dernières de pouvoir valablement se constituer parties civiles (en lieu et place de leur Etat d’origine). Ensuite, les avoirs provenant de la confiscation des biens mobiliers ou immobiliers des personnes reconnues coupables d’infraction en matière de trafic de stupéfiants ne sont pas transférés au budget général de l’Etat mais à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) en vue d’alimenter le fonds de concours stupéfiants (article 706-161 alinéa 3 du Code de procédure pénale). Il en est de même des avoirs provenant de la confiscation des biens mobiliers ou immobiliers des personnes reconnues coupables d’infraction en matière de traite des êtres humains et de proxénétisme qui sont transférés à l’AGRASC en vue d’alimenter le fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées (article 706-163 4° du Code de procédure pénale). Enfin, pour tous les autres avoirs, l’AGRASC est autorisée à récupérer une partie plafonnée des sommes confisquées gérées par elle et du produit de la vente des biens confisqués lorsqu’elle intervenue pour leur gestion (mécanisme d’auto-financement de l’AGRASC prévu par l’article 706-163 3° du Code de procédure pénale). 22 “G8 asset recovery initiative principles and options for disposition and transfer of confiscated proceeds of grand corruption” (Avril 2005) in “Report to the G8 Justice and Home Affairs Ministers on implementation of the 2004 Ministerial Declaration on Recovering the Proceeds of Corruption” (Mai 2007). 23 Message relatif à la loi sur les valeurs patrimoniales d’origine illicite du 21 mai 2014. Pour plus d’informations sur la loi sur les valeurs patrimoniales d’origine illicite, voir Annexe B. 13 fonds recouvrés seront transférés à un organisation caritative en vue de leur utilisation “for the benefit of the people of Equatorial Guinea”.24 de leur affectation : au-delà de faciliter la traçabilité des fonds, ce principe de spécialité budgétaire revêt une importance symbolique de premier plan, en ce qu’il traduit la volonté de la France de ne pas « s’approprier » le produit de la grande corruption. La lacune du dispositif français en la matière est d’autant plus regrettable au vu des récents développements dans l’affaire dite des « Biens Mal Acquis » et, plus généralement, au vu du nombre croissant d’affaires de corruption mettant en cause des agents publics étrangers (et leur entourage). La France, en tant que terre d’accueil des avoirs issus de la grande corruption, a effet une « dette morale » vis-à-vis des populations victimes. Il est vrai que ces dernières, tout autant que la société civile, en général, comprendraient mal que les avoirs litigieux • L’intégralité de la procédure d’affectation doit être conduite de manière transparente (la phase de consultation initiale, la sélection du ou des organismes récipiendaires des fonds, le choix des projets et programmes, les modalités de transfert des fonds ainsi que leur administration par le ou les organismes récipiendaires…) à travers notamment la publication d’informations (qui procèdent de faits traduisant un manquement des agents publics à leur devoir de probité) ne leur soient pas retournés, d’une manière ou d’une autre. fiables et exhaustives sur un site internet dédié et la diffusion de communiqués de presse en temps utile. II. LE SORT DES « BIENS MAL ACQUIS » ET AUTRES AVOIRS ILLICITES ISSUS DE LA GRANDE CORRUPTION : LA PROPOSITION DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL FRANCE Afin de combler cette lacune, Transparency International France propose d’introduire un dispositif d’affectation des avoirs issus de la grande corruption (A) reposant sur 5 principes essentiels (B). A. Les 5 principes essentiels devant gouverner l’affectation des avoirs issus de la grande corruption Transparence • Les fonds issus de la grande corruption doivent être isolés du budget général de l’Etat et consignés sur un compte spécial dans l’attente 24 25 • Les fonds doivent être administrés de manière à assurer une traçabilité optimale et bénéficier pour ce faire d’un traitement comptable isolé. Solidarité • Les fonds issus de la grande corruption doivent être affectés exclusivement à l’amélioration des conditions de vie des populations et/ou au renforcement de l’état de droit et à la lutte contre la corruption dans le ou les pays où les infractions sous-jacentes ont eu lieu et peuvent ainsi notamment contribuer à la réalisation des Objectifs de Développement Durable. Les Objectifs de développement durable (ODD) sont un ensemble de 17 objectifs portés par l’Organisation des Nations unies et ayant pour but le développement international. Ils remplacent les objectifs du millénaire pour le développement qui se sont terminés en 201525. Source : Département de la justice américain. Pour plus d’informations sur cet accord, voir Annexe C. Plus d’infos : http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/ 14 • La procédure de consultation, qui vise à déterminer