Remettre les trains de nuit sur les rails Une enquête sur le potentiel des Intercités de nuit Collectif « Oui au train de nuit » 2018 Une enquête « Oui au train de nuit » 1 Version 17 mars 2018 - Résumé - L'Intercité de nuit, un mode de transport d'avenir Après plusieurs décennies de sous-investissement, les Intercités de Nuit (ICN) ont vu leur démantèlement s'accélérer en 2016-2017. Pour justifier le démantèlement, l’État et la SNCF répètent principalement trois arguments autour du taux d'occupation – qui est pourtant élevé – et du « déficit supposé » - qui est moindre par passager*kilomètre que celui des Intercités de jour ou des TER. Aujourd'hui une contre-expertise apparaît nécessaire pour mettre en lumière le potentiel des ICN qui présente de nombreux avantages :  Une offre qui permet de gagner une demi-journée : L'ICN offre un « saut de nuit » qui permet de parcourir plus de 1000 km en arrivant tôt le matin. Le gain de temps est considérable : l'ICN économise une demi-journée par rapport à un départ la veille en train de jour : « l'ICN c'est traverser la France en une heure : ½ h pour s'endormir, et ½ h pour se réveiller ! ».  Un réseau multidirectionnel pour mailler le territoire : la grande vitesse ne connecte bien que les métropoles régionales à Paris. Le réseau LGV, en étoile autour de Paris, oublie les liaisons transversales, mais aussi les villes moyennes.  Reconnecter le sud dans l'Hexagone : Paris est excentrée au nord de l'Hexagone, c'est donc une mauvaise plateforme de correspondances pour la moitié sud. Passer par Paris rajoute un détour et un surcoût important, pour des temps de trajet de jour parfois supérieurs à 8 heures. Avec la régression des Intercités transversaux, une grande partie de l'Hexagone est considérée inaccessible en train par de nombreux habitants du sud.  Compléter l'amplitude horaire des offres de transport : De nombreuses villes du sud sont à plus de 750 km de Paris, ce qui entraîne -même en train de jour direct- des temps supérieurs à 3 heures. Les ICN complètent l'amplitude horaire de l'offre de jour par une liaison attractive qui permet de partir après une journée de travail et d'arriver tôt le matin.  Un mode sobre en financements publics : La plupart des modes de transports, dont routes et les aéroports ont besoin de financement public. Le « déficit » qui sert de prétexte au démantèlement, n'est pas spécifique aux ICN. Le déficit peut d'ailleurs se réduire en améliorant la qualité de service. La relance des ICN en Europe centrale depuis l'Autriche a montré qu'ils peuvent atteindre l'autofinancement. Finalement, desservir les villes moyennes et les liaisons transversales par des liaisons aériennes ou des projets LGV coûterait probablement plus cher autant pour le voyageur que pour le contribuable.  Un mode écologique : peu énergivore, l'ICN permet d'avancer vers le report modal de l'avion sur le rail, de manière moins onéreuse que les projets LGV, avec une portée plus grande, tout en étant plus rapide à mettre en place. De plus, il valorise les infrastructures existantes et évite d'artificialiser de nouvelles surfaces.  Des déplacements à l'échelle européenne : pertinent sur des distances de 600 km jusqu'à plus de 1500 km, l'ICN a un potentiel pour les liaisons internationales. Déjà l'Autriche, la Russie, la Finlande et la Suède relancent ou modernisent leurs réseaux ICN. La France a, elle aussi, un rôle central à jouer en Europe de l'Ouest pour le retour des ICN. Au 20ème siècle plusieurs modes de transports aussi pertinents que le vélo et le tramway ont eux aussi disparu après des décennies de pourrissement. Désormais leur retour est plébiscité, mais il est long et coûteux à mettre en place. Aujourd'hui n’abandonnons pas les Intercités de nuit avec la même légèreté. La période est d'autant plus propice à leur relance, que déjà en Europe du centre et du nord « nous sommes à l'aube d'une renaissance pour les ICN ». Alors autant ne pas perdre de temps. Le changement climatique, lui, n'attend pas... Une enquête « Oui au train de nuit » 2 Version 17 mars 2018 Résumé des propositions Réinventer les ICN ✔ Redéployer les ICN, pour (1) désenclaver les territoires ruraux et les villes moyennes pour des liaisons de plus de 550 km ; (2) compléter l'offre TGV sur les liaisons de plus de 700 km ; (3) recréer les liaisons transversales entre les régions périphériques (4) à l'échelle européenne encourager le report modal de l'avion sur le rail. ✔ Financer les ICN comme transports longue distance pour le report modal de l'avion sur le rail afin de lutter contre le changement climatique. ✔ Accorder la priorité à la régénération et la modernisation des voies ferrées existantes par rapport aux projets routiers, LGV et aéroportuaires. ✔ Améliorer la compatibilité du réseau aux frontières, en terme de signalisation, électrification et traction, ainsi que la coopération entre opérateurs pour la relance d'ICN transeuropéens. ✔ Maintenir les ICN en service public par la SNCF (et en coopération avec les autres opérateurs européens) pour permettre une stratégie active de l’État. ✔ Démarrer une enquête parlementaire sur le potentiel des ICN à l'échelle nationale et européenne. ✔ Publier les données sur les Intercités de nuit afin d'encourager la participation des usagers dans l'amélioration du service. Donner à chaque mode de transport sa place dans la transition énergétique ✔ Déployer plus amplement une fiscalité écologique pour financer et rendre compétitif le réseau ferroviaire existant, en taxant le carbone de l'aviation et de la route. ✔ Proposer une tarification simple et incitative sur les ICN, ICJ, TER, avec une tarification alignée sur le covoiturage (autour de 7 euros /100km/ passager). L'objectif est d'afficher que le rail est moins onéreux que l'avion et la route, en cohérence avec leurs impacts environnementaux respectifs. Une enquête « Oui au train de nuit » 3 Version 17 mars 2018 Table des matières 1/ Les Intercités de nuit entre démantèlement et relance pour le climat..............................................6 2/ État des lieux : les trains de nuit sont négligés depuis des décennies..............................................6 2.1/ De « graves dysfonctionnements » bien réels mais masqués..........................................................................6 2.2/ Des ICN invisibles à la vente...........................................................................................................................7 2.3/ « Rabattre la clientèle vers les TGV »... même quand l'offre ne correspond pas............................................9 2.4/ Aux frontières : des correspondances absurdes.............................................................................................10 2.5/ Manque de matériel roulant pour les lignes régulières et les « trains spéciaux ».........................................10 2.6/ Sous-investissement pour les voies classiques...............................................................................................11 2.7/ La SNCF « sabote » l'activité ICN pour obtenir son démantèlement ?.........................................................11 3/ « Dépassés, déficitaires et vides » : les prétextes masquent un potentiel exceptionel...................12 3.1/ Comment la DB a truqué les chiffres des trains de nuit pour les démanteler ..............................................12 3.2/ « trop lent » ? Comme le lièvre et la tortue, l'optimisation du temps ne passe pas que par la vitesse..........12 3.3/ Les taux d'occupation sont bons mais l’État voit des trains « vides »...........................................................13 3.4/ Le « déficit » est-il spécifique aux ICN ou structurel à la SNCF ?...............................................................15 3.5/ « Dépassé » ? Le précédent du retour du tramway........................................................................................16 3.6/ En résumé « Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage »..............................................................16 4/ Vers une mobilité longue-distance sobre en énergie......................................................................17 4.1/ Quels transports longue distance pour lutter contre le changement climatique ?.........................................17 4.2/ Favoriser les modes peu énergivores : les prémices de la Tarification Incitative.........................................18 4.3/ L'ICN pour enfin réduire l'impact de l'aviation ?...........................................................................................19 4.4/ Des élus sous influence du lobby de l'aviation ?...........................................................................................21 4.5/ Réexaminer le bilan écologique de la très Grande Vitesse ...........................................................................21 4.6/ L'avenir des transports : hyper-mobilité ou changements de comportement vers la sobriété ?....................22 4.7/ Des autocars là où le train est manquant........................................................................................................24 4.8/ Le potentiel respectif des Intercités de jour et de nuit...................................................................................24 5. Comment financer le redéployement des ICN ?.............................................................................24 5.1/ Un mode sobre en financements publiques : comparaison par mode............................................................24 5.2/ Le groupe SNCF assigne-t-il des surcoûts à l'activité ICN ?........................................................................26 5.3/ Les besoins de financements pour renouveler les voitures ICN ...................................................................27 5.4/ Besoins de financements pour le fonctionnement des ICN...........................................................................28 5.5/ Pour financer, donner de l'ampleur à la fiscalité écologique.........................................................................28 5.6/ Proposition de taxe sur l'aviation...................................................................................................................28 5.7/ Désinvestir les activités polluantes................................................................................................................29 5.8/ Recentrer les investissements SNCF sur le territoire national et sur le rail..................................................29 5.9/ Prioriser la modernisation du réseau existant avant de construire de nouvelles infrastructures...................29 6/ Brainstorming pour réinventer les ICN..........................................................................................30 6.1/ Premières améliorations ................................................................................................................................30 6.2/ Le train de nuit pour l'égalité des territoires..................................................................................................32 6.3/ Desservir les territoires ruraux et les villes moyennes..................................................................................32 6.4/ Le potentiel insoupçonné des transversales ICN vers/depuis le sud ............................................................33 6.5/ Ne plus opposer les modes : L'ICN complète le TGV sur les trajets supérieurs à 700 km...........................35 6.6/ Continuer la stratégie de report modale sur les distances européennes supérieures à 700 km.....................35 6.7/ En Europe, « nous sommes à l'aube d'une renaissance des ICN »................................................................36 6.8/ Un futur matériel roulant européen ?.............................................................................................................38 7/ Relancer l'activité la plus complexe c'est sortir le ferroviaire de l'impasse..................................39 7.1/ Motiver SNCF Mobilité.................................................................................................................................39 7.2/ Rames tractées : des convois longs, moins onéreux et créateurs d'emploi....................................................40 7.3/ Mobiliser SNCF Réseau pour des sillons nocturnes de qualité.....................................................................40 7.4/ Initier la coopération entre les compagnies européennes pour les ICN........................................................42 7.5/ La concurrence ne suffit pas : l'ICN a besoin d'implication et de financement de l’État..............................43 7.6/ Le ferroviaire : un secteur adapté à une gestion unifiée et publique.............................................................44 7.7/ Réduire les coûts par l'exemplarité de la direction........................................................................................45 Une enquête « Oui au train de nuit » 4 Version 17 mars 2018 7.8/ Déconsacrer l'indicateur de « productivité » pour créer de l'emploi tout en réduisant les coûts..................46 7.9/ Réunifier les activités pour augmenter la polyvalence des cheminots..........................................................47 7.10 Propositions pour l'information aux voyageurs et la vente...........................................................................48 7.11 Impliquer SNCF Gare & Connexion.............................................................................................................49 7.12 Partager les informations pour impliquer les usagers...................................................................................49 8/ Mobiliser les acteurs.......................................................................................................................50 8.1/ L'Union Européenne.......................................................................................................................................50 8.2 / L'Etat.............................................................................................................................................................50 8.3/ Les Régions et collectivités locales...............................................................................................................52 8.4/ Les acteurs du tourisme et les décideurs locaux............................................................................................53 8.5/ Pour une transition écologique dans les secteurs des transports et du BTP..................................................53 8.6/ Les usagers des transports..............................................................................................................................53 8.7 Action citoyenne..............................................................................................................................................53 9/ La presse en parle...........................................................................................................................54 10/ Qui sommes-nous ?......................................................................................................................55 Annexe A/ Sortir du « tout-TGV » redonne une place aux ICN........................................................56 A.1/ Un emballement pour la très Grande Vitesse................................................................................................56 A.2/ Les LGV desservent mal les villes moyennes..............................................................................................57 A.3/ Des liaisons transversales « oubliées ».........................................................................................................58 A.4/ Paris est un mauvais « hub » ferroviaire pour le sud....................................................................................58 A.5/ Des liaisons internationales et nationales supérieures à 750 km... hors de portée par TGV........................58 A.6/ Les voyageurs recherchent des billets moins chers plutôt que de « gagner une heure ».............................58 A.7/ Jeu d'acteurs : une superposition de comportements pro-LGV inappropriés...............................................59 Annexe B/ L'aviation hors du cadre climatique ?...............................................................................59 Annexe C/ Bientôt une bulle des start-up ?........................................................................................60 Annexe D/ Plusieurs ICN entre Paris et le Sud-Ouest.......................................................................61 Annexe E/ Quels ICN en 2030 ?........................................................................................................61 Document en cours de relecture. Participez à l'améliorer : envoyez-nous votre retour ! Si vous lisez ce document, nous sommes preneurs de vos retours pour améliorer le document : 1/ Vérifier sur https://ouiautraindenuit.wordpress.com/ que cette version est bien la dernière disponible. 2/ Merci de nous faire parvenir : vos objections, les difficultés de compréhension, les lourdeurs, les redites, etc. Cela nous permet d'améliorer le style et le contenu. Nous sommes preneurs aussi d'informations complémentaires, et nous cherchons des personnes pour participer aux recherches. 