CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL Procédure no 2017-04 ––––– Blâme et sanction pécuniaire de 1 million d’euros ––––– Audience du 15 juin 2018 Décision rendue le 3 juillet 2018 A UTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL ET DE RÉSOLUTION C OMMISSION DES SANCTIONS ––––––––––––––– Vu la lettre du 15 mai 2017 par laquelle le Président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après l’« ACPR ») informe la Commission de ce que le Collège de supervision de l’ACPR (ci-après le « Collège »), statuant en formation restreinte, a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de la Caisse fédérale de Crédit Mutuel (ci-après la « CFCM »), 34, rue du Wacken à Strasbourg, enregistrée sous le no 2017-04 ; Vu la notification des griefs du 15 mai 2017 ; Vu les mémoires en défense des 4 août 2017, 4 décembre 2017 et 1er février 2018 par lesquels la CFCM i) conteste l’ensemble des griefs, ii) estime qu’à les supposer établis, ils ne constituent pas des défaillances graves de son dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (ci-après « LCBFT »), mais des points d’amélioration de celui-ci et iii) demande que la décision à intervenir soit publiée sous une forme non nominative ; Vu les mémoires en réplique des 25 octobre 2017 et 12 janvier 2018, par lesquels M. Christian Poirier, représentant du Collège, maintient l’ensemble des griefs notifiés mais réduit le périmètre du grief 3 ; Vu le rapport du 9 mai 2018 de Mme Claudie Aldigé, rapporteur, dans lequel celle-ci conclut que 7 des 8 griefs notifiés sont établis, mais que 5 le sont dans un périmètre réduit ou doivent être relativisés (griefs 1, 3, 6, 7 et 8), tandis que le grief 5 doit être écarté ; Vu les courriers du 9 mai 2018 convoquant les parties à l’audience et les informant de la composition de la Commission et de ce qu’il sera fait droit à la demande présentée par la CFCM tendant à ce que cette audience ne soit pas publique ; Vu les observations présentées le 24 mai 2018 par la CFCM sur le rapport du rapporteur ; Vu les autres pièces du dossier, notamment le rapport de contrôle du 25 juillet 2016 et les documents versés par la CFCM en réponse aux demandes du rapporteur ; Vu le code monétaire et financier (ci-après le « CMF »), notamment ses articles L. 561-5, L. 561-10-2, L. 561-15, L. 561-16, L. 612-39, R. 561-12, R. 561-14, D. 561-32-1 et R. 612-35 à R. 612-51, dans leur rédaction en vigueur au moment du contrôle sur place ; Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 Vu le règlement no 97-02 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (ci-après le « règlement no 97-02 »), notamment ses articles 5 et 11-7 ; Vu l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d’investissement soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après l’« arrêté du 3 novembre 2014 »), notamment ses articles 11, 46, 47 et 61 ; Vu le règlement intérieur de la Commission des sanctions ; La Commission des sanctions de l’ACPR, composée de M. Rémi Bouchez, Président, de MM. Francis Crédot et Christian Lajoie, de Mme Christine Meyer-Meuret et de M. Denis Prieur ; Après avoir entendu, lors de sa séance non publique du 15 juin 2018 : – Mme Aldigé, rapporteur, assistée de M. Fabien Patris, son adjoint ; – M. Rodolphe Lelté, représentant de la directrice générale du Trésor ; – M. Poirier, représentant du Collège, assisté du directeur des affaires juridiques du Secrétariat général de l’ACPR, de l’adjoint au directeur d’une direction du contrôle des banques, du chef du service des affaires institutionnelles et du droit public, de 3 juristes au sein de la direction des affaires juridiques ; M. Poirier a proposé à la Commission de prononcer un blâme et une sanction pécuniaire de 3 millions d’euros dans une décision publiée sous une forme nominative ; – la CFCM, représentée par son directeur général, assisté du directeur des risques et du directeur de la conformité de cet établissement et du responsable de la LCB-FT au sein du Crédit mutuel méditerranéen, ainsi que de Mes Philippe Goutay et Emilie Rogey, avocats à la Cour (cabinet Jones Day) ; Les représentants de la CFCM ayant eu la parole en dernier ; Après avoir délibéré en la seule présence de M. Bouchez, Président, de MM. Crédot et Lajoie, de Mme Meyer-Meuret et de M. Prieur, ainsi que de M. Jean-Manuel Clemmer, chef du service de la Commission des sanctions faisant fonction de secrétaire de séance ; 1. Considérant que la CFCM ou CM11 est une société coopérative ayant le statut d’établissement de crédit affiliée à la Confédération nationale du Crédit Mutuel ; que son capital est intégralement détenu par les caisses locales des 11 fédérations auxquelles elle est affiliée ; qu’elle regroupe ainsi 11 caisses fédérales (CMM - Marseille ; CMCEE - Strasbourg ; CMLACO - Nantes ; CMIDF - Paris ; CMC - Orléans ; CMMA - Toulouse ; CMA - Angers ; CMDV - Valence ; CMSMB - Annecy ; CMSE - Lyon ; CMN – Caen) sur les 18 qui composent le groupe ; qu’elle comporte ainsi 1 369 caisses locales dont elle porte l’agrément collectif, dont les 135 de la Caisse régionale du Crédit mutuel méditerranéen ( ci-après le « CMM ») ; qu’elle assure les fonctions centrales de conformité, risques et audit groupe, dont la fonction centrale LCB-FT ; que, détenant 93 % du capital de la Banque fédérative du Crédit Mutuel, elle contrôle notamment le Crédit Industriel et Commercial (CIC) et le groupe Cofidis ; qu’en 2016, cet ensemble, qui disposait de 40 milliards d’euros de capitaux propres, a réalisé un produit net bancaire (ci-après « PNB ») de 13 milliards d’euros et un résultat net consolidé de 2,6 milliards d’euros ; que le CMM, quant à lui, a réalisé un PNB de 211 millions d’euros pour un résultat net de 39 millions d’euros ; 2. Considérant que la CFCM a fait l’objet d’un contrôle sur place du 8 février au 19 mai 2016 portant sur son dispositif de LCB-FT et, plus particulièrement sur ses « pratiques en matière de déclaration de Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 2 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 soupçon » ; que ce contrôle a été centré sur les caisses locales adhérentes au CMM ; qu’il a donné lieu à la signature d’un rapport définitif le 25 juillet 2016 (ci-après le « rapport de contrôle ») intitulé « Analyse des pratiques en matière de déclaration de soupçon » ; qu’au vu de ce rapport, le Collège a décidé, lors de sa séance du 20 avril 2017, d’ouvrir la présente procédure disciplinaire ; I - Sur les obligations d’identification de la clientèle A - Sur l’obligation de vérifier l’identité des clients avant l’entrée en relation d’affaires 3. Considérant que selon le I de l’article L. 561-5 du CMF, avant d’entrer en relation d’affaires avec leur client ou de l’assister dans la préparation ou la réalisation d’une transaction, les organismes assujettis l’identifient, ainsi que le cas échéant le bénéficiaire effectif de la relation d'affaires, par des moyens adaptés et vérifient son identité par la présentation de tout document écrit probant ; 4. Considérant que selon le grief 1, fondé sur ces dispositions, l’identité de 132 clients du CMM n’a pas été vérifiée par l’établissement sur la période 2014-2015 ; 5. Considérant que le reproche est entièrement fondé sur des informations fournies par le CMM, à qui il a été demandé de rechercher les dossiers incomplets au titre des ouvertures de compte sur la période 20142015 ; que selon la réponse du CMM à la mission de contrôle, sur les 67 873 dossiers correspondants, 131 (et non 132) ne comportent aucun justificatif d’identité ; que, toutefois, il apparaît, au terme de la présente procédure, tout d’abord, que les entrées en relation bancaires et non bancaires n’ont pas été distinguées, de sorte qu’il convient d’écarter du champ du reproche 61 dossiers relatifs à des souscriptions de forfaits téléphoniques (46 dossiers) ou de contrats de surveillance contre le vol (15 dossiers) ; que doivent être également exclus 3 dossiers relatifs à des entrées en relation au titre de la souscription d’un contrat d’assurance, les sanctions encourues applicables aux intermédiaires d’assurance, mentionnées à l’article L. 612-41 du CMF, n’étant pas visées par la notification des griefs ; qu’ensuite s’il existe, au sujet des 67 dossiers d’entrée en relation bancaire, des contradictions entre les explications de la CFCM quant aux vérifications d’identité effectuées à la date du contrôle et le tableau détaillé qu’elle produit dans le cadre de la présente procédure, l’examen de ce tableau conduit cependant à écarter le reproche dans 35 cas supplémentaires, dont (i) 30 pour lesquels les déclarations de l’établissement mentionnant l’existence d’un justificatif d’identité ne sont pas contredites et (ii) 5 pour lesquels un compte n’a été ouvert, pour des raisons techniques, afin d’y verser le produit de la revente de parts sociales, pour de faibles montants, que parce que le client, avec lequel l’entrée en relation d’affaires n’a finalement pas abouti, n’avait pas fourni les coordonnées d’un compte d’un autre établissement sur lequel ces sommes auraient pu être versées ; que le périmètre du reproche est ainsi finalement réduit de 131 à 32 dossiers ; B - Sur la possibilité de déroger à l’obligation d’identification avant l’entrée en relation d’affaires avec certains clients 6. Considérant que, selon l’article 61 de l’arrêté du 3 novembre 2014, les entreprises assujetties adoptent des procédures relatives aux obligations de vigilance prévues aux chapitres Ier et II du titre VI du livre V du CMF en tenant compte des risques identifiés par la classification prévue aux articles 57 à 60 ; que la notification des griefs mentionne l’article L. 561-8 du CMF dont le I prévoit que, lorsqu’un organisme assujetti « n'est pas en mesure de satisfaire aux obligations prévues à l'article L. 561 -5 et à l'article L. 5615-1, (il) n'exécute aucune opération, quelles qu'en soient les modalités, et n'établit ni ne poursuit aucune relation d'affaires. Si celle-ci a déjà été établie en application du IV de l'article L. 561-5, (il) y met un terme et la déclaration prévue à l'article L. 561-15 s'effectue dans les conditions prévues à cet article. » ; que le IV de cet article dispose que « Par dérogation au I, lorsque le risque de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme paraît faible et que c'est nécessaire pour ne pas interrompre l'exercice normal de l'activité, les obligations mentionnées au 2° dudit I peuvent être satisfaites durant l'établissement de la relation d'affaires. » ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 3 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 7. Considérant que, selon le grief 2, fondé sur ces dispositions, la procédure intitulée « absence de justificatif (s) lors d’une entrée en relation (EER) avec un tiers particulier », diffusée à partir du début de l’année 2016, permettait à un directeur de caisse ou d’agence d’octroyer des moyens de paiement (carte ou chéquier) à un client même si ce dernier n’avait présenté aucun justificatif d’identité, de domicile ou de signature ; qu’en conséquence, la CFCM n’était pas en mesure de respecter l’interdiction ci-dessus rappelée ; 8. Considérant que la CFCM fait valoir que cette procédure ne s’appliquait qu’au profit de personnes disposant d’un lien de famille avec un client existant ou de personnes connues par les employés des caisses locales ; que, toutefois, de tels liens ou une telle connaissance n’impliquent pas nécessairement un risque faible de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme (ci-après « BC-FT ») ; qu’en application de cette procédure, des opérations pouvaient être réalisées alors que l’identité du client n’avait pas été vérifiée ; que, lorsque le risque de BC-FT est faible, il n’est permis par les textes précités de différer l’identification et la vérification de l’identité du client que jusqu’à à la réalisation de la première