les modalités concrètes d’affectation des fonds, doit être menée de manière inclusive en assurant notamment la participation de la société civile afin de répondre au mieux aux besoins et attentes des populations victimes. Efficacité • Les modalités concrètes d’affectation des fonds (le choix du ou des organismes récipiendaires des fonds, la sélection du ou des projets et programmes, les modalités de transfert des fonds…) doivent être décidées, au cas par cas, au regard des circonstances particulières de l’espèce avec l’objectif d’assurer, dans le strict respect des principes ici-exposés, une utilisation optimale des fonds. Aucun transfert de fonds ne peut intervenir tant que les modalités concrètes de leur affectation ne sont pas arrêtées de manière claire et définitive. Redevabilité • Des rapports moraux et financiers doivent être établis chaque année par le ou les organisme/s récipiendaires des fonds ainsi qu’au terme de leur mission et rendus public in extenso afin notamment de rendre compte de la gestion rigoureuse des fonds ainsi que de l’utilisation qui en a été faite et le cas échéant, des bénéfices retirés par les populations victimes. L’Etat français veille à la mise en oeuvre des principes ici-exposés. Il est seul garant de la bonne utilisation des fonds. À ce titre, il peut organiser des visites sur place ou bien encore mandater la réalisation d’audits indépendants et prendre, le cas échéant, toutes les mesures correctives qui s’imposent. Les frais occasionnés pour la mise en oeuvre du présent dispositif d’affectation sont prélevés sur les montant des fonds consignés dans la limite d’un pourcentage plafonné déterminé par la loi. • Toutes les fois que cela s’avère opportun et que les conditions s’y prêtent, l’Etat français peut associer le gouvernement du ou des Etats d’origine. Un accord sera conclu à cette fin, permettant notamment de consigner leur engagement à respecter les principes iciexposés. Intégrité • Les fonds doivent être administrés de manière rigoureuse afin notamment de prévenir qu’ils soient recyclés dans les circuits de la corruption ou associés à toute autre activité illégale ou illicite. Tout soupçon d’irrégularités concernant la gestion de fonds entraîne l’ouverture d’une enquête et la suspension des opérations de transfert. 15 B. Le dispositif d’affectation des avoirs issus de la grande corruption Transparency International France propose l’introduction d’un dispositif d’affection des avoirs illicites en matière de grande corruption qui répond fidèlement à ces principes. Les phases clés du dispositif proposé par Transparency International France : • Consignation des fonds auprès de l’AGRASC // Procédure de consultation destinée à déterminer les modalités concrètes d’affectation des fonds ; • Transfert des fonds à ou aux organismes récipiendaires et mise en oeuvre des projets ou programmes. Plus concrètement, Transparency International France propose d’insérer, au sein du Livre IV du Code de procédure pénale, (“De quelques procédures particulières”) un nouveau titre XXXIV (qui pourrait s’intituler “De l’affectation des biens issus de la grande corruption”) avec un article unique rédigé comme suit : « Toutes les fois que la propriété de biens confisqués en application de l’article 131-21 du code pénal [cf. confiscation autonome], des dispositions relatives à la coopération internationale aux fins d’exécution des décisions de confiscation figurant dans le code de procédure pénale [cf. articles 71332 et 713-40 du Code de procédure pénale] ou dans la Convention des Nations Unies contre la Corruption [cf. article 57 de la CNUCC] a été dévolue à l’Etat et que les dits biens sont liés à la commission d’une ou plusieurs d’infractions traduisant, de la part de personnes politiquement exposés étrangères [telles que définies à l’article L561-10 2° du Code monétaire et financier] un manquement à leur devoir de probité ou un enrichissement illicite, les sommes d’argent recouvrées et le produit de la vente des biens confisqués, déduction faite le cas échéant des frais de procédure engagés dans la limite d’un plafond fixé par la loi, sont consignés sur le compte ouvert au nom de l’AGRASC auprès de la caisse des dépôts et des consignations dans l’attente de leur affectation. Les fonds ainsi consignés devront être affectés exclusivement à : i) l’amélioration des conditions de vie des populations et/ou ; ii) au renforcement de l’état de droit et à la lutte contre la corruption dans le ou les pays où les infractions sous-jacentes ont eu lieu et, ainsi, contribuer à la réalisation des Objectifs de Développement Durable. Les modalités concrètes d’affectation des fonds consignés, et notamment la sélection du ou des projets ou programmes à financer, et/ou l’identité du ou des organismes récipiendaires desdits fonds, sont déterminées, au cas par cas, par l’Etat français à l’issue de la procédure de consultation décrite ci-après et dans un délai de 12 mois, à compter de la consignation des fonds auprès de l’AGRASC. La procédure de consultation vise à déterminer la manière la plus efficiente d’affecter les fonds consignés, au regard des circonstances particulières de l’espèce, et compte tenu des fins, définies par le présent article. 