3/ contact: ouiautraindenuit@laposte. net Une enquête « Oui au train de nuit » 5 Version 17 mars 2018 1/ Les Intercités de nuit entre démantèlement et relance pour le climat Le nombre de lignes de nuit est en forte régression depuis les années 2000. En 2016-2017, l’État s'est désengagé plus encore. Il a contraint les Régions à reprendre – contre financement – une grande partie des Intercités de jour (ICJ) 1. Les lignes de nuit sont quant à elles délaissées malgré une mobilisation des usagers et des élus 2. 8 Intercités de Nuit (ICN) circulaient en 2016. En 2018 il n'en reste que deux : « Paris-Rodez/Latour Carol » et Paris-Briançon. Toutefois leur redéploiement est possible : la mobilisation des élus régionaux et locaux, des cheminots et des usagers a permis le retour partiel de la branche Paris-Port Bou 3. Ce retour ne constitue pas une exception mais bel et bien une tendance, avec la relance et la modernisation de réseaux ICN en Europe du centre, du nord et de l'est. En réalité, dès aujourd'hui, les conditions sont réunies pour que les trains de nuits puissent rebondir. Les usagers des trains de nuit sont en première ligne pour observer que, malgré la dégradation du service, les trains de nuit restent très appréciés et fortement utilisés là où ils existent encore. Les déclarations de l’État et de la SNCF pour justifier le démantèlement du service apparaissent comme des prétextes décalés, voire des positions idéologiques. Le collectif « Oui au train de nuit » a donc mené l'enquête pour découvrir une impressionnante somme de dysfonctionnements du service (Section 2). L'analyse des prétextes autour du « déficit supposé » et du « taux d'occupation » a montré que l'Intercité de nuit porte paradoxalement un potentiel inexploité (Section 3). L'ICN répond aux besoins de sobriété tant énergétique (Section 4) et que financière, ce qui ouvre des pistes de financement (Section 5). Ainsi, les ICN du futur, modernisés, permettront de mieux desservir les villes moyennes, les liaisons transversales, les liaisons de plus de 750 km et les liaisons internationales (Section 6). Mobiliser les différentes activités SNCF (Section 7) et l'ensemble des acteurs permettra la relance de l'activité (Section 8). Les Annexes A/, B/ et C/ présentent respectivement les limites des modes LGV, aériens et des start-up de la mobilité, et montrent la nouvelle place qui s'ouvre pour les ICN dans le futur bouquet de mobilités (Annexe D/ et E/). 2/ État des lieux : les trains de nuit sont négligés depuis des décennies 2.1/ De « graves dysfonctionnements » bien réels mais masqués Les ICN souffrent d'une mauvaise qualité de service : manque de promotion commerciale, allongement des trajets4, horaires peu optimisés, suppression d'arrêts, maintenance non effectuée sur les voitures, rames arrivant avec voitures manquantes, retards et suppressions fréquentes des trains, la liste est longue... Aussi, le Député Joël Giraud a interrogé en 2016 la Ministre de l'Environnement à propos de l'ICN Paris-Briançon : « Nous remercions tous le Gouvernement de l’avoir maintenu, mais il connaît de graves dysfonctionnements. Depuis le début de l’année, il a en effet été supprimé ou, pis, n’est même pas arrivé à destination une centaine de fois. Cela fait beaucoup ! » Mme Ségolène Royal explique ainsi la fréquente suppression des ICN : « le fonctionnement des trains de nuit est plus complexe, donc plus fragile que celui des trains de jour. Dès la signature en 2010 de la convention pour l’exploitation des TET [ Trains d’Équilibre du Territoire, c'est-à-dire les trains Intercités], il a été décidé que les différents trains de nuit ne circuleraient pas les jours de grève. »5 Les graves dysfonctionnements observés existent aussi sur les autres lignes : en 2017, sur 223 circulations programmées du Paris-Tarbes-Irun, un tiers a été annulé, déprogrammé ou n'est pas arrivé à 1 Lionel Steinmann, La révolution discrète des trains Intercités, Les Echos, 26 déc. 2016 Florence Guernalec, « TET : l'exécutif vise une réduction drastique du déficit d'exploitation », Mobilicités, 12 janv. 2017 ; Secrétariat d'État aux Transports, « Un nouvel avenir pour les Trains d'Equilibre du Territoire »,12 janv. 2017 2 « 19 élus défendent le train de nuit », 16 sept. 2016 ; Julien Estrangin, « Train de nuit: la Région met un coup de pression » Le Dauphiné, 1er oct. 2016 ; 3 Le train de nuit Paris / Cerbère circulera à nouveau en juillet, Midi Libre, 27 avril 2017 ; AFP, Perpignan : des usagers fêtent le retour du train de nuit, Midi Libre, 7 juil. 2017 4 Le Paris-Irun par son trajet direct parcourait 800km. En 2012, il fut détourné par Toulouse, ce qui implique un trajet de 1000 km, beaucoup plus lent. De manière similaire, à partir de 2014, le Strasbourg-Nice/Port Bou fit un détour de 200 km entraînant un décalage de 80 minutes pour une arrivée à Strasbourg – moins attractive – à 9h20 au lieu de 7h59. Voir FNAUT, « Trains de nuit : une offre indispensable », FNAUT-info, n°234, mai 2015 5 Notons que les grèves ne sont pas la cause principale de la suppression des ICN. Voir :Assemblée Nationale, Projet de loi de finances pour 2017, Séance du 2 nov. 2016 Une enquête « Oui au train de nuit » 6 Version 17 mars 2018 destination. Seules 127 sont effectivement arrivées avec moins de 15 min de retard (57%) 6. Cela fait donc 43% de trains qui sont en retard, ou qui ne sont pas arrivés. Pour sa part, l'UFC-Que Choisir dénonce les annulations masquées : « Quant aux annulations, un train supprimé la veille avant 16 heures disparaît des statistiques. »7 Le train est « déprogrammé », comme s'il n'avait jamais existé (c'est le cas aussi lors des grèves). En conséquence, la réalité du mauvais fonctionnement des lignes n'apparaît pas dans les statistiques publiées par la SNCF 8. 2.2/ Des ICN invisibles à la vente Dès septembre 2017 les Nightjet de ÖBB, le Caledonian Sleeper (Londres-Ecosse) et les Alpen Express (liaisons Hollande-Alpes)9 sont ouverts à la vente pour l'hiver 2018. Cela qui contraste avec les Intercités de nuit hexagonaux qui sont toujours pas en vente mi-octobre. Ils ne sortent à la réservation parfois que 15 jours avant le départ... Début décembre certains n'étaient pas encore à la vente ! Les réservations pour les TGV ouvrent d'ordinaire 2-3 mois à l'avance, les trains de nuit sont souvent invisibles jusqu'à 2 semaines avant la date de départ, sans aucune information donnée sur les horaires ni même l'existence de ces trains10. L'ex-directeur des Intercités Centre-Sud SNCF, M. Sean Clairin explique la situation : « Ce n’est pas voulu. Nous n’avons pas toujours les horaires en avance. C’est compliqué de prévoir la nuit, parce qu’il y a des travaux sur les voies. »11 Pourtant les voyageurs qui parcourent 800 km sont ceux qui réservent le plus à l'avance. Beaucoup de voyageurs planifient leurs vacances plusieurs mois à l'avance. Or jusqu'à 2 semaines à l'avance, il ne leur est souvent proposé que le TGV et le bus12. En comparaison, l'aviation propose les réservations 10 mois à l'avance. Et déjà, en Europe centrale, les ICN sont vendus 4 mois à l'avance par Trenitalia, et 6 mois à l'avance par la compagnie autrichienne ÖBB ! En France, les trains de nuit Thello sont dorénavant ouverts à la vente 6 mois à l'avance. Pour leur part, l'ensemble des trains programmés par la compagnie allemande DB sont visibles 8 mois à l'avance sur le site web bahn.de qui a minima informe plusieurs mois avant de mettre en vente. Pour finir, au Royaume-Uni, le train de nuit Caledonian Sleeper est mis en vente jusqu'à un an à l'avance. La fenêtre d'achat ICN est d'autant plus étroite, que plusieurs heures avant le départ du train à Tarbes, les billets ICN vers Paris ne sont plus en vente, « parce que le train est déjà parti de Bayonne »13. 6 7 8 9 10 11 12 13 Circulation de l’intercités de nuit la palombe bleue Paris-Tarbes-Irún en 2017, collectif « Oui au train de nuit ». L'enquête menée sur les TER serait à reproduire sur les TET : Olivier Razemon, La SNCF ruse-t-elle pour masquer les retards des trains?, BlogLe Monde, 26 mai 2015 ; Jean-Michel Gradt, Retards des TER : l'UFC-Que Choisir conteste les chiffres officiels, 26 mai 2015 ; Sylvie Gittus, « Trains régionaux : géographie d’une crise », Le Monde, 18 mai 2016 Voir Régularité mensuelle Intercités, data.sncf.fr Le Train de la Hollande aux Alpes: impressions, Met Rail Magazine naar de Alpen: Impressie, Rail Magazine, 26 fév. 2017 ; voir aussi la carte des trajets possibles depuis la Hollande (trains de nuit et de jour). B. Aubin, « SNCF : comment tuer les Intercités ? », Bernard Aubin (blog), 27 mars 2012 ; B. Aubin, L'avenir des trains de nuit passera-t-il par la Russie ?, idem, 5 fev. 2015 Cité par Clara Griot, Fériel Naoura, Voie de disparition, Le Quatre heures, 1er août 2017 Description de la situation par la Cour des comptes dans Les trains Intercités : sortir de l’indécision, fév. 2015, p. 231-232 : « Les trains Intercités sont, enfin, particulièrement touchés par le retard de rénovation du réseau ferré classique qui a longtemps pâti de l’allocation prioritaire des investissements aux projets de lignes nouvelles à grande vitesse. Leur utilisation est de ce fait durablement handicapée par les ralentissements imposés par le mauvais état de certaines voies et l’impact des chantiers programmés pour rattraper ce retard de rénovation. La « crise des sillons » observée depuis 2010 a eu un effet particulièrement négatif [...] sur la circulation des trains de nuit. » Au guichet SNCF de Tarbes « vous ne pouvez pas acheter le billet, car le train est déjà parti de Bayonne » . « C'est parce que les couchettes sont Une enquête « Oui au train de nuit » 7 Version 17 mars 2018 Notons aussi que certaines gares « disparaissent » de la vente14. Pour noël 2017, il a fallu l'intervention des députés pour que SNCF Réseau libère les sillons. Le Ministère s'est justifié le 5 décembre 2017 « dans la journée vont s'ouvrir les réservations pour le train de nuit Paris-Briançon pour le week-end de Noël ».15 Ce jour-là, seul le week-end sera effectivement ouvert à la vente et il faudra encore des délais et des interventions supplémentaires pour qu'il ouvre les autres jours de la semaine. Il a pu être constaté un affichage des prix pendant quelques jours sur internet puis ensuite les trajets disparaissent alors qu'en gare l'achat est toujours possible. De même des contrôleurs ont témoigné de la circulation d'ICN entièrement vides. Ceux-ci n'étant pas sortis à la vente. Les rares passagers sont alors les usagers chevronnés qui savaient que le train roulait et qui sont montés dedans pour acheter le billet directement au controleur. « Je suis allé me plaindre au guichet : le train circule et 2 jours avant, impossible d'acheter le billet ». Une explication -partielle- serait qu'en cas de perturbation probable, SNCF Mobilité suspend les ventes et invisibilise le train sur oui.sncf. Dialogue sur twitter, où @SNCF répond que l'ICN n'existe pas. Et pourtant il circule bien ce jour-là (mais il sort, comme trop souvent, en retard à la réservation). L'offre ICN est invisibilisée. Date de la capture d'écran : le 9 novembre 2017. Quelques jours auparavant l'ICN n'apparaissait pas du tout. préparées quelques heures avant le départ, à Hendaye. La réservation est donc fermée 5 heures avant le passage de l'ICN à Tarbes. », explique un agent SNCF. 14 Le Paris-Port Bou s'arrête à Lézignan-Corbières, mais cette gare était souvent invisible à la vente en 2016. En septembre 2017 c'est la gare Port Bou qui fut temporairement invisible à la vente. 15 Question de Pascale Boyer au Ministère des transports, Assemblée Nationale, 5 déc. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 8 Version 17 mars 2018 2.3/ « Rabattre la clientèle vers les TGV »... même quand l'offre ne correspond pas Liaison Paris – Barcelone 07:11 – 13:34 première arrivée du jour, TGV 10:07 – 16:34 TGV 12:07 – 19:31 TGV avec changement à Nîmes 14:07 – 20:34 TGV Dernier départ 16:07 – 22:44 TGV Pause de 15 heures : pas de TGV pendant plus de 60 % de la journée ! Ce manque gagnerait à être comblé par : 20:23 – 08:05 Talgo Nocturne par Toulouse/Cerbère (existant en 2013) 22:30 – 08:00 ICN par la LGV Perpignan-Barcelone. 07:11 – 13:34 TGV 10:07 – 16:34 TGV 12:07 – 19:31 TGV avec changement à Nîmes 14:07 – 20:34 TGV 16:07 – 22:44 Au delà de 750 km, la Grande Vitesse ne remplace pas l'Intercité de nuit : les 2 modes se complètent. Depuis les années 2000, le nombre de lignes de nuit s'est réduit progressivement. Il s'agissait d'« amener » les voyageurs à « choisir » le TGV, même si celui-ci dessert mal les villes moyennes ou les liaisons transversales. Explication par la Cour des Comptes : « au fur et à mesure du développement du réseau à grande vitesse, l’entreprise procédait par petites touches à une diminution des dessertes des lignes classiques afin de rabattre vers les TGV la clientèle des lignes nationales. »16 En ce sens l’État et la SNCF opposent la LGV et l'ICN : ils ne seraient pas compatibles et l'un exclurait l'autre. Autre continent, autre attitude, la Chine a construit une LGV Pékin – Shanghai. Le temps de trajet étant de 5h (pour 1200 km), l'offre de jour est complétée avec 3 différents horaires ICN 17. L'ICN dessert les plages horaires non accessibles par la Grande Vitesse et élargit ainsi l'amplitude de l'offre quotidienne. Meilleurs temps de trajet en train de jour De : A: Meilleur temps Paris Paris Paris Paris Nantes Strasbourg Strasbourg Luxembourg Nantes Bordeaux Hendaye Perpignan Tarbes Nice Barcelone Perpignan Tarbes Nice Nice Nice Nice Nice 5h 5h 5h30 6h 8h 8h 8h30 8h30 8h30 9h 11h Sans le train de nuit, le sud perd l'interconnexion avec une grande partie de l'Hexagone Ces liaisons, de 5 heures ou plus sont aussi attractives de nuit que de jour. Il est donc dommage de forcer 100% des voyageurs à les emprunter uniquement de jour, en ne laissant aucun train la nuit. Fermer le réseau pendant une large tranche horaire nocturne sous-optimise son usage. Le TGV était par ailleurs considéré comme « magique », capable de desservir même les territoires où il ne roule pas. Ou alors la géographie vue depuis Paris est floue : la Cour des Comptes déplore en 2014 que « l’État a demandé à la SNCF, en dépit de la mise en service de la LGV Rhin-Rhône, de renoncer à la suppression des lignes Hendaye-Nice et Hendaye-Genève »18 (cherchez l'erreur ou prenez une carte). Finalement le démantèlement des ICN Genève-Irun, Nice-Irun et Paris-Luchon 19 a bien eu lieu en 20132014. Puis en 2016 l'ICN quadritranche Strasbourg/Luxembourg-Nice/Port Bou fut aussi supprimé. Pourtant les TGV ou ICJ demandent toujours plus de 8 heures avec souvent des correspondances, ce qui n'est pas attractif. 16 17 18 19 Cour des comptes, Les trains Intercités : sortir de l’indécision, fév. 2015, p. 234 Mark Smith, Beijing to Shanghai by sleeper train: Video guide, Seat61, 1er sept. 2014 Cour des comptes, Trains d'Equilibre du Territoire, 2014, page 44. Une liste (non exhaustive) des lignes déjà fermées est disponible sur : « Intercités de nuit », wikiwand Une enquête « Oui au train de nuit » 9 Version 17 mars 2018 2.4/ Aux frontières : des correspondances absurdes Les ICN peuvent permettre des connexions avec les pays limitrophes. Mais désormais, les correspondances sont « absurdes » voire inexistantes aux frontières 20. Les horaires ne sont pas conventionnés par l’État pour les TET et pour sa part, SNCF Intercité dit n'avoir aucun contrôle sur les horaires d'arrivées. Ceux-ci seraient déterminés par SNCF Réseau lors de la demande des sillons. De la même façon ÖBB a découvert tardivement que les correspondances Hambourg-Danemark étaient défavorables à ses ICN au départ de Hambourg. Il semble donc que aujourd'hui peu d'acteurs se soucient des correspondances aux frontières21. A l'avenir l’État et les Régions gagneront à demander explicitement aux opérateurs ferrés de collaborer entre eux pour construire des correspondances cohérentes aux frontières. Plus grave encore, de nombreux IC et TER font désormais leur terminus juste avant les frontières. Afin d'offrir à nouveau des correspondances, il est nécessaire que les trains atteignent au moins la première gare du pays limitrophe, c'est-à-dire un terminus à PortBou au lieu de Cerbère22, Irun au lieu de Hendaye23, Vintimille au lieu de Nice24, etc. L'absence de coordination et la discontinuité du service entre les gares frontalières distantes d'à peine quelques kilomètres génèrent un handicap de mobilité entre les régions européennes limitrophes et va à contresens de l'intégration européenne 25. La discontinuité de service va par contre dans le sens du report des voyageurs sur les TGV qui sont les seuls trains à franchir les frontières de manière satisfaisante 26. A noter, le parlement Européen est déjà conscient des discontinuités de l'infrastructure rail aux frontières 27. 