RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Grosses délivrées aux parties le : COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRÊT DU 25 MARS 2014 (n° 49, 16 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 2013/02396 Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 décembre 2012 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/08904 APPELANTE : - LA CHAMBRE DES INDÉPENDANTS DU PATRIMOINE (CIP), prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est : 52 rue de Ponthieu 75008 PARIS Représentée par : - La SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 6 rue Mayran 75009 PARIS - Maître Philippe GLASER, avocat au barreau de PARIS et INTIMÉS : M. Julien, Adrien, Robert VAUTEL Né le 27 Juin 1973 à LYON 6ÈME Nationalité : Française Demeurant : 7 rue de la Bourse 75002 PARIS - La société HEDIOS PATRIMOINE, S.A., en la personne de son représentant légal, dont le siège social est : 7 rue de la Bourse 75002 PARIS Représentés par : - La SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocats associés au barreau de PARIS, toque : B1055 - Maître Philippe MEYLAN avocat au barreau de PARIS, toque : P0505 SCP TUFFAL- NERSON DOUARRE et Associés, 38 avenue Hoche 75008 PARIS COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 février 2014, en audience publique, l’avocat de l’appelant et l’avocat des l’intimés ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sylvie LEROY, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : - M. Christian REMENIERAS, président - Mme Pascale BEAUDONNET, conseillère - Mme Sylvie LEROY, conseillère GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Christian REMENIERAS, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier. ******** La société Hédios Patrimoine (ci-après la société Hédios) société par actions simplifiée, qui a pour président M Vautel, exerce principalement l'activité dite de "Conseil en Gestion de Patrimoine Indépendant" (CGPI). Les prestations assurées et produits distribués par la société Hédios relèvent des activités réglementées suivantes : - le Conseil en investissements Financiers ("CIF"), soumis aux dispositions des articles L541-1 et suivants du Code Monétaire et financier ("CMF"), - le démarchage bancaire et financier défini par les articles L.341-1 et suivants du code monétaire et financier, - l'intermédiation en opérations de banque et services de paiement (L.519-1 et s. CMF) ; - le courtage et l'intermédiation en assurance définis à l'article 511-1 du code des Assurances, - l'intermédiation en transactions sur immeubles et fonds de commerce, - la compétence juridique appropriée (CJA). L'exercice de l'activité de Conseil en investissements financiers est subordonné : - à l'adhésion à l'un des six organismes professionnels agréés par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), - ainsi qu'à une immatriculation par ce dernier auprès de l'AMF. La Chambre des Indépendants du Patrimoine (CIP), agréé par l’AMF, est un syndicat professionnel dont l'objet est d'assurer la représentation, la discipline, l'indépendance ainsi que la défense des intérêts économiques, matériels et moraux de la profession de Conseil en gestion de patrimoine indépendant. La société Hédios et son dirigeant sont membres de la CIP. Dans le cadre de son activité professionnelle, la société Hédios a conseillé à certains de ses clients désireux de réaliser un investissement leur permettant de bénéficier des avantages fiscaux prévus par la loi dite “Girardin industrielle” de souscrire aux opérations (programmes photovoltaiques Outre mer ) conçues par la société de droit japonais Lynx Finances Group et mises en oeuvre par la société Dom Tom Défiscalisation (DTD). Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 2ème page En décembre 2009, la CIP a été destinataire d'une lettre émanant de M. Thoma, contrôleur général auprès du Contrôle Général Economique et Financier du Ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, qui émettait des doutes sur la réalité des investissements réalisés en Martinique et en Guadeloupe et préconisait la suspension de toute collecte nouvelle du produit DTD auprès des clients. La CIP a transmis la lettre de M. Thoma à ses adhérents par courriel du 8 décembre 2009, et leur a conseillé de procéder à une déclaration de sinistre conservatoire, puis elle a procédé au retrait de cette lettre de son site internet le 21 décembre 2009. Dans un courrier électronique diffusé à ses adhérents le 23 décembre 2009 la CIP leur indiquait que M Jack Sword, gérant de DTD, avait souhaité l’informer qu'il contestait f o r m e l l e m en t l e s f a i t s c on t e n u s d a n s l a l e t t r e d e M T h o m a . Au cours du dernier trimestre de l'année 2011, plusieurs clients de la société Hédios ont adressé des réclamations à la CIP à la suite de propositions de rectification fiscale dont ils avaient fait l'objet en raison de la souscription du produit DTD conseillé par la société Hédios. La commission d'arbitrage et de discipline de la CIP saisie de ces réclamations a décidé d'engager des poursuites à l'encontre de la société Hédios et de M Vautel, et par décision du Conseil de discipline du 14 février 2012, ceux-ci ont fait l'objet d'une exclusion définitive de la CIP. Cette exclusion a mis fin à la couverture de l'assurance de responsabilité professionnelle souscrite par la CIP au profit de la société Hédios et de M Vautel. *** Sur assignation de la société Hédios et de M Vautel, le président du tribunal de grande instance de Paris a, par ordonnance de référé du 10 juillet 2012, prononcé la suspension de la décision d’exclusion définitive, jusqu’au jugement à intervenir du tribunal de grande instance de Paris, lui-même saisi sur assignation à jour fixe délivrée par la société Hédios et M Vautel à la Chambre des Indépendants du Patrimoine. Le 17 juillet 2012, il était procédé à la réinscription de la société Hédios en tant qu’adhérente à la CIP. Par arrêt du 18 octobre 2012, la cour d’appel de Paris a infirmé l'ordonnance du 10 juillet 2012 en toutes ses dispositions. Par jugement du 18 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire : * annulé la décision du conseil de discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine du 14 février 2012, * ordonné le rétablissement de la société Hédios et de M Vautel dans leurs droits en qualité d’adhérents et ordonné à