16 La procédure de consultation doit être menée de manière transparente et inclusive. Elle doit nécessairement inclure l’audition de représentants de la société civile, y compris, dans la mesure du possible, ceux originaires du ou des pays concernés. L’Etat français peut organiser un appel à contributions, ou bien encore solliciter le concours ou l’avis de toute personne physique ou morale qualifiée. Toutes les fois que cela s’avère opportun et que les conditions s’y prêtent, l’Etat français peut également consulter le gouvernement du ou des Etats d’origine. Un accord est alors conclu afin notamment de garantir le respect des principes fixés par le présent article. En tout état de cause, les fonds ne doivent pas être utilisés à d’autres fins que celles prévues par le présent article. A l’issue de la procédure de consultation, et une fois la décision d’affectation des fonds arrêtée, l’Etat français indique par voie de communiqué le ou les projets ou programmes à financer, ainsi que leurs modalités de mise en oeuvre et/ou l’identité du ou des organismes récipiendaires des fonds. suspension des opérations de transfert. Les récipiendaires des fonds sont tenus d’adresser à l’Etat français des rapports moraux et financiers à la fin de chaque exercice comptable, ainsi qu’au terme de leur mission. L’Etat français peut effectuer une visite du ou des sites où ont été déployées les activités litigieuses ou bien encore mandater la réalisation d’un audit indépendant et prendre, le cas échéant, toutes les mesures correctives qui s’imposent. Des informations fiables et exhaustives permettant notamment d’apprécier l’utilisation faite des fonds et, le cas échéant, les bénéfices retirés par les populations locales, sont rendus publics sur un site internet dédié. Les frais occasionnés au titre du présent article sont prélevés sur les montant des sommes consignés, dans la limite d’un pourcentage plafonné déterminé par la loi. Les modalités de mise en oeuvre des dispositions du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat. » L’Etat français transmet à l’AGRASC le ou les ordres de virement suivant le calendrier établi et veille à la bonne utilisation des fonds. Les fonds doivent être gérés de manière rigoureuse et transparente. Tout soupçon d’irrégularités concernant la gestion de fonds entraîne l’ouverture d’une enquête et la 17 Commentaires : • Le dispositif proposé ne vise que les avoirs confisqués dont la propriété a été transférée à l’Etat français. Par conséquent, ne sont donc pas couverts les avoirs susceptibles de restitution ou bien encore restitués en application des articles 478 et 479 du Code de procédure pénale, tout comme ceux aux sujets desquels il existe des dispositions particulières prévoyant leur destruction ou leur attribution/dévolution à une autre entité que l’Etat. En revanche, l’origine de la décision de confiscation est indifférente : confiscation autonome ou bien confiscation exécutée à la demande de juridictions étrangères. En ce dernier cas, le dispositif recouvre tant les avoirs ultimement dévolus à l’Etat français, en application des règles de partage visées aux articles 713-32 et 713-40 du Code de procédure pénale, ou bien encore de l’article 57.3 de la Convention des Nations Unies contre la Corruption, que l’hypothèse où lesdites règles ne trouveraient pas à s’appliquer emportant ainsi transfert total de la propriété des avoirs au profit de l’Etat français.26 • A travers ce dispositif, il ne s’agit pas de faire obstacle au principe de transfert de propriété des avoirs au profit de l’Etat français, mais de « court-circuiter » leur affectation au budget général de l’Etat, afin d’en organiser plus aisément, et de manière plus transparente, leur utilisation au profit des populations victimes. La règle d’affectation ici proposée s’ajouterait donc à celles existantes et aurait vocation à intervenir au même niveau que celles prévues pour les fonds spéciaux (i.e. après l’indemnisation des victimes mais de manière prioritaire sur le financement de l’AGRASC).27 Les fonds seraient ainsi transférés à l’AGRASC, spécialement conçue à l’effet de gérer des avoirs saisis et confisqués, en vue de leur consignation.28 • Il ne s’agit pas davantage de déterminer, a priori, la manière dont les fonds consignés seront utilisés – le choix du ou des organismes récipiendaires et, plus généralement, les modalités concrètes d’affectation des fonds dépendant nécessairement des circonstances particulières de l’espèce – mais de garantir, qu’en toute hypothèse, ils bénéficient aux populations victimes. Suivant le cas, il pourra par exemple s’agir de transférer les fonds à une agence de développement, à une organisation caritative ou bien encore à une organisation ad hoc.29 En d’autres termes, le dispositif ici proposé n’intervient – à l’instar de celui existant en droit Suisse (cf. loi LVP détaillée en Annexe B) – que de manière subsidiaire. Il ne s’agit en effet que de compléter le cadre général existant en matière de partage et restitution des avoirs illicites afin de ne pas léser (davantage) les populations victimes de la grande corruption toutes les fois que la situation de défaillance des Etats d’origine empêchent ces derniers d’engager et de mener à leur terme les procédures judiciaires utiles et partant la mise en jeu desdites règles de partage et de restitution. 