opération ; que, de plus, le suivi de ces décisions de déblocage de moyens de paiement était lacunaire ; que la suppression, après le contrôle, de cette procédure spéciale, apparaît comme une action correctrice, sans conséquence sur le grief, qui est établi ; II - Sur le traitement des alertes 9. Considérant que selon l’article 46 de l’arrêté du 3 novembre 2014, qui reprend les dispositions du 2.2 de l’article 11-7 du règlement no 97-02, les établissements se dotent de dispositifs de suivi et d'analyse de leurs relations d'affaires, fondés sur la connaissance de leur clientèle, permettant notamment de détecter les opérations qui constituent des anomalies au regard du profil des relations d'affaires et qui pourraient faire l'objet d'un examen renforcé mentionné au II de l'article L. 561-10-2 du CMF ou d'une déclaration prévue à l'article L. 561-15 du même code ; 10. Considérant que selon le grief 3, fondé sur ces dispositions, tout d’abord, le dispositif de détection et d’analyse des opérations atypiques de la CFCM, qui repose en premier lieu sur l’émission d’alertes automatiques appelées « signalements ponctuels » (ci-après « SP ») que les chargés de clientèle ou les directeurs des caisses locales doivent traiter dans le système dédié dénommé « outil Z », ne fonctionne pas de manière efficace au sein du CMM ; que ce dispositif n’a été à l’origine que de 7 % de ses déclarations de soupçon (ci-après « DS ») en 2014, la majorité de celles-ci trouvant leur origine dans des « dossiers d’analyse » créés à la demande expresse du service régional de LCB-FT, du contrôle périodique ou d’un événement extérieur et non dans le traitement de SP ; qu’ensuite, l’exploitation des SP est lacunaire, ceux-ci étant souvent classés sans suite de manière insuffisamment justifiée par les caisses locales ; que cette défaillance est illustrée par i) 5 dossiers relevés par la mission de contrôle sur un échantillon examiné de 19 clients (dossiers A1, A2, A3, SARL A4, SARL A5), ii) 2 dossiers identifiés comme défaillants par l’audit périodique de la CFCM (A6 et A7) et iii) les constats de l’audit périodique à l’égard de certaines caisses locales (Nice-Baie des Anges ; Porto-Vecchio ; Marseille-Castellane) ; 11. Considérant, tout d’abord, que la seule constatation d’un faible pourcentage de DS fondées sur des SP, s’il peut être un indice d’un mauvais fonctionnement du dispositif de détection, ne peut suffire à établir une carence globale de ce dispositif ; qu’en revanche, ainsi que l’a déjà souligné la Commission (décision Caisse d’épargne et de Prévoyance du Languedoc-Roussillon du 25 novembre 2013), la qualité du dispositif de suivi et d'analyse des relations d'affaires implique que toutes les alertes émises donnent lieu à une analyse pertinente susceptible d’aboutir soit à un examen renforcé ou à une DS, soit à un classement ; que de tels classements doivent être effectués dans des conditions qui permettent de les justifier ; qu’en l’espèce, les insuffisances des diligences faites au sein des 3 caisses locales du CMM à la suite d’alertes émises par le dispositif de détection, qui ont été soulignées par le contrôle périodique du CMM, ne sont pas utilement contestées ; qu’à titre d’exemple, ainsi que le rappelle la poursuite, le rapport de contrôle périodique de la caisse de Nice-Baie des Anges du 28 janvier 2015 indiquait que « l’utilisation du portail Z est insuffisante : le nombre de dossiers analysés est trop faible eu égard à la taille et l’implantation de la caisse, élément Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 4 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 corroboré par les nombreux cas relevés et non détectés par la Caisse » ; que les diligences faites au premier niveau étant essentielles au bon fonctionnement d’un dispositif de LCB-FT, de telles insuffisances ne peuvent, au titre du présent grief, être palliées par l’action du service régional de LCB-FT qui, à la date du contrôle, utilisait des bases (X et Y) pour détecter les opérations suspectes qui n’auraient pas été détectées par le réseau ; qu’en effet, son intervention relève, ainsi que l’a souligné le rapport de contrôle, des contrôles permanents de second niveau de l’action des agences en matière de LCB-FT ; 12. Considérant, ensuite, que parmi les cas individuels mentionnés par la notification des griefs qui viennent illustrer le manquement, le dossier SARL A5 doit être écarté, la poursuite ayant admis que les opérations effectuées ne présentaient pas un caractère atypique ; que, de même, dans le dossier A6, le classement de l’alerte a, selon les explications fournies par la CFCM dans le cadre de la présente procédure, été effectué après un examen renforcé, de sorte que l’alerte a bien été traitée ; que la CFCM n’est en revanche pas fondée à se prévaloir de l’imprécision que comporte la notification des griefs en ce qui concerne le dossier de la caisse de Porto-Vecchio pour lequel 186 SP ont été levés, dès lors que la SCI A7 en cause pouvait être très facilement identifiée par la référence faite en bas de page à un rapport du contrôle périodique du CMM ; que si la CFCM fait valoir que ces nombreux SP viennent de ce que le compte de cette SCI a été ouvert, à la demande de la Banque de France, dans le cadre du droit au compte , il n’en reste pas moins que leur classement n’est pas suffisamment justifié ; que, dans le dossier SARL A4, le caractère non satisfaisant du traitement des alertes résulte de l’absence de documentation de la levée du risque ; que dans 3 dossiers (A1, A2 et A3), c’est l’intervention a posteriori du service régional de LCB-FT qui a permis de découvrir une anomalie au regard du profil de la relation d’affaires ; 13. Considérant ainsi que, même si deux des dossiers individuels qui l’illustrent ne sont pas retenus par la Commission, le grief est établi ; III - Sur le suivi des recommandations du contrôle périodique en matière de LCB-FT 14. Considérant que selon le