la CIP de faire toutes démarches auprès de l’Autorité des Marchés Financiers afin d’assurer la réinscription de la société Hédios sur la liste des conseillers en investissements financiers, * ordonné à la CIP de diffuser par courriel à l’ensemble de ses adhérents le communiqué suivant : « Par jugement du 18 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a annulé, pour motif tiré de l’irrégularité de la procédure devant les instances disciplinaires de la Chambre des Indépendants du Patrimoine, la sanction d’exclusion définitive prise le 14 février 2012 par le conseil de discipline de la Chambre à l’encontre de la société Hédios Patrimoine et de M Julien Vautel » ; * condamné la Chambre des Indépendants du Patrimoine à payer à la société Hédios et M Vautel les sommes respectivement de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d’image et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 3ème page réparation de son préjudice moral, * rejeté les autres demandes indemnitaires et de provision, * condamné la Chambre des Indépendants du Patrimoine à payer à la société Hédios et M Vautel la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Sur ce, Vu l'appel déclaré le ??? par la Chambre des Indépendants du Patrimoine, et ses conclusions notifiées par la voie électronique le 6 février 2014 (ou 7 février) ?? (A VERIFIER SUR WINCI) aux termes desquelles elle prie la Cour : -d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, - de constater que “l’arrêté disciplinaire” rendu par le Conseil de discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine le 14 février 2012 à l’encontre de la société la société Hédios et M Vautel est régulier en la forme et parfaitement motivé, A titre subsidiaire, - de constater que le préjudice allégué par la société Hédios et M Vautel n’est pas établi - dire qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise, En tout état de cause : - de débouter la société Hédios et M Vautel de l’ensemble de leurs demandes fins et prétentions, - d’enjoindre à la société Hédios de cesser de se présenter sur les sites Internet qu’elle édite aux adresses suivantes : «http://www.hedios.com» et «http://www.hedios-vie.com», comme étant adhérent de la Chambre des Indépendants du Patrimoine et plus généralement de cesser toute diffusion d’information faisant référence à son appartenance à la Chambre des Indépendants du Patrimoine, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - de condamner in solidum la société Hédios et M Vautel à lui payer à la somme de 15.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Vu les conclusions de la société Hédios et M Vautel, intimés et appelants incidents, notifiées par la voie électronique le 4 février 2014 aux termes desquelles ils prient la Cour, au visa des articles 1134 et code civil, et L.341-1 et L.541-4 et L.519-1 et suivants du code monétaire et financier : - de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité de la décision d’exclusion de la CIP en date du 14 février 2012 rendue aux termes d’une procédure entreprise en méconnaissance des principes d’impartialité, d’indépendance et de respect des droits de la défense, et en l’absence de respect des statuts et du Règlement Intérieur de la CIP, - de dire que la décision d’exclusion n’est pas fondée ; qu’elle est à tout le moins disproportionnée et d’ordonner leur maintien dans leurs droits en qualité d’adhérents, - de dire que la décision d’exclusion annulée constitue une faute de nature contractuelle qui engage la responsabilité de la CIP, - d’infirmer le jugement déféré sur l’indemnisation du préjudice et, statuant partiellement de nouveau sur ce point : - d’ordonner à la CIP, sur demande de Hédios Patrimoine, d'adresser sans délai par courriel, à l'ensemble de ses adhérents, un communiqué énonçant l'annulation de la décision d'exclusion aux torts de la CIP et l'indemnisation de Hédios Patrimoine, et autoriser Hédios Patrimoine à communiquer les termes de l'arrêt à intervenir à ses partenaires, Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 4ème page concurrents et clients, - de condamner la Chambre des Indépendants du Patrimoine à leur payer : * à la société Hédios la somme de 150.000 € et à M Vautel celle de 15.000 € en réparation de leur préjudice moral, desquelles seront déduites les sommes payées en exécution du jugement de première instance, * à la société Hédios la somme de 7.212.976 €, à titre de réparation de son préjudice financier, sauf à parfaire si elle ne parvenait pas à préserver sa situation in bonis, - subsidiairement, pour le cas où a Cour ne s’estimait pas suffisamment éclairée : * de désigner un expert pour fournir tous éléments d’appréciation sur le préjudice subi par la société Hédios à la suite de son exclusion de la CIP, et dans l’attente du dépôt du rapport, de surseoir à statuer sur la fixation du préjudice, * de condamner la CIP au paiement d’une provision d’un montant de 3.000.000 €, - de condamner la CIP à payer à la société Hédios et M Vautel la somme, respectivement de 30.000 € et 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A l’audience du 7 février 2014, avant le déroulement des débats, à la demande de la Chambre des Indépendants du Patrimoine et avec l’accord du conseil de la société Hédios et de M Vautel, l’ordonnance de clôture rendue le 4 février 2014 a été révoquée, et la procédure a été de nouveau clôturée. LA COUR Sur la régularité de la procédure suivie devant la CIP : * sur la régularité de l’acte de poursuite : Considérant qu’au soutien de son appel, la Chambre des Indépendants du Patrimoine critique les premiers juges en ce qu’ils ont estimé que seul le nom de M Jacques Balesse, signataire de l’acte de poursuite y étant mentionné, il n’était pas possible de s’assurer que la procédure respectait les exigences d’impartialité et de loyauté de la procédure, ainsi que les disposition du Règlement intérieur de la CIP ; Considérant qu’en l’espèce, les articles 42 et 43 des statuts et 15.1.3 § 1 et 15.4.5 du Règlement Intérieur de la CIP qui régissent la procédure disciplinaire applicable à ses membres, prévoient que la décision de poursuite doit être prise par deux personnes au moins composant la Commission d’arbitrage et de discipline, chargée des poursuites et de l’instruction du dossier ; qu’aucune des personnes ayant participé à cette commission ne peut faire partie du