CAISSE FÉDÉRALE DU CRÉDIT MUTUEL NORD EUROPE Procédure no 2017-05 ––––– Blâme et sanction pécuniaire de 1,5 million d’euros ––––– Audience du 28 mars 2018 Décision rendue le 17 avril 2018 AUTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL ET DE RÉSOLUTION COMMISSION DES SANCTIONS ––––––––––––––– Vu la lettre du 15 mai 2017 par laquelle le Président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après l’ « ACPR ») informe la Commission de ce que le Collège de supervision de l’ACPR (ci-après le « Collège »), statuant en sa formation de Collège restreint, a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Nord Europe (ci-après la « CFCMNE »), 4 place Richebé, 59011 Lille Cedex, enregistrée sous le no 2017-05 ; Vu la notification des griefs du 15 mai 2017 ; Vu les mémoires en défense des 7 août, 8 novembre et 20 décembre 2017 et le courrier du 30 janvier 2018 par lesquels la CFCMNE conteste partiellement les griefs, présente les actions correctrices prises depuis le contrôle et demande que la décision à intervenir soit publiée sous une forme non nominative ; Vu les mémoires en réplique des 2 octobre et 1er décembre 2017, par lesquels M. Jean-Louis Faure, représentant du Collège, maintient l’ensemble des griefs notifiés ; Vu le rapport du 5 février 2018 de Mme Claudie Boiteau, rapporteur, dans lequel celle-ci conclut que 8 des 10 griefs notifiés sont établis, dont 3 dans un périmètre réduit (griefs 1, 5 et 7), tandis que 2 griefs doivent être écartés (griefs 3 et 4) ; Vu les courriers du 5 février 2018 convoquant les parties à l’audience et les informant de la composition de la Commission et de ce qu’il sera fait droit à la demande présentée par la CFCMNE tendant à ce que cette audience ne soit pas publique ; Vu les observations présentées le 15 février 2018 par le représentant du Collège, et les 21 février et 21 mars 2018 par la CFCMNE sur le rapport du rapporteur ; Vu les autres pièces du dossier, notamment le rapport de contrôle du 19 juillet 2016 et les documents versés par le représentant du Collège et la CFCMNE en réponse aux demandes du rapporteur ; Vu le code monétaire et financier (ci-après le « CMF »), notamment ses articles L. 561-6, L. 561-8, L. 561-10-2, L. 561-15, L. 561-16, L. 612-39, R. 561-12, R. 561-14, D. 561-32-1 et R. 612-35 à R. 612-51, dans leur rédaction en vigueur au moment du contrôle sur place ; Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 Vu le règlement no 97-02 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (ci-après le règlement no 97-02), notamment ses articles 5, 6 et 11-7 ; Vu l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d’investissement soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après l’arrêté du 3 novembre 2014), notamment ses articles 11, 13, 46, 50, 51, 55 et 71 ; Vu le règlement intérieur de la Commission des sanctions ; La Commission des sanctions de l’ACPR, composée de M. Rémi Bouchez, Président, de MM. Yves Breillat et Jean-Pierre Jouguelet, de Mme Elisabeth Pauly et de M. Thierry Philipponnat ; Après avoir entendu, lors de sa séance non publique du 28 mars 2018 : – Mme Boiteau, rapporteur, assistée de M. Fabien Patris, son adjoint ; – Mme Priscille Merle, représentante de la directrice générale du Trésor ; – M. Faure, représentant du Collège, assisté de l’adjointe au directeur des affaires juridiques, de l’adjoint au directeur de la deuxième direction du contrôle des banques, du chef du service des affaires institutionnelles et du droit public, de deux juristes au sein de ce service et d’une juriste au service du droit de la lutte anti-blanchiment et du contrôle interne ; M. Faure a proposé à la Commission de prononcer un blâme et une sanction pécuniaire qui ne saurait être inférieure à 3 millions d’euros dans une décision publiée sous une forme nominative ; – la CFCMNE, représentée par son directeur général, assisté du responsable de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (ci-après la « LCB-FT »), ainsi que de Mes Marc Perrone et Ngoc-Hong Ma, avocats à la Cour (cabinet Linklaters LLP) ; Après avoir délibéré en la seule présence de M. Bouchez, Président, de MM. Breillat et Jouguelet, de Mme Pauly et de M. Philipponnat, ainsi que de M. Jean-Manuel Clemmer, chef du service de la Commission des sanctions faisant fonction de secrétaire de séance ; 1. Considérant que la CFCMNE est un établissement de crédit qui exerce sous la forme juridique d’une société anonyme coopérative de crédit à capital variable ; qu’issue du regroupement, en 1993 et 1994, des caisses fédérales « Nord », « Artois-Picardie » et « Champagne-Ardenne », elle a pour objet de gérer les intérêts communs des 153 caisses locales qui, ensemble, la détiennent à 100 % et de faciliter leur fonctionnement technique et financier ; qu’à ce titre, elle dispose d’un agrément collectif qui bénéficie à toutes les caisses qui lui sont affiliées ; qu’elle est de plus la holding du groupe Crédit Mutuel Nord Europe (ci-après « CMNE »), composé de cinq pôles, dont celui de la bancassurance France, directement assumé par la CFCMNE ; qu’en 2016, le groupe CMNE, qui disposait de 1,28 milliard d’euros de capitaux propres, a réalisé un produit net bancaire (ci-après « PNB ») de 1,13 milliard d’euros et un résultat net consolidé de 205 millions d’euros ; que, sur ce total, la CFCMNE, qui représente le pôle bancassurance France, a réalisé un PNB de 454 millions d’euros et un résultat net de 110 millions d’euros ; que le groupe employait 4 748 collaborateurs fin 2016, dont un peu moins de 4 000 pour le pôle banque en France ; 2. Considérant que la CFCMNE a fait l’objet d’un contrôle sur place du 23 février au 7 août 2015 portant sur le dispositif de LCB-FT ; que ce contrôle a donné lieu à la signature d’un rapport définitif le 19 juillet Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 2 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 2016 (ci-après le « rapport de contrôle ») ; qu’au vu de ce rapport, le Collège a décidé, lors de sa séance du 20 avril 2017, d’ouvrir la présente procédure disciplinaire ; I. Sur les questions générales soulevées en défense par la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Nord Europe 3. Considérant, en premier lieu, que si l’établissement fait valoir que la mission de contrôle, restée sur place plus de 5 mois, a examiné en tout