f) de l’article 11 de l’arrêté du 3 novembre 2014, le système de contrôle des opérations et des procédures internes a notamment pour objet, dans des conditions optimales de sécurité, de fiabilité et d’exhaustivité, de vérifier l’exécution dans des délais raisonnables des mesures correctrices décidées au sein des entreprises assujetties ; 15. Considérant que selon le grief 4, fondé sur ces dispositions, le système de contrôle des opérations et des procédures internes de la CFCM ne permet pas de vérifier l’exécution dans des délais raisonnables des mesures correctrices décidées à la suite d’un contrôle périodique, alors même que la couverture du risque de BC-FT par les caisses les plus exposées est évaluée comme « trop faible » ; que cette carence est illustrée par 12 dossiers sur les 44 pour lesquels un examen renforcé ou une DS avait été demandé, dont 4 (sur 20) concernaient des clients de la caisse de Porto-Vecchio (dossiers A8, A9, A10 et A11) et 8 (sur 24) des clients de la succursale de Nice-Baie des Anges (dossiers A12, A13, SARL A14, A15, A16, A17, A18, A19) ; que la recommandation relative à ces dossiers avait été classée en « criticité haute » par le contrôle périodique ; que dans certains cas, alors même que la commission des contrôles du CMM a renouvelé la demande, il n’a pas été mis fin à la relation d’affaires ; que, dans un dossier, la relation d’affaires s’est poursuivie pendant plus de 6 mois après la demande de cesser les relations commerciales avec les clients, M. A20 et sa compagne MmeA21, ainsi qu’avec une SCI dénommée « A22» gérée par cette dernière, alors même que leurs comptes étaient principalement alimentés par des virements en provenance d’un pays inscrit sur la liste rouge de la CFCM et pour lesquels l’origine des fonds n’était pas connue ; 16. Considérant que, contrairement à ce que soutient la CFCM, la notification des griefs était suffisamment claire et précise sur le manquement reproché pour lui permettre de faire valoir utilement ses observations en défense ; que les diligences faisant suite à des observations du contrôle périodique en ce qui concerne des dossiers précis en matière de LCB-FT doivent être mises en œuvre rapidement, dans un délai permettant de satisfaire aux obligations de vigilance et de déclaration ; que tel n’a pas été le cas dans les 4 Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 5 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 dossiers ci-dessus mentionnés concernant des clients de la caisse de Porto-Vecchio qui, à la date du début de la mission de contrôle de l’ACPR, le 8 février 2016, n’avaient « pas fait l’objet de dossier d’analyse malgré la demande du Contrôle périodique dans son rapport du 27 avril 2015 » ; que, de même, le rapport de contrôle relève l’absence de suite donnée à cette même date aux observations relatives aux 8 dossiers de la caisse de Nice-Baie des Anges ; que la CFCM, qui admet que « Sur les dossiers individuels (…), le traitement d’un dossier que le contrôle périodique [a relevé] devrait en effet être pris en charge sans attendre le caractère définitif du rapport de contrôle périodique, dans un délai pertinent qui doit être apprécié au cas par cas selon la criticité du risque identifié », ne fournit pas d’éléments permettant de justifier les délais de 6 à 12 mois constatés dans les dossiers reprochés ; IV - Sur les défauts d’examen renforcé 17. Considérant que, selon le II de l’article L. 561-10-2 du CMF, les organismes assujettis effectuent un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d'un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite ; que dans ce cas, ils se renseignent auprès du client sur l'origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l'objet de l'opération et l'identité de la personne qui en bénéficie ; 18. Considérant que selon le grief 5, à la suite de demandes de communication de Tracfin, un « code risque LCB-FT » a été mis en place au sujet de deux sociétés de promotion immobilière, SARL A4 et SARL A5 ; que, dans ces dossiers, malgré les nombreuses alertes alors générées, aucun examen renforcé n’a été effectué ; 19. Considérant que, si l’ouverture d’un dossier d’analyse permet, en application des procédures internes, « de formaliser l’examen renforcé prévu par les dispositions législatives et réglementaires en matière de LCB-FT », le présent grief, au visa des dispositions ci-dessus rappelées, ne porte pas sur le non-respect par l’établissement de ses propres procédures mais sur la méconnaissance de ses obligations d’examen renforcé ; que la circonstance que, dans ces deux dossiers, des demandes de renseignement de Tracfin ont entraîné une surveillance des opérations de clients puis, de ce fait, de nombreuses alertes automatiques, ne suffit pas à établir un tel manquement ; que si certaines opérations en cause portent sur des montants élevés, la poursuite ne précise pas, au regard du secteur et du volume d’activité de ces deux entreprises ou des autres éléments de connaissance de ces clients, lesquelles de ces opérations, non couvertes par les demandes de renseignement de Tracfin, remplissaient l’un des critères mentionnés au II de l’article L. 561-10-2 du CMF ; que la CFCM a, pour sa part, donné des explications sur les éléments dont les caisses locales disposaient et qui pouvaient les conduire à estimer que le fonctionnement de ces comptes était cohérent avec l’activité des sociétés clientes ; qu’ainsi, en l’état du dossier qui lui est soumis, la Commission ne dispose pas d’éléments permettant de regarder comme caractérisé le défaut d’examen renforcé au regard des critères légaux ; que le grief doit en conséquence être écarté ; V - Sur le respect des obligations déclaratives A - Sur les défauts de déclaration de soupçon 20. Considérant que selon le III de l’article L. 561-15 du CMF, à l’issue de l’examen renforcé prescrit au II de l’article L. 561-10-2 du CMF, les organismes assujettis effectuent, le cas échéant, une