conseil de discipline appelé à statuer par décision motivée, après une procédure contradictoire définie au même règlement ; Considérant que l’article 43 des statuts énonce que la Commission d’arbitrage et de discipline est composée par trois ou quatre membres du conseil d’Administration élus en son sein ; que selon l’article 15.1.2 du règlement, elle peut faire citer directement l’intéressé devant le conseil de discipline ou décider de procéder préalablement à l’ouverture d’une instruction ; Considérant que par “acte de saisine disciplinaire” daté du 21 novembre 2011, notifié le même jour par lettre recommandée aux intimés, la Commission d’arbitrage et de discipline a décidé de faire citer directement la société Hédios et M Vautel devant le conseil de discipline au motif qu’ils avaient manqué aux obligations déontologiques imparties aux membres de la Chambre ; Considérant que s’il est exact que cet acte de saisine mentionne le seul nom de M Jacques Balesse, qui en est également le seul signataire, il ne peut pour autant en être tiré la conséquence qu’il a pris seul la décision de poursuite, ni être utilement soutenu qu’en l’absence Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 5ème page de mention sur l’identité des autres membres de la commission, l’assurance de ce qu’ils ne statuaient pas également au sein du conseil de discipline n’était pas garantie ; Considérant qu’en effet, la Chambre des Indépendants du Patrimoine produit en cause d’appel (Pièce n° 47) le procès-verbal du 15 juin 2010, justifiant de ce que, conformément aux règles énoncées par ses statuts, ont été désignés lors d’une réunion de son conseil d’administration, Jacques Balesse en qualité de président, et en qualité de membres de la Commission d’arbitrage et de discipline, Patrick Ganansia et Jean-Pierre Venne pour une durée de trois ans; que sont au surplus également versées devant la cour, (pièces 54 et 55) les attestations établies le 2 septembre 2013 par ces derniers qui certifient avoir pris, en cette qualité, la décision de poursuite critiquée ; Considérant qu’il est donc en outre désormais justifié de ce qu’aucun des membres de la commission n’a siégé au sein du conseil de discipline, et l’affirmation de ce que la séparation de ces deux organes serait artificielle ne peut conduire à conclure à l’absence de garantie d’impartialité de ceux-ci ; que par ailleurs, étant relevé que M Balesse a signé l’acte litigieux en qualité de président, il n’est exigé nulle part que pour sa régularité, cet acte soit signé par l’ensemble des membres de la commission ; Considérant que le moyen tiré de l’irrégularité de l’acte de poursuite sera par voie de conséquence rejeté ; * sur l’impartialité invoquée du Conseil de discipline : Considérant qu’à l’appui de ce moyen, la société Hédios et M Vautel font encore valoir que dans la mesure où M Ponmaret, alors président de la Chambre des Indépendants du Patrimoine est à l’origine du message d’alerte adressé aux adhérents de la chambre le 8 décembre 2009 et du retrait de cette lettre du site internet de la CIP, le 21 décembre 2009, la circonstance qu’il soit également membre du conseil de discipline est contraire à l’exigence d’impartialité requise de la formation qui a prononcé la sanction ; Mais considérant que le grief tenant à la méconnaissance du principe d’impartialité du Conseil de discipline ne peut être retenu dans la mesure où, ainsi que le souligne l’appelante, le message diffusé le 8 décembre 2009 et les actes effectués les 21 et 23 décembre suivant (décision de retrait puis diffusion du démenti de DTD) émanent de la CIP et où ce n’est qu’en sa qualité de président de celle-ci, et non à titre personnel que M Ponmaret a signé le message d’alerte ; Considérant que l’argument avancé par la société Hédios et M Vautel selon lequel la CIP et son président devraient ainsi être considérés comme personnellement intéressés par tous les actes pris par la CIP, dans la mesure où ces actes auraient une incidence sur l’appréciation du respect de leurs obligations ou de la gestion des tâches qui leur incombent n’est pas recevable ; que comme l’observe l’appelante, si ce raisonnement était suivi, la CIP ne pourrait jamais sanctionner un adhérent sans être taxée de partialité ; qu’il sera rappelé en tant que de besoin, qu’en adhérant à la CIP, la société Hédios a accepté d’adhérer à ses statuts, à son règlement intérieur et au code de déontologie des membres de la CIP (article 14 des statuts) ; * sur la violation du principe de la contradiction : Considérant que la société Hédios et M Vautel allèguent l’imprécision de l’acte de poursuite qui ne leur a pas permis de préparer utilement leur défense devant le conseil de discipline, en ce qu’il n’énonce pas les griefs de manquements à l’indépendance et au process de travail qui constituent des motifs retenus par la CIP pour prononcer sa décision d’exclusion ; Considérant que le respect du principe de la contradiction et les droits de la défense Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 6ème page exigent que les griefs soient formulés de façon suffisamment claire pour permettre à l’intéressé de prendre effectivement connaissance des comportements qui lui sont reprochés ; Considérant qu’à la lecture de la notification de griefs, énoncés sur plusieurs pages en termes précis, les reproches formulés consistaient essentiellement à avoir manqué aux obligations d’exemplarité, d’indépendance et de responsabilité civile professionnelle pour avoir poursuivi, malgré l’alerte donnée, la commercialisation du produit de défiscalisation du groupe Lynx, privilégiant les intérêts de celui-ci au détriment de ceux des clients, exposés à un risque de redressement fiscal si ce n’est d’escroquerie, le tout en violation des préconisations de la chambre ; Considérant qu’il résulte de l’ensemble des pièces versées aux débats que la notification de griefs était libellée dans des termes suffisamment clairs et précis, pour permettre à la société Hédios et M Vautel de connaître l’objet des poursuites engagées contre eux, excluant qu’ils aient pu se méprendre sur l’étendue et sur la teneur des griefs en cause, ainsi que le démontrent d’ailleurs, leurs conclusions développées devant le conseil de discipline ; qu’ils ont bien été mis en mesure de s’expliquer sur ceux des faits que la décision critiquée a considéré comme des manquements, peu