2.5/ Manque de matériel roulant pour les lignes régulières et les « trains spéciaux » Afin de soutenir Alstom, l’État a contraint la SNCF d'acheter trop de rames TGV 28 , mais n'a pas commandé de nouveaux trains couchettes depuis les années 1980. En conséquence, la SNCF a abandonné le matériel Corail en siège inclinables et en couchette sur les trains spéciaux29. Ils sont pourtant importants par exemple pour la ville de Lourdes, deuxième ville hôtelière de France, pour les trains de pèlerins. Même les voitures-ambulances ont été abandonnées, alors que les rames TGV sont peu adaptées aux personnes à mobilité réduite30. Des organisateurs de pèlerinages belges expliquent que « sur le réseau français, la priorité est donnée aux TGV, les trains ''ordinaires'' devant s'intégrer dans le trafic et parfois après de longues minutes d'attente. Ainsi, les derniers voyages en train de nuit [Namur-Lourdes] ont duré entre 20 et 22 heures ! »31, soit du 50 km/h de moyenne, alors que les ICN peuvent rouler à 160 km/h. Aujourd'hui il manque du matériel roulant même pour les lignes ICN régulières, ainsi que pour les 20 En 2011 le Paris-Irún arrivait à son terminus à 7h36 et assurait une correspondance avec des trains vers Barcelone (8h05), Madrid (8h15) et La Corogne (8h45). Depuis qu'il est dévié par Toulouse, il arriva dans un premier temps Irún à 8h55. La Renfe retarda le départ du train vers La Corogne à 9h15… mais la SNCF retarda encore l’arrivée de La Palombe Bleue... à 9h25, ce qui empêche la correspondances pour dix minutes. A l’été 2014, le terminus fut déplacé à Hendaye, éliminant toute possibilité de correspondance. Pour plus d'informations lire : Juan-Carlos DÍEZ, Le train de nuit La Palombe Bleue (Paris-Tarbes-Hendaye-Irún), un train d’avenir à maintenir, déc. 2016 21 L'ancienne convention SNCF-Languedoc-Roussillon ne spécifiait rien sur les correspondances TER avec la Catalogne. Par contre la Région Occitanie négocie désormais des correspondances à Cerbère/Port Bou et Latour Carol pour la future convention. 22 Voir l'Annexe I des propositions interassociatives, Des transports doux pour l'Occitanie, ouiautraindenuit.wordpress.com, juin 2016 23 Olivier Razemon, Entre Hendaye (France) et Irun (Espagne), les voitures passent. Les trains s’arrêtent, Blog - Le Monde, 27 avril 2014 24 Les dernières liaisons de nuit depuis Paris, Strasbourg, Luxembourg, Reims étaient (ou sont) au Terminus Nice et ne desservent plus Vintimille. 25 Nous voulons que les trains entre Portbou et Cerbère puissent rentrer à la maison avec des passagers !, PTP-Barcelona, 7 Avril 2017 Sur la liaison France-Belgique : Kris de Decker, « La grande vitesse est en train de tuer le réseau ferroviaire européen », Carfree, 19 déc. 2013; A Lille, le quai pour les trains régionaux vers la Belgique est occasionnellement affiché après le départ du train, ce qui induit que seul les voyageurs experts, qui connaissent le quai de départ, réussissent à l'emprunter. « C'est assez fréquent avec les trains SNCB », témoigne un agent en gare. A noter : l'UE aurait financé des rames Intercités pour la Pologne avec une clause interdisant le franchissement des frontières, ce qui induit un manque de connexion avec l'Allemagne et les pays limitrophes. Même à Strasbourg, pourtant capitale européenne, on doit fréquemment attendre 2h la correspondance pour l'Allemagne, qui ne se fait qu'en train Régional ou Interrégional. 26 F. P., Train Portbou-Cerbère : la correspondance existe encore, sauf sur les sites de réservation, L'indépendant, 7 juil. 2017 ; Voir aussi la faiblesse des transports régionaux à travers les Alpes : Nathalie Grynszpan, Les trains régionaux de retour entre Modane et Turin, France Bleu Pays de Savoie, 16 sept. 2017 27 Michael Cramer, Mind the Gap ! 15 railway projects for a better connected Europe, The Greens in the European Parliament, nov. 2015 28 Voir le dernier un épisode en date : Franck Bouaziz, « Alstom : l’Etat commande, la SNCF grince », Libération, 6 fév. 2017 ; Marc Fressoz, « TGV Paris-Milan : la SNCF passera finalement par un appel d'offres », MobiliCités, 23 fév. 2017 29 Le dernier train spécial tracté SNCF circula le 12 octobre 2014, voir Le Train, n° 320, déc. 2014, p. 22 30 « La SNCF va retirer les wagons qui permettent aux malades de voyager couchés. Ils datent de la Seconde Guerre mondiale et sont trop vétustes mais, rentabilité oblige, ils ne seront pas remplacés. Du coup, nous devrons certainement affréter des cars spéciaux avec des couchettes. » Pascal Tissier, « L'avant-dernier train de nuit », jurapastoral.ch, mai 2014 31 Pèlerinages Namurois, « Pèlerinage à Lourdes en TGV », Vie du diocèse de Namur, 20 mars 2017 ; Joëlle Meert, « Le dernier train de nuit à destination de Lourdes », RTBF, 16 juil. 2016 Une enquête « Oui au train de nuit » 10 Version 17 mars 2018 pics de fréquentation saisonniers32. La qualité de service souffre du matériel à bout de souffle avec des pannes de climatisation (il est difficile de dormir s'il faut trop chaud ou trop froid!), des WC sans eau, des pannes de locomotives, etc. En 2018 les voitures-couchettes doivent de toutes façons être rénovées. Le choix semble donc avoir été fait en 2016-2017 de supprimer le maximum de lignes pour éviter de renouveler les voitures-couchettes. C'est une des raisons de fond du démantèlement des ICN. 2.6/ Sous-investissement pour les voies classiques Parallèlement à l'abandon des ICN, c'est l'ensemble du réseau ferré classique qui a manqué d'investissement durant les décennies du « tout-TGV »33. « Il y a une dizaine d'année on investissait à peu près 500 m€/an sur le renouvellement du réseau, quand nos voisins en investissaient 3 à 4 Md€, que ça soit la Deutsche Bahn ou Network Rail. » explique le Directeur de SNCF Réseau Patrick Jeantet 34. Mme la Ministre des Transports Élisabeth Borne résume la situation ainsi, « ce sont plus de 5300 km de voie ferrée sur lesquels les trains circulent à vitesse réduite parce que nous n'avons pas su entretenir de manière satisfaisante nos réseaux. »35. Le premier Ministre, Edouard Philippe rappelle « depuis plus de 40 ans on a consacré la plus grande partie des investissements à la construction de nouvelles lignes de LGV. […] Notre réseau est dans un état de vétusté avancé. […] Sur 20% du réseau français la vitesse de circulation est réduite »36. Cette dégradation a fini par aboutir par exemple à la fermeture de la ligne ICN Paris-Luchon en 201437. La vétusté des voies apparaît aussi responsable des accidents ferroviaires graves de Bretigny 38 – 7 morts – et de Denguin 39 – 35 blessés –, alors que le train est l'un des modes de transport les plus sûrs 40. Face à l'engouement que suscitent toujours les grands projets LGV, l’État et la SNCF tentent depuis des années de négocier le virage pour ramener la priorité sur la rénovation des voies classiques 41. Pour le PDG de la SNCF Guillaume Pepy « nous avons dans les années 2000 tiré la sonnette d'alarme sur l'état du réseau et appelé avec une très grande fermeté à un changement de priorité. Ce changement de priorité a mis du temps à venir, sans doute trop de temps. [...] la priorité absolue dans ce pays doit être au transport de la vie quotidienne et au réseau existant. »42 2.7/ La SNCF « sabote » l'activité ICN pour obtenir son démantèlement ? Le député Joël Giraud accuse la SNCF : « pour être sûr que les statistiques du train régulier soient mauvaises, la pratique de la mise en réservation tardive relève de sa stratégie. » 43 L'accumulation des dysfonctionnements laisse en effet penser à une volonté de supprimer le service, ou au moins à d'importantes négligences.44 La Ministre des transports confirme ce sentiment : « La vraie casse du service public, c'est quand on laisse se dégrader la qualité du service dans les trains de nuit jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de voyageurs et qu'on arrête ces trains. »45 Le PDG de la SNCF, M. Guillaume Pepy parle des trains de nuit au passé « du temps où les trains de nuit existaient », « depuis qu’ils ont disparu »46, alors que l’État lui a demandé de maintenir plusieurs destinations : Rodez, Latour Carol, Briançon, Port Bou, et que les ICN continuent à desservir Toulouse et bien d'autres villes. La communication du PDG participe à rendre l'offre invisible, en prétendant, comme on l'entend trop souvent aux guichets SNCF, que « les ICN n'existent plus »47. Le grand public connaît-il le train auto, qui risque lui-aussi de disparaître en 2018 48 ? De nombreuses personnes pensent que les ICN n'existent plus, même sur les territoires encore desservis. Pour sortir de l'invisibilité, une importante publicité 32 Hautes-Alpes : les parlementaires LR et LREM mettent la pression sur la SNCF, Alpes1, 2 Août 2017 33 Dorine Goth, Trafic ferroviaire. La vétusté du réseau mise en cause, L'Humanité, 1er août 2017 34 Audition des Présidents de la SNCF, Commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 9 nov. 2017 (minute 31') 35 Commission du développement durable : Mme Elisabeth Borne, ministre chargée des transports, Assemblée Nationale, 19 juil. 2017, minute 21 ; Voir aussi : Olivier Razemon, Ces trains qui roulent moins vite qu’en 1973, Blog.Le Monde, 9 nov. 2017 ; ARAFER, La mise en œuvre de la réforme ferroviaire : état des lieux du régulateur, oct. 2016, p. 28 ; Auditions des Présidents-directeurs généraux de SNCF Mobilités et SNCF Réseau, Sénat, vidéo, 30 mars 2016 ; Gilles Balbastre, Vérités et Mensonges sur la SNCF, documentaire en ligne, 2015 36 Présentation de la méthode et du calendrier de la réforme ferroviaire, Edouard Philippe, Facebook, 26 fév. 2018 (minute 2') 37 Laurence Boffet, « Luchon: dernier train au départ », France3 Haute-Garonne, 16 nov. 2014 38 Voir les liens bien documentés : « Accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge », Wikipédia ; Elise Lucet, Envoyé spécial, France 2, 29 sept. 2016 39 EB, Accident ferroviaire de Denguin : la SNCF pointée du doigt, La République des Pyrénées, 28 janv. 2016 40 Rappelons que la route provoque plus de 3000 morts par an, voir accidents de la route en France, Wikipédia 41 Olivier Razemon, On veut des prises dans les trains, pas des lignes à grande vitesse !, Blog Le Monde, 24 avril 2013 ; AFP, LGV : le gouvernement veut différer les nouveaux chantiers pour privilégier l'entretien du réseau, Le Populaire du Centre, 18 fév. 2015 ; Éric Béziat, « L’Etat promet 46 milliards d’euros pour rénover le réseau SNCF », Le Monde Économie, 21 déc. 2016 ; Lionel Steinmann, Elisabeth Borne lance le grand virage de la politique des transports, Les Echos, 5 juil. 2017 42 Audition de Guillaume Pepy, Président de la SNCF, Assemblée Nationale, LCP, 7 fév. 2018 (Minutes 2h04). 43 Pour le député Joël Giraud, la SNCF « sabote » le train de nuit, Le Dauphiné, 19 fév. 2018 44 Oui au train de nuit, Disparition du Paris-Nice : la SNCF a-t-elle sabordé ses trains de nuit ?, blog.mediapart, 8 déc. 2017 45 Élisabeth Borne sur la SNCF : "Le statu quo n’est pas possible", JDD, 17 fév. 2018 46 Sur France-Inter le 10 mars 2017. Voir la réponse de « Oui au train de nuit » Les 8 arguments du PDG de la SNCF pour supprimer les trains de nuit sont bidons, Interview de « Oui au train de nuit » par Sarah Lefèvre, StreetVox, 23 mars 2017 47 Voir aussi Les trains de nuit sont victimes d'une stratégie de découragement, Le Petit Journal du 65, 19 avril 2017 ; 48 Et si vous emmeniez votre voiture en vacances ?, Guide auto/train, SNCF, édition 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 11 Version 17 mars 2018 serait au contraire nécessaire. En mai 2015, une note interne de la SNCF aurait préconisé la suppression totale des ICN 49. Déjà dans les années 2000 des témoignages de cadres supérieurs SNCF ont été rapportés en ce sens : « les trains de nuit sont un produit dépassé, périmé. Même le Paris-Nice va disparaître avec la LGV PACA ». Il semble donc qu'une partie de la direction SNCF rêve depuis des décennies de voir disparaître sous le tapis l'activité l'ICN qui est complexe, consommatrice de main d’œuvre et dont le potentiel est depuis longtemps sous-exploité. L'action de l’État et des parlementaires est donc nécessaire pour amener la direction SNCF à résoudre les graves dysfonctionnements des ICN. Point positif, suite à un nième « coup de gueule » des parlementaires des Hautes-Alpes pour le Paris-Briançon 50, M. Pepy promet d'« améliorer l’attractivité du service, à la fois par un travail sur les prix, la visibilité des offres mais aussi par le confort et les services à bord »51. 3/ « Dépassés, déficitaires et vides » : les prétextes masquent un potentiel exceptionel 3.1/ Comment la DB a truqué les chiffres des trains de nuit pour les démanteler Le mouvement social européen pour le retour des ICN 52 a montré que les chemins de fer allemands (DB) ont noirci le tableau des ICN pour les démanteler 53 : « Les ICN sont rentables, c'est dans les bureaux de l’entreprise que le déficit se crée », explique Joachim Holstein, porte-parole du conseil économique de la filiale European Railservice de la DB. « Ils prennent en compte des coûts, qui ne sont pas occasionnés par les ICN. [...] Les bilans seraient délibérément orientés de manière à ce que des pertes apparaissent. »54 La polémique s'amplifie jusque sur la 1ère chaîne de télévision allemande 55. Et le scandale, révélé par la minorité au parlement, intéresse désormais la majorité. En février 2017, le Directeur Grandes Lignes des chemins de fer autrichiens (ÖBB), M. Kurt Bauer, a expliqué aux députés allemands qu'on peut gagner de l'argent avec les ICN 56. Points positifs : la DB ne se permet plus de qualifier les usagers des ICN de « nostalgiques » ou de « phobiques de l'avion ». La DB a ensuite expliqué que « la demande a augmenté ». En réalité la demande a toujours été là, mais non satisfaite. En Finlande, la dénonciation d'une manipulation visant à la suppression d'un train de nuit a également eu lieu en 2006-2008.57 Elle a permis la modernisation et le redéploiement de l'Intercité de nuit. Les prétextes utilisés dans les pays du nord ont cours encore plus fortement en France 58, voici un retour sur les arguments du démantèlement. 3.2/ « trop lent » ? Comme le lièvre et la tortue, l'optimisation du temps ne passe pas que par la vitesse Alors que les projets de construction de Lignes à Grande Vitesse (LGV) se justifient à travers une certaine obsession pour « gagner une heure », les usagers soulignent que l'ICN permet de « gagner une demi-journée » : ✔ L'ICN permet de finir sa journée de travail et prendre le train le soir pour voyager pendant la nuit. Le lendemain on dispose alors de la journée entière à destination. En comparaison, partir la veille en train de jour et dormir une nuit à l'hôtel mobilise fréquemment une demi-journée en plus, voire une journée entière pour les liaisons transversales. ✔ Le déplacement pendant le sommeil permet un « saut de nuit » : « une heure suffit pour 49 « Ils ne seraient plus compétitifs en raison de la concurrence du covoiturage, des offres aériennes à bas coût et hôtelières ainsi que des petits prix sur les liaisons ferroviaires de jour. ». Pourtant : (1) abandonner le rail au profit de l'aviation et de la voiture est contradictoire avec la transition écologique ; (2) l'automobile et le bus sont inconfortables pour des trajets de 800 km ; (3) Les ICJ desservent rarement des liaisons très longues distances et les TGV oublient les liaisons transversales ; (4) Un déplacement en ICN est à la fois plus rapide et moins onéreux qu'un voyage en TGV auquel on ajoute une nuit d'hôtel. 