27 A toutes fins utiles, il est précisé que la France ne serait nullement lésée par la mise en place d’un tel dispositif en ce que les frais de procédure engagées par les juridictions françaises seraient déduits du montant des sommes appelées à être transférées à l’AGRASC (sauf, bien entendu, dans l’hypothèse où lesdits frais auraient d’ores et déjà été déduits à l’occasion d’un accord de partage : cf. articles 713-32 et 713-40 du Code de procédure pénale) et que ces dernières conserveraient en tout hypothèse la possibilité d’imposer aux agents mis en cause des peines d’amende – lesquelles reviennent de plein droit au Trésor Public français. 28 Il est précisé que les fonds seraient consignés auprès de l’AGRASC mais qu’ils ne relèveraient cependant pas de ses fonds propres. 29 Pour un panorama des précédents en la matière, voir Annexe C. 26 18 Le dispositif proposé permettrait de garantir que les avoirs illicites, recouvrés en France, contribuent au développement des pays qui en ont été injustement privés, dans tous les cas de grande corruption où l’absence de gouvernance et/ou l’état de défaillance des Etats d’origine rendent (légalement) impossible la mise en jeu des règles de partage ou de restitution. Il est à cet égard, pleinement conforme avec les dispositions de l’article 57.3.c) de la CNUCC, qui envisagent expressément la possibilité d’utiliser les avoirs confisqués afin de « dédommager les victimes ». Alors qu’a récemment démarré le 2ème cycle d’examen de la CNUCC (qui vise précisément à mesurer le degré de conformité des Etats Parties avec les dispositions relatives au recouvrement d’avoirs), nous appelons la France à se saisir, sans plus tarder, de cette question et à mettre son dispositif à la hauteur de ses engagements internationaux. 19 ANNEXES A. Confiscation Vs. Restitution Lorsque le Tribunal correctionnel rend son jugement de condamnation, il doit statuer sur le sort des biens – et notamment de ceux qui ont été préalablement saisis dans le cadre de l’instruction → Il peut : • ❖Ordonner leur confiscation : prévue par l’article 131-21 du Code pénal, la peine complémentaire de confiscation consiste en un transfert forcé de la propriété d’un bien au profit de l’Etat français. La confiscation concerne au premier chef l’instrument d’une infraction (ex. le pot de vin versé) ou bien encore son produit (ex. le bien acquis avec de l’argent détourné) mais peut également porter sur d’autres biens sans lien direct établi avec l’infraction dans les cas de confiscation élargie ; et/ou • ❖ Ordonner leur restitution : la restitution peut être ordonnée d’office par le Tribunal, sur demande du prévenu ou de la partie civile ou même de toute autre personne qui prétend avoir droit sur les biens saisis et/ou sujets à confiscation (cf. articles 478 & 479 du Code de procédure pénale). En pratique, cette exception de restitution s’exerce au profit de deux catégories de personnes : → La victime de l’infraction : Cette exception est expressément consacrée par l’article 131-21 3° dans sa rédaction issue de la loi Warsmann (2010) qui exclut la confiscation des biens « susceptibles de restitution à la victime » (jusqu’alors, la loi excluait « les biens susceptibles de restitution » sans plus de précision). Il est cependant acquis que cette exception de restitution ne vise que les seuls biens dont la victime a été privée du fait de l’infraction (ex. la victime d’un vol peut valablement demander la restitution du bien dont elle a été privée du fait de l’infraction et qui a été saisi dans le cadre de l’enquête) → Il doit en effet y avoir une exacte correspondance entre le bien saisi (ou sujet à confiscation) et le bien dont la victime prétend avoir été privée (du fait de l’infraction). Cette solution s’impose compte tenu de la nature particulière de l’action en restitution : affirmation d’un droit antérieur sur un objet saisi. Cette action en restitution doit en effet être nettement distinguée de l’action en dommages et intérêts, réparation en équivalent du préjudice subi par la victime d’une infraction ; cette dernière ne saurait en effet prétendre obtenir réparation de son préjudice via une action en restitution. D’importantes conséquences découlent de cette règle : Les objets acquis