important à cet égard que le grief relatif à l’absence de respect du process de travail institué par le code de déontologie de la CIP, élément évoqué “au surplus” dans la décision du 14 février 2012, n'ait pas expressément été mentionné dans la notification ; Considérant qu’il en découle que les intimés ne sont pas fondés à conclure à l’irrégularité de la procédure en ce qu’elle aurait été menée au mépris du principe de la contradiction ; que ce moyen sera rejeté ; * sur la déloyauté de la procédure : Considérant que c’est en vain que la société Hédios et M Vautel critiquent le choix, opéré par l’autorité de poursuite, de recourir à la procédure de “citation directe”, excluant une instruction préalable à la saisine du conseil de discipline, alors que cette option est offerte par les statuts ; qu’en effet, l’argument selon lequel cette procédure serait expéditive et inopportune compte tenu de la gravité de la sanction prononcée est infondé, puisque comme l’observe justement la CIP, les organes de poursuite et de jugement sont distincts ; Considérant que pas davantage, la société Hédios et M Vautel ne peuvent utilement invoquer le traitement différencié dont auraient fait l’objet les autres conseillers en gestion de patrimoine indépendant, dont la situation s’apprécie individuellement ; Sur le fond Considérant que rappelant qu’aucun des 250 autres conseils en gestion de patrimoine indépendant ayant diffusé l’offre de DTD n’a été sanctionné, et estimant ne l’avoir été, pour leur part, qu’en raison de l’enjeu que représentent les recours en responsabilité des souscripteurs, la société Hédios et M Vautel contestent le bien fondé de la sanction en faisant valoir que la motivation de la décision d’exclusion repose sur une relecture a posteriori du courriel du 8 décembre 2009 et des actes suivants, qui dénature la réalité des faits ; que contrairement à ce que prétend la CIP, celle-ci n’a adressé à ses membres, aucune “préconisation” en vue de cesser toute souscription nouvelle des produits DTD ; qu’elle leur a laissé la responsabilité d’apprécier la portée de l’alerte lancée par M Thoma, puis les conséquences de son retrait du site et du démenti opposé par DTD, de sorte qu’elle n’était pas fondée à engager des poursuites et encore moins à les sanctionner en raison de la violation de prétendues “préconisations” ; Considérant que les intimés ajoutent surabondamment, qu’il ne pouvait être accordé aucun crédit à M Thoma, qui n’avait aucune autorité ni qualité pour émettre des recommandations ; qu’il a été reconnu coupable des délits de trafic d’influence et de corruption passive, notamment pour s’être prévalu de l’en-tête officiel du ministère de l’économie de l’industrie et de l’emploi Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 7ème page avec la mention “contrôle général Economique et Financier”; qu’ils précisent enfin avoir arrêté la commercialisation du produit DTD, hormis les souscriptions en cours de finalisation ; qu’ils font valoir que la sanction est totalement disproportionnée ; Considérant que la Chambre des Indépendants du Patrimoine expose essentiellement en réponse, que les obligations imparties par le code de déontologie imposent à ses adhérents de se conformer aux alertes qui leur sont adressées, alerte qui en l’espèce était fondée, au regard des propositions de rectification fiscale dont ont été destinataires à l’automne 2011, les souscripteurs de ces produits ; qu’elle estime que le seul fait que la société Hédios et M Vautel soutiennent qu’ils étaient libres d’en apprécier la portée suffit à justifier la décision d’exclusion critiquée ; qu’en outre s’appuyant sur les dispositions de l’article L541-8-1 du code monétaire et financier, selon lesquelles les conseillers en investissements financiers doivent se comporter avec loyauté et agir au mieux des intérêts de leurs clients, la Chambre des Indépendants du Patrimoine conteste le caractère disproportionné de la sanction prononcée ; Considérant qu’aux termes de l’article 47 des statuts, les sanctions disciplinaires sont, selon la gravité de la faute : l’avertissement, le blâme, l’exclusion temporaire, qui ne peut excéder trois années, l’exclusion définitive ; que selon le code de déontologie de la CIP au paragraphe : “RESPONSABILITE CIVILE PROFESSIONNELLE, il est énoncé :( ...) en prévention, le CGPI (conseil en gestion de patrimoine indépendant) veille au respect des préconisations et alertes de la Chambre des Indépendants du Patrimoine [surlignes ajoutées]; Considérant qu’il est constant, pièces à l’appui : - que le 8 décembre 2009, la CIP a adressé à ses adhérents un courriel ainsi libellé : « Je vous remercie de bien vouloir prendre connaissance de l’information urgente qui vient de nous être délivrée. Pour lire le document, cliquez ici. Nous invitons les adhérents qui auraient proposé ce produit à procéder à une déclaration de sinistre conservatoire. Pour toutes questions, n’hésitez pas à contacter Audrey CHARPIER » ; - que l’information urgente évoquée dans ce courrier était constituée de la lettre datée du 29 novembre 2009, à l’entête du ministère de l’économie de l’industrie et de l’emploi avec la mention “contrôle général Economique et Financier”, établie par M Thoma, contrôleur général, lisible sur le site Internet de la CIP ; - que cette lettre énonce : “INFORMATION URGENTE à l’attention de tous les CIF et CGP ayant souscrit le produit Dom Tom Féfiscalisation (DTD) (Girardin Industriel Photovoltaique) (...) Des informations récentes m’amènent à contredire formellement les opinions favorables que j’avais émises le 2 avril 2009 et plus récemment le 29 octobre 2009 sur le produit DTD et sur M. Jack Sword, Président d'un prétendu Lynx Finances Group (...) Les investissements à réaliser en Martinique et en Guadeloupe sont restés à l’état de projet et les réalisations effectives sur place, avec aucune mise en exploitation (raccordement EDF) sont sans aucune commune mesure avec le montant des sommes collectées en 2007, 2008 et 2009(...) Dans ces conditions, il semble très avisé, dans le cadre du principe de précaution et dans l'intérêt de vos souscripteurs, de suspendre toute collecte nouvelle du produit DTD auprès de vos clients”. - que le 21 décembre la CIP a retiré le courrier d’alerte de M Thoma, - qu’elle a diffusé le 23 décembre 2009, le démenti de DTD ; Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 8ème page Considérant qu’il résulte de ces éléments que la Chambre des Indépendants du Patrimoine a relayé le 8 décembre 2009, l’alerte donnée par M Thoma ; que s’il est vrai qu’elle n’a pas expressément recommandé à ses adhérents de cesser toute souscription en faveur de ce produit, la teneur du courriel et la circonstance qu’elle les ait invités à procéder à une déclaration de sinistre conservatoire, permet de conclure qu’il s’agissait bien, sinon d’une “préconisation”, au moins d’une alerte adressée à ses adhérents, sur le produit en question ; qu’il est exact par ailleurs, ainsi que le soulignent la société Hédios et M Vautel, que la CIP n’a fait aucun commentaire ni procédé à aucune préconisation auprès de ces membres, en retirant le courrier d’alerte le 21 décembre après une mise en demeure des conseils de Lynx Finance Group et de DTD (qui le 24 décembre 2009 l’assignaient en référé, en paiement d’une indemnité provisionnelle de 10 millions d’euros), et en diffusant le démenti opposé par DTD, le 23 décembre ; Considérant enfin que la société Hédios et M Vautel observent justement que si l’acte de poursuite qui leur a été notifié faisait référence à sept dossiers de clients concernés par la souscription du produit de défiscalisation postérieurement au 8 décembre 2009, la décision d’exclusion n’en a retenu que deux ; qu’ils précisent avoir mis un terme à la promotion du produit de défiscalisation en cause après le 8 décembre 2009, et que l’un des deux clients pour lesquels l’investissement a été maintenu leur avait donné mandat de souscrire le produit avant cette date ; que ces clients leur ont demandé de réaliser le même type d’investissement courant 2010, mais qu’ils s’y sont refusés, par prudence ; Considérant qu’il est constant que pour prononcer leur exclusion définitive, la décision critiquée a dit établi le manquement de la société Hédios et de M Vautel à leurs obligations de loyauté et de prudence, pour avoir omis de déconseiller à ses clients, la souscription projetée du produit en dépit de l’alerte donnée ; qu’elle a ajouté que les documents remis par la société Hédios à ses clients entretenaient une confusion dans les rôles respectifs de la société DTD et de la société Hédios ; qu’elle a considéré qu’en privilégiant la commercialisation du produit au mépris de l’alerte donnée, ils avaient manqué d’indépendance à l’égard du groupe Lynx et porté atteinte au principe d’exemplarité et à l’obligation de responsabilité civile professionnelle prévus par le code de déontologie de la Chambre ; Mais considérant que si la société Hédios était tenue, d’une part, en vertu du code de déontologie de respecter l’alerte donnée le 8 décembre 2009 par la CIP et d’autre part, de servir au mieux les intérêts de ses clients et, en raison de l’obligation de prudence, de diligence et de loyauté qui incombe au conseiller en gestion de patrimoine indépendant, de les avertir de la suspicion pesant sur le produit, il n’en demeure pas moins que la société Hédios et M Vautel sont fondés à faire valoir que leur exclusion définitive de la Chambre des Indépendants du Patrimoine, sanction la plus grave parmi celles prévues par les statuts, constitue au regard des faits ci-dessus rappelés, relevés au soutien de la violation des obligations contractuelles en cause, une mesure disproportionnée ; Considérant en effet que l’acte de saisine, après avoir rappelé qu’il résultait des échanges intervenus entre la société Hedios et l’assureur responsabilité civile professionnelle de la Chambre, et plus particulièrement d’un courriel du 3 novembre 2011, qu’elle aurait fait souscrire le produit litigieux à 982 de ses clients, pour un montant total de 13 825 708 euros, au cours des années 2008, 2009 et 2010, énonçait que certains d’entre eux avaient souscrit cet investissement en décembre 2009 (trois clients cités) et d’autres au cours de l’année 2010 (quatre clients cités), alors que la Chambre avait diffusé à tous ses adhérents une alerte sur le produit le 8 décembre 2009 ; Considérant que toutefois la Décision, qui a analysé le cas de chacun des sept clients nommément visés, a tenu pour établi le maintien de la souscription du produit litigieux pour deux seulement des clients de la société Hédios, et considéré que pour les autres, les souscriptions étaient soit antérieures à l’alerte donnée, soit concernaient un autre produit, écartant dès lors tout manquement de ces chefs ; Considérant que contrairement à ce que soutient la CIP, le fait que seuls deux cas aient Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 9ème page été retenus pour des souscriptions des 17 et 22 décembre 2009, pour lesquels Hédios aurait dû déconseiller le produit, ne peut être ignoré ; que de plus, le manquement au principe d’indépendance à l’égard du groupe Lynx et l’atteinte au principe d’exemplarité sont, en raison du nombre de clients concernés, à relativiser, étant souligné que la commercialisation de ces produits a été totalement interrompue après le 22 décembre 2009; qu’au vu de ces circonstances, il convient de faire droit à la demande d’annulation de la sanction prononcée ; Sur l’indemnisation des préjudices : Considérant que la société Hédios et M Vautel font valoir que la décision d’exclusion immédiate et définitive de la Chambre des Indépendants du Patrimoine auprès de laquelle elle était adhérente depuis janvier 2006, a eu pour conséquence, sinon en droit en tout cas en fait, de paralyser sur le champ, leur activité professionnelle, faute de pouvoir justifier du bénéfice d’une adhésion à un organisme professionnel agréé par l’AMF lui faisant perdre son statut de conseil en investissements financiers ( “CIF”), et du bénéfice d’une assurance responsabilité civile professionnelle ; qu’elle réfute l’argument qui lui est opposé par la CIP, selon lequel elle aurait pu ne distribuer que des produits n’exigeant pas le statut de CIF, au motif qu’il n’est commercialement et économiquement pas possible d’être conseil en gestion de patrimoine indépendant sans être en mesure de proposer des instruments financiers ; qu’ils représentaient l’essentiel de son activité soit 88 % en moyenne de son chiffre d’affaires sur les trois dernières années 2011-2013 ; Qu’en outre elle avait décidé de renforcer à travers le lancement de son offre commerciale dite de "Gestion Privée", l’accompagnement