50 Hautes-Alpes : les parlementaires LR et LREM mettent la pression sur la SNCF, Alpes1, 2 Août 2017 51 Hautes-Alpes : Guillaume Pepy promet une modernisation du Paris-Briançon, Alpes1, 3 août 2017 52 Voir https://www.nachtzug-bleibt.eu/ et https://back-on-track.eu/ 53 Johannes Hirschlach, Comment la DB a truqué les chiffres de ses trains de nuit pour les démanteler, Mediapart, 13 févr. 2018 54 Comment la Deutsche Bahn noircit le tableau de ses trains de nuit, Nikolaus Doll, Max Zimmermann, Die Welt, 1er juin 2016 55 [ALLEMAGNE/AUTRICHE] La Renaissance du Train Couchettes, émission de télvision sur la Chaîne nationale Allemande n°1, 5 juil. 2017 56 Voir aussi : Stefan Schirmer, Relance des trains de nuit : quelle est la stratégie de l'Autriche ? (traduction), Die Ziet, 9 déc. 2017 57 Kalevi Kämäräinen, Comment la Finlande s'est mobilisée pour défendre ses trains de nuit, 8 juil. 2017 58 Coup de bluff : 5 intox de la SNCF pour démanteler les trains de nuit, Mediapart, 16 janv. 2018 Une enquête « Oui au train de nuit » 12 Version 17 mars 2018 traverser l'Hexagone : ½ heure pour s'endormir et ½ heure pour se réveiller ! ». ✔ Comment faire le dernier kilomètre à l'arrivée du dernier TGV du soir lorsqu'il n'y plus de correspondance TER ou transport en commun ? Ou pour accéder au premier TGV du matin lorsqu'on habite loin de la gare ? Pour sa part, l'ICN permet d'accéder aux gares à l'heure où il y a des transports en commun et des correspondances TER. ✔ L'Intercité de nuit permet d'arriver en centre-ville, ce qui est un important avantage face aux surcoûts et au temps de trajet additionnels pour l'accès aux aéroports et aux gares LGV excentrées. ✔ La commission « TET d'avenir » analyse que « la généralisation d’hôtels à bas coûts a rendu compétitifs des modes de transport associante déplacement de jour la veille et nuit sur place ». Et pour M. Pepy « les gens préfèrent dormir dans un hotel pas cher »59. Et pourtant, un déplacement en ICN prend au final moins de temps qu'un voyage en TGV avec une nuit d'hôtel, et l'ICN est aussi moins cher. Par ailleurs, l’hôtel – surtout en centre ville, proche des gares d'arrivées - reste perçu comme cher par un grand nombre de français. En réalité La SNCF connaît bien les avantages du voyage de nuit : les autocars Ouibus sillonnent l'Hexagone de nuit, et les Flixbus traversent l'Europe avec le slogan « Dites oui aux bus de nuit et dormez jusqu'à destination »60. Sur certaines liaisons Paris-Savoie, les ICN ont été supprimés, mais désormais des TGV de nuit assurent certains services, équipés uniquement de sièges (peu) inclinables. Un sondage sur les trains de nuit permet de comprendre la perception du service par le public 61 3.3/ Les taux d'occupation sont bons mais l’État voit des trains « vides » ✗ L'ex-gouvernement a validé le démantèlement de la casi-totalité des ICN en argumentant que la « fréquentation est en baisse de 25% depuis 2011 ». Une analyse plus approfondie permet de montrer que dans la période, entre 2011 et 2015, trois ICN ont été supprimées (Genève-Irun, Vintimille-Irun et ParisLuchon). Le nombre de voitures et de jours de circulation s'est réduit sur certaines lignes (pour exemple le Paris-Tarbes-Irun passe de quotidien à 3 circulations par semaine). Les circulations pour pics saisonniers sont devenues rares (jusqu'à 3 ICN de renfort circulaient les nuits de forte fréquentation, par exemple sur le Paris-Nice). De fréquentes annulations ont lieu « pour travaux » en période de grande affluence. La diminution du nombre de voyageurs s'explique donc par la réduction du nombre de trains. ✗ Plus encore, malgré une qualité de service très faible, les ICN affichent de meilleurs taux 59 Les 8 arguments du PDG de la SNCF pour supprimer les trains de nuit sont bidons, Sarah Lefèvre, StreetVox, 23 mars 2017 60 Simon Hamy, Les « cars Macron » ne démissionnent pas : le point au départ de Périgueux, Sud Ouest, 31 août 2016 ; « Dormez jusqu’à votre destination avec nos bus de nuit », Flixbus 61 Sébastien Bosvieux, L'avenir des trains de nuit, 8 mars 2018 Une enquête « Oui au train de nuit » 13 Version 17 mars 2018 d'occupation que la moyenne des Intercités 62. La Direction Intercités a confirmé a plusieurs reprise que les taux d'occupation n'ont pas baissé : la fréquentation des trains de nuit ne s’est pas dégradée depuis trois ans. Les voyageurs sont toujours là. Les trains sont même souvent complets 63 : « bien que très mal en point, matériel vétuste et horaires dégradés, les trains de nuit qui ont circulé depuis 2013 ont vu leurs trafics augmenter avec un [indicateur de satisfaction client] NPS 64 > 25 en 2017 » 65. L'ICN serait ainsi le train le plus recommandé par ses utilisateurs. Il est très populaire66. Exceptionnel, en 2017, l'ICN le Paris-Port Bou auraient atteint 71 % de remplissage selon des cheminots, 55 % selon la direction (à titre de comparaison, la moyenne est de 67% pour les TGV, 42% pour les IC et 25% pour les TER 67). ✗ En ce sens, l'ICN crée la surprise : un tel niveau de dysfonctionnements serait fatal à tout autre mode de transport. Les lignes aériennes seraient-elles viables si elles ne sortaient à la réservation que 2 semaines avant le décollage sans qu'aucune information ni publicité avant ? Et que finalement une fois sur 3 l'avion n'arrive pas à destination ? Il est même étonnant qu'il y ait autant de voyageurs dans les ICN. Et pourtant, ils sont bien là. Le faible confort est largement compensé par l'énorme avantage du « saut de nuit ». « C'est pratique » répondent en masse les usagers. Ils révèlent par là le formidable potentiel de relance de cette mobilité. ✗ Ces très bons indicateurs révèlent que l'ICN a un formidable potentiel pour rebondir après des années de repli. M Pepy a déclaré « Du temps ou les trains de nuit existaient, il n’y avait pas énormément de monde dedans, sauf les vendredis et dimanches »68. Ci-contre une photo du jeudi 27 octobre 2016, gare d'Austerlitz, où tous les ICN affichent complet. ✗ Autre tentative de justification de la part de l’État : « L’offre de nuit ne répond plus de manière satisfaisante aux besoins des voyageurs ». Une consultation publique sur les Intercités menée en 2015 montre pourtant tout autre chose69 : « Une majorité de réponses positives est donnée sur quatre critères : confort (62% de satisfaits), nombre d’arrêts (79% de satisfaits), temps de parcours (55% de satisfaits) et horaires (51% de satisfaits). Seules les fréquences obtiennent une majorité d’insatisfaits (46% de satisfaits). » Par ailleurs, « une majorité des répondants (56%) se dit contre une amélioration du temps de parcours si elle se traduisait par un renchérissement du billet ». ✗ Selon le rapport Duron, les coûts d’exploitation (non publiés) sont « particulièrement forts et nécessitent donc d’atteindre des taux de remplissage très élevés pour en viabiliser l’exploitation (près de 450 voyageurs par train) ». Les ICN peuvent arrimer jusqu'à 16 voitures et transporter plus de 850 voyageurs par train70. En 2015-2016 des ICN de moins de 15 voitures affichaient fréquemment complet 71, sans que la SNCF n'ajoute de voitures pour augmenter les recettes. Aujourd'hui le nombre de voitures a tendance à se réduire jusqu'à 3 par destination pour Rodez et Latour Carol 72... Un train de 3 voitures peut-il s'autofinancer ? 62 En 2015, le taux d'occupation moyen des Intercités de 35%. « Les trains de nuit ont un taux de remplissage bien supérieur à la moyenne des Intercités, puisque celui de la liaison ayant le plus faible taux de remplissage, Paris-Savoie, est de 38% ; toutes les autres lignes ont un taux de remplissage supérieur ou égal à 43%, la ligne la plus performante (Paris-Hendaye) atteignant 53%. ». Voir Étude sur l’évolution de l’offre Intercités suite aux annonces du Secrétaire d’Etat Alain Vidalies du 21/07/2016, Laurent Kestel et Adrien Coldrey, DEGEST, 21 nov 2016. 63 Lire Clara Griot, Fériel Naoura, Voie de disparition, Le Quatre heures, 1er août 2017 64 Le Net Promoter Score® (NPS), est un indicateur de la propensation des clients à recomander un produit. B.Bathelot, Net Promoter Score®, Définition Marketing, 16 nov. 2017 65 Twitt de l'ex-Directeur des Intercités de nuit M. Sean Clairin, 18 fév. 2018. 66 TNS Sofres, Etats Généraux du Rail et de l'InterModalité, sondage pour la Région Occitanie, juillet 2016 : 65% des personnes ayant emprunté un TER, Intercité, TGV ou autocar régional déclare que les trains de nuit devraient être maintenus. Autre sondage RTL : 55% des sondés « regrettent la quasi-disparition des trains de nuit » : voir ici (sondage en bas de page). 67 L’Arafer publie son 1er bilan du transport ferroviaire de voyageurs en France, ARAFER, 16 nov. 2017 68 Sarah Lefèvre, Les 8 arguments du PDG de la SNCF pour supprimer les trains de nuit sont bidons, StreetVox, 23 mars 2017 69 Voir l'encadré 7 dans Commission Duron, TET: Agir pour l’avenir, 25 mai 2015, p. 28-29 70 Chaque voiture Corail transporte 60 passagers en couchette 2ème classe, 36 en couchette 1er classe et 76 en sièges inclinables, soit une capacité de 800 à 900 places pour un convoi de 15-16 voitures, en fonction de sa composition. 71 C'était le cas du Paris-Tarbes-Irun (8 voitures) et du Paris-Port Bou-Latour Carol (12 voitures). 72 « Les cheminots CGT inquiets pour le train de nuit Rodez-Paris », La Dépêche, 28 oct. 2016 Une enquête « Oui au train de nuit » 14 Version 17 mars 2018 3.4/ Le « déficit » est-il spécifique aux ICN ou structurel à la SNCF ? Sans financement public très peu de modes de transport serait susceptibles de fonctionner : ni le ferroviaire, ni les routes ni la plupart des aéroports. ✗ La plupart des trains sont déficitaires. Pour Élisabeth Borne, « La SNCF nous dit également que 70% des dessertes TGV ne sont pas rentables ». Et pour la Cour des comptes, « l’activité TET [Intercités] reste cependant l’activité conventionnée la moins subventionnée. Globalement déficitaire à hauteur d’environ 25 %, elle se situe dans une situation beaucoup plus avantageuse que les activités des TER (65 %) et du Transilien (62 %) »73. Pour la direction, les trains de nuit « c’est un euro de chiffre d’affaires pour deux euros de charges. » 74 Cette situation n'est pas spécifique aux Intercités : les transports publics urbains, affichent le plus souvent un taux de couverture très inférieur à 50%. 75 ✗ La commission Duron « TET d'avenir » a produit en 2015 des chiffres alambiqués 76 que l’État répète depuis pour justifier le démantèlement : « le déficit des lignes de nuit représente environ 25 % du déficit de l’ensemble des lignes TET alors même qu’elles ne représentent que 3 % des voyages (1,2 million de voyages de nuit sur 33,9 millions de voyages en TET) ». C'est oublier qu'il s'agit de voyages très différents : le trajets en ICN sont longs (de 600 km à plus de 1000 km), donc ils sont naturellement plus onéreux que les trajets plus courts en ICJ (la moyenne des trajets en Intercités est de 156 km). Une partie importante des charges, dont les péages, sont proportionnelles à la distance. D'ailleurs, la commission « TET d'avenir » compare assez logiquement les ICJ en subventions/km/voyageur. Par contre elle omet cette comparaison pour les ICN. Pour ramener à une comparaison plus équitable, le graphique ci-contre, réalisé à partir des données « TET d'avenir » montre que les ICN demandent en moyenne 0,18 €/km/voyageur. Ils s'autofinancent plutôt mieux que la moyenne des ICJ (0,23 €/km/voyageur)77 et beaucoup mieux que la moyenne des TER (0,30 €/km/voyageur)78. Le « déficit » n'est pas donc lié aux ICN. Il est avant tout structurel à tous les trains conventionnés de la SNCF. 73 74 75 76 Cour des comptes, Trains d’Équilibre du Territoire, 2 juil. 2014, p12 (document public non disponible sur internet). Cité par Clara Griot, Fériel Naoura, Voie de disparition, Le Quatre heures, 1er août 2017 Voir Étude sur l’évolution de l’offre Intercités, Laurent Kestel et Adrien Coldrey, DEGEST, 21 nov. 2016 (page 13) Les Intercités de nuit reviennent en Europe : actualisons l'expertise ! Relecture du rapport Duron, Oui au train de nuit, 9 janv. 2018 77 Pour les Intercités de Jour : → « si on rapporte ce montant au kilométrage de chaque trajet, on obtient un coût par voyageur et par kilomètre très variable, par rapport à un subventionnement moyen de 0,23 € par voyageur et par kilomètre. » (page 21) 78 Le marché français du transport ferroviaire de voyageurs 2015-2016, L'observatoire des transports et de la mobilité, ARAFER , 16 nov. 2017 (page 42). Ce rapport donne également la distance moyenne pour les TER et les IC en 2016 : 83 km et 255 km respectivement. Une enquête « Oui au train de nuit » 15 Version 17 mars 2018 ✗ Par ailleurs, une contre-expertise a montré en 2016 que les ICN réalisent 27,2% des trains*kilomètre de l'offre TET, ce qui est cohérent avec le 25% du déficit. 79 Pour sa part la Cour des comptes laisse entendre que les lignes de nuit représentaient 42,5% du chiffre d’affaire des trains Intercités en 2013 80. Compter en nombre de voyages permet tout aussi bien de pointer du doigt le TGV, comme l'a souligné Mme Borne « les déplacements ferroviaires de longue distance représentent moins de 1% des déplacements en France. Mais ils ont mobilisé 16% des investissements dans les infrastructures au cours des 5 dernières années ».81 ✗ Avec les nombreuses annulations et déprogrammations, la SNCF est contrainte non seulement de rembourser les billets82, mais aussi payer des nuits d’hôtel, des repas voire des taxis. Occasionnellement des ICN arrivent à destination avec plus de 6 heures de retard 83. « Nous dépensons des millions en remboursement de billets pour les ICN », témoigne la direction ICN. Dans ces conditions, le niveau de déficit paraît même étonnamment bas. Cela montre qu'investir donnera accès à une marge de gain potentiel pour avancer vers plus d'autofinancement. ✗ C'est en premier lieu la mauvaise qualité de service qui mène à la perte dénoncée par l’État, de « plus de 100€ » par voyageur. ✗ Il est aussi important de remettre en perspective ce « déficit supposé », car sur certaines lignes aériennes régionales des subventions de plus de 100 € par billet vendu sont belles et bien réelles84. 3.5/ « Dépassé » ? Le précédent du retour du tramway En quelques décennies, nous sommes passés du « tout routier », au low-cost aérien, puis au « toutLGV », et plus récemment à l'autocar. La roue tourne déjà vers l'Intercité. Aussi supprimer les ICN, une des alternatives les plus écologiques, pourrait être une erreur historique rappelant celle du démantèlement des tramways au milieu du XXème siècle. Le tramway a été négligé et a disparu des villes entre 1920 et 1960. 85 A l'époque, « adapter la ville à la voiture » générait une émulation populaire et captait l'essentiel de l'investissement public pour la mobilité urbaine. « Ringard » il y a un demi-siècle, il est soudainement devenu moderne et, désormais, de nombreuses villes en rêvent. L'ICN est aujourd'hui négligé, menacé, suivant le même scénario que le tramway il y a cinquante ans, avec les mêmes causes : l'engouement pour d'autres modes de transports, souvent plus onéreux et plus destructeurs environnementalement, pas réellement plus efficaces, mais générant plus de chiffre d'affaire et se présentant avec une image attrayante de « progrès technique », marqueur de « modernité ». Or l’urgence climatique ne nous permet plus de négliger les bonnes solutions. Alors, pour éviter la répétition de l'erreur, comment dès aujourd'hui réinventer l'ICN ? 3.6/ En résumé « quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage » Les prétextes avancés pour le démantèlement sont donc trompeurs. La direction SNCF a probablement présenté des chiffres orientés pour obtenir le démantèlement, et le gouvernement a, à son tour, surinterprété ces données86 : les chiffres s'éloignent de la réalité, et dénotent avant tout une volonté commune de désengagement87. De nombreux usagers l'ont résumé ainsi : « quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage ». Point positif, Mme la Ministre des transports propose d'évaluer les trains autrement : « J'ai bien conscience qu'on ne peut pas prendre comme référence la fréquentation qu'on peut avoir sur certaines lignes où le matériel roulant n'est pas forcément adapté et dont les infrastructures ne sont pas suffisamment en bon état pour qu'on y roule à la vitesse normale. [...] Il faut qu'on apprécie sur la base d'un service de qualité. »88 Malheureusement elle reprend à son compte les chiffres du gouvernement précédent. « Le 79 Étude sur l’évolution de l’offre Intercités, Laurent Kestel et Adrien Coldrey, DEGEST, 21 nov. 2016 80 Cour des comptes, Les trains Intercités : sortir de l’indécision, fév. 2015, p. 231 81 Commission du développement durable : Mme Elisabeth Borne, Ministre des transports, Assemblée Nationale, 19 juil 2017, Minute 20'45'' ; Voir aussi Olivier Razemon, « TGV : 38% des investissements, 2% des passagers », Blog – Le Monde, 5 janv. 2017 82 La SNCF est contrainte de rembourser 75% du billet pour 3h de retard. Voir Quelles sont les modalités de compensation de la G30 ?, SNCF 83 S. Milhomme et E. Champale, « Le train de nuit Paris-Briançon arrive avec sept heures de retard », France Bleu, 8 mars 2016 ; Fabrice Valery, 6 heures de retard pour deux trains de nuit de Paris vers Port-Bou et Latour de Carol, France 3 Occitanie, 10 nov. 2016 Sophie Accarias, Joël Giraud en colère contre la SNCF, France 3 PACA, 20 juil. 2017 Tous les retards n'apparaissent pas dans la presse, notons par exemple que le 22 août 2016 le Paris-Irun arriva avec 7h36 de retard. 84 Isabelle Morisque, « La grande misère des petits aéroports régionaux », L'Express, 10 nov. 2016 85 Tramways parisiens : le démantèlement, TransportParis, 10 janv. 2017 ; Laure Gabus, Ce que le tram 12 dit des Genevois, la Tribune de Genève, 23 mai 2012 ; Sidney Ribaux, La petite histoire de la disparition des tramways [au Canada], Journal Metro, 27 mai 2013 ; Richard Bergeron, Le complot anti-tramway exemplaire de General Motor [aux Etats-Unis], Meilleur 10 ans plus tard ! N° 239 - mai 2005 86 « Effectivement, la baisse de la fréquentation peut être imputable à la réduction de l'offre », confirme un cadre SNCF. « C'est l’État qui a fait cette interprétation » précise un autre (communication personnelle). 87 voir aussi la caricature humoristique « ouivélo » : « La SNCF lance Ouivélo pour remplacer ses trains », Carfree, 16 août 2016 88 Audition de Mme Elisabeth Borne, Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Sénat, 20 juil. 2017, minute 12h35' Une enquête « Oui au train de nuit » 16 Version 17 mars 2018 modèle économique des trains de nuits n’est plus viable. »89 C'est pourtant avant tout celui des projets LGV qui n'est plus viable. Pour leur part, ceux de l'aviation et de la voiture individuelle sont problématiques environnementalement. Dans ces conditions, en plus de la sobriété (moins se déplacer), quels seront les modes longue distance de l'avenir ? Élisabeth Borne a confirmé le maintien de certains trains de nuit : « je suis convaincue que les trains de nuit peuvent répondre aux besoins de mobilité de certains territoires." »90 4/ Vers une mobilité longue-distance sobre en énergie 4.1/ Quels transports longue distance pour lutter contre le changement climatique ? L’État a posé des objectifs pour la transition énergétique : « réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 »91, avec « une division par quatre ou cinq des émissions »92 de gaz à effet de serre (GES), tout en réduisant la consommation d'hydrocarbures 93. Par ailleurs, la pollution de l'air provoquerait 400 000 morts par an et coûterait 20 Md€/an dans l'Union Européenne (UE)94. Or le secteur des transports est « le plus gros contributeur » aux GES (30% du total national) et il consomme 32% de l'énergie finale 95, tout en émettant un niveau de pollution désormais dénoncé depuis le scandale du « Dieselgate »96. Le Ministère de l’Écologie définit une Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC). 