avec le produit d’une infraction ne peuvent donner lieu à restitution. Il en est de même des sommes provenant de l’aliénation d’un objet volé ou détourné. Dans ces hypothèses, seul l’octroi de dommages et intérêts pourra venir réparer le préjudice subi. ✓→ Les tiers propriétaires : Outre la victime de l’infraction, des tiers peuvent également valablement s’opposer à la confiscation du produit d’une infraction en faisant valoir leur titre de propriété régulier sur le bien. 20 Cette seconde exception de restitution vise l’hypothèse où le bien, produit de l’infraction, aurait été aliéné au profit d’un tiers. Cependant, cette exception n’a vocation à jouer qu’à la double condition que le tiers dispose d’un titre de détention/propriété régulier mais aussi et surtout qu’il soit de bonne foi (pour une application récente, voir : Cass. Crim 15 janvier 2014 ; n° 13-81874) → La personne revendiquant son droit de propriété ignorait que le bien dont elle a acquis la propriété présentait un lien avec la commission d’une infraction. B. Loi fédérale suisse sur le blocage et la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes politiquement exposées à l’étranger (dite LVP) Définitivement adoptée le 18 décembre 2015, la LVP est entrée en vigueur le 1er juillet 2016 et remplace depuis lors la loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes politiquement exposées. Cette loi, adoptée en réponse aux difficultés rencontrés par la Suisse au lendemain de la chute des présidents tunisiens et égyptiens en 2011, vise à faciliter le blocage, la confiscation et la restitution des avoirs illicites toutes les fois que l’Etat d’origine se trouve dans une situation de défaillance empêchant l’exécution d’une demande d’entraide judiciaire [1]. La loi prévoit ainsi que lorsque « l’Etat d’origine n’est pas en mesure de répondre aux exigences de la procédure d’entraide judiciaire du fait de l’effondrement de la totalité ou d’une partie substantielle de son appareil judiciaire ou du dysfonctionnement de celui-ci (situation de défaillance) », le Conseil fédéral peut procéder au blocage des valeurs patrimoniales (article 4) puis « charger le Département fédéral des finances (DFF) d’ouvrir devant le Tribunal administratif fédéral une action en confiscation des valeurs patrimoniales bloquées» (article 14). La restitution des avoirs ainsi confisqués (i.e. sur la base d’une décision de confiscation prise de manière autonome par les autorités compétentes suisses) est organisée par la Section 5 comme suit : Art. 17 Principe La restitution des valeurs patrimoniales poursuit les buts suivants : a. améliorer les conditions de vie de la population du pays d’origine, ou b. renforcer l’état de droit dans l’Etat d’origine et contribuer ainsi à lutter contre l’impunité. Art. 18 Procédure 1 La restitution des valeurs patrimoniales confisquées s’effectue par le financement de programmes d’intérêt public. 2 Le Conseil fédéral peut conclure des accords afin de régler les modalités de la restitution. 3 De tels accords peuvent porter notamment sur les éléments suivants : a. le type de programmes d’intérêt public auxquels sont destinées les valeurs patrimoniales restituées ; b. l’utilisation des valeurs patrimoniales restituées ; c. les partenaires impliqués dans la restitution ; d. le contrôle et le suivi de l’utilisation des valeurs patrimoniales restituées. 4 A défaut d’accord avec l’Etat d’origine, le Conseil fédéral fixe les modalités de la restitution. Il peut notamment restituer les valeurs patrimoniales confisquées par l’entremise d’organismes internationaux ou nationaux et 21 prévoir une supervision par le DFAE. 5 Il associe autant que possible les organisations non gouvernementales au processus de restitution. Art. 19 Frais de procédure 1 Un montant forfaitaire correspondant à 2,5 % au plus des valeurs patrimoniales confisquées peut être attribué à la Confédération ou aux cantons pour couvrir les frais de blocage, de confiscation et de restitution de valeurs patrimoniales, ainsi que les frais des mesures de soutien. [1] Cette loi s’applique de manière subsidiaire à la loi fédérale du 19 mars 2004 sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées (régime général reposant sur la procédure d’entraide judiciaire). La Suisse dispose donc de deux régimes distincts en matière de restitution des avoirs illicites (l’un reposant sur l’entraide judiciaire ; le second né de la LVP qui s’appuie sur une décision de confiscation autonome prise par les autorités suisses) permettant ainsi de tenir compte de la situation dans l’état d’origine. Source : https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20131214/index.html C. Modalités concrètes d’affectation des avoirs issus de la grande corruption : Une rapide analyse des précédents30 1) Les avoirs du clan Abacha restitués par la Suisse  La restitution des fonds au Nigéria (versement au budget général) sous la supervision de la Banque mondiale