environ 500 dossiers pour n’en retenir qu’une trentaine, réutilisés sous différentes qualifications au titre de plusieurs griefs (cf. infra, griefs 1, 2, 3, 5, 8 et 9), l’utilisation, à l’appui de plusieurs reproches, des mêmes dossiers, ne méconnaît aucun texte ni aucun principe ; qu’il doit néanmoins en être tenu compte dans l’appréciation globale des défaillances retenues à l’encontre d’un établissement (voir considérant 57) ; qu’en outre, lorsque l’échantillon examiné est trop faible, il ne peut être systématiquement déduit de son analyse un manquement général aux obligations auxquelles l'organisme assujetti est soumis ; 4. Considérant, en second lieu, que la CFCMNE indique que Tracfin, par la voix de l’un de ses responsables, a porté une appréciation générale favorable sur son activité déclarative, relevant la qualité des déclarations de soupçon (ci-après « DS ») adressées à ce service mais aussi la détection d’opérations de financement potentiel du terrorisme ; que, cependant, il revient à l’ACPR d’évaluer la qualité du dispositif déclaratif de tout organisme assujetti à son contrôle et d’identifier d’éventuels manquements ; qu’en tout état de cause, l’appréciation qui aurait ainsi été portée par un responsable de Tracfin n’est pas de nature à remettre en cause les griefs notifiés dans la présente procédure, qui sont relatifs à des faits précis incluant plusieurs défauts de DS et retards dans l’envoi de certaines d’entre elles à Tracfin (cf. infra considérants 37 à 55) ; II. Sur le dispositif de suivi et d’analyse des relations d’affaires A. Sur les carences dans le paramétrage du dispositif 5. Considérant que selon l’article 50 de l’arrêté du 3 novembre 2014, qui reprend les dispositions du 2.2 de l’article 11-7 du règlement no 97-02, les dispositifs de suivi et d’analyse des opérations permettent de définir des critères et seuils de significativité spécifiques aux anomalies en matière de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme ; 6. Considérant que selon le grief 1, fondé sur ces dispositions, le dispositif de suivi et d’analyse des relations d’affaires mis en place par la CFCMNE reposait principalement sur des catégories d’alertes dénommées « signalements ponctuels » (ci-après « SP ») établies en fonction de seuils définis selon le type d’opération (numéraire, chèque ou virement) et le type de clientèle concernés ; que ce dispositif ne tenait pas suffisamment compte des éléments de connaissance de la clientèle, en particulier des revenus et du patrimoine des clients, comme le montre l’examen de 13 dossiers (A1 ; A2 ; A3 ; A4 ; A5 ; A6 ; A7 ; A8 ; A9 ; A10 ; A11 ; A12 ; A13) ; qu’il ne portait en outre que sur une partie des virements effectués par la clientèle, ceux à destination ou en provenance de pays sur liste « rouge » ou « orange » (dossiers nos A4 à A8 et A10) ; qu’en conséquence de ces inadaptations, les alertes générées étaient principalement relatives aux opérations en espèces des clients - dossiers (n°sA2 ; A3 ; A4 ; A6 ; A7 ; A13 ; A14 ; A15 ; A16 ; A17 ; A18 ; A19 ; A20 ; A21 ; A22 ; A23 ; A24 ; A25) - et ne permettaient pas de détecter efficacement d’autres opérations inhabituelles ou atypiques ; 7. Considérant que ni la cartographie des risques, ni les typologies de SP qui en résultent ne comprenaient, au moment du contrôle, de règle permettant de détecter une opération atypique au regard des revenus ou du patrimoine du client ; que la prise en compte de la situation financière des clients est pourtant indispensable à la détection des opérations atypiques qu’ils exécutent ; qu’indépendamment de l’appréciation sur les opérations effectuées dans les 13 dossiers mentionnés par la poursuite, la carence reprochée, qui porte Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 3 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 sur une insuffisance dans le paramétrage des alertes dites « SP », est établie ; qu’au demeurant, dans ces dossiers, les opérations effectuées paraissent effectivement incohérentes avec les éléments détenus relativement aux revenus et au patrimoine de ces clients ; que, de plus, l’application de seuils à certaines catégories de virements seulement, en fonction du pays de provenance ou de destination des fonds, ne permet pas de respecter l’obligation ci-dessus rappelée (cf. supra considérant 5) ; 8. Considérant, toutefois, que la CFCMNE indique, sans être démentie par la poursuite, que, pour les clients ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon (ci-après « DS ») ou appartenant à la catégorie des personnes politiquement exposées (ci-après « PPE »), elle avait, au moment du contrôle, prévu des alertes sur tout type d’opérations, y compris les virements quelle que soit leur provenance ou leur destination ; que, par ailleurs, elle fait valoir que si la grande majorité des dossiers examinés par la mission de contrôle sont relatifs à des opérations en espèces, cet échantillon n’est pas représentatif, comme en atteste une pièce qu’elle produit selon laquelle environ un tiers seulement des 11 160 SP effectués en 2016 étaient relatifs à des opérations en espèces ; 9. Considérant que, sous ces réserves, qui sont fondées, le grief 1, relatif principalement au défaut de prise en compte à la date du contrôle, dans le dispositif de détection d’opérations atypiques des clients, des éléments essentiels que sont le revenu et le patrimoine des clients, est établi ; que les projets d’évolution du système d’information en cours de développement, qui ont notamment pour but d’y inclure ces informations, s’analysent comme des actions correctrices, sans incidence à cet égard ; B. Sur le traitement des alertes 10. Considérant que selon l’article 46 de l’arrêté du 3 novembre 2014, qui reprend les dispositions du point 2.2 de l’article 11-7 du règlement no 97-02, les établissements assujettis se dotent de dispositifs de suivi et d’analyse de leurs relations d’affaires, fondés sur la connaissance de leur clientèle, permettant notamment de détecter les opérations qui constituent des anomalies au regard du profil des relations d’affaires et qui pourraient faire l’objet d’un examen renforcé mentionné au II de l’article L. 561-10-2 du CMF ou d’une déclaration prévue à l’article L. 561-15 du même code ; 11. Considérant que selon le grief 2, fondé sur ces dispositions, les