97 Le « défi d'actualité » est d' « atteindre au moins 70 % de réduction des émissions de GES du secteur transports à l’horizon 2050. » Or « on observe dès 2015 des résultats déviant fortement de la trajectoire SNBC […]. Les premières estimations pour 2016 indiquent un dépassement de +6 % par rapport à l’objectif annuel. [...] d'importants progrès seront nécessaires sur le secteur transports pour maîtriser la mobilité et 89 Andy Barrejot, Fin de la Palombe bleue : l'Etat maintient sa position, La Dépêche, 31 juil. 2017 ; Martin Vanlaton, Suppression de l'Intercités de nuit Paris-Tarbes : l'Etat campe sur sa position, France 3 Occitanie, 1 août 2017 90 Question de Mme la Député Pascale Boyer et réponse de Mme la Ministre E. Borne, Assemblée Nationale, Vidéo minute 15h52, 24 oct 2017 91 Voir l'art. 1.III.2° de la Loi de Transition Énergétique 92 Voir l'art. 2 de la Loi de Programmation fixant les Orientations de la Politique Énergétique (POPE),n° 2005-781 du 13 juil. 2005 93 Émilile Massemin, Le gouvernement programme la fin de la voiture à pétrole en 2040, Reporterre, 7 juil. 2017 ; Florentin Collomp, Le Royaume-Uni bannit à son tour les véhicules à essence et diesel d'ici à 2040, le Figaro, 26 juillet 2017 ; Falila Gbadamassi, Energies fossiles: le début de la fin?, Geopolis-FTV, 2 mai 2017 ; Maxime Combes, Accord de Paris : arrêtons de pomper et de creuser !, dd magazine, 6 oct. 2016 94 Air pollué en Europe. 400 000 morts prématurés par an, alors qu'il y a des solutions, Ouest-France, 31 janv. 2018 ; Pollution de l’air, neuf pays convoqués par l’Union européenne, La Croix (avec AFP) , 30 janv. 2018 95 CGDD, Ministère de l'environnemen t, Chiffres clés du Transport, 2016 (pages 35-36 et page 11) ; ADEME, Chiffres clés Air, Climat, Energie, 2014 (pages 64 et 67). 96 Diesel : les constructeurs nous enfument-ils ?, Cash Investigation, 4 oct. 2017 ; Diesel : la dangeruese exception français, Video Cash Investigation, oct. 2015 ; Stéphane Manier, Raphaël Rouyer, Diesel, le scandale français, France 5, nov. 2012 97 Suivi de la Stratégie Nationale Bas-Carbone, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, 2 janvier 2018 Une enquête « Oui au train de nuit » 17 Version 17 mars 2018 développer des transports bas-carbone. » Au final, si nous ne changeons pas en profondeur nos modes de déplacement, les transports dévoreront la majorité de notre quota énergétique et dépasseront à eux seul nos objectifs d'émissions... Pour le PDG de SNCF Réseau, M. Patrick Jeantet « Le transport par train est le transport mécanisé le plus vertueux en matière écologique. Si l'on compare les émissions des GES des trains - avec la fréquentation réelle actuelle - sont de 25 fois en gros inférieures à celles des voitures. Le grand projet […] c'est maximiser l'usage du ferroviaire. »98 Source : ADEME, Chiffres clés Air, Climat, Energie, 2013 (p. 67) Cet effort date déjà de la loi Grenelle 1. Elle pose qu'« il sera accordé, en matière d'infrastructures, la priorité aux investissements ferroviaires par rapport au développement de projets routiers ou aéroportuaires »99 . Pour sa part la Loi de Transition Énergétique encourage « les reports modaux de la voiture individuelle vers les transports en commun terrestres »100. Ainsi des investissements massifs en faveur du rail ont lieu depuis les années 2000. Mais ils ont porté principalement sur les grands projets LGV. Aujourd'hui un changement de politique est en cours. Pour Patrick Jeantet « le renouvellement de nos voies existantes est en réalité bien plus vertueux en matière d'émission de carbone que la création d'une nouvelle voie. [...] Le nombre d'années au bout duquel les émissions de carbone du chantier ont été compensées par des évitements de carbone est de 3,3 ans quand on fait de la rénovation de ligne et 7,5 ans quand on fait une ligne nouvelle. [...] La rénovation des lignes existantes plus de nouveaux système signalisation sont de mon point de vue le meilleur projet écologique » 101 Pour leur part, les trains Intercités sont eux-aussi particulièrement efficaces environnementalement 102,103. Il reste à l’État à montrer sa détermination à poursuivre l'effort de report modal de l'avion sur le rail, même sans construction de LGV. L'ICN avec une portée de plus de 1000 km est une vraie alternative à l'aviation. Elle a été négligée pendant plusieurs décennies. Son déploiement est donc à amorcer. 4.2/ Favoriser les modes peu énergivores : les prémices de la Tarification Incitative Le contribuable paye cher aussi bien pour le rail, la route que pour les dessertes aériennes. Il est donc peu acceptable, à l'heure du changement climatique, que les trains circulent vides à cause d'un jeu tarifaire qui met en avant les modes de transport les plus polluants. « 76% des Français voyagent avec des réductions » a déclaré le PDG de la SNCF 104. Ce qui veut surtout dire que, hormis la « classe affaire », les voyageurs qui n'ont pas de réduction évitent le train. Dans l'état actuel, la multiplication des tarifs SNCF génère une vraie complication tarifaire qui crée une barrière d'entrée pour les usagers non-habitués. Le plein tarif – trop élevé par rapport aux tarifs réduits – sert de repoussoir. Il maintient la majorité de la population sur la route. Point positif, l'IC 100% Eco de la SNCF affiche un prix aligné sur celui du covoiturage, autour de 7 €/100km105. En comparaison, le coût de l'autocar se situera au-dessus de 8 €/100km lorsque les 98 Audition des Présidents de la SNCF, Commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 9 nov. 2017 (minute 1h16'30'') 99 Voir l'article 12,I de la loi Grenelle 1 100 Voir les articles 36 et 40 de la Loi de Transition Energétique 101 Audition des Présidents de la SNCF, Commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 9 nov. 2017 (minute 1h19) ; Evaluer l’impact carbone des investissements d’infrastructures ferroviaires, Carbone 4 et SNCF Réseau, sept.2017 102 Intercité : Valoriser l’offre ferroviaire en répondant aux besoins de nos clients et aux enjeux du développement durable, Carbone 4, juin 2017 103 Sur un trajet simple de 793 km (Pau-Paris), le comparateur SNCF donne des chiffres sensiblement différents du graphique de l'ADEME. Mais ils vont dans le même sens : la consommation en équivalent pétrole serait de 5,39 kg en train, 14,51 kg en autocar, 42,82 en voiture et 60,03 en avion (liaison régionale). Voir : T. Longué, « Pau : une manifestation pour le maintien de la Palombe bleue », Sud Ouest, 26 nov. 2016 104 M.Pepy sur France Inter et « SNCF : des hausses de tarifs annoncées ce lundi », Le Figaro, 10 mars 2017 105 Florence Guernalec, « Les Intercités 100% Eco vont desservir Nantes et Strasbourg », MobiliCités, 14 oct. 2015 ; Une enquête « Oui au train de nuit » 18 Version 17 mars 2018 compagnies auront atteint l'équilibre économique 106. Il a déjà a dépassé 5 € TTC/100km fin 2016, alors que Ouibus accumule 45 M€ de pertes annuelle pour autant de Chiffre d'Affaire 107. En comparaison, les recettes des TET ne sont guère plus élevées, estimée autour de 8,5 € HT/100km/passager108 (ou 9,6 €/100km/passager109). Cependant le voyageur voit souvent un prix dissuasif pour les autres trains classiques, autour de 15 €/100km... M. Pepy confirme que « 77% des français trouvent le train trop cher »110. Chez nos voisins de Catalogne 111, les trains régionaux affichent aussi un prix autour de 6 à 8 €/100km. À ce prix, l'autocar ne concurrence pas le rail mais le complète 112. Voitures couchettes rachetées à la DB et rénovées par ZSSK (chemins de fer slovaques)113 L'IC 100% éco a déjà montré son efficacité114 pour remplir les trains et pour atteindre l'équilibre financier115. L'IC est, en ce sens, un mode de transport idéal pour atteindre la rentabilité par le volume : remplir des IC plus longs, assemblant plus de voitures, pour amortir les coûts et les péages. La SNCF avance déjà vers cette stratégie : « il n'y aura plus d'augmentation des prix » confirme le PDG de la SNCF116. Aligner clairement les tarifs TER et IC sur celui du covoiturage donnera accès à un gisement considérable de report modal de la route et de l'avion sur le rail. 4.3/ L'ICN pour enfin réduire l'impact de l'aviation ? Le secteur de l'aviation prétend n'être responsable « que » de 2% des émissions de CO2 globales. En réalité, le vrai chiffre pourraient se situer autour des 5%. 117 Pour l'Agence Européenne de l'Environnement (EEA) « les émissions de CO2 du secteur de l'aviation continuent à augmenter, et il est estimé qu'elles représenteront 22% des émissions globales en 2050 si aucune action n'est entreprise. »118 En réalité, la croissance du tourisme en avion n'est pas durable119. Le transport inter-européen s'est longtemps appuyé sur les aéroports régionaux, qui, d'après la Cour L'ex-Région Midi-Pyrénées a éaglement mis en place une tarification similaire : le tarif TickeMouv' s'applique sur certains TER : ToulousePamiers 5 € au lieu de 12,60 €. Et miracle : Toulouse-Lourdes 7,5 € au lieu de 30 € ! 106 En Espagne, où les autocars sont libéralisés depuis des décennies, le prix moyen est de 8,20 €/100km. Il est probable que le prix français dépasse au final le prix espagnol. Voir le comparatif sur Coût des transports, Le Télégramme, 6 sept. 2016 107 Cars: Flixbus met en cause la SNCF qui favoriserait Ouibus, BFMTV, 13 fév. 2018 ; Marc Fressoz, OUIBUS : 45 millions de chiffres d'affaires pour 45 millions de pertes en 2016, mobilicités, 20 oct. 2017 ; Les « cars Macron » vont continuer à perdre des dizaines de millions d’euros en 2017, Le Monde Economie, 25 nov. 2017 ; Pierre-Henri de Menthon, La SNCF a déjà perdu 130 millions avec Ouibus, Challenges, 29 août 2017 ; La SNCF couvre le déficit des autobus Ouibus, déstabilisant ainsi le rail et même le marché des bus : J.M., "Cars Macron": Transdev attaque la SNCF, BFM, 9 déc. 2016 ; Krystell Veillard, « Les Ouibus, une concurrence déloyale aux TER, pour la Région Bretagne », France 3 Bretagne, 4 mars 2017 ; Alban Elkaïm, « Cars Macron » : la guerre des prix fait de nouvelles victimes, les chauffeurs Ouibus, Rue89, 2 mai 2017 108 Les recettes moyennes des IC en 2016 sont de 8,5 € HT/100km voir Le marché français du transport ferroviaire de voyageurs 2015-2016, L'observatoire des transports et de la mobilité, ARAFER , 16 nov. 2017 (page 28). 109 J-F Verdier, C. Assailly, D. Genet, IDF-CGEDD, Audit des Intercités, juil. 2016 (page 37). 110 Audition de Guillaume Pepy, Assemblée Nationale, LCP, 7 fév. 2018 (miunte 45') 111 Notons que la Catalogne n'est pas « pauvre » : le PIB de la Catalogne est évalué à 27 663 €/hab en 2015 ; PIB Occitanie 26 684 €/hab en 2013. 112 À noter que le covoiturage est bien moins développé en Catalogne qu'en France, probablement à cause des transports en commun bon marché. 113 Foto: Wagon Service Travel.Voir les aménagements dans Voitures spéciales handicapé, ZSSK et Services in Night trains, ZSSK. 114 Éric Béziat, Face aux « cars Macron », la SNCF étoffe son offre de trains à petits prix [La compagnie mise sur les trains Intercités dits « 100 % éco ». A partir du 16 décembre, l’entreprise lancera une liaison entre Paris et Lyon], Le Monde Economie, 25 nov. 2017 ; Florence Guernalec, La SNCF lance Paris-Lyon en Intercités 100% éco, MobiliCités, 22 novembre 2017 115 Mounia Van de Casteele, Comment SNCF Intercités veut prendre des parts de marché à Blablacar, La Tribune, 8 juin 2017 Trains Intercités : les bas prix relancent l'activité, France 2, 9 juin 2017 ; Le trafic des trains Intercités repart à la hausse, AFP, 8 juin 2017 116 Florence Guernalec, Guillaume Pepy (SNCF) confirme qu'il n'y aura pas de hausse de prix des billets TGV en 2017, Mobilicité, 29 juin 2017 ; Lionel Steinmann, Pourquoi la SNCF n'augmente pas ses tarifs cette année, Les Echos, 3 janv. 2017 117 Aviation: 2 to 3 times more damaging to the climate than industry claims, Transport&Environnement, 6 fév. 2018 118 Aviation and shipping — impacts on Europe's environment, European Environnement Agency, fév. 2018 (page 18) 119 Paul Peeters, Tourism and travel make Paris targets unachievable, PhD, TU Delft, 15 nov. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 19 Version 17 mars 2018 des comptes sont trop nombreux et trop subventionnés 120, et sur les compagnies low-cost qui ont souvent un comportement de prédation envers les subventions régionales 121. En contradiction avec la fiscalité carbone, l'aviation bénéficie de kérosène détaxé et de TVA réduite 122. La situation a été caricaturée ainsi : « Prenez l’avion ! Le climat en fait les frais, l’État paie l’addition »123. Une fiscalité accrue – et une baisse des subventions124 – sur l'aviation est donc nécessaire. Elle aura un effet sensible : le carburant est le principal coût d'exploitation. Il représente chez certaines compagnies low-cost 45% des coûts 125. Pour Élisabeth Borne, il faudrait « sur le sujet de taxer le kérosène, [...] porter ces préoccupations au niveau européen ou au niveau mondial pour que tout le monde avance sans désavantager notre transport aérien. »126 Et justement, l'idée avance enfin au niveau européen. 127 Tôt ou tard, l'avion devra cesser d'être bon marché du fait de son impact environnemental et aussi parce qu'il ne correspond pas à un besoin de première nécessité : l'avion sert principalement aux voyages d'affaires ou pour le tourisme. Dans les deux cas, ce n'est pas au contribuable de payer les billets128. Pour l'association Négawatt, « le nombre de voyageurs.km en avion a augmenté de 50 % entre 2000 et 2015, [...] une forme particulière de sobriété s’impose. »129 Les transports aériens ne disparaîtront pas pour autant, mais ils ne pourront en aucun cas bénéficier d'une croissance perpétuelle130. Actuellement, la forte croissance est impulsée par les faibles prix de l'énergie, par les exonérations fiscales et l'absence de prise en compte des externalités environnementales. Ces trois facteurs risquent de se renverser et aboutir à l'explosion d'une bulle de l'aviation après des années de croissance excessive. Les effets sociaux seront d'autant plus graves s'ils ne sont pas anticipés. Par exemple des familles risquent d'être coupées par le manque de mobilité après plusieurs décennies de transport « trop bon marché ». La taxation permettrait de moduler le prix du kérosène et de stabiliser le secteur de manière durable, en anticipant les conditions d'avenir. Pour le gouvernement, c'est important d'envoyer sans attendre un signal clair, pour aider l'aviation à se recentrer là où elle conserve le plus de pertinence, en particulier sur les liaisons intercontinentales. L'EEA a souligné le besoin d' « alternatives plus soutenables, dont les trains de nuit internationaux ».131 Pour le report modal, le train de nuit est une vraie alternative : sur 150 millions de passagers qui prennent l'avion au départ de l'Hexagone, près de 100 millions volent sur des distances relativement courtes (probablement moins de 2000 km) : 25 millions de passagers prennent des vols intérieurs et 75 millions volent à destination de l'UE et la Suisse. 132 Il serait possible de leur proposer une alternative en Intercité de nuit. 4.4/ Des élus sous influence du lobby de l'aviation ? Airbus serait un des lobbys les plus actifs à Bruxelles 133, au point de dicter des décisions de l'Europe134. En France, Madame la Ministre des Transports reprend malheureusement à son compte les 120 Cour des comptes, Les aéroports français face aux mutations du transport aérien, 2008 ; voir aussi Philippe-Michel Thibault et Philippe Bernard, Train - avion, éternels rivaux (documentaire), LCP, 28 juin 2016 121 AFP, « Ryanair placé sous contrôle judiciaire », Le Figaro, 3 fév. 2017 ; Oeil-20h, « Les subventions publiques de Ryanair », France 2, 19 janv. 2017 ; Gaëlle Nicolle, « Ryanair vole avec l’argent du contribuable », Sputnik France, 11 janv. 2017 122 « L’absence de taxe sur le kérozène représente un manque à gagner pour l’État français de 3 milliards d’euros.» Dans Aude Massiot, UE : 112 milliards d'euros de subventions par an pour les énergies fossiles, Libération, 29 sept. 2017 Olivier Mary, « Les avions ne payent pas d’impôts mais polluent un maximum », Reporterre, 11 fév. 2014 123 Amélie Mougey, « Combien coûterait votre billet d’avion sans subvention à la pollution », Terra Eco, 22 juin 2015 124 La réduction des subventions aux Lignes aériennes d'Aménagement du Territoire (LAT) est en cours : Sénat, Transports aériens, 19 nov. 2015, p. 50 ; voir aussi : Observatoire des gaspillages, « Vers la fin des subventions aux aéroports et compagnies low cost ? », 14 oct. 2013 125 Caroline Bruneau, Climat : comment l'aviation civile compte atteindre une croissance neutre en carbone à partir de 2020 alors que le trafic aérien international aura doublé d'ici 2030 et triplé d'ici 2050, Atlantico Green, 15 Mai 2016 126 Audition de Mme Elisabeth Borne, Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Sénat, 20 juil. 2017, minute 12h15' 127 Shift taxes to polluting transport to fix EU budget and tax workers less, leaders told, Transport&Environment, 1er mars 2018 ; Bill Hemmings, To help fix EU budget, end aviation’s tax break, Transport&Environment, 26 fév. 2018 ; 128 Pour un état des lieux des subventions dans l'aviation, voir Stefan Gössling, Frank Fichert and Peter Forsyth, Subsidies in Aviation (review), Sustainability, 9, 1295, 2017. 