Le 7 février 2005, le Tribunal fédéral suisse jugea que la majeure partie des fonds de l’ancien dictateur nigérian, alors bloqués en Suisse, étaient manifestement d’origine délictueuse ouvrant ainsi la voie à la restitution de 458 millions de dollars américains au Nigeria. Au printemps 2004, le président du Nigeria, Monsieur Olusegun Obasanjo, et sa ministre des finances, Madame Ngozi Okonjo-Iweala, s’étaient engagés auprès des autorités suisses à ce que les avoirs d’Abacha restitués au Nigeria soient affectés à des projets d’amélioration de la santé et de l’éducation des populations rurales démunies et à la construction d’infrastructures (routes, alimentation en eau et en électricité). La Banque mondiale était quant à elle chargée de superviser, a posteriori, la bonne utilisation des fonds. La société civile a été peu impliquée dans le processus de restitution ; des organisations de la société civile nigériane ont néanmoins obtenu de participer à la mission d’évaluation menée par la Banque mondiale – ce qui était alors une première. Le rapport d’évaluation sur l’utilisation des fonds Abacha retournés au Nigeria publié par les organisations de la société civile nigériane en décembre 2006 a relevé bon nombre d’irrégularités. Ainsi, 9 des 54 projets de développement évalués avaient été achevés avant la comptabilisation des fonds au budget de l’Etat nigérian si Pour les besoins de la présente analyse, sera considéré l’ensemble des précédents existants en matière de corruption internationale (i.e. ce inclut les avoirs issus des faits de corruption d’agents publics étrangers) et non seulement les affaires de grande corruption. 30 22 bien qu’ils ne pouvaient avoir été financés avec les fonds restitués d’Abacha et que les sommes en jeu ont ainsi donné lieu à des soupçons de corruption. De même, 29 des 54 projets n’étaient pas terminés et de nombreux chantiers avaient été abandonnés alors qu’ils n’étaient pas achevés. Quelques centres de santé et écoles, bien que terminés, n’étaient en outre pas opérationnels car l’équipement, le personnel et l’entretien faisaient défaut. Le rapport de suivi de la Banque mondiale, publié quelques jours plus tard, vint confirmer les conclusions de la société civile ; il souligna notamment les lacunes existant dans la comptabilité publique nigériane empêchant la traçabilité des dépenses par projet. Ce cas de restitution démontre l’importance que les modalités concrètes d’utilisation des fonds soient scrupuleusement arrêtées avant tout déblocage des sommes ainsi que la mise en place d’une comptabilité rigoureuse permettant d’assurer un contrôle effectif de leur bonne utilisation. Sources : • “Managing Proceeds of Asset Recovery: The Case of Nigeria, Peru, the Philippines and Kazakhstan” ; Basel Institute/ICAR (2009) • “Utilization of repatriated Abacha loot: Results of the field monitoring exercise” ; Banque mondiale (décembre 2006) • “Shadow report on the PEMFAR monitoring exercise” ; Nigerian Network on Stolen Assets (décembre 2006) 2) Les avoirs angolais restitués par la Suisse → Le recours à une agence de développement Ces avoirs ont fait l’objet de deux accords distincts entre la Suisse et l’Angola (2005 ; 2012) ; tous deux ont prévu que les avoirs seraient utilisés pour la réalisation de projets humanitaires en Angola et que les fonds seraient administrés par la Direction du développement et de la coopération (l’agence de coopération internationale de la Confédération suisse) qui serait par ailleurs chargée de la supervision des projets sur place. Le dispositif mis en place est intéressant dans la mesure où les agences de développement sont souvent les mieux placées pour non seulement apprécier les besoins des populations locales mais également pour mettre en oeuvre des programmes d’aide. L’autre point positif résulte de ce que la gestion des fonds relève de la compétence exclusive de l’agence de coopération suisse (et non des autorités angolaises). Il convient cependant d’être réservé : la faiblesse des informations disponibles ne permet en effet pas de savoir si les fonds ont été utilisés conformément aux accords (qui n’ont d’ailleurs pas été rendus publics), ni même d’apprécier les performances réelles des programmes ainsi financés. Sources : • “Returning Stolen Assets - Learning from past practice: Selected case studies” ; Basel Institute/ICAR • “Switzerland and Angola sign agreement on the return of Angolan funds currently blocked in Switzerland to benefit humanitarian projects” ; Communiqués de presse de la Confédération Suisse (2005) • “Switzerland and Angola sign agreement on the restitution of Angolan assets” ; Communiqué de presse de la Confédération Suisse (2012) 23 3) Les avoirs kazakhs restitués par la Suisse et les Etats-Unis → La création d’une fondation philanthropique gérée par une organisation non-gouvernementale internationale sous la supervision de la Banque mondiale En 2007, les autorités judiciaires