patrimonial personnalisé, activité exigeant également le statut de CIF et qu’elle avait procédé à d’importants investissements à cet effet en 2011 en pure perte (embauche de nouveaux salariés, agrandissement de ses locaux) ; qu’elle conclut avoir été privée de la possibilité d’exercer normalement son activité professionnelle alors qu’elle était en pleine expansion, forte d’un portefeuille de plus de 10 000 clients, et venait d’embaucher 28 salariés ; que du fait de son exclusion, elle a accumulé sur les deux exercices 2012 et 2013, trois millions d’euros de perte, qu’elle est passée de 45 à 17 salariés, que ses fonds propres sont largement consommés, et qu’elle est quasiment en état de cessation des paiements, sa réputation étant en outre durablement entachée ; Que se fondant sur la consultation du 9 août 2013, qu’elle a fait établir par MM Faury et Loeper de la société d’expertise comptable Prorevise, complétée par un rapport du 6 janvier 2014, elle estime son préjudice financier constitué ainsi : * la "perte subie", soit 2 963 824 €, qui correspond aux frais engagés en pure perte pour le lancement de l’activité nouvelle de "Gestion Privée", composés pour l’essentiel des salaires et charges des 28 personnes recrutées en 2010, 2011 et janvier 2012 (1 994 145 euros), des frais de structure et administratifs, frais de personnel et coût des licenciements en 2013 (670 000 euros), et des frais de loyer, soit une perte subie pour chaque exercice 2011, 2012 et 2013 respectivement de 631 000 euros, 1 663 000 euros et 670 000 euros, * le "gain manqué", évalué à 1 533 000 euros, correspondant à la perte de collecte sur l’exercice 2012 pour l’activité traditionnelle de la société (soit un gain manqué au titre des commissions qui auraient dû être perçues en 2012, de 516 622 euros) et la perte induite sur les exercices suivants (2013 à 2021) dans la mesure où des commissions sont perçues lors de la collecte puis pendant la durée des placements, soit 1 016 294 euros, * la "perte de chance" liée au risque de non renouvellement de la collecte à partir de 2013 (du fait de la perte de collecte et donc du départ de clients, en 2012), à hauteur de 1 081 000 euros et la perte de chance sur la nouvelle activité qui correspond à l’évaluation de conséquences financières futures du fait de la disparition de la possibilité qu’un événement favorable ne survienne (perte de marge attendue pour cette activité, à hauteur de 1 635 000 euros) ; Considérant que la Chambre des Indépendants du Patrimoine soutient que le préjudice financier allégué - qui au demeurant ne pourrait s’analyser qu’en une perte de chance - n’est pas établi et qu’en toute hypothèse, il n’existe aucun lien de causalité entre le prétendu préjudice et la sanction prononcée ; qu’elle fait valoir que les pertes enregistrées en 2012 et 2013 relèvent bien Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 10ème page plus de choix de gestion erronés de M Vautel que de la décision d’exclusion ; qu’elles résultent de l’augmentation des charges salariales et que la diminution du chiffre d’affaires entre 2011 et 2012 (respectivement de 3 692 633 euros et 3 430 906 euros) est modeste et s’explique par une baisse d’activité dans des domaines où le statut de CIF n’a pas d’incidence ; que la société Hédios et M Vautel ne justifient pas n’avoir pas pu exercer les autres activités relevant de leur statut de courtier en assurance, d’agent immobilier (produits d’assurance ou produits immobiliers) et de manière générale, l’activité de conseil en gestion de patrimoine qui peut s’exercer dans tous les domaines économiques ; que le refus des assureurs de souscrire un contrat avec elle est dû à l’importance des sinistres déclarés par la société Hédios à l’occasion des investissements DTD litigieux ; qu’enfin elle n’a pas sollicité l’inscription de ses salariés en qualité de conseillers en investissement financiers comme l’exige le code monétaire et financier ce qui conduit à penser que la majeure partie de son activité ne concerne pas l’activité de CIF; qu’en outre, la CIP conteste que la société Hédios ait souhaité développer une activité “nouvelle”,en 2011, alors qu’il s’agissait d’une activité de conseil en gestion de patrimoine qu’elle exerçait déjà, et qui ne se confond pas avec celle de CIF ; que cette activité était plus particulièrement axée sur le conseil en matière d’assurance et ne nécessitait pas le statut de CIF ; que la prétendue renonciation de la société Hédios à développer son offre dite de “gestion privée”, est sans lien avec l’exclusion prononcée et qu’aucun des frais engagés ne saurait constituer un préjudice indemnisable ; que l’expertise non contradictoire produite aux débats n’est pas probante et qu’elle n’a pas disposé des documents remis à la société Prorevise pour procéder à sa consultation ; Considérant qu’il est constant : - que la société Hédios et M Vautel ont été admis comme adhérents de la CIP à compter du 1er octobre 2005 et que la société Hédios a été inscrite sur la liste des conseillers en investissements financiers tenue par la CIP à compter du 13 janvier 2006, - qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, aux termes de ses statuts, la société Hédios exerce l’activité de conseil en gestion de patrimoine indépendant, qui recouvre l’exercice de diverses activités réglementées, dont celle de conseil en investissements financiers, seule soumise aux dispositions des articles L 541-1 et suivants du code monétaire et financier qui exigent d’avoir adhéré à l’une des six associations ou syndicats professionnels agréés par l’AMF et de figurer sur un fichier tenu par l’AMF (article L541-5 du code monétaire et financier), - qu’une assurance de responsabilité civile est obligatoire pour la distribution de la quasi intégralité des produits proposés par les conseillers en gestion de patrimoine indépendant ; qu’il résulte des pièces versées aux débats : - que compte tenu de la sanction prononcée et des décisions judiciaires qui ont été rendues, la société Hédios et M Vautel ont été radiés du ficher des CIF de l’AMF pendant une durée de sept mois et demi : * du 17 février 2012 au 17 juillet 2012, * puis du 9 novembre 2012 au 28 janvier 2013, date depuis laquelle ils sont réinscrits ; - que le 28 février 2012 à la suite de la décision d’exclusion prononcée par la CIP, la société Covea Risks, assureur responsabilité