DS à Tracfin ; 21. Considérant que selon le grief 6, fondé sur ces dispositions, un défaut de DS est reproché au titre des opérations réalisées dans 5 dossiers ; 22. Considérant que la CFCM soutient, à titre liminaire, qu’un seul des dossiers concernés par le reproche était mentionné par la mission de contrôle comme constituant un défaut de DS, « ce qui met en évidence la divergence d’appréciations entre la Mission ACPR et la Poursuite, et démontre ainsi le caractère discutable Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 6 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 de l’analyse retenue par la Poursuite » ; que toutefois les observations qui figurent dans un rapport de contrôle ne lient pas le Collège ; que s’il est vrai que, comme le soutient la CFCM, le doute doit profiter à la personne poursuivie, il appartient à la Commission, au vu des éléments dont elle dispose au terme de la procédure contradictoire, de porter sa propre appréciation sur les faits et les qualifications que retient la poursuite ; 23. Considérant que dans le dossier 6.1 Mme A23, l’examen renforcé conduit par la CFCM n’avait pas permis de s’assurer de l’origine licite des 116 000 euros en espèces déposés en avril 2014 sur le compte personnel de cette cliente ; que si l’intéressée avait indiqué que cette somme provenait de prélèvements fréquemment opérés dans la caisse de son magasin pour alimenter son compte personnel et avait fourni des justificatifs, cela ne permettait cependant pas d’écarter le soupçon que ce versement provenait d’une des infractions entrant dans le champ de l’article L. 561-15 du CMF ; que l’avertissement adressé par la caisse à la cliente de cesser ce type d’opérations ne peut se substituer à l’envoi d’une DS ; qu’en juillet 2013, une alerte émise après un précédent dépôt en espèces, de 100 000 euros, avait été classée sans suite ; que la DS effectuée le 18 juillet 2016, soit après la signature du rapport de la mission de contrôle, est sans conséquence sur le reproche, qui est établi ; 24. Considérant que dans le dossier 6.2 M. A24, 3 opérations en espèces au débit ou au crédit sont évoquées, pour un montant global de 30 000 euros ; que, tout d’abord, la CFCM indique qu’une de ces opérations a, à tort, été présentée comme une opération en espèces alors qu’il s’agissait de l’émission d’un chèque de 8 000 euros ; que cette opération doit de ce fait être écartée ; qu’ensuite, 10 000 euros ont été retirés en espèces sur ce compte peu après la réception d’un virement du même montant provenant de la société Cofidis ; que, l’origine de ces fonds étant connue, en l’absence d’éléments permettant de caractériser un soupçon de financement du terrorisme, cette deuxième opération doit également être écartée du champ du reproche ; qu’en revanche, le classement sans suite d’une PDS effectuée le 18 novembre 2014 après le dépôt de 7 520 euros en espèces puis le retrait de 7 500 euros, également en espèces, sur le même compte, n’est pas suffisamment justifié par les explications recueillies, selon lesquelles ces fonds provenaient du compte de la mère du client et étaient destinés à sa belle-sœur ; que le motif tiré de la faiblesse des montants en cause n’est pas non plus approprié dès lors que le client et son épouse ne disposent que de revenus annuels d’environ 30 000 euros et que les obligations déclaratives s’appliquent sans considération de seuil ; que, dans un périmètre réduit, ainsi qu’il a été dit, à une opération, le défaut de DS est donc établi ; 25. Considérant que dans le dossier 6.3, la société A25 a reçu le 31 décembre 2014 un virement de 1 500 000 euros en provenance d’un compte CARPA ; que ce virement, en raison de son montant inhabituellement élevé, a conduit à procéder à un examen renforcé de cette opération, dont il est ainsi apparu qu’elle s’inscrivait dans le cadre d’une augmentation de capital de 750 000 euros complétée par une émission d’obligations convertibles du même montant, souscrites par un fonds d’investissement de proximité dénommé « A26» ; que la CFCM a fourni, outre une attestation du service des impôts des entreprises enregistrant l’augmentation de capital, la copie d’un procès-verbal de sa cliente et du contrat d’émission d’obligations convertibles en actions confirmant la réalité de l’opération financière réalisée par ce fonds ; qu’en l’état des informations dont dispose la Commission, il n’y a pas lieu pour elle de remettre en cause l’appréciation alors portée par la CFCM sur ce dossier, qui doit donc être écarté ; 26. Considérant que dans le dossier 6.4 M. A 27, les opérations exécutées, dont la remise à l’encaissement de deux chèques de 25 000 euros, ont été justifiées par la production d’une convention de cession de parts d’une SCI mentionnant un paiement partiel du prix à hauteur de 50 000 euros, ce qui correspond aux explications alors fournies par le client ; que ce dossier, en l’état, doit donc également être écarté ; 27. Considérant que dans le dossier 6.5 M. A28 et Mme A29, deux retraits d’espèces de 30 000 euros puis de 40 000 euros en coupures de 500 euros ont été réalisés en octobre 2013 ; qu’en janvier 2014, Mme A29 a effectué un dépôt d’espèces de 79 000 euros en coupures de 500 euros suivi d’un retrait de la même somme en plus petites coupures ; que ces opérations atypiques ont été à l’origine d’une alerte et d’un dossier d’analyse, qui a été clôturé ; que la CFCM n’a disposé d’aucun élément permettant d’écarter le soupçon que les sommes ainsi retirées ou déposées provenaient d’une des infractions mentionnées au I de l’article L. 56115 du CMF ; que, dans ce dossier, le manquement est donc établi ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 7 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 28. Considérant ainsi que le grief 6 est établi dans un périmètre réduit à 3 dossiers ; B - Sur les déclarations de soupçon tardives 29. Considérant que, selon l’article L. 561-16 du CMF, les organismes