129 Association NégaWatt, Scénario négaWatt 2017-2050, Dossier de synthèse, janvier 2017 (page 20) ; Lorelei Limousin, Le transport aérien est un ennemi subventionné du climat, Reporterre, 22 juin 2017 ; 130 Voir la Semaine d'Action Globale contre la croissance de l'aviation, oct. 2016 : « Restez sur terre. La croissance de l'aviation est annulée pour cause de changement climatique ». 131 Aviation and shipping — impacts on Europe's environment, European Environnement Agency, 2 fév. 2018 (page 45) ; European Environment Agency highlights night trains as alternative to aviation, back-on-track, 4 fév. 2018 132 Bulletin statistique trafic aérien commercial pour l'année 2016, Direction Générale de l'Aviation Civile, avril 2017 133 Sylvain Morvan, CO2, minerais, frontières: Airbus dicte sa loi à Bruxelles, Mediacités, 9 janv. 2018 ; 134 Emails show Airbus writes aircraft CO2 rules; Commission, France, Germany and Spain complicit, Transport&Environment, 23 nov. 2017 ; Bill Hemmings, Rendre les avions plus propres: qui devrait décider ?, Euractiv, 14 nov. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 20 Version 17 mars 2018 arguments du lobby de l'aviation « Le transport aérien est souvent perçu comme un mode polluant, peu respectueux de l'environnement, qui apporte des nuisances. Je ne suis pas sûre que tout le monde ait en tête que [1] les compagnies aériennes ont baissé de 25% leurs émissions de gaz à effet de serre depuis quinze ans. » [2] Ce secteur a « signé un accord mondial pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. » [3] « Il y a également un enjeu de structurer une filière de biocarburants durables. » [4] « Il est également important de faire connaître les progrès qui vont être réalisés. [...] nous avons donc remis en place un programme, sur cinq ans, de 135 millions d'euros par an, pour soutenir la recherche aéronautique civile. » 135 Après le mythe du « diesel propre »136, qui a maintenu des avantages fiscaux avec l'appui des gouvernements pendant 3 décennies, aujourd'hui ce sont les mythes de l'« aviation propre »137 qui sont relayés par les élus. Explication de texte point par point : (1) Les nouveaux modèles d'avions émettraient 25% de CO2 en moins par passager qu'il a 15 ans. Malheureusement le nombre de passager a augmenté de 50% sur la même période. Au final c'est l' « effet rebond »138 : les émissions montrent une croissance inquiétante : + 8 % dans l'UE en 2016 139. (2) L'aviation échappe à l'accord de Paris sur le climat et négocie séparément un protocole peu contraignant appelé CORSIA140 qui n'oblige pas à réduire les émissions. Il propose de « compenser »141 de manière très controversée une fraction de ces émissions. (3) Les agrocarburants sont eux-aussi controversés : il est difficile de certifier qu'ils n'entrent pas en compétition avec l'alimentation142. Ils sont suspectés d'émettre jusqu'à 3 fois plus de GES que les hydrocarbures fossiles et de favoriser la déforestation 143. Les agrocarburants « nouvelle génération », présentés comme encore plus propres, sont onéreux et nécessitent d'importantes subventions 144. Là aussi, les lobbies amènent à définir des critères non soutenables. 145 (4) Pour gagner du temps, le secteur joue avec le mythe du progrès technique 146 – supposé capable résoudre tous les problèmes –. Brandir d'hypothétiques futures solutions permet de reporter la mise en place de réglementations. Retrouvez plus de détails sur les mythes de l'« aviation propre » en Annexe B/. 4.5/ Réexaminer le bilan écologique de la très Grande Vitesse Pour la Cour des Comptes, « Le coût public de la tonne de carbone évitée est [...] particulièrement élevé pour les LGV »147. Aussi Élisabeth Borne demande que pour les LGV, « on fasse le bilan carbone tenant en compte de la construction de la ligne. […] A mon avis le bilan carbone à coup de béton et d'acier doit être intéressant »148. Désormais SNCF Réseau se propose de réaliser un Bilan Carbone en amont de la construction des Infrastructures149. Par le passé, les chiffres officiels de consommation énergétique ont longtemps été biaisés en faveur des LGV. Ainsi, le bilan ADEME 2013 150 « exclut les phases [...] de construction et entretien des infrastructures »151. Pourtant ces impacts sont significatifs : sur le bilan Carbone de la LGV Rhin-Rhône, « 42 % des émissions générées sur 30 ans correspondent à la phase de construction »152. Et au-delà de 50 ans, le vieillissement des nombreux ouvrages d'arts LGV alourdit le poids de l'entretien. Rappelons aussi que la consommation énergétique et l'usure s'intensifient avec la vitesse. La LGV Tours-Bordeaux a impacté plus de 5000 Ha 153 (plus encore que les 2000 Ha qui auraient été 135 Fabrice Gliszczynski,"La compétitivité du transport aérien français est un enjeu majeur" (Elisabeth Borne), La tribune 2 mars 2018 136 Communiqués de presse, Sortie du diesel, The Greens/EFA, 2018 ; Dieselgate : des ONG appellent le gouvernement à renforcer les normes anti-pollution, Environnement Magazine, 4 oct. 2017 137 Lorène Lavocat, Les fantasmes d’une aviation écologiquement responsable, Reporterre, 15 janv. 2018 ; The illusion of Green Flying, Finance&Trade Watch, nov. 2017 138 Catherine Bernard, L'effet rebond: quand économiser l'énergie nous fait consommer plus, Slate, 1 mars 2013 139 Ending aviation’s tax holiday, Transport&Environment, 7 fév. 2018 140 Is the aviation industry free-riding on climate change efforts ?, France 24, 16 fév. 2018 141 Les ONG environnementales et les scientifiques défient l’Agence suédoise de l’Énergie – « Arrêtez de soutenir de fausses solutions aux changements climatiques en Ouganda », Carbon Market Watch, 23 Sep 2016 142 Pavel Tomanon, Problems with certifying biofuels, say EU Auditors, EurologPort, 22 juil. 2016 143 Britain and Europe must tighten palm oil supply chains to save forests, EU parliament told, The Guardian, 23 fév. 2018 144 Les entreprises Amyris et Neste Oil (à partir d'huiles potentiellement alimentaires) produisent à 3000-8000$ /baril. 145 EU Commission surrenders to United Nations’ ICAO on aviation biofuels, Transport&Environment, 10 nov. 2017 146 Peeters et al., Are technology myths stalling aviation climate policy?, Transportation Research D: Transport and Environment, Vol.44, mai 2016 147 Sophie Fabrégat, Des TGV coûteux, pour des gains environnementaux limités, Actu-environnement.com, 23 octobre 2014 148 Audition de Mme Elisabeth Borne, Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Sénat, 8 nov. 2017 (Minute 1h15') 149 Jean-Marc Jancovici, Patrick Jeantet, Pour un bilan carbone des projets d'infrastructures de transport, Les Echos, 26 déc. 2017 150 Source du graphique présenté Section 2/ : ADEME, Chiffres clés Air, Climat, Energie, 2013 (p. 67). Le bilan du TGV n'y est pas repris. 151 Deloitte, ADEME, Efficacité énergétique et environnementale des modes de transport, 2008, p. 6 152 Réseau Ferré de France (RFF), LGV Rhin-Rhône, le premier Bilan Carbone Ferroviaire Global, 2011. 153 Audition de M. Laurent Cavrois, président de Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique (LISEA), Sénat, 31 janv. 2017 ; Une enquête « Oui au train de nuit » 21 Version 17 mars 2018 affectés par l'aéroport de Notre-Dame des Landes 154). Cet impact environnemental155 génère des oppositions156 qui à leur tour aboutirent à l'annulation de la LGV Poitiers-Limoges 157 et à l'avis défavorable de l'enquête publique sur la LGV Bordeaux-Toulouse-Dax158. Les LGV desservent plusieurs grands aéroports (Roissy, Lyon-Satolas) et facilitent ainsi l'accès aux vols intercontinentaux. Elles génèrent ainsi un trafic aérien induit, en faveur du tourisme en avion, ce qui a un coût carbone important. M. Pepy a bien sûr conscience que le TGV favorise l'aviation : « Quant à la relation entre la ville de Strasbourg et l'aéroport de Francfort [...] c'est pas le rôle de la SNCF de favoriser Francfort par rapport à Charles de Gaule. »159 Au final la mise en service de plusieurs LGV, n'a pas permis de réduire les émissions de l'aviation qui continuent de croître en terme absolu en France. 160 De plus, les gares TGV hors des villes favorisent l'usage de la voiture individuelle. En comparaison les gares en centre ville sont plus facilement accessibles à pied ou en transport en commun. Un bilan comparatif ICN / TGV corrigé aiderait donc à tourner la page du « tout-TGV ». A noter aussi, l'attractivité du TGV décroît au-delà de 700 km donc le potentiel de report modal de l'avion sur le TGV est déjà bien valorisé sur la plupart des liaisons possibles. Par ailleurs le gisement principal reste le report de la voiture sur le rail, puisqu'elle représente 80% des déplacements 161. Pour cela l'IC à 160-200 km/h offre déjà un avantage de vitesse par rapport à la voiture limitée à 130 km/h. 4.6/ L'avenir des transports : hyper-mobilité ou changements de comportement vers la sobriété ? Le démantèlement des ICN s'est fait sur la promesse de grands projets LGV pour le sud de la France162. Parallèlement, les ICN étaient décriés comme un mode « nostalgique ». « Moi, j’ai la nostalgie des trains de nuit ; mais oui, maintenant on est dans un nouveau monde » a déclaré le PDG de la SNCF 163. Vendues comme une « modernité » indispensable, les LGV ont généré une attente. Vu de Toulouse, « avoir le TGV » semble synonyme de déplacements presque « instantanés », assortis d'une croissance économique164... La prétendue obsolescence des ICN participe donc aussi à la fuite en avant en faveur du « tout LGV ». L’État et la SNCF ne sont donc pas seuls en cause : l'Occitanie est la Région qui en a le plus besoin des ICN. Point positif, elle a accepté de cofinancer le retour partiel de l'ICN Paris-Port Bou pour 1,4 M€/an 165. Face aux 150 M€/an que coûte le déficit d'une nouvelle LGV permettant de « gagner une heure » (comme Tours-Bordeaux)166, le différentiel de financement est à souligner. Les Régions financent également les aéroports souvent pour les mêmes liaisons que les trains de nuit. Et l'Occitanie finance, aussi avec la SNCF167 la start-up Hyperloop168 qui lève des fonds en vendant du rêve de vitesse 169. Pour sa part, la Région 154 ACIPA-NDL, Fiche n°11 : Agriculture : emprise, activité, emplois, acipa-ndl.fr, 17 avril 2016 155 Jade Lindgaard, Ligne à Grande Vitesse: le «chantier du siècle» condamné pour pollutions, Mediapart, 7 déc. 2016 156 Julie Gacon, Daniel Ibañez, Jean-Pierre Vial, Sur la route… du Lyon-Turin, France Culture, 20 mai 2017 ; Jacques Monin, Lyon-Turin : le tunnel qui valait 26 milliards, Secrets d’info, France Inter, 3 juin 2017 ; Lyon-Turin, un projet sous tension - Vox Pop - Arte, 9 nov. 2014 ; France 5, Le combat de Daniel Ibanez contre la LGV Lyon-Turin, C Politique, 15 janv. 2017 ; Transversale Sud : diversité de projets, mais quelle utilité ?, Transportrail, fév 2017 ; Guillaume Lamy, À qui profitera la 2e ligne TGV Paris-Lyon ?, Lyon-Capitale, 25 oct. 2012 157 Conseil d’État, Décision contentieuse LGV Poitiers-Limoges, 15 avril 2016. 158 Florence Guernalec, LGV Bordeaux-Toulouse : la déclaration d'utilité publique annulée par un tribunal administratif, Mobilicité, 29 juin 2017 ; Ximun Larre, « Nouveau recours contre la LGV », MediaBask, 1er août 2016 ; AFP, LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax : avis défavorable de la commission d’enquête publique, MobiliCities, 30 mars 2015 ; Conclusions et avis de la commission d’enquête GPSO/LN, 27 mars 2015 ; 159 Audition des Présidents de la SNCF, Commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 9 nov. 2017 (minute 1h12'45'') 160 « Entre 2000 et 2016 [...] la croissance des émissions de CO2 du transport aérien intérieur a été limitée à 7,1% » Lire : Les émissions gazeuses liées au trafic aérien, DGAC, Ministère de l'Ecologie, 4 oct. 2016 161 CGDD, Ministère de l'Environnement, Chiffres clés du transport, 2015 (page 10) 162 Le précédent gouvernement a justifié le désengagement de l’État pour les lignes de nuit en parlant d'« offres alternatives de mobilité de bon niveau, ou qui vont prochainement s'améliorer ». 163 Sarah Lefèvre, Les 8 arguments du PDG de la SNCF pour supprimer les trains de nuit sont bidons, StreetVox, 23 mars 2017 164 Carole Delga : «La grande vitesse, une question de justice territoriale», La Dépêche, 1er août 2017 ; Pour une contrexpertise en video voir : Les projets LGV et le Développement Economique, UVED, 2016 ; 165 Charlotte Coutard, Le train de nuit Cerbère-Paris de nouveau sur les rails les week-ends et pour les vacances scolaires, France Bleu Roussillon, 28 avril 2017 166 Pour Nicolas Hulot, « n'avons pas les moyens, voilà », lire : Lionel Laparade, Mauvaise nouvelle pour Toulouse: « le TGV n'est pas une priorité » selon Nicolas Hulot, La Dépêche, 30 août 2017 ; Marc Fressoz , LGV Bordeaux-Toulouse : un lobbying des élus qui attise celui des opposants, MobiliCités, 7 nov. 2017 167 Rencontre SNCF – Hyperloop, SNCF, 10 nov. 2016 ; 168 Pauline Moullot, Paris-Amsterdam en 30 minutes dès 2021: les fantasmes d'Elon Musk contaminent la presse, 28 juin 2017 ; A noter aussi le management « start-up » très précaire, avec des collaborateurs « payés » en stock-options, et des dirigeants sulfureux : Andres de Léon : «En Espagne, je suis victime d'un règlement de compte politique», La Dépêche, 3 août 2017. Rappelons que le concorde est un mode de transport à plus de 2000 km/h qui a été en service de 1976 à 2003. Cependant aller vite coûte très cher, ce qui rend probable un échec commercial. Construire des tubes sous vide sera vraisemblablement encore beaucoup plus onéreux qu'une LGV... Hyperloop n'est probablement pas viable économiquement, « le modèle économique n'existe pas ». Voir aussi : Eric Vagnier, François Lenglet, Hyperloop : un vrai projet d'avenir ou science-fiction ?, RTL, 4 août 2017. Dans tous les cas, l'activité consiste – d'abord – à communiquer et lever des fonds... en laissant ouvert la possibilité de ne déboucher sur rien. Pour un autre rêve particulièrement énergivore, lire Andrew J. Hawkins, Elon Musk’s idea for commercial rocket travel on Earth would be a logistical nightmare, The Verge, 29 sept. 2017 169 Avec Hyperloop, la Région prend le « train du futur », La Région Occitanie, 24 janv. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 22 Version 17 mars 2018 Aquitaine cherche à financer le projet LGV vers Dax-Toulouse mais refuse de cofinancer l'ICN Paris-Irun 170. Bien des élus rêvent donc à de nombreux projets de transports coûteux et « futuristes » mais négligent le maintient l'existant. Les effets d'annonces sur la mobilité futuriste visent aussi le grand public et un rideau de fumée de l'hypermobilité a envahi les média. Après les nombreux rêves de voitures à énergie libre 171, les « trains » à lévitation sous vide reviennent172, la voiture autonome est présentée comme une révolution 173, et les voitures volantes sont de retour (sans réflexion sur leur bilan environnemental) 174. En parallèle, la France comme l'Europe175 financent fortement l'automobile électrique, qui est coûteuse environnementalement 176 et économiquement177. Pourtant, un investissement pour les modes peu énergivores (comme le vélo et les ICN) donnerait des résultats plus rapides et des changements de comportements plus durables, le tout à moindre coût178. (voir aussi l'Annexe C/ sur la bulle des Start-up). Point positif, le « toujours plus vite » n'est plus autant à la mode. Interrogés sur leurs modes de vie et de mobilité, 82% des français veulent ralentir. Et pour que la société réponde aux défis environnementaux, 60% seraient prêts à abandonner l’automobile personnelle ou l’avion 179. Par ailleurs les prévisions de trafic des Grands Projets s'avèrent souvent surestimés 180. L'ICN se greffe donc sur la tendance montante des transports doux où l'objectif n'est plus la vitesse absolue, mais l'efficacité et la sobriété écologique, avec un certain goût du temps et de la convivialité 181, « dormir ensemble, ça crée des liens ».182 Kurt Bauer, le manager des Intercités de nuit ÖBB explique que « le train de nuit a du charme ; il constitue un art de voyager qu’on ne retrouve ni sur la route, ni sur le train de jour, ni dans les airs. »183. Le rapport Auxiette a montré l'importance de définir « quels sont les temps de parcours qui doivent être garantis afin de rendre le mode ferroviaire attractifs » afin de « sortir du faux débat selon lequel il convient d'aller toujours plus plus vite d'un point à l'autre du territoire. »184 Sortir du « toujours plus vite » est donc une option politique à promouvoir 185, d'autant plus que le temps passé à se déplacer ne s'est pas réduit au cours des dernières décennies : les gains de vitesse se convertissent en réalité en un allongement des distances parcourues.186 L'augmentation de la vitesse ne fait pas « gagner du temps », par contre elle induit des effets indésirables sur l'étalement urbain, ou la désertification des territoires. La création de nouvelles infrastructures crée aussi un appel d'air pour le « trafic induit ». Celui-ci est d'ailleurs réversible quand on ferme les infrastructures, sous la forme d'une « évaporation du trafic »187. Ainsi pour promouvoir le report modal, en évitant le trafic induit et l'artificialisation des sols 188, il serait possible d'imaginer à l'avenir 170 A noter que EELV – qui siège dans la majorité des 2 Régions - s'oppose à la LGV : Jean Lissar, Sophie Bussière, Nelson Palis-Niermann, Décision Modificative et financement de la LGV par la Région Nouvelle Aquitaine, EELV Aquitaine, 23 oct. 2016 171 La voiture à énergie libre de Nicolas Tesla a 78 ans et fini sa vie au fond d’une casse, Energie Libre, 6 janvier 2016 Le recours à la « stratégie de complot » très répandue autour de la « voiture à énergie libre » dénote la difficulté pour de nombreux automobilistes à concevoir leurs déplacements sans la voiture individuelle (par exemple en cas de montée des cours de l'énergie). Une action pédagogique des pouvoirs publics apparaît d'autant plus nécessaire pour promouvoir les déplacements en modes doux et en transports en commun. 