SP ne faisaient pas l’objet d’une analyse suffisante au sein des caisses locales par les chargés de clientèle ou les directeurs de caisse avant transmission d’une pré-déclaration de soupçon (ci-après « PDS ») au « service LAB » de la CFCMNE en charge des envois de DS à Tracfin pour l’ensemble des caisses locales ; qu’en particulier, dans 5 dossiers, l’analyse n’a porté que sur la ou les opérations objet de l’alerte, sans que le fonctionnement général du compte ne soit examiné aux fins de détection, le cas échéant d’autres opérations atypiques (dossiers nos A1, A2, A4, A5 et A7 mentionnés au considérant 6) ; 12. Considérant que la CFCMNE, qui ne conteste pas le grief, fait valoir qu’elle avait engagé des actions correctrices avant le contrôle sur place, qui ont notamment consisté en une amélioration des procédures, une adaptation des formations et un renforcement des contrôles de premier et de second niveau ; que ces mesures, qui ont été prolongées après la mission de contrôle, lui ont permis d’améliorer le traitement des alertes mais ne sont cependant pas, en raison de la date à laquelle elles ont, pour la plupart, été mises en œuvre, de nature à remettre en cause le grief 2, qui est établi ; III. Sur le contrôle interne du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme A. Sur le non-respect des procédures internes 13. Considérant que selon l’article 71 de l’arrêté du 3 novembre 2014, qui reprend les dispositions du point 9 de l’article 11-7 du règlement no 97-02, le contrôle permanent du dispositif de LCB-FT fait partie du dispositif de contrôle de la conformité ; qu’aux termes du a) de l’article 11 du même arrêté, qui reprend en Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 4 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 substance les dispositions du a) de l’article 5 du règlement no 97-02, le système de contrôle des opérations et des procédures internes a pour objet de vérifier « dans des conditions optimales de sécurité, de fiabilité et d’exhaustivité (…), que les opérations réalisées par l’entreprise, ainsi que l’organisation et les procédures internes, sont conformes aux dispositions propres aux activités bancaires et financières, qu’elles soient de nature législative ou réglementaire, nationales ou européennes directement applicables, ou qu’il s’agisse de normes professionnelles et déontologiques, ou d’instructions des dirigeants effectifs prises notamment en application des stratégies et politiques régissant la prise, la gestion, le suivi et la réduction des risques ainsi que des orientations et de la politique de surveillance de l’organe de surveillance » ; 14. Considérant que selon le grief 3, fondé sur ces dispositions, les procédures internes relatives au traitement des alertes « SP » ne sont pas respectées ; qu’en effet les procédures dites « memento Tracfin » et « procédure réseau », qui prévoient la création d’un « dossier d’analyse » ou d’un « dossier d’analyse approfondie » lorsqu’il ressort du traitement d’une alerte que l’opération appelle un examen renforcé, n’ont pas été respectées dans 4 dossiers (nos A4, A6, A16 et A18 mentionnés au considérant 6) ; que, de même, les dispositions de ces procédures qui prévoient l’envoi au « service LAB » d’une PDS lorsque l’analyse de l’alerte ne permet pas d’établir « l’origine licite d’une somme ou d’une opération » ou « lorsque le contexte de l’opération reste flou et que les demandes de clarifications n’aboutissent pas » n’ont pas été respectées dans 2 dossiers (no A21 mentionné au considérant 6 et no A26) ; que des carences ont été constatées dans la mise à jour des dossiers de clients classés en « risque normal » et faisant donc l’objet de « diligences normales » impliquant, aux termes de la classification des risques, une actualisation tous les 3 ans (dossiers nos A7, A11 et A12 mentionnés au considérant 6) ; 15. Considérant que dans les 10 dossiers mentionnés par la poursuite, nonobstant les précisions apportées pour 3 d’entre eux par la CFCMNE (nos A11, A14 et A26), les procédures internes n’ont pas été respectées, ce qui atteste, dans ces 10 cas, d’une défaillance du système de contrôle des opérations et procédures internes mentionné au a) de l’article 11 de l’arrêté précité, au regard des exigences de sécurité, de fiabilité et d’exhaustivité qu’il comporte ; que dans les dossiers no A11 et no A14, la CFCMNE n’apporte pas d’éléments montrant que les informations qu’elle détenait étaient à jour à la date du contrôle ; que dans le dossier no A26, le classement par la caisse locale du dossier d’analyse faisant apparaître un soupçon de fraude fiscale puis l’absence de PDS relative à la poursuite des opérations suspectes du client après mars 2013 ne sont pas conformes aux procédures ci-dessus mentionnées ; B. Sur l’insuffisance du contrôle permanent de second niveau 16. Considérant qu’ainsi qu’il a été rappelé, l’article 71 de l’arrêté du 3 novembre 2014 dispose que le contrôle permanent du dispositif de LCB-FT fait partie du dispositif de contrôle de la conformité ; que l’article 13 de cet arrêté (article 6 du règlement no 97-02) dispose que « Le contrôle permanent de la conformité, de la sécurité et de la validation des opérations réalisées et du respect des autres diligences liées aux missions de la fonction de gestion des risques est assuré, avec un ensemble de moyens adéquats, par : / certains agents, au niveau des services centraux et locaux, exclusivement dédiés à cette fonction ; / - d’autres agents exerçant des activités opérationnelles. » ; que l’article 11 de ce texte (article 5 de l’arrêté no 97-02) décrit l’objet d’un système de contrôle des opérations et procédures internes ; 17. Considérant que selon le grief 4, fondé sur ces dispositions, les contrôles de second niveau du dispositif de LCB-FT sont insuffisants ; qu’en particulier, le « service LAB » de la CFCMNE qui est en charge des contrôles permanents de second niveau du dispositif de LCB-FT n’a, à ce titre, que très partiellement exploité les bases de données « X » et « Y » pendant une longue période, alors même que ces bases contribuent pour une part importante à la surveillance des opérations et à l’activité déclarative ; qu’ainsi, seulement 4 mouvements sur 514 signalés en 2013 et 107 mouvements sur 1 165 signalés en 2014 dans la base « X » ont été analysés ; que, s’agissant de la base « Y », aucune opération n’a été analysée par le « service LAB » sur les 9 035 opérations détectées entre janvier et juin 2015 ; qu’en conséquence, les contrôles de second niveau du dispositif de LCB-FT de CFCMNE étaient insuffisants ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 5 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 18. Considérant que la CFCMNE ne conteste pas utilement les insuffisances relevées, qui tiennent à ce que les outils à la disposition du « service LAB » pour compléter, au second niveau, le travail de détection des opérations atypiques effectué au premier niveau n’ont pas été correctement exploités ; qu’en effet, il ne ressort pas du dossier qu’à la date du contrôle, les informations apportées par les bases « X » et « Y » étaient d’ores et déjà remplacées par celles issues d’autres outils opérationnels à la disposition des services de second niveau, notamment la base « Z » ; qu’au demeurant, en 2014, soit juste avant le début de la mission de contrôle, l’exploitation de la base « X » avait été à l’origine du quart des DS adressées à Tracfin par l’établissement ; que si la CFCMNE fait valoir que les carences relevées résultent de la période particulière au cours de laquelle la mission de contrôle s’est déroulée, cet argument, ainsi que les autres circonstances évoquées, n’est pas de nature à répondre au grief, qui est établi ; C. Sur l’accès à l’information des déclarants et correspondants Tracfin 19. Considérant que selon l’article 55 de l’arrêté du 3 novembre 2014 (point 2.4 de l’article 11-7 du règlement no 97-02), les établissements veillent à ce que le déclarant et le correspondant Tracfin aient accès à toutes les informations nécessaires à l’exercice de leurs fonctions et mettent à leur disposition des outils et des moyens pour qu’ils procèdent, selon leurs compétences respectives, aux DS et au traitement des demandes d’information de Tracfin ; 20. Considérant que selon le grief 5, fondé sur ces dispositions, le chef et l’adjoint du « service LAB » de la CFCMNE, déclarants et correspondants Tracfin pour le pôle bancassurance France de l’établissement, n’ont pas accès à toutes les informations nécessaires à l’exercice de leur mission ; que cela est illustré par 4 dossiers (nos A3, A15, A25 mentionnés au considérant 6 et no A27), dans lesquels les demandes adressées par le « service LAB » aux caisses locales sont restées sans réponse ; que de surcroît, la CFCMNE n’avait pas mis en place de procédure d’escalade permettant à son « service LAB » d’être assuré de l’accès aux informations en provenance des caisses locales ; 21. Considérant, tout d’abord, que si la CFCMNE soutient que les difficultés relevées dans 4 dossiers s’expliquent par la nécessité de prendre contact avec les clients concernés et qu’en outre ses correspondants et déclarants Tracfin disposent des outils et moyens nécessaires pour effectuer eux-mêmes les requêtes qu’ils jugent utiles, il n’appartient pas aux salariés du « service LAB » de solliciter directement auprès du client les explications complémentaires nécessaires à la compréhension de certaines opérations ; que, dans ces dossiers, les demandes du « service LAB » étaient à la date du contrôle restées sans réponse, alors que ce service aurait dû, le cas échéant, être informé de l’impossibilité pour les agences d’obtenir du client qu’il fournisse des explications ; qu’ainsi les 4 dossiers évoqués, quoique en nombre limité, illustrent les difficultés d’accès du « service LAB » aux informations nécessaires à l’exercice de ses missions ; qu’il n’existait pas, à la date du contrôle, de procédure organisée d’escalade permettant de surmonter de telles difficultés, aucun élément du dossier ne montrant au demeurant qu’elle aurait été pratiquée de manière informelle ; que la mise en place, à partir du 26 septembre 2017, d’un processus d’escalade, constitue une action correctrice ; qu’ainsi, le grief est établi ; D. Sur l’insuffisance des moyens humains affectés à l’analyse des anomalies du dispositif de LCB-FT et au contrôle permanent 22. Considérant que selon l’article 51 de l’arrêté du 3 novembre 2014, reprenant les dispositions du point 2.3 de l’article 11-7 du règlement no 97-02, les entreprises assujetties se dotent, selon des modalités adaptées à leur taille, à la nature de leurs activités et aux risques identifiés par la classification des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, de moyens humains suffisants pour analyser les anomalies détectées par les dispositifs susmentionnés ; 23. Considérant que selon le grief 6, fondé sur ces dispositions, le « service LAB » est en charge de l’analyse et du traitement des PDS transmises par les 153 caisses locales, de la transmission des DS à Tracfin ainsi que de l’exécution d’une partie des contrôles de second niveau du dispositif de LCB-FT ; qu’à la date de la mission de contrôle, son effectif de 5 personnes était manifestement insuffisant pour lui permettre Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 6 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 d’accomplir toutes ses tâches ; que cela a eu pour conséquences, d’une part, d’augmenter le stock de PDS en attente de traitement de 120 à 177 entre fin décembre 2014 et juin 2015 ainsi que le nombre de défauts de DS et de déclarations tardives et, d’autre part, d’empêcher ce service, entre début 2015 et août 2015, d’effectuer les contrôles de second niveau, dont il est pourtant chargé, du dispositif de LCB-FT ; qu’ainsi ce service n’a pas été en mesure d’exploiter correctement les bases « Y » et « X » ; 24. Considérant que la CFCMNE fait valoir que l’accroissement de PDS à la fin de 2014, était conjoncturel et résultait d’une meilleure sensibilisation des caisses locales aux problématiques de LCB-FT ; qu’elle avait en outre renforcé ses moyens dès janvier 2015, soit avant le début de la mission de contrôle, et a continué à le faire ensuite pour porter l’effectif de ce service, qui était de 4 personnes seulement jusqu’à fin 2014, à 9 personnes en 2017 ; que, toutefois, le stock de PDS en cours de traitement est passé d’une vingtaine au 31 mars 2014 à 279 au 31 décembre 2015 ; qu’il s’élevait encore à 259 PDS au 31 décembre 2016 ; que les délais moyens de transmission des DS à Tracfin demeuraient en 2016 largement