américaines ont recouvré la somme de US$84 million que James Giffen, un citoyen américain, avait utilisée afin de corrompre (pour le compte de sociétés pétrolières occidentales) des hauts fonctionnaires Kazakhs. Cette même année, un accord de restitution était conclu entre la Suisse (où se trouvaient les fonds en question), les Etats-Unis, et le Kazakhstan portant sur la création d’une fondation philanthropique privée totalement indépendante du gouvernement Kazakh (« BOTA Foundation ») chargée de recevoir les fonds [au final, ce sont plus de US$115 millions qui seront restitués] et de les mettre au service des enfants et des jeunes défavorisés au Kazakhstan à travers le financement de projets et d’activités dédiés. Le conseil d’administration de la Fondation comprenait cinq citoyens Kazakhs (non affiliés au gouvernement : “they must be completely independent of the Government of the Republic of Kazakhstan, its officials, and their personal or business associates”), un représentant du gouvernement suisse, et un représentant du gouvernement américain. La gestion de la fondation était quant à elle confiée à une “reputable international non-governmental organization” (présentée comme “the BOTA Program Manager”) avec l’appui de la Banque mondiale. L’accord prévoyait que les fonds seraient déboursés par tranches – étant précisé que les Etats-Unis et la Suisse se réservaient la possibilité de s’opposer à tout déboursement s’ils n’étaient pas satisfaits de la conduite des opérations du fonds. La fondation a démarré ses opérations en février 2009, suite à la sélection d’IREX et de Save the Children en tant que “BOTA Program Managers”. Au 31 décembre 2014, la fondation avait réalisé l’ensemble des missions pour lesquelles elle avait été constituée si bien qu’elle a été dissoute. Le communiqué de presse publié par la fondation à l’occasion de l’annonce de sa dissolution ne tarit pas d’éloges à son propos ; voyant dans la fondation BOTA “a model for future asset restitution cases worldwide” et de préciser : “BOTA was able to efficiently and effectively return more than $115 million in assets associated with corruption to poor children, youth, and their families. During the time of its operation, it was able to improve the health and poverty status of over 208,000 poor Kazakhstani children and youth”. Les fait est que les résultats d’une évaluation qualitative du travail réalisé par la fondation BOTA conduite à la demande des parties par Oxford Policy Management ont conclu que les activités de la fondation ont été extrêmement utiles aux populations qui en ont bénéficiés. Le mécanisme mis en place était pour le moins inédit puisque, bien qu’étant partie à l’accord de restitution, le gouvernement Kazakh a cependant été tenu entièrement à l’écart des opérations de la fondation BOTA : il n’avait pas accès aux fonds (versés directement et exclusivement à la fondation) et n’avait en outre aucun pouvoir (décisionnel ou de contrôle) sur l’utilisation qui en a été faite puisqu’il n’était pas membre du conseil d’administration. 24 Qui plus est, et au-delà de la performance des opérations déployées par la fondation, soulignons en outre la transparence et l’intégrité dont la fondation a fait preuve dans la conduite de ses opérations : il convient en particulier de relever l’absence totale d’allégations de corruption ou de malversations. De toute évidence, la fondation BOTA constitue le précèdent la plus abouti et, très certainement, un modèle à dupliquer. Pour autant, le dispositif mis en place est extrêmement ambitieux et sa mise en oeuvre suppose des moyens considérables et un suivi au long court. Sources : • Texte de l’accord (2007) ; • “Evaluation of the BOTA Foundation’s programmes” ; Oxford Policy Management (2013) • “BOTA Foundation completed its mission” ; Communiqué de presse de la fondation BOTA (2014) ; • BOTA Foundation Final Report (2015) 4) L’indemnisation des populations victimes dans le cadre du règlement transactionnel de l’affaire ALSTOM en Suisse  Le recours au Comité International de la Croix-Rouge (CICR) En 2011, le Ministère Public de la Confédération (MPC) suisse a renoncé à poursuivre Alstom SA pour “ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher” la commission de faits de corruption d’agents publics étrangers suite au versement par l’entreprise, en guise de réparation, d’un million de francs suisses au Comité International de la Croix-Rouge (CICR) en vue de leur affectation à des projets de cette institution en Tunisie, Lettonie et Malaisie (où ont eu lieu les faits de corruption litigieux). Ce dispositif est particulièrement intéressant en ce que, contrairement aux deux cas de restitution précédemment évoqués, les Etats victimes ont été totalement écartés : ils ne sont en effet nullement intervenus dans le choix de l’organisation ni plus généralement dans les modalités de cette restitution/réparation. Surtout, la simplicité du dispositif le rend