financiers sont tenus, lorsqu’une opération devant faire l’objet de la déclaration prévue à l’article L. 561-15 de ce code a déjà été réalisée, soit parce qu’il a été impossible de surseoir à son exécution, soit que son report aurait pu faire obstacle à des investigations portant sur une opération suspectée de BC-FT, soit qu’il est apparu postérieurement à sa réalisation qu’elle était soumise à cette déclaration, d’en informer sans délai Tracfin ; 30. Considérant que, selon le grief 7, fondé sur ces dispositions, les délais de transmission des DS sont excessifs dans 8 dossiers relevés par la mission de contrôle ; 31. Considérant que dans le dossier 7.1 SARL A30, entreprise de maçonnerie et de peinture, de nombreux retraits en espèces, soit 151 opérations pour un montant total de 196 620 euros, ont été enregistrés depuis l’ouverture du compte en juillet 2013 ; qu’aucun débit au titre du paiement de la TVA n’a été constaté tandis que des achats et des ventes de véhicules, sans rapport avec l’objet social de la société, étaient réalisés ; qu’il ont de plus été pour partie financés par 12 virements internationaux pour un montant total de 129 000 euros ; que le classement sans suite, en janvier 2015, d’un premier dossier d’analyse à la suite d’un retrait de 63 000 euros en espèces, ne pouvait, au regard des caractéristiques des transactions opérées par le client, être justifié par le choix réduit des types de moyens de paiement dont il disposait, son compte ayant été ouvert dans le cadre du droit au compte ; que la réouverture du dossier, qui faisait suite à une recommandation du contrôle périodique, n’a abouti à l’envoi d’une DS à Tracfin que le 7 avril 2015 ; qu’en l’espèce, l’établissement, qui a estimé devoir interrompre la relation d’affaires dès le 6 février 2015, ne peut justifier, au regard des opérations enregistrées sur ce compte, le délai de deux mois supplémentaires pour adresser une DS à Tracfin ; que le manquement est donc établi ; 32. Considérant que dans le dossier 7.2 SARL A32, les 10 virements étrangers reçus entre le 12 août et le 12 novembre 2014 pour un montant total de 261 000 euros, et les 6 retraits d’espèces pour un montant total de 35 000 euros effectués entre le 28 août 2014 et le 3 octobre 2014, ont donné lieu à des demandes d’explication sur leur cohérence avec l’activité d’agent maritime et de société d’avitaillement de la cliente ; que ces flux n’ont été que partiellement expliqués ; que pourtant, à la suite de leur détection par la base « Y » en janvier 2015, alors que les opérations sur le compte avaient cessé, la demande du service régional de LCB-FT d’adresser une PDS n’a pas été suivie d’effet ; que ce n’est que lorsque cette même recommandation a été renouvelée à la suite d’un contrôle périodique effectué en mai et juin 2015 qu’une DS a finalement été adressée le 10 juin 2015, soit près de 5 mois après la détection des opérations atypiques ; que les échanges relatifs aux motifs de ces opérations, qui ne se sont pas poursuivis au-delà du 3 février 2015, ne peuvent justifier un tel délai ; que le manquement est donc établi ; 33. Considérant que dans le dossier 7.3 SARL A32, le versement par une personne physique d’un chèque de 800 000 euros en octobre 2014 sur le compte, jusqu’ici peu actif, de ce marchand de biens, a donné lieu à une alerte émise par l’outil de surveillance « X » ; qu’au regard de la teneur des explications recueillies, selon lesquelles cette somme, versée sur le compte d’une société, correspondrait à un prêt accordé à l’un de ses gérants par une cliente, l’envoi d’une DS à Tracfin le 9 juillet 2015 seulement, après clôture du compte le 6 mai 2015, est tardif ; qu’en raison de l’absence de justification économique apparente d’une telle opération, les éléments réunis sur la provenance immédiate des fonds, soit des avances sur des contrats d’assurance sur la vie, était sans conséquence sur la nécessité d’adresser sans délai une DS à Tracfin ; que le manquement est donc établi ; 34. Considérant que dans le dossier 7.4 M. A33, avocat, titulaire depuis novembre 2003 de plusieurs comptes, le compte professionnel CARPA était actif pour des montants que son utilisation afin de recevoir des frais de procédure ne justifiait pas ; qu’à la suite d’une réquisition judiciaire reçue le 7 août 2014 qui Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 8 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 mentionnait un possible abus de faiblesse, la caisse locale a ouvert un dossier d’analyse, qu’elle a clos le 1er septembre de cette même année ; qu’une DS n’a finalement été adressée que le 23 décembre 2014 ; qu’en raison des mouvements enregistrés sur ce compte qui, fonctionnant « sur fonds de tiers, n’est pas saisissable » et « En l’espace de deux ans, (…) a enregistré 661 chèques émis pour 994 K€ / 57 virements reçus pour 157 K€ » : / - 90 opérations de remises de chèques pour un total de 795 K€ », les informations dont disposait la CFCM auraient dû être portées à la connaissance de Tracfin bien avant la réception de cette réquisition ; que le manquement est donc établi ; 35. Considérant que dans le dossier 7.5 SCI A35, société détenue par deux ressortissants russes et gérée par un agent immobilier de […], les flux créditeurs enregistrés sur le compte bancaire, soit 8 virements en 2013 et 2014 pour un montant total de 282 000 euros en provenance d’Estonie et d’une entreprise domiciliée aux Iles Vierges britanniques, un virement, le 16 février 2015, de 60 000 euros en provenance d’une fondation domiciliée au Liechtenstein et 130 retraits en espèces pour un montant global de 83 000 euros, auraient dû être rapidement déclarés faute d’avoir été justifiés ; que ce n’est pourtant qu’à la suite d’un rapport de l’audit périodique que ces opérations ont donné lieu à un examen renforcé, qui n’a pas permis d’établir de lien entre les dirigeants de cette SCI et les donneurs d’ordre de ces virements ; qu’au regard des