supérieurs à leur niveau de 2014 ; que le défaut d’analyse pendant plusieurs mois des bases « Y » et « X » démontre également l’insuffisance, à la date du contrôle, des moyens dont ce service était doté ; que le grief est donc établi ; IV. Sur le respect des obligations de vigilance à l’égard de la clientèle A. Sur l’obligation de connaissance de la clientèle 25. Considérant que, selon les articles L. 561-6 et R. 561-12 du CMF, les organismes assujettis doivent, avant d’entrer en relation d’affaires avec un client et pendant toute la durée de celle-ci, recueillir, analyser et mettre à jour les informations relatives à l’objet et à la nature de cette relation ainsi que tout autre élément d’information pertinent sur ce client ; 26. Considérant que selon le grief 7, fondé sur ces dispositions, les informations relatives à la connaissance de la clientèle recueillies par CFCMNE sont insuffisantes ; qu’ainsi, dans 13 dossiers sur les 36 examinés par la mission de contrôle, celles relatives à la profession dans deux dossiers (no A1 mentionné au considérant 6 et no A28), aux revenus ou au patrimoine, sont soit manquantes (dossiers nos A1, A3, A14, A18 et A25 mentionnés au considérant 6 et nos A29, A30 et A31), soit inexactes (dossiers nos A2, A7 et A8 mentionnés au considérant 6) ; 27. Considérant que la CFCMNE ne produit aucun élément conduisant à remettre en cause les constats de la mission de contrôle selon lesquels les informations recueillies au sujet de ses clients étaient insuffisantes ; qu’il appartient à tout organisme assujetti de disposer notamment, avant d’entrer en relation d’affaires, d’informations sur les revenus et le patrimoine du client ; que l’existence d’indicateurs pertinents dans les bases de données ainsi que le suivi des opérations par les chargés de clientèle supposent que les dossiers clients soient suffisamment renseignés ; que le recueil des informations sur la profession du client dans 97 % de l’ensemble des dossiers examinés lors du contrôle ne suffit pas à compenser cette carence ; que le nombre de DS adressées par la CFCMNE à Tracfin ne permet pas non plus d’établir que celle-ci disposait, à la date du contrôle, d’informations actualisées sur la totalité de ses clients ; que les actions correctrices présentées sont sans conséquence sur le grief, qui est établi ; B. Sur les défauts d’examen renforcé 28. Considérant que selon le II de l’article L. 561-10-2 du CMF, les organismes assujettis effectuent un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite ; que dans ce cas, ils se renseignent auprès du client sur l’origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 7 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 29. Considérant que selon le grief 8, fondé sur ces dispositions, 5 dossiers parmi ceux examinés par la mission de contrôle présentent un défaut d’examen renforcé ; 30. Considérant que dans le dossier [des époux] A2, respectivement employé et gérante d’une épicerieprimeurs, dont les revenus annuels déclarés s’élevaient à 11 000 euros de salaires et 43 000 euros de revenus fonciers, pour un patrimoine évalué à 1,9 million d’euros, les mouvements enregistrés entre janvier 2013 et juin 2015 sur un compte personnel, soit 71 dépôts d’espèces pour une valeur totale de 105 000 euros, 57 remises de chèques pour un montant de 71 500 euros ainsi que deux retraits d’espèces, l’un de 65 000 euros le 22 février 2014 et l’autre de 35 000 euros le 12 mars 2015, auraient dû donner lieu à un examen renforcé en raison de leurs montants inhabituellement élevés et de leur absence apparente de justification économique ; que les deux dernières opérations ont généré deux alertes, classées sans suite car les clients auraient indiqué que ces retraits avaient pour but l’acquisition d’une maison familiale en Algérie ainsi que l’achat de matériaux pour la réalisation de travaux dans leur résidence principale, sans toutefois que la CFCMNE ait demandé à ses clients de produire des justificatifs à cet égard ; qu’ainsi, le manquement est établi ; 31. Considérant que dans le dossier [de M.] A12, enregistré dans la base tiers de la CFCMNE comme le gérant d’un café-tabac-loto, le compte professionnel du client a fait l’objet, entre 2013 et 2015, de nombreux dépôts en espèces, de même que d’importants encaissements ou débits de chèques (431), dont les montants ont atteint respectivement plus de 1,6 million d’euros pour les espèces, 60 000 euros pour les chèques encaissés, et près de 2 millions d’euros pour les chèques émis ; que de tels mouvements auraient dû, au regard du dernier chiffre d’affaires connu, remontant à près de 10 ans (soit 130 000 euros hors taxes en 2006) et du dernier revenu mensuel connu du client, soit 158 euros en 2010, donner lieu à un examen renforcé ; que, malgré l’examen de quelques chèques, insuffisant au regard du nombre d’opérations enregistrées sur le compte, le manquement est établi ; 32. Considérant que dans le dossier [de M.] A16, infirmier libéral de 45 ans, percevant des revenus mensuels de 2 000 euros et disposant d’une épargne au CMNE de 36 000 euros, la réception le 7 novembre 2014 d’un virement de 67 000 euros en provenance d’une autre banque, puis le retrait de 66 000 euros en espèces auraient dû donner lieu à un examen approfondi en raison du montant inhabituellement élevé de cette opération au regard des revenus du client ; que l’information mentionnée par le chargé de clientèle, à la suite du signalement ponctuel effectué, selon laquelle ce client était en instance de divorce, ne peut en tenir lieu ; que le reproche est établi ; 33. Considérant que dans le dossier [de Mme] A25, psychologue psychanalyste, dont les revenus n’étaient pas renseignés dans la base tiers, les 5 remises de chèques effectuées entre janvier 2014 et juin 2015, pour un montant cumulé de 114 000 euros, et les 107 retraits d’espèces, pour un montant total de près de 179 000 euros, ont généré des alertes qui n’ont pas été traitées par la caisse locale concernée, cette dernière n’ayant au demeurant pas répondu, au moment du contrôle, aux demandes d’éclaircissements formulées en janvier 2015 par le « service LAB » ; que si la CFCMNE se borne à faire valoir en défense que, devant le mutisme dont a fait preuve sa cliente, elle a clôturé ses comptes en septembre 2016, le défaut de coopération de la