172 Pauline Moullot, Paris-Amsterdam en 30 minutes dès 2021: les fantasmes d'Elon Musk contaminent la presse, 28 juin 2017 ; Adrien Bonetto, Innovation : Paris-Moscou en une heure, c'est (bientôt) possible !, Le Point, 21 mai 2014 ; Lara Charmeil, L'Hyperloop, ce train qui mettrait "Paris à 35 minutes de Marseille", WeDemain, 29 Juin 2015 ; le Swissmetro était déjà un projet semblable, ce fut un échec. 173 Karl Rettino-Parazelli, La révolution de la voiture autonome passe par le partage, Ledevoir, 25 juillet 2017 174 Elsa Trujillo, Uber met le cap sur les voitures volantes, 28 juin 2017 175 Ministère de l’Environnement, Stratégie de développement de la mobilité propre, document préparatoire, juin 2016 Commission Européenne, Une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d'émissions, 20 juil. 2016 176 « the production of hundreds of millions of battery packs requires a lot of energy and plenty of scarce resources, which affects the real impact of electric vehicles on the climate », dans Battery-powered electric vehicles: market development and lifecycle emissions, Research for TRAN Committee, Parlement Européen, fév. 2018 ; Voir aussi Marine Ernoult, Métaux rares : «Un véhicule électrique génère presque autant de carbone qu’un diesel», Liberation,1 fév. 2018 ; Sous la pression des lobby les évaluation varient : Aude Massiot, Finalement, la voiture électrique deux à trois fois moins émettrice que les véhicules essence et diesel, Libération, 7 fév. 2018... mais l'impact environnemental reste important. 177 Autolib' a perdu 5% d'abonnés en un an, MobiliCités, 14 nov. 2017 ; Interview de Eric Vidalenc, Transport du futur : “La voiture pour tous, c’est fini”, Nom de Zeus, 2017 178 Tim Burns, Swapping cars for bikes, not diesel for electric, is the best route to clean air, The Guardian, 31 Juil. 2017 ; Le développement des énergies renouvelables implique toujours plus d’activité minière, souligne la Banque mondiale, Reporterre, 31 juil. 2017 ; Brice Pedroletti, Au Tibet, la plaie ouverte des mines de lithium, Le Monde, 14 août 2017 ; L’essor des énergies vertes provoquera l’explosion de la demande de minéraux et de métaux, Agefi.fr, 26 juil. 2017 179 Modes de vie & mobilité, les grands résultats en chiffres, Forum Vies Mobiles, L'Observatoire Société et Consommation, 2015 ;John O Neill, Pourquoi ne prenez-vous plus l’avion ?, Reporterre, 22 nov. 2017 180 Quelle mobilité dans le futur ? les prévisions du trafic, Video, UVED, 2016 181 Entreprises innovantes du slow tourisme, Direction Générale des Entreprise, 2017 182 Axel Roux, « Le crépuscule des trains de nuit », Le Journal du Dimanche, 7 août 2016 183 Vincent Doumayrou, Comment les autrichiens esquissent l'avenir du train de nuit, Blog.mediapart, 18 nov. 2017 184 Jacques Auxiette, Un nouveau destin pour le service public ferroviaire français : les propositions des Régions, avril 2013 185 Interview de Yves Crozet dans Et si on mettait la pédale douce sur l'hyper-mobilité ?, Les Clés de demain - Le Monde, 23 oct. 2017 ; Olivier Razemon, NDDL, LGV, 80 km/h : moins vite, plus proche, blog.Le Monde, 17 janvier 2018 ; Changer les comportements, faire évoluer les pratiques sociales vers plus de durabilité, ADEME, sept. 2016 186 L'évolution des modes de vie accroît le temps passé à se déplacer, Institut d'Aménagement Urbaniste - IDF, mars 2016 187 Hélène Maquet, Une solution étonnante mais efficace pour diminuer le trafic sur nos routes, RTBF, 30 janv. 2017 ; Jean-Gabriel Bontinck, A l’étranger, l’évaporation du trafic est une réalité, Le Parisien, 22 fév. 2017 188 Arnaud Garrigues, Artificialisation des sols : Nicolas Hulot lance un appel aux élus locaux, La Gazette des communes, 3 oct. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 23 Version 17 mars 2018 au lieu de construire une LGV en site propre - de déconstruire par exemple une voie d'autoroute pour utiliser l'emprise sous la forme d'une Ligne Nouvelle ferroviaire. 4.7/ Des autocars là où le train est manquant Le bilan environnemental de l'autocar est meilleur que celui de l'avion, de l'automobile ou d'un train vide189. L'autocar est plutôt bien accueilli par les jeunes générations 190, car il permet de se passer de la voiture individuelle. Cependant le bilan écologique d'un train bien rempli peut se révéler encore meilleur que celui de l'autocar191. Le train peut aussi être plus rapide (l'IC peut circuler jusqu'à 160 km/h, voire 200-220 km/h s'il est modernisé, alors que l'autocar restera limité à 100km/h même sur autoroute), plus ponctuel (il permet d'éviter les bouchons aux heures de pointe et de départs en vacances), plus intermodal (il permet le transport des vélos), plus sûr (moins d'accidents) 192 et surtout plus confortable (il est difficile de lire ou de travailler dans un bus, où le temps passé y est donc plus réellement « perdu »). Par ailleurs les compagnies d'autobus sont accusées de léser les droits des usagers193. Pour les très longues distances, le car est inconfortable. Seuls 3% des voyages en autocar font plus de 750 km194, 50% des voyages font moins de 250 km. Lors d’un voyage long (6 heures ou plus), le « syndrome de la classe éco » existe aussi bien en avion que dans les autocars : le voyageur est immobilisé en position assise pendant plusieurs heures, ce qui ralentit le retour veineux dans les jambes et augmente le risque de thrombose veineuse195. 4.8/ Le potentiel respectif des Intercités de jour et de nuit Les ICJ couvrent généralement des trajets plus courts que les ICN. Cependant, certains ICJ font ou ont fait par le passé le même parcours que les ICN, par exemple Paris-Perpignan-Port Bou. Dans ce cas précis, la fréquentation de l'ICN était plus importante que celle de l'ICJ : encore existant en 2015 cet ICJ a transporté 86 985 voyageurs (parfois sur des distances plus courtes), pendant que l'ICN en transportait 144 061, soit 65% en plus. Cela montre que pour les très longues distances (supérieures à 600 km) et des temps de trajets supérieurs à 5h-6h, l'ICN est plus attractif que l'ICJ. L'idéal est bien sûr de disposer des deux types d'Intercités afin de mieux couvrir les plages horaires quotidiennes. 5. Comment financer le redéployement des ICN ? 5.1/ Un mode sobre en financements publiques : comparaison par mode A peu près tous les trains et tous les modes de transports représentent un coût pour la collectivité. Ils sont en ce sens « déficitaires ». Ils restent cependant nécessaires pour l'attractivité du territoire. L'objectif premier d'un mode de transport n'est pas sa rentabilité directe. François Hollande justifiait ainsi l'investissement déficitaire d'1 Md€ (milliard d'euros) pour la LGV Poitiers-Limoges : « Si on fait une infrastructure, ce n'est pas toujours pour qu'elle soit rentable financièrement. C'est aussi parce qu'elle obéit à une logique d'aménagement du territoire »196. Il reste à comparer les coûts par mode : ✗ Les routes sans péage sont financées par l'impôt général. Elles coûtent 16 Md€/an au contribuable197 (soit 275 Md€ pour la période 1990 – 2015 198), sans que l'automobiliste qui les emprunte ne paye son billet pour avancer vers leur équilibre budgétaire. Par ailleurs de nombreux coûts sont externalisés : la voiture contribue fortement au changement climatique199, elle induit une pollution de l'air200, et des milliers de morts annuels sur la route. Selon les estimations officielles, « l’insécurité routière a coûté 50 Md€ en 2016, soit 2,2 % du PIB »201 Au final l'ensemble des subventions accordées à la SNCF 189 190 191 192 193 Voir aussi : CEREMA, Pertinence des modes fer et route pour des dessertes régionales, 2014, p. 23 Analyse du marché libéralisé des services interurbains par autocar, Bilan du 4ème trimestre 2016, ARAFER, mars 2017, p. 13 Vincent Doumayrou, Le Bilan carbone du train (n’en parlez pas à François Hollande), Carfree.fr, 10 sept. 2015 Le bus glisse sur la chaussée verglacée à Marcenat (Cantal) : un homme légèrement blessé, La Montagne, 28 nov. 2017 Cars Macron L'UFC-Que Choisir assigne OUIBUS et FLIXBUS, Que Choisir, 12 déc. 2017 Ce que UFC-Que Choisir reproche à Ouibus et Flixbus, Le Figaro, 14 déc. 2017 194 Les pratiques de mobilité des voyageurs sur les lignes régulières d’autocar librement organisées, ARAFER, janv. 2018 195 Le syndrome de la classe économique, Europ Assistance 196 Sans nom, François Hollande relance le projet de LGV Poitiers-Limoges, Sud-Ouest, 8 oct. 2016. 197 Union des Syndicats de l’Industrie Routière Française, L'état de la route 2016 198 Jean Michel Gradt, Rail, routes, autoroutes : retour sur 25 ans d'investissement, Les Echos, 9 janv. 2017 ; CGDD, Ministère de l'Environnement, Les infrastructures linéaires de transport : évolutions depuis 25 ans, déc. 2016 ; voir aussi le comparateur européen. 199 Vidéo sur l'impact de l'automobile : #DATAGUEULE 65, Ne voiture rien venir ?, Vidéo, 21 nov. 2016 200 Leila Aïchi, Pollution de l’air : le coût de l’inaction, Sénat, 15 juil. 2015 ; Réseau Action Climat-France, Transports et pollutions, une feuille de route pour mieux respirer, janv. 2017 ; Stéphane Mandard, La pollution, responsable de 9 millions de morts dans le monde par an? Le Monde, 20 oct. 2017 ; Dieselgate : vers un scandale de santé publique ?, France 2, 18 sept. 2017 ; Voir aussi la toxicité de routes pour les ouvriers du BTP dans Lorena Galliot, « Après l'amiante, le bitume bientôt interdit ? », France 24, 17 juin 2010 ; 201 Réduire la vitesse de 90 à 80 km/h sur les routes pour sauver des vies, Le Monde, 28 déc. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 24 Version 17 mars 2018 coûteraient moins cher que les seuls accidents de la route !202 ✗ Une étude internationale a montré que la seule LGV rentable en France serait la LGV Paris-Lyon – construite plus modestement pour une vitesse maximale de 270 km/h 203. Pour sa part, la SNCF reconnaît que sur 180 lignes TGV, 80 à 100 sont déficitaires204. En réalité, les TGV payent des péages très élevés mais pourtant insuffisants pour rembourser la totalité des coûts de construction des LGV. La LGV Tours-Bordeaux a coûté 8 Md€ et risque de générer un déficit de 150 à 200 M€/an (millions d'euros par an)205. La LGV Rhin-Rhône perd 60 M€/an 206. La faillite de la LGV Perpignan-Figueras a coûté 450 M€ au contribuable207. Les externalités à prendre en compte à l'avenir dans le coût des transports 208 ✗ Le train de nuit Paris-Tarbes-Irun a été supprimé le 1er juillet 2017. En parallèle l'aéroport de Tarbes a enregistré une croissance record de +30% vers Paris 209. Au final, Air France demande une subvention de 3,5 M€/an pour la seule liaison Paris-Tarbes 210. A Aurillac le train de nuit a existé et serait toujours pertinent. Mais il ne circulait plus en 2015, quand chacun des 26 500 passagers de l'avion a coûté plus de 105 € à l’État et aux collectivités locales 211. Aujourd'hui, Mme Borne souhaite favoriser... l'avion : « Je veux réaffirmer le rôle du transport aérien dans l'aménagement du territoire. [...] Le cas d'Aurillac est un bon exemple. [...] S'il n'y avait pas de liaisons aériennes d'aménagement du territoire pour Aurillac, ce serait absolument dramatique pour le maintien des entreprises qui y sont implantées. […] avec quelques millions 202 Olivier Razemon, La SNCF coûte moins cher que les accidents de la route, Blog.Le Monde, 4 mars 2018 203 Jean-Michel Gradt, « TGV : seules les lignes Paris-Lyon et Tokyo-Osaka seraient rentables », Les Echos, 27 mars 2015 204 Fabrice Gliszczynski, « Pourquoi le TGV fait plonger la SNCF dans le rouge », La Tribune, 13 fév. 2014 205 Philippe Jacqué, « La ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, un jackpot pour Vinci ? », Le Monde Economie, 13 mars 2017 ; ATTAC France, « LGV Tours-Bordeaux : Vinci nous roule à grande vitesse ! », 1er mars 2017 206 Serge Grass, « TGV Rhin-Rhône : un scandale financier et démocratique », Contribuables associés, 11 mai 2015 207 L.C., « Le gouvernement espagnol vote la reprise du tronçon ferroviaire Figueres-Perpignan par la France et l'Espagne », L'indépendant, 16 déc. 2016 208 Ensemble pour le fer, CGT cheminots, 7 mars 2018 (page 4) 209 Aéroport Tarbes Lourdes Pyrénées : Record de croissance en Juillet, Aéroport Tarbes-Lourdes-Pyrénées, 16 aout 2017 ; Andy Barrejot, Aéroport Tarbes Lourdes Pyrénées : record de croissance en juillet, La Dépêche, 17 août 2017 210 Le maire de Tarbes dénonce les prétentions d'Air France, La Dépêche, 18 janv. 2018 211 Isabelle Morisque, « La grande misère des petits aéroports régionaux », L'Express, 10 nov. 2016 Une enquête « Oui au train de nuit » 25 Version 17 mars 2018 d'euros par an, on peut assurer la connectivité de ces villes » 212. Mais l'avion est-il vraiment moins cher que le train de nuit pour desservir les villes moyennes ? On note au passage une ségrégation dans les modes de transports : les pouvoirs publics souhaitent financer l'avion qui serait « pour les entreprises ». Par contre elles refusent de financer le train de nuit qui reste très populaire. Les choix de transports longue distance tourné vers l'aérien pour les villes moyennes risquent amener à une certaine fracture sociale. En comparaison, le « déficit supposé » des ICN est modeste : il a été (sur-)estimé à environ 10 M€/an par ligne. Et chaque ligne Intercité dessert plusieurs villes moyennes. Le total pour les 8 lignes de nuit existantes en 2015 est évalué entre 75 et 90 M€/an selon les estimations. Le financement de ce réseau pendant un siècle coûterait moins cher que le seul projet de LGV Bordeaux-Toulouse-Dax chiffré entre 9,5 et 12 Md€, auquel il faut ajouter les dépassements de coût de chantier (ordinairement +40%) et un déficit annuel probablement élevé. Accusé de « déficit », l'ICN serait donc paradoxalement un des rares modes de transport potentiellement sobre en financement public. Il se pourrait même qu'lCN soit l'option la moins coûteuse pour le contribuable, le voyageur et le climat ! Parallèlement, la Cour des comptes souligne la nouvelle place que peuvent occuper les IC : « Après des décennies de repli, [...] sur certaines destinations de longue distance, ils peuvent devenir une alternative financièrement intéressante au TGV pour une clientèle plus sensible au prix qu’à la vitesse. »213 Ce qui est déjà devenu une réalité pour les ICJ214, reste à concrétiser pour les ICN. 5.2/ Le groupe SNCF assigne-t-il des surcoûts à l'activité ICN ? ✗ La Cour des comptes relève que les fortes augmentations du déficit des IC « s’expliquent pour l’essentiel par une modification du barème des péages versés par les trains Intercités à RFF. Elles font suite à un avis de l’[Arafer] qui a abouti à aligner leurs péages sur le niveau le plus élevé acquitté par les TGV. » Plus récemment, SNCF a souhaité augmenter fortement les péages sur les lignes classiques parallèles aux 2 nouvelles LGV inaugurées en 2017. « L’objectif visé serait, selon SNCF Réseau, d’éviter un report du trafic TGV sur la ligne classique parallèle, en réduisant l’écart tarifaire avec la LGV.»215 Il s'agit de réduire la concurrence des trains moins rapides. Une majorité des voyageurs risque en effet de préférer des billets moins chers plutôt que de « gagner une heure ». Dans le même temps l'équilibre économique des nouvelles LGV reste introuvable216. Cette augmentation des péages a toutefois suscité l'opposition de l'Arafer. Cela étant, pendant les travaux sur la ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse), les ICN vers l'Occitanie devront emprunter la ligne classique Paris-Bordeaux, donc payer des péages plus élevés pour un temps de trajet plus long... ✗ Constatant « l'organisation très complexe » de la comptabilité SNCF, l'Audit des Intercités s'est interrogé sur l’importance des « charges de gares ou de péage, du niveau élevé de la rémunération du capital et du mode de calcul des charges de distribution »217. En résumé, « Intercités est un client captif des autres filiales du groupe ». ✗ Face à cette somme d'interrogations l'Audit Intercités a saisi le régulateur Arafer qui a confirmé l'analyse : « l’Arafer demande à SNCF Mobilités de revoir ses règles de séparation comptable »218. Cette demande a ensuite été homologuée par l’État. 219 Reformulons quelques interrogations : des surcoûts sont-ils facturés aux TER220 et aux IC afin de financer le déficit de l'activité TGV ? Combien les IC payent pour les charges de la dette SNCF ? Notons que la dette est due pour bonne partie aux constructions de LGV221 qui ne bénéficient pas aux IC. Contrairement aux idées reçues, serait-ce le TER et l'IC qui financent 212 Fabrice Gliszczynski,"La compétitivité du transport aérien français est un enjeu majeur" (Elisabeth Borne), La tribune 2 mars 2018 213 Cour des comptes, Les trains Intercités : sortir de l’indécision, fév. 2015, p. 249 214 Simon Barthélémy, Les trains à moins grande vitesse font le plein au départ de Bordeaux, Rue89 Bordeaux, 17 juil. 2017 Philippe Bonnet, « Paris-Bordeaux en Corail : moins vite, mais moins cher », La Nouvelle République, 5 avr. 2015 215 Avis n° 2016-012 relatif à la fixation des redevances d’infrastructures du réseau ferré pour 2017, ARAFER, 10 fév. 2016 (art 37-45. page 8-9) : « SNCF Réseau propose que la redevance de réservation de la ligne classique parallèle à la LGV BPL passe de 3,570€/s-km à 5,782€/s-km pour les circulations de trains aptes à la grande vitesse empruntant cette ligne, les autres trains étant facturés 1,272 €/s-km. L’objectif visé serait, selon SNCF Réseau, d’éviter un report du trafic TAGV sur la ligne classique parallèle, en réduisant l’écart tarifaire avec la LGV BPL. » (Les art. 44-45 dressent la même analyse pour la LGV SEA). 