diligences faites, l’envoi à Tracfin d’une DS le 25 août 2015 est tardif, y compris par rapport au point de départ retenu par la poursuite, soit le rapport du contrôle périodique du 15 juin 2015 (et non du 28 janvier 2015 comme mentionné dans la notification des griefs) ; que le manquement est donc établi ; 36. Considérant que dans le dossier 7.6 M. A35, les mouvements enregistrés depuis janvier 2013 sur le compte personnel du client, gérant ou associé de plusieurs sociétés exerçant dans le domaine de l’immobilier et la restauration, se sont poursuivis pendant une longue période ; que ce compte a enregistré 1 064 00 euros de flux créditeurs dont 517 000 euros de remises de chèques émis par un groupe dénommé A36, 4 virements d’un montant total de 415 000 euros « provenant de ses sociétés », 46 000 euros de la Française des Jeux ou du PMU et 88 000 euros de particuliers ; que, sur la même période, 634 000 euros de débits ont été constatés à destination des sociétés de ce client et 156 000 euros au profit de particuliers ; que, saisie le 23 décembre 2014 d’une réquisition judiciaire relative à un « assassinat », la caisse n’a pourtant pas ouvert alors de dossier d’analyse ; qu’il a fallu attendre les conclusions de l’audit périodique de la caisse de […], rendues le 15 juin 2015, pour qu’un examen approfondi du fonctionnement du compte soit mené ; que celui-ci a conduit la CFCM à procéder à une DS le 1er septembre 2015, soit 252 jours après la réquisition judiciaire ; que le manquement est donc établi ; 37. Considérant que dans le dossier 7.7 M. A37, le client est resté injoignable après que son compte, en découvert depuis le 21 octobre 2015, eut été mis en blocage technique le 4 novembre 2015 ; qu’à une date dont la CFCM ne conteste pas qu’elle ait été proche de ce blocage, le père du client a contacté l’agence pour lui faire part de ses inquiétudes en raison de l’absence de son fils, converti à l’islam, qui « avait auparavant exprimé son intention d’aller combattre en Syrie » ; que, compte tenu de cette intervention, les opérations enregistrées sur le compte, soit de très nombreux retraits d’espèces, pour des montants significatifs au regard des éléments de connaissance dont disposait la CFCM au sujet de ce client, […] percevant une allocation de Pôle Emploi, ainsi que des achats dans plusieurs commerces à orientation religieuse et un achat, quoique de faible montant, dans une armurerie, auraient dû être regardées comme des indices d’une éventuelle participation au financement du terrorisme justifiant l’information de Tracfin ; qu’en conséquence la CFCM aurait dû être particulièrement réactive, de sorte que la DS, finalement effectuée le 15 décembre 2015, après établissement d’une PDS le 10 décembre 2015, et quelques semaines après l’intervention du père du client, n’a pas été transmise assez rapidement ; que le grief est donc établi ; 38. Considérant que dans le dossier 7.8 SARL A38, le fonctionnement du compte de la société, ouvert en mai 2014, est atypique au regard de son activité de location, d’achat, de vente et de conseil en automobile ; qu’ainsi, ce compte a enregistré 1 997 000 euros de flux créditeurs en 5 mois, dont 63 virements reçus pour 1 338 000 euros et 26 remises de chèques à l’encaissement pour un montant total de 620 000 euros ; que sur la même période, 98 virements ont été émis pour un montant total de 1 706 000 euros ; qu’un premier dossier d’analyse a été créé le 18 juin 2014 par la caisse locale de […], mais a été aussitôt clos ; qu’après l’intervention du service régional de LCB-FT, un nouvel examen renforcé a été mené ; que devant le refus du client de fournir des justificatifs relatifs à ses éléments de facturation et à sa situation fiscale, la CFCM a mis Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 9 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 fin à la relation d’affaires le 7 octobre 2014 puis a réalisé une DS le 13 octobre 2014 ; que la poursuite retient le délai de 117 jours entre la première détection des opérations suspectes, le 18 juin, et la DS, le 13 octobre suivant ; qu’un tel délai ne se justifie pas par les diligences accomplies ; que la CFCM indique seulement que la caisse locale concernée n’avait pas de directeur pendant cette période ; que le manquement est donc établi ; 39. Considérant ainsi que le grief 7 est entièrement établi ; que la CFCM ne peut utilement faire valoir que son délai moyen d’envoi des DS à Tracfin était de 60 jours en 2015, contre 84 pour les 7 plus grands établissements de la place en moyenne, dès lors qu’en l’espèce le reproche porte seulement sur les retards constatés dans 8 dossiers ; VI - Sur le dispositif de détection des personnes ou entités faisant l’objet d’une mesure de gel des avoirs 40. Considérant que, selon l’article 47 de l’arrêté du 3 novembre 2014, les organismes assujettis se dotent de dispositifs adaptés à leurs activités permettant de détecter toute opération au bénéfice d’une personne ou d’une entité faisant l’objet d’une mesure nationale ou européenne de gel des avoirs ; 41. Considérant que selon le grief 8, fondé sur cette disposition, l’absence de vérification de l’identité de 132 clients sur la période 2014-2015 « constitue un obstacle à la détection des personnes ou entités faisant l’objet d’une mesure de gel des avoirs » ; 42. Considérant, tout d’abord, que la CFCM fait valoir que le manquement repose sur les mêmes faits que ceux qui fondent le grief 1, ce qui aboutit à cumuler deux qualifications juridiques distinctes pour réprimer des faits identiques, en contrariété avec le principe ne bis in idem ; que, cependant, la Commission des sanctions a déjà estimé que ce principe ne trouvait pas à s’appliquer dans une procédure disciplinaire unique au titre de laquelle les mêmes faits recevraient plusieurs qualifications au regard des obligations professionnelles qui s’imposent aux organismes assujettis (décision Axa France Vie du 8 décembre 2016 