cliente ne peut permettre de justifier l’inaction de l’établissement sur une période aussi longue ; que le manquement est établi ; 34. Considérant que dans le dossier [de M.] A32, la réception en décembre 2014 par ce client, artisan à la retraite âgé de 83 ans en 2015 et percevant une pension de 744 euros et des revenus fonciers de 2 972 euros par mois, qui avait été placé en surveillance renforcée quelques mois plus tôt, d’un virement de 117 640 dollars américains en provenance d’Uruguay, aurait dû donner lieu à un examen renforcé ; que pourtant, elle n’a entraîné qu’un « SP 638 » (« opé Pays liste rouge à analyser »), classé sans suite au motif que l’intéressé disposerait d’un patrimoine important en Espagne d’où il rapatrie des fonds ; que les explications de la CFCMNE sur l’origine des fonds, qui proviendraient de la « vente d’une hacienda qu’il détenait avec des amis », ne sont pas cohérentes avec les informations détenues au sujet de ce client ; qu’elles ne sont en outre étayées par aucune pièce ; que le reproche est donc établi ; 35. Considérant ainsi que le grief 8 est établi dans son intégralité ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 8 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 V. Sur le respect des obligations déclaratives A. Sur les défauts de déclaration de soupçon 36. Considérant que selon les articles L. 561-15 et R. 561-14 du CMF, les établissements doivent déclarer à Tracfin les opérations portant sur des sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an, d’une fraude fiscale ou sont liées au financement du terrorisme ; que l’article D. 561-32-1 de ce code énumère plusieurs critères devant conduire à effectuer une déclaration au titre du II de l’article L. 561-15, dont le quatrième relatif à « La réalisation d’opérations financières incohérentes au regard des activités habituelles de l’entreprise ou d’opérations suspectes dans des secteurs sensibles aux fraudes à la TVA de type carrousel, tels que les secteurs de l’informatique, de la téléphonie, du matériel électronique, du matériel électroménager, de la hi-fi et de la vidéo » et le quinzième relatif au « dépôt par un particulier de fonds sans rapport avec son activité ou sa situation patrimoniale connues » ; 37. Considérant que selon le grief 9, fondé sur ces dispositions, un défaut de DS est reproché relativement aux opérations réalisées dans 13 dossiers ; 38. Considérant que dans le dossier [de Mme] A1, cliente âgée de 28 ans en 2015 enregistrée dans la base tiers de la CFCMNE sans précision quant à sa profession, le dépôt d’espèces de 18 000 euros le 1er septembre 2014 a été expliqué par la vente d’une caravane ; que, pourtant, le certificat de cession fourni par la cliente comportait des indications incohérentes avec ses dires ; qu’en outre, Mme A1, dont ni les revenus ni le patrimoine n’étaient connus de CFCMNE, a effectué de nombreuses remises de chèques pour un montant total de près de 45 000 euros entre janvier 2013 et juin 2015, sans que ces opérations donnent lieu à l’envoi d’une DS ; 39. Considérant que dans le dossier [des époux] A3, dont les revenus mensuels étaient inconnus de l’établissement et dont l’épargne au CMNE s’élevait à 36 000 euros en 2015, les 7 versements d’espèces effectués en avril 2014, soit 89 000 euros en tout, ne paraissaient pas cohérents avec leur situation personnelle ; que, malgré une alerte, ce dossier n’a pas connu de suite, en l’absence de réponse par la caisse concernée aux demandes d’explication du « service LAB » ; que si la CFCMNE soutient que de telles opérations étaient cohérentes avec la surface financière de M. A3, qui dirige l’entreprise familiale B dont le chiffre d’affaires de 2015 s’élevait à 4,9 millions d’euros, il ne ressort pas du dossier de procédure que ces éléments d’information étaient connus de la CFCMNE au moment de la réalisation des opérations litigieuses ; qu’ils ne peuvent en outre justifier les dépôts d’espèces effectués ; que le manquement aux dispositions de l’article II de l’article L. 561-15 et du critère 15 ci-dessus rappelé est établi ; 40. Considérant que dans le dossier [des époux] A4, la réception sur le compte joint de ces clients, entre janvier 2013 et juin 2015, de 120 000 euros provenant de virements de M. C et de la société D, est incohérente avec les informations sur la profession des clients, respectivement « en recherche d’emploi ou gérante de la société E » et policier, ainsi que sur leurs revenus (4 000 euros en tout) et leur patrimoine (23 000 euros) ; que la circonstance que le même compte joint ait enregistré trois remises de chèques pour un montant cumulé de près de 126 000 euros en 2013 et 2014 et un dépôt d’espèces de 22 000 euros le 1er août 2014 paraît également incohérente avec les informations dont disposait la CFCMNE ; qu’il en est de même des 85 virements débiteurs, pour un montant cumulé de 364 000 euros et des deux chèques, l’un de 57 000 euros le 6 août 2014 et l’autre de 40 000 euros le 25 juin 2015, dont les bénéficiaires n’ont pas été identifiés ; qu’en dépit de l’alerte générée par le dépôt d’espèces du 1er août 2014, la caisse locale concernée n’a constitué aucun dossier d’analyse ; que les explications de la CFCMNE, selon lesquelles 99 % des virements ne lui paraissent pas pouvoir être regardés comme suspects, alors que les chèques du 6 août 2014 et du 25 juin 2015 ont de plus été contrôlés, ne suffisent pas à justifier les écarts importants entre les opérations en cause et les revenus connus des clients ; qu’en outre, l’origine des fonds du dépôt de 22 000 euros en espèces demeure inexpliquée ; que ces éléments auraient dû conduire la CFCMNE à procéder à une DS au titre du II de l’article L. 561-15 et du critère 15 ci-dessus rappelé ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 9 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 41. Considérant que dans le dossier [de M.] A6, âgé de 19 ans en 2014, serveur et commis dans le commerce de restauration de son père, dont les revenus mensuels de 762 euros étaient remis par chèque sur son compte, la réception le 29 octobre 2014 d’un virement de 9 000 euros provenant d’un compte ouvert en Allemagne au nom de M. F suivie du retrait en espèces, entre le 25 septembre 2014 et le 5 novembre 2014, de 8 250 euros dont 7 000 euros ce dernier jour auraient dû être