civile professionnelle “RC.Pro” de la société Hédios, informait cette dernière de la résiliation de son adhésion au contrat groupe, à compter du 17 février 2012 ; - que par courrier du 16 mars 2012, cette dernière lui faisait part de son intention de réserver sa garantie pour les sinistres déclarés, invoquant une faute dolosive exclusive de la couverture d’assurance, ainsi que de sa décision de ne couvrir aucun sinistre lié aux opérations DTD, compte tenu des griefs énoncés par la CIP; - qu’en dépit de leurs démarches, ils n’ont pu obtenir d’adhésion auprès d’une des associations professionnelles agréées par l’AMF et ont rencontré des difficultés pour se réassurer, sans que soit transmise dans le cadre de ce litige, la date d’une éventuelle réassurance à ce jour ; Considérant qu’il n’est pas douteux ainsi que l’attestent les pièces produites que la société Hédios, qui fait actuellement l’objet d’un mandat ad hoc dans le cadre de la loi de Sauvegarde des entreprises, rencontre des difficultés financières ; qu’en effet, son chiffre d’affaires a diminué légèrement en 2012 ( 3 430 906 euros) par rapport à Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 11ème page l’année 2011 ( 3 692 633 euros) et sensiblement en 2013 ( 2 797 757 euros), et qu’elle a enregistré en 2012, une perte comptable de 359 296 euros et de 2 857 454 euros en 2013 due notamment au licenciement des personnes embauchées en 2011 ; qu’alors qu’elle disposait en 2011 de fonds propres s’élevant à 1 724 866 euros, ils sont négatifs en 2013 à hauteur de 534 664 euros malgré un apport de capital de ses actionnaires de plus de 586 000 euros sur la même période ; qu’elle connaît des difficultés de trésorerie ; Considérant cependant qu’il ressort des documents versés aux débats que la société Hédios connaissait déjà d’importantes difficultés financières en 2011, exercice au cours duquel son chiffre d’affaires de 3 692 634 euros a diminué de 31 % par rapport à l’année précédente, particulièrement du fait de l’arrêt de la commercialisation des opérations d’investissement sur le produit Girardin Industrielle, dont la société Hedios a souligné dans ses conclusions devant le conseil de discipline du 5 janvier 2012 que cette interruption “avait eu pour conséquence de baisser de 95 % son volume d’affaires sur cette catégorie de produits entre 2010 et 2011" ; qu’elle a enregistré un résultat net de 14 222 euros, alors qu’il était de 1 973 377 euros en 2010 ; que c’est dans ce contexte que la société Hédios a souhaité développer une nouvelle offre dite de « Gestion Privée », consistant, comme en atteste la brochure produite aux débats, à conseiller ses clients dans leurs choix de gestion patrimoniale, en leur proposant des stratégies de placements adaptées à leurs besoins, diversifiées (produits de défiscalisation et/ou d’épargne), et en les aidant dans leurs choix d’investissements ; Considérant qu’il se déduit de ces éléments : - que la société Hédios ne peut attribuer ses difficultés financières à sa seule exclusion de la CIP ; que pour autant, cette dernière n’est pas fondée à conclure à l’absence de lien de causalité entre l’exclusion fautive et les préjudices allégués ; qu’en effet d’une part, l’argumentation de la CIP selon laquelle l’impossibilité pour la société Hédios de retrouver un assureur et d’adhérer à un syndicat professionnel est sans rapport avec son exclusion n’est pas recevable, dès lors que c’est en raison de la décision d’exclusion que la société Hédios a été contrainte de rechercher un assureur et une association agréée par l’AMF ; - que d’autre part, si comme l’indique la CIP, les activités portant sur le courtage d’assurance et l'intermédiation en opérations de banque ainsi que l’intermédiation en matière immobilière ou de fonds de commerce ne nécessitent pas l’adhésion à l’une des six associations agréées par l’AMF, elle est exigée lorsque les conseils donnés, y compris en matière d’assurance ou en matière bancaire, portent sur des opérations sur instruments financiers ou sur des services d’investissements ; que si comme elle l’énonce les produits de défiscalisation ne relèvent pas tous de l’activité réglementée de CIP, un certain nombre en font partie ; Considérant qu’il ne peut être sérieusement contesté que l’exclusion de la société Hédios prononcée dans les circonstances précitées l’a empêchée de procéder dans des conditions normales, durant une grande partie de l’année 2012, à la collecte des produits pour lesquels le statut de CIF soit, est indispensable soit, a une influence, ce qui est le cas pour une activité limitée au démarchage de produits financiers, pour laquelle ses interlocuteurs prestataires de services d’investissements l’exigent, conformément d’ailleurs, aux recommandations de l’AMF en la matière ; qu’il n’est pas dénié par la CIP, qui fait état de ce que Hédios n’a pas été empêchée d’exercer les activités ne nécessitant pas le statut de CIF, que la société Hédios développait ce type de produits (énumérés en page 18 de la consultation : produits de défiscalisation pour l’IR ou pour l’ISF sur supports de type FCPI, ou de type SCPI et collecte sur supports d’assurance vie investie en produits structurés en unités de compte) ; qu’en réplique à l’argumentation de la CIP sur le chiffre d’affaires 2012, Hédios fait valoir à juste titre l’impact de rétrocessions liées à des contrats antérieurs, en raison de la perception de commissions correspondant à un droit d’entrée, versé au moment de la distribution des produits, mais aussi, s’agissant des produits de défiscalisation sur supports de type Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 12ème page FCPI, et des produits structurés d’assurance vie, de commissions périodiques pendant la durée de vie des produits ; Considérant également que la société Hédios n’a pas pu réaliser les gains qu’elle escomptait sur l’activité qu’elle entendait développer par le biais de son offre “gestion privée” ; qu’en effet, à cet égard, elle expose avec raison qu’ayant décidé de renforcer l’accompagnement patrimonial personnalisé à travers cette offre commerciale, le statut de CIF était nécessaire, dans la mesure où la prestation de conseil proposée portait non seulement sur des supports de défiscalisation ou autres produits ne nécessitant pas le statut de CIF, mais aussi sur des supports d’instruments financiers ou sur des services