considérant 29 ; décision Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Nord Europe du 17 avril 2018, considérant 3) ; que, si le gel des avoirs n’était pas compris dans le champ du contrôle sur place diligenté de février à mai 2016, les insuffisances reprochées au titre du présent grief reposent sur des faits constatés au cours de cette mission et décrits dans le rapport de contrôle ; que c’est donc bien après avoir examiné ce rapport, comme le prévoit l’article L. 612-38 du CMF, que le Collège a retenu cette seconde qualification ; qu’il ne résulte pas de cette façon de procéder une atteinte irrémédiable aux droits de la défense au sens de la jurisprudence du Conseil d’État (7 juin 2017, Société Vaillance Courtage, n° 393509), les faits en cause ayant pu être débattus lors du contrôle et la CFCM ayant pu, au cours de l’instruction préalable à l’audience de la Commission puis lors de celle-ci, fournir toutes les explications qui lui paraissaient utiles à la défense de ses intérêts ; 43. Considérant ensuite qu’ainsi que cela a été indiqué, l’identité de 32 nouveaux clients ayant ouvert un compte au cours de la période 2014-2015 n’avait pas, à la date de la mission de contrôle, été vérifiée ; que l’établissement n’a donc pas été en mesure de rechercher si ces clients faisaient l’objet d’une mesure restrictive ; que, dans ce périmètre, le grief est établi ; * * * 44. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’au moment du contrôle, la CFCM ne respectait pas parfaitement ses obligations de vérification de l’identité de ses clients ; que cette carence, quoique portant sur un nombre limité de cas, doit être appréciée en tenant compte de ce que la qualité de cette vérification conditionne l’efficacité du dispositif de LCB-FT de tout organisme assujetti (grief 1) ; que l’existence, au moment du contrôle, de procédures dérogatoires permettant que des moyens de paiement soient octroyés et des opérations exécutées pour le compte d’un client alors que le processus d’identification et de vérification de l’identité n’a pas encore été mené à son terme, n’a pas été contestée (grief 2) ; que le dispositif de Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 10 Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2017-04 traitement des alertes, dans le périmètre vérifié par la mission de contrôle, comportait également des défaillances (grief 3) ; que le suivi des recommandations du contrôle périodique n’a pas été, pour un certain nombre de dossiers individuels, effectué de manière satisfaisante (grief 4) ; que plusieurs défauts de DS ont en outre été retenus (grief 6), de même que plusieurs cas d’envois tardifs de DS (grief 7) ; que le défaut de vérification de l’identité de plusieurs clients ne mettait pas l’établissement en situation de détecter ceux qui faisaient, le cas échéant, l’objet d’une mesure de gel des avoirs (grief 8) ; 45. Considérant cependant que les constats du rapport de contrôle ont été établis dans le cadre d’une mission centrée sur le dispositif du CMM et des caisses locales qui lui sont affiliées ; qu’en outre, les insuffisances reprochées sont, pour l’essentiel, relatives à quelques-unes seulement de ces caisses ; que des conclusions générales sur la qualité du dispositif de LCB-FT de la CFCM ne peuvent être extrapolées à partir d’une base aussi étroite ; que, de plus, ainsi qu’il a été dit, le nombre de dossiers dans lesquelles la vérification de l’identité a été conduite de manière non satisfaisante est faible au regard du nombre de comptes ouverts pendant la période examinée (grief 1) ; que les dossiers pour lesquels un défaut d’examen renforcé était reproché ont été écartés (grief 5) ; que les délais d’envoi de DS à Tracfin, excessifs dans les dossiers individuels mentionnés à ce titre, sont en moyenne, pour l’ensemble de la CFCM, moins élevés que ceux constatés par la Commission dans certaines autres affaires dont elle a eu à connaître (grief 7) ; que l’insuffisance retenue en matière de gel des avoirs, conséquence de celle relative à la vérification de l’identité des clients, ne peut suffire à fonder une appréciation globale sur le dispositif de la CFCM dans ce domaine, qui n’a pas été évalué par la mission de contrôle (grief 8) ; qu’il peut enfin être tenu compte, dans une certaine mesure, des actions correctrices mises en œuvre ainsi que de l’engagement fort e xprimé, lors de l’audience, par la direction générale de la CFCM au soutien de la politique de conformité du groupe ; 46. Considérant que, si la CFCM estime que les faits constatés par la mission de contrôle devraient conduire à sa mise hors de cause, les manquements retenus par la Commission justifient cependant, compte tenu de leur nature, de leur nombre et de leur gravité, et au vu des éléments mentionnés ci-dessus, le prononcé d’un blâme ; que, pour les mêmes raisons et dans le respect du principe de proportionnalité au regard de l’assise financière de la CFCM, une sanction pécuniaire de 1 million d’euros sera également prononcée ; 47. Considérant que la CFCM ne produit aucun élément permettant d’estimer que la publication nominative de la présente décision lui causerait un préjudice disproportionné ; que cette publication n’est pas non plus de nature à perturber gravement les marchés financiers ; que la présente décision sera donc publiée sous cette forme ; P AR CES M OTIFS D ÉCIDE : A RTIC LE 1 E R – Il est prononcé à l’encontre de la Caisse fédérale de Crédit Mutuel un blâme et une sanction pécuniaire d’un million d’euros. A RTIC LE 2 – La présente décision sera publiée au registre de l’ACPR et pourra être consultée au secrétariat de la Commission. Le Président de la Commission des sanctions [Rémi BOUCHEZ] Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans un délai de deux mois à compter de sa notification et dans les conditions prévues au III de l’article L. 612-16 du code monétaire et financier. Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 11