déclarés ; que ces opérations ont seulement donné lieu à une alerte, confirmée de plus par la caisse locale qui avait indiqué en commentaire « que cette opération pourrait s’assimiler à un abus de biens sociaux ou un blanchiment d’argent compte tenu des indications fournies par le client » ; que cette alerte étant demeurée sans suite, le manquement est établi ; 42. Considérant que dans le dossier [de M.] A8, gérant de la SCI G, le compte personnel du client a enregistré des mouvements créditeurs (chèques et virements) évalués à près de 900 000 euros, sans rapport avec sa situation la plus récente connue de la CFCMNE, selon laquelle il avait en 2012 perçu 47 000 euros de revenus fonciers, et incohérents avec les données qui figuraient dans la base tiers à son sujet ; qu’aucune alerte n’a été générée dans ce dossier ; que ces opérations auraient dû conduire à procéder à une DS au titre du II de l’article L. 561-15 et du critère 15 ci-dessus rappelé, ce que ne conteste pas la CFCMNE ; 43. Considérant que dans le dossier [de M.] A9, qui préside la société « H», non détentrice d’un compte au Crédit mutuel, le total des mouvements enregistrés sur le compte personnel du client a dépassé son salaire connu (1 652 euros en mars 2014) et les nombreux dépôts et retraits d’espèces enregistrés entre août 2014 et début juillet 2015 sur ce compte, pour environ 27 000 euros et 29 000 euros respectivement, n’ont pas été justifiés ; que ce compte personnel a de plus enregistré au crédit des chèques émis par la société « H », pour un montant cumulé d’environ 27 000 euros au cours de cette même période, et par d’autres sociétés, pour un montant de 17 000 euros ; que parmi les chèques encaissés en figurait un établi à l’ordre de la société H, sur lequel la mention du bénéficiaire avait été rayée et remplacée par le nom de M.A9 ; que le défaut de DS est ainsi établi ; 44. Considérant que dans le dossier [de M.] A10, entre janvier 2014 et juin 2015, la réception de 24 virements nationaux pour un montant total de 243 800 euros et d’un virement international de 168 000 euros provenant d’une SCI, au sujet de laquelle la CFCMNE ne disposait d’aucune information, de même que la remise de 2 chèques d’un montant total de 46 000 euros, était incohérente avec les éléments de connaissance de ce client, qui percevait une allocation chômage ; que ces opérations, qui n’ont fait l’objet d’aucune alerte, auraient dû conduire à procéder à une DS au titre du II de l’article L. 561-15 et du critère 15 de l’article D. 561-32-1 du CMF, ce que ne conteste pas la CFCMNE ; 45. Considérant que dans le dossier [de M.] A20, les opérations enregistrées sur le compte, dont des versements en espèces de plus de 66 000 euros entre le 1er janvier 2013 et le 20 juillet 2015, étaient totalement incohérentes avec les informations détenues au sujet de la profession du client, chef d’équipe ferrailleur chez la société I, et le montant de ses revenus connus, soit 2 052 euros par mois ; que ces éléments, qui n’ont entraîné aucune alerte, auraient dû conduire à procéder à une DS au titre du II de l’article L. 561-15 et du critère 15 ci-dessus rappelé, ce que ne conteste pas la CFCMNE ; 46. Considérant que, dans le dossier [de Mme] A23, les 54 dépôts d’espèces effectués, entre le 1er janvier 2013 et le 16 juillet 2015, pour un montant cumulé de près de 91 000 euros, n’étaient pas justifiés au regard des éléments de connaissance de cette cliente, étudiante disposant d’un peu plus de 2 000 euros de revenus mensuels ; que le manquement est établi ; 47. Considérant que dans le dossier [de Mme] A28, qui a indiqué percevoir des salaires en espèces tout en refusant d’indiquer sa profession, les 15 dépôts d’espèces pour un montant total de 3 780 euros effectués entre le 4 avril et le 10 octobre 2014 auraient dû être déclarés à Tracfin ; que seule une PDS a, dans ce dossier, été établie, puis classée sans suite le 30 juin 2015 ; que le manquement est établi ; 48. Considérant que dans le dossier [de M.] A29, la réception d’un peu plus de 35 000 euros de virements en provenance de la Belgique était incohérente avec les éléments d’information détenus à son sujet ; qu’il avait en effet, lors de l’ouverture de son compte mi-2014, indiqué exercer la profession de « petit détaillant Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 10 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 en quincaillerie » avant de créer, en octobre 2014, l’EURL J dont l’activité indiquée était « le commerce de voitures légères » ; que toutefois les virements créditeurs ont débuté avant la création de cette EURL ; que ces éléments ont conduit la caisse locale à refuser à M. A29 l’ouverture d’un compte professionnel, à clôturer son compte personnel et à transmettre au « service LAB » le 20 janvier 2015 une PDS qui a été classée sans suite, alors même qu’en 2015, 25 autres virements, pour un montant total légèrement inférieur à 43 000 euros ont été enregistrés ; que ces éléments auraient dû conduire à procéder à une DS au titre du II de l’article L. 561-15 et du critère 4 ci-dessus rappelé ; 49. Considérant que dans le dossier [de M.] A30, président de l’association K, créée en 2013, l’exécution en 2014 de mouvements entre le compte de cette association et celui du client, mais aussi de deux autres personnes physiques, le trésorier de l’association, M. L, et une troisième personne, M. M, auraient dû conduire la CFCMNE à déclarer ces opérations à Tracfin, ce que la CFCMNE ne conteste pas ; que notamment, en 2014, l’association a versé un peu plus de 10 000 euros à ces trois personnes et le triple au premier semestre 2015 ; qu’en outre, le client a émis, au profit de M. M, un chèque qui a rendu son compte débiteur puis a remis sur son compte un chèque de 4 900 euros émis par ce dernier, tiré sur un autre établissement bancaire, rejeté ensuite pour défaut de provision ; que malgré le refus de l’intéressé de s’expliquer sur ces opérations, aucune DS n’avait été adressée à Tracfin au moment du contrôle, malgré l’envoi d’une PDS au « service LAB » le 1er avril 2015 ; que le manquement est établi ; 50. Considérant que dans le dossier [de Mme] A33, âgée de 24 ans au moment des faits, sans activité et dont les ressources mensuelles connues s’élevaient à 930 euros en 2010, la cliente a remis à l’encaissement le 26 