particulièrement attractif puisqu’en l’espèce la procédure s’est soldée « en un trait de temps » par le seul et unique versement des fonds à une ONG en vue de leur affectation à des projets de cette dernière dans les Etats victimes. L’on ignore cependant si l’intervention du CIRC a fait l’objet d’un quelconque arrangement avec les autorités suisses afin d’encadrer notamment le choix des projets (et de veiller à ce qu’ils bénéficient effectivement aux populations victimes), d’organiser une procédure de reporting/ monitoring ou encore afin de prévenir tout risque d’abus et/ou de corruption quant à l’usage des fonds. Plus généralement, ici encore, il regrettable que la Suisse (pas davantage que le CICR par ailleurs) n’ait pas jugé utile de communiquer des informations sur ce cas de restitution. Source : Clôture de la procédure pénale à l’encontre de sociétés Alstom ; communiqué de presse du Ministère Public de la Confédération Suisse (2011). 25 5) Les avoirs de Teodorin Nguema Obiang confisqués aux Etats-Unis → Le recours (éventuel) à une organisation charitable En octobre 2014, le Département de la Justice américain et Teodorin Nguema Obiang concluaient une transaction visant à mettre un terme aux procédures engagées par les autorités de poursuites américaines en lien avec les avoirs de ce dernier aux Etats-Unis. L’accord en question prévoit : • La vente des biens saisis par les autorités américaines à savoir : ✓→ Une propriété à Malibu → ✓Une Ferrari 599 ✓→ Une statut à l’effigie de Michael Jackson (“Neverland Ranch Life Size Statues”) • Une contribution financière d’1 million de dollars de Teodorin Nguema Obiang. Les fonds seront ensuite dévolus comme suit : • S’agissant du produit de la vente de la propriété à Malibu : → Le paiement des frais liés à la vente des biens ; → US$10 million seront confisqués au profit des Etats-Unis étant précisé que “The United States represents that, where practicable and consistent with law, and after deducting its actual case-related costs and expenses, it intends to utilize the net Settlement Amount for the benefit of the people of the Republic of Equatorial Guinea” ; → Le reste sera mis au bénéficie de la population équato-guinéenne via le recours à une organisation charitable ou l’intervention d’un panel (voir ci-dessous). • S’agissant du produit de la vente des autres biens et de la contribution monétaire de Teodorin Nguema Obiang, ils seront mis au bénéficie de la population équato-guinéenne via le recours à une organisation charitable ou l’intervention d’un panel (voir ci-dessous). L’accord prévoit effet que les Etats-Unis et Teodorin Nguema Obiang co-sélectionneront une organisation charitable (“Charity”) pour recevoir et redistribuer les fonds restitués. Néanmoins, pour le cas où ils ne parviendraient pas à s’entendre sur le choix de l’organisation, l’accord prévoit de manière alternative que les fonds seront transférés et gérés par un panel de 3 membres composé comme suit : - Un membre sélectionné par les Etats-Unis ; - Un membre sélectionne par la République de Guinée-Equatoriale ; - Un membre (« panel chairman ») sélectionné conjointement par les Etats-Unis et la Guinée Equatoriale. Pour le cas où ils ne parviendraient pas à s’entendre sur le choix du « panel chairman », l’accord prévoit que les parties s’en référeront au tribunal américain qui pourra soit requérir une médiation soit sélectionner le « panel 26 chairman » de manière discrétionnaire. Les décisions du panel seront prises à la majorité des votes. S’agissant de l’affectation des fonds, l’accord ne fournit aucun détail précis ; il indique simplement que “the funds be used for the benefit of the people of the Republic of Equatorial Guinea”. L’organisation ou le panel devront publier un rapport moral et financier quant à l’utilisation des fonds tous les ans ainsi qu’au terme de leur mission. Il semble que les autorités américaines n’ont pas souhaité pas s’engager sur un dispositif aussi ambitieux que celui mis en place avec le Kazakhstan (création d’une structure, choix des priorités d’affectation…) ; d’où le recours à une organisation (qui sera notamment chargé de déterminer la meilleure façon de mettre les fonds restitués au bénéfice des équato-guinéens). Ce choix peut se comprendre ; il est cependant peu plausible que les Etats-Unis parviennent à se mettre d’accord avec Teodorin Nguema Obiang et du coup qu’« ils s’en sortent » si facilement (pour l’heure, aucun accord n’a abouti). Plus généralement, la complexité des clauses concernant la sélection de l’organisation chargé de gérer les fonds montre la difficulté d’associer les Etats victimes (ou leur représentant) au processus de restitution. Source : Texte de l’accord (2014). Transparency International France 01 84 16 95 65 contact@transparency-france.org https://transparency-france.org/ 27 Transparency International France 01 84 16 95 65 contact@transparency-france.org https://transparency-france.org/