d’investissements, pour lesquels ce statut est exigé, tels par exemple, les produits d’assurance-vie qui relèvent de la qualité de CIF lorsqu’il s’agit d’unités de compte ; que la CIP, qui est tenue de réparer l’entier dommage résultant de sa faute, ne peut tenter de s’exonérer de sa responsabilité en soutenant que la société Hédios était en mesure d’orienter son activité vers les seuls produits n’exigeant pas ce statut ; Considérant qu’en définitive, la société Hédios justifie d’un préjudice certain en lien avec la faute retenue ; Considérant que toutefois, avant dire droit sur l’indemnisation du préjudice économique subi par la société Hédios il apparaît nécessaire, de recourir à une mesure d’expertise au contradictoire des parties ; qu’au vu des éléments susvisés et de la consultation établie le 9 août 2013 par la société Prorevise, et de son rapport complémentaire du 14 janvier 2014, soumis à la discussion des parties, ainsi que des bilan et comptes de résultats au 31 décembre 2013 de la société Hédios, il est justifié de lui allouer une provision de 500 000 euros à valoir sur son préjudice économique ; Sur le préjudice d’image de la société Hédios et le préjudice moral de M Vautel : Considérant que le préjudice d’image de la société Hédios et le préjudice moral de M Vautel ont été justement évalués par le tribunal ; que le jugement sera confirmé sur ces indemnisations ; Sur la diffusion de la décision : Considérant qu’il sera fait droit dans les termes du dispositif à la demande, qui constitue une réponse adaptée à l’atteinte apportée à l’image de Hédios ; Sur l’article 700 du code de procédure civile : Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article 700 du code de procédure civile de faire droit partiellement à la demande formée de ce chef par la société Hédios et M Vautel et leur accorder respectivement la somme de 10 000 euros et celle de 5 000 euros ; PAR CES MOTIFS Dit que la CIP a engagé sa responsabilité à l’égard de la société Hédios et de M Vautel en prononçant leur exclusion définitive le 14 février 2012 et qu’elle leur doit réparation des conséquences dommageables en lien direct et certain avec celle-ci ; En conséquence, confirme le jugement déféré en ce qu’il a : * annulé la décision du conseil de discipline de la Chambre des Indépendants Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 13ème page du Patrimoine du 14 fevrier 2012, condamne 1a Chambre des du Patrimoine a payer a la societe Hedios et Vautei ies sommes respectivementde so 000 euros a titre de dommages ct interets en reparation de son prejudice d'image et de 5 000 euros a titre de dommages ct interets en reparation de son prejudice moral, et la somme de 6 000 euros sur 1e fondement de l'znicle 700 du code de procedure civi1e Infirme 1e jugement en ce qu'il a deboute 1a societe Hedios de ses aunes demandes indemnitaires et de provision, Smtuam a nouveau, Avant dire droit sur1a demande d'indemnisalion du prejudice economioue de la societe Hedius, designe en qualite d'expert Monsieur Jezanien'e VERGNE Expert Comptable diplome Commissaire aux Comptes Expert pres 1a Cour d'Appel de Paris 5 rue des 75005 PARIS - 1.46.34.71.75 avec mission apres avoir pris connaissance des pieces et notamment de la consultation de la societe Prorevise etde son rapport complementaire du 14 jznvier2014, et en prenant en compte 1a specificite de l'activite exercee par Hedius, de donner tous elemems du prejudice economioue subi par la societe Hedios en 1ien direct ct certain avec son exclusion de in courant 2012, en precisant notamment 1a part de son activite necessitant en fail ou en droit, 1e statut de cw, jus\e avant son exclusion, ct l'incidence de l'exclusiun sur1e developpement de sa nouvene ofi're commerciale de "Gestion privee", de foumir tous elemems miles a la solution du litige Dit que l'expen accomp1ira sa mission conformemem aux dispositions des articles 232 code dc procedure civi1e, qu'il pourra en particu1ier recuei11ir1es declarations de toutes personnes inforrnees, en presence des parties ou e11es dument qu'il devm recuei11ir1es observations ct explications des parties ct repondre, Dhquel'expenseferzremenre etconsuitemtous documents, recueilieratoutes informations ct procedera a toutes constatations de nature a ec1airer ies questions a examiner; 0rdonne1a consignation par la societe HEDIOS aupres du Regisseurde 1a cour d'appel dans ies 4o jours de la notification du present arret de la somme de 10 000 euros a va1oir sur la remuneration de l'expen Dit l'expen commencera ses operations des qu'il aura ete avise de la consignation de la provision, et qu'i] deposera l'on'ginal de son rapport ainsi qu'une copie au greffe de1a cour d'zppel de PARIS P61: 577 dans ies 6 mois de sa saisine sauf promgatiun de ce de1ai so11icitee en temps uti1e aupres du juge de la mise en etat de cette chambre Cour d'Appel de Paris ARRET DU 25 MARS 2014 We 5 . Chambre 5-7 R6 n? 2013/02395 14eme page Dit que l'expert devra remettre à chaque partie un exemplaire de son rapport ; Renvoie les parties à l'audience de mise en état du 27 mai 2014 à 9 heures, Cour d'Appel de Paris, Pôle 5 - Chambre 5-7 pour vérification du versement de la consignation Désigne les magistrats de la mise en état de cette chambre pour contrôler les opérations d'expertise ; Condamne la Chambre des Indépendants du Patrimoine à payer à la société Hédios la somme provisionnelle de 500 000 euros ; Ordonne à la Chambre des Indépendants du Patrimoine, sur demande de Hédios Patrimoine, d'adresser sans délai par courriel, à l'ensemble de ses adhérents, un communiqué annonçant l'annulation de la décision d’exclusion définitive prise le 14 février 2012 par le conseil de discipline de la Chambre des Indépendants du Patrimoine et autorise Hédios Patrimoine à en informer ses partenaires, concurrents et clients ; Condamne la Chambre des Indépendants du Patrimoine aux dépens exposés à ce jour et accorde à la SCP SELARLINGOLD et THOMAS, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ; Condamne la Chambre des Indépendants du Patrimoine à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 10 000 euros à la société HEDIOS et celle de 5 000 euros à M Vautel ; LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, Benoît TRUET-CALLU Christian REMENIERAS Cour d’Appel de Paris Pôle 5 - Chambre 5-7 ARRET DU 25 MARS 2014 RG n° 2013/02396 - 15ème page