septembre 2014 un chèque d’un montant de 7 500 euros émis par la société « N », rejeté pour vol le 3 octobre suivant ; qu’entre-temps, elle avait tenté d’effectuer plusieurs retraits d’espèces dont un, le 1er octobre 2014, avait été bloqué ; que, malgré l’établissement d’une PDS, aucune DS n’a été établie, ce que la CFCMNE tente de justifier par le dépôt d’une plainte pour vol de chèque ; qu’une DS aurait dû être réalisée par la CFCMNE avant la date de la réception de la réquisition judiciaire relative à ces faits, le 9 octobre 2014 ; 51. Considérant ainsi que le grief 9 est intégralement établi ; B. Sur les déclarations de soupçon tardives 52. Considérant que selon l’article L. 561-16 du CMF, les organismes financiers sont tenus, lorsqu’une opération devant faire l’objet de la déclaration prévue à l’article L. 561-15 a déjà été réalisée, soit parce qu’il a été impossible de surseoir à son exécution, soit que son report aurait pu faire obstacle à des investigations portant sur une opération suspectée de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme, soit qu’il est apparu postérieurement à sa réalisation qu’elle était soumise à cette déclaration, d’en informer sans délai Tracfin ; 53. Considérant que selon le grief 10, fondé sur ces dispositions, les délais de transmission des DS par la CFCMNE sont excessifs, ce qui est dû principalement aux délais des traitements des PDS ; que parmi les 36 DS adressées à Tracfin pour le pôle bancassurance France en juin 2015, 19 ont été envoyées dans un délai non justifié au regard des diligences menées ; 54. Considérant que le reproche porte sur le délai constaté entre l’envoi d’une PDS au « service LAB » et l’envoi d’une DS à Tracfin ; que dans les 19 dossiers mentionnés par la poursuite, la CFCMNE n’apporte aucun élément relatif à l’analyse approfondie effectuée à leur sujet qui permettrait d’expliquer par les diligences faites le délai moyen de 191 jours ; que l’obligation d’envoyer les DS sans délai s’imposant dans chaque dossier, l’abaissement invoqué des délais moyens au terme d’actions correctrices, de 77 jours en 2015 à 58 jours au 30 juin 2016, qui constitue une évolution favorable, ne suffit pas à répondre au grief; 55. Considérant ainsi que le grief 10 est entièrement établi ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 11 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 * * * 56. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le dispositif automatisé de suivi de la relation d’affaires de la CFCMNE était imparfaitement paramétré et ne prenait pas en compte les revenus et le patrimoine du client pour détecter les opérations inhabituelles ou atypiques (grief 1), tandis qu’une part trop faible des alertes générées était, à cette même date, analysée afin de déterminer les opérations devant finalement donner lieu à un examen renforcé ou à l’envoi d’une PDS (grief 2), en contradiction avec les procédures internes de l’établissement (grief 3) ; que son dispositif de contrôle de second niveau présentait des carences (grief 4) ; que l’anomalie que représente le défaut de réponse, par les caisses locales, aux demandes des déclarants et correspondants Tracfin était alors aggravée par l’absence de procédure d’escalade (grief 5) ; que l’insuffisance des moyens humains dont disposait le « service LAB » compétent pour traiter les PDS a eu pour conséquence une forte augmentation des délais de traitement de celles-ci et ne lui a pas permis d’effectuer toutes les tâches de contrôle dont il est chargé (grief 6) ; que plusieurs manquements aux obligations de connaissance de la clientèle (grief 7), d’examen renforcé (grief 8) et de déclaration à Tracfin ont en outre été constatés, qu’il s’agisse sur ce dernier point de défauts de DS (grief 9) ou de retards dans l’envoi de celles-ci (grief 10) ; 57. Considérant, cependant, que la poursuite s’est appuyée, dans cette procédure, sur un nombre limité de dossiers au regard de la taille de cet établissement, certains d’entre eux ayant en outre été utilisés pour illustrer ou fonder plusieurs griefs ; que les délais d’envoi de DS à Tracfin, excessifs dans les dossiers mentionnés à ce titre, sont en moyenne moins élevés que ceux constatés par la Commission dans certaines autres affaires dont elle a eu à connaître ; qu’entre la fin de la mission de contrôle, en août 2015, et l’ouverture de la présente procédure disciplinaire, en mai 2017, la CFCMNE a mis en place un certain nombre d’actions correctrices qui se sont poursuivies par la suite ; que, si leur effectivité devra, le cas échéant, être contrôlée, elles peuvent déjà, malgré le caractère tardif de certaines, être prises en compte ; 58. Considérant que si la CFCMNE estime que les faits constatés par la mission de contrôle devraient conduire à une mise hors de cause ou, à défaut, au prononcé d’un simple avertissement, les manquements retenus par la Commission justifient, compte tenu de leur nature, de leur nombre et de leur gravité, et au vu des éléments mentionnés ci-dessus, le prononcé d’un blâme ; que, pour les mêmes raisons et dans le respect du principe de proportionnalité au regard de l’assise financière de la CFCMNE, une sanction pécuniaire de 1,5 million d’euros sera également prononcée ; 59. Considérant que la CFCMNE ne produit aucun élément permettant d’estimer que la publication nominative de la présente décision lui causerait un préjudice disproportionné ; que cette publication n’est pas non plus de nature à perturber gravement les marchés financiers ; que la présente décision sera donc publiée sous cette forme ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 12 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-05 P AR CES MOTIFS D ÉCIDE : A R T I C L E 1 E R – Il est prononcé à l’encontre de la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Nord Europe un blâme et une sanction pécuniaire de 1,5 million d’euros. A R T I C L E 2 – La présente décision sera publiée au registre de l’ACPR et pourra être consultée au secrétariat de la Commission. Le Président de la Commission des sanctions [Rémi BOUCHEZ] Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans un délai de deux mois à compter de sa notification et dans les conditions prévues au III de l’article L. 612-16 du code monétaire et financier. Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 13