216 La Vie du Rail, Tours – Bordeaux. Stupeur et financement, Rail Passion, 29 avril 2015 ; Jean-Yves Guerin, Tensions sur la LGV Tours-Bordeaux, le Figaro économie, 4 déc. 2015 ; Pierre Recarte, « LGV : La faillite comme modèle de financement ? », Enbata, 13 mars 2017 217 J-F Verdier, C. Assailly, D. Genet, IDF-CGEDD, Audit des Intercités, juil. 2016, p. 23-25 ; voir aussi la page synthèse, op. cit. 218 Marc Fressoz, « L'ARAFER contraint SNCF Mobilités à clarifier ses comptes », MobiliCités, 25 janv. 2017. Voir aussi : ARAFER, « séparation comptable » ; ARAFER, L’Arafer ne valide pas les péages 2018 de SNCF Réseau, 8 fév 2017 219 Séparation comptable des activités ferroviaires: le gouvernement homologue la décision de l’Arafer Ferroviaire, ARAFER, 12 déc. 2017 220 Ainsi la SNCF déclare à toutes les Régions qu'elle perd de l'argent avec leur TER... et pourtant au niveau national l'activité TER génère des bénéfices. Florence Guernalec, « Guillaume Pepy (SNCF) : "Pour les TER, nous devons vendre moins cher aux Régions" », Mobilicites, 23 août 2016 ; François Tonneau, « Guillaume Pépy admet que, sur les TER, la SNCF est "très très loin du compte" », La Provence, 30 janv. 2016 221 Julie de la Brosse, « SNCF: la spirale infernale de la dette du rail », L'Express, 2 juin 2016 Une enquête « Oui au train de nuit » 26 Version 17 mars 2018 le TGV via les fortes subventions demandées par la SNCF aux Régions 222 et à l’État ? 5.3/ Les besoins de financements pour renouveler les voitures ICN En 2018 les voitures Intercités de nuit nuit ont besoin d'être renouvellées. La Cour des comptes a souligné le grand âge des rames, fabriquées autour des années 1980. Elle rappelle aussi « leur robustesse reconnue et un niveau de confort qui reste apprécié. […] Le maintien de ce service [8 lignes de nuit] nécessiterait la rénovation de 300 voitures d’ici 2018. [...] Le coût en est évalué par la SNCF à environ 120 M€. »223 Le gouvernement sortant avait validé la rénovation de 60 à 100 voitures pour 2018 224 sur les 300 circulant en 2015.225 Les autres voitures seraient radiées et détruites. « La nouvelle convention d’exploitation des TET 2016-2020 signée par l’État et SNCF Mobilités prévoit de consacrer environ 165 M€ sur cinq ans pour assurer le maintien en condition opérationnelle du matériel roulant existant jusqu’à son renouvellement et pour rénover les matériels des lignes de nuit conservées par l’État. »226. La SNCF évalue désormais à 30 M€ le coût du renouvellement pour chaque ligne ICN. Les locomotives, en fin de vie, ne seraient pas rénovées. Il y aurait pourtant besoin de nouvelles locomotives capables de rouler aussi sur les lignes non électrifiées (bi-modes, hybrides ou hydrogène ?) . La rénovation des voitures prendrait 2 ans et permettrait de prolonger le matériel sur la période 2020-2030. 227 En plus de l'effort de rénovation, l'État gagnera aussi à commander dès aujourd'hui des nouvelles rames de nuit, en vue de pérenniser le service au-delà de 2025-2030. Construire de nouvelles voitures pourrait coûter environ 2,5 M€ par voiture-lits, 1,7 M€ par voiture couchettes,1,6 M€ par voiture sièges inclinable, et 0,25 M€ par voiture auto-train (pour des modèles sur un niveau, de longueur 26,4 m) 228. La nouvelle flotte britannique luxueuse du Caledonian Sleeper 229, entant en circulation en 2018230, coûte 2,5 M€ par voiture231. Elle est construite par l'entreprise espagnole CAF, également présente en Occitanie. L'autre constructeur espagnol, Talgo, produit des trains de nuit à écartement variable ce qui permet le franchissement des frontières espagnoles et russes 232. Alstom pour sa part, ne produit pas de train de nuit en France, mais collabore avec le constructeur russe TransMashHolding (TMH) qui en produit 233. Une autre solution temporaire serait de louer du matériel roulant, par exemple aux chemins de fer russe (RZD)234. Cependant le parc européen étant en réduction, cette solution reste peu pérenne. Maintenir les deux lignes existantes ne demande que quelques dizaines de millions. Relancer un réseau cohérent d'ICN avec 12 lignes (soit l'existant en 2013) représente un investissement de 200 à 360 M€ en rénovant les voitures, ou 800 M€ pour du matériel entièrement neuf. Créer un très beau réseau pourrait demander 1 Md€ sur la décennie 2020 en utilisant du matériel rénové et du neuf. Le coût est conséquent et c'est probablement l'une des véritables raisons de suppression du service. Cependant ce coût découle avant tout au manque d'investissements pendant 40 ans : on rattrape le retard en une seule fois. De plus il est à comparer avec d'autres coûts du ferroviaire : • Il est inférieur à une portion de LGV : 40 km d'un projet LGV comme GPSO coûte 1 Md€. • L’État a commandé 15 TGV surnuméraires – dont la SNCF ne voulait pas – pour la somme de 420 M€. Il a pour cela prélevé la somme sur le budget initialement assigné aux Intercités 235. • L’État consacre 3,5 Md€ pour remplacer les voitures corail de jour par du matériel neuf 236. Pourtant les voitures Corails sont de très bonne qualité et pourraient – au moins en partie - être prolongées 222 Benoît Lasserre, Quand la SNCF réclame de l’argent aux régions : l’exemple de la Nouvelle-Aquitaine, Sud Ouest, 28 fév. 2018 223 Cour des comptes, Les trains Intercités : sortir de l’indécision, fév. 2015, p. 243, 244, 247 224 La SNCF rêve de nouveaux services pour ses trains de nuit, Ville Rail&Transports, lettre confidentielle n°157, 10 avril 2017 ; L’État n'a pas prévu de matériel roulant pour les pics de fréquentation saisonniers. Lire : Hautes-Alpes : les députés font leurs doléances au Ministère des Transports, Alpes 1, 15 Septembre 2017. 225 Notons que le parc est en réduction depuis longtemps : en plus des voitures plus âgées, 475 voitures couchettes corail ont été fabriquées pour la SNCF entre 1976 et 1987. Voir :Voitures couchettes sur wikipédia. 226 Fabienne Keller, note sur le projet de loi de finances pour 2018, Sénat, 22 nov. 2017 Les 165 M€ ne sont donc pas intégralement destinés aux ICN. 227 Notons que les voitures Corail ne sont plus aux normes européennes et roulent par dérogation. 228 Pour 40M€, ÖBB a racheté 42 voitures-lits et 15 voitures couchettes à la DB, et a rénové son parc de voiture siège inclinables. Voir Plus de trains de nuit pour les ÖBB, Rail Passion, 19 déc. 2016 229 Maev Kennedy, Caledonian Sleeper gets double beds and a new look in £150m revamp, The Guardian, 30 août 2017 230 CAF coaches to enter service with Caledonian Sleeper in October, Railway Gazette, 16 janv. 2018 231 Soit 187,5 M€ pour 75 voitures réparties pour quatre trains de 16 voitures : 30 voitures-lits, 11 voitures avec sièges entièrement inclinables, 11 voitures avec sièges normaux, 11 voitures-restaurant et 12 voitures «hybrides». 232 Gauge-changing trains ordered for Moscow – Berlin, Railwaygazette, 20 Juin 2011 233 Question du député Sébastien Cazenove sur le matériel train de nuit, Audition du PDG d'Alstom, Assemblée Nationale, 13 oct. 2017 ; voir aussi Alstom porte à 33% sa participation dans Transmashholding, Alstom, 29 déc. 2015 ; 234 La Russie livrera 20 wagons à la SNCF, TASS, RBTH, 20 fév. 2016 235 En 2017, 24 rames TGV sont mises au rebut au lieu d'être rénovées, dans l'objectif de fournir 420 M€ de nouvelles commandes à Alstom, pour 15 TGV. Lire : Lionel Steinmann, L’Etat transfère à la SNCF la commande des 15 TGV à Alstom, Les Echos, 15 février 2017 ; Marc Carémantrant, Rebondissement dans l’affaire des TGV d’Alstom, Rail Passion, 3 mai 2017 236 AFP, France: l'ensemble des trains Intercités renouvelés d'ici 2025, La Croix, 12 janv. 2017 ; Une enquête « Oui au train de nuit » 27 Version 17 mars 2018 jusqu'en 2030. • M. Pepy a annoncé que « pour le RER il y a 10 Md€ de matériel neuf qui va arriver d'ici 2023 ».237 5.4/ Besoins de financements pour le fonctionnement des ICN Pour le fonctionnement, la SNCF a chiffré en 2017 à 10 M€/an le coût pour relancer une ligne ICN nouvelle. Cette facture pourrait à l'avenir se réduire : pour la relance du Paris-Port Bou, la Région Occitanie a pu contester le devis SNCF. Dénoncer les surcoûts et améliorer la qualité de service permettrait de s'approcher de l'autofinancement. Ainsi, jusqu'en 2011, le Paris-Irun s'autofinançait 238. Récemment, les entreprises publiques ÖBB (en Autriche et Europe centrale) 239 et SJ (en Suède)240 ont annoncé que leurs ICN fonctionnaient à l'équilibre. Les contraintes budgétaires actuelles impliquent, pour les nouveaux investissements, de mettre en évidence des économies réalisées ailleurs ou de nouvelles sources de financement. De nombreuses perspectives se concrétisent. 5.5/ Pour financer, donner de l'ampleur à la fiscalité écologique La fiscalité écologique est un grand chantier qui permettra de renchérir les modes énergivores et libérer d'importantes ressources budgétaires. Elle se met progressivement en place en Europe 241. La France, classée 19ème sur 28 dans l'UE, cherche à rattraper son retard 242. Le Ministre de l’Écologie a d'ores et déjà annoncé une augmentation plus importante que prévue du prix de la tonne carbone, de manière à ce qu'il dépasse les 100 € en 2030. Ces augmentations progressives sont nécessaires pour inclure les coûts environnementaux de la route et de l'aviation. Elles permettront de sortir de l'anomalie tarifaire afin que les transports en commun terrestres apparaissent clairement moins onéreux que la voiture individuelle et l'avion243. Réduire la TVA sur les transports en commun (actuellement à 10%) aiderait également à cet objectif 244. Pour l'instant le gouvernement s'y refuse 245. Les taxes sur le FRET routier sont un autre chantier en cours246. 5.6/ Proposition de taxe sur l'aviation L'aviation bénéficie de 2,8 Md€ par an d'exemptions de taxes de carburant 247. A cela s'ajoutent 10 Md€ d'aides pour les lignes aériennes et les aéroports français entre 2000 et 2013. 248 Au total le manque à gagner pour l’État a été évalué à 3,8 Md€/an pour la France249. Plusieurs décideurs européens recommandent une taxe sur le kérosène, une TVA sur l'aviation et une taxe carbone qui rapporteraient respectivement 9,5 Md€/an, 19 Md€/an et 26 Md€/an soit un total de 52,5 Md€/an 250 pour le budget européen.251 Pour des raisons administratives, il peut s'avérer difficile de taxer le kérosène. Il peut s'avérer plus aisé de proposer une taxe "climat" sur les billets au départ de la France (en exemptant les correspondances), sur le modèle de la taxe de solidarité sur les billets d'avion. 252 Une taxe sur les billets d'avion de 10 € en 2018 et qui augmente jusqu'à atteindre progressivement 30 € par billet d'avion en 2030 serait d'un effet comparable à une taxe carbone de 100-130€/T de CO2 (Un vol de 700 km émet environ 200 Kg de CO2 par passager). Cette taxe fixe indépendante de la distance aurait l'avantage de décourager en particulier les vols courte-distance (inférieurs à 1000 ou 2000km) et de favoriser l'émergence 237 Audition des Présidents de la SNCF, Commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 9 nov. 2017 (minute 26') 238 Juan-Carlos DÍEZ, La Palombe Bleue, un train d’avenir à maintenir, déc. 2016, disponible sur : ouiautraindenuit.wordpress.com 239 [ALLEMAGNE] La reprise des trains de nuit par ÖBB est un succès, T. Wüpper, Stuttgarter Zeitung, 6 juin 2017 240 Vincent Doumayrou, Le pays où le trafic des trains de nuit augmente, 2015 ; The Greens, Revitalising European Night Train and EC-IC services (vidéo), Parlement Européen, 1er juil. 2015 (à partir de la 42ème minute). 241 Fiscalité carbone, Ministère de l’Environnement, 9 janv. 2017 ; « Contribution climat énergie: l'Assemblée prévoit une trajectoire de prix de la tonne CO2 jusqu'en 2019 », Le Revenu, 2 déc. 2015 ; voir également : Taxe Carbone sur Wikipédia ; Elodie Guéguen, Le scandale de l'écotaxe : enquête sur un échec à 10 milliards d'euros, France Info, Radio France, 26 mai 2017 . 242 Albane Canto, Nicolas Hulot relance des travaux sur la fiscalité écologique, Actu Environnement, 14 fév. 2018 243 Ce qui est déjà spontanéement le cas dans les pays où les ressources sont limitées. 244 Lionel Steinmann, L'exécutif envisage une baisse de la TVA dans les transports publics, Les Echos, 17 juil. 2015 245 Florence Guernalec, Le Sénat échoue à ramener la TVA à 5,5% dans les transports du quotidien, MobiliCités, 28 nov. 2017 246 Les régions réclament le droit d’instaurer une écotaxe,Ville Rail&Transport, 15 Nov 2017 247 Cour des comptes, L’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, nov. 2016, page 25 ; Even VALLERIE, pourquoi le kérosène est-il complètement détaxé ?, Ouest France, 18 janv. 2018 248 Jasper Faber, Dagmar Nelissen, Tax exemptions and reductions for domestic commercial air passenger transport in France, CE Delft, juin 2015 ; Mathilde Gracia, « Quelles sont les véritables émissions de CO2 du trafic aérien ? », Le Monde.fr, 18 juin 2015 249 Shift taxes to polluting transport to fix EU budget and tax workers less, leaders told, Transport&Environnement, 1er mars 2018 250 Enrico Letta, Pascal Lamy and Hans Eichel urge European leaders to use a green tax shift to fix the EU budget, Transport&Environment, 22 fév. 2018 ; How the undertaxed, polluting aviation sector can help fix the EU budget. Taxing climate-intensive transport would encourage smarter transport behaviour, 26 fév. 2018 251 Shift taxes to polluting transport to fix EU budget and tax workers less, leaders told, Transport & Environment, 1er mars 2018 252 La taxe de solidarité sur les billets d'avion – « taxe Chirac » a été mise en place et promue au niveau international par la France. Une enquête « Oui au train de nuit » 28 Version 17 mars 2018 de solutions par le rail, en particulier avec les Intercités de nuit. 5.7/ Désinvestir les activités polluantes La Cour des Comptes a chiffré que « le total des dépenses fiscales défavorables au développement durable s’élève à 13 Md€ en 2015 », alors que les « dépenses fiscales favorables à l’environnement en baisse sur la période » passent en dessous de la barre 5 Md€ 253. Le secrétaire général de l’ONU demande l'arrêt des investissements en faveur des énergies fossiles, en rappelant qu'au niveau mondial, « en 2016, un montant estimé à 825 Md$ a été investi dans les énergies fossiles et les secteurs générant des émissions élevées »254. Cette orientation commence a être suivit d'effet 255, et en particulier par la France 256. Reporter un fraction de ces investissements sur les ICN c'est investir dans un gisement d'économies d'énergie qui est vertueux environnementalement. SNCF Réseau est déjà un leader mondial des « obligations vertes » fondées sur le report modal257. C'est un moyen d'attirer des financements avantageux. 5.8/ Recentrer les investissements SNCF sur le territoire national et sur le rail M. Pepy rappelle que « La SNCF a investi en 2016 9Md€ [...] sur ces 9 Md€ il y a 85% qui va au ferroviaire. »258. Cela fait 1,35 Md€/an investi hors du ferroviaire. Par ailleurs, les priorités d'investissement de la SNCF sont à l'international 259 avec pour objectif « 50% de l'activité à l'étranger d'ici 2022 »260. M. Pepy tempère que « 85% de nos investissements sont faits en France »261. Mais ce chiffre est-il faible ? Dans tous les cas, là aussi cela fait plus d'un milliard par an investi à l'étranger. La CGT diagnostique d'ailleurs que « l'activité ferroviaire publique française est appelée à devenir minoritaire. » Parallèlement, du fait des nombreux conflits cheminots-direction, bien des cadres supérieurs SNCF voient leur avenir, et celui de l'entreprise, dans les filiales non ferroviaires et/ou à l'étranger. S'il n'y a pas suffisamment de financements disponibles, c'est à l’État de donner les priorités pour assurer en premier lieu l'aménagement du territoire national et le report modal. Train de nuit « Nightjet » ÖBB au départ 5.9/ Prioriser la modernisation du réseau existant avant de construire de nouvelles infrastructures Le rapport Duron sur la « Mobilité du quotidien » propose en particulier de reporter la plupart des 253 Cour des comptes, L’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, nov. 2016, pages 21-22 254 Dominique Schroeder, Il faut cesser d’investir dans les énergies fossiles, AFP, 16 nov. 2017 ; , 255 World Bank to end finance for fossil fuels, Transport&Environment, 3 janv. 2018 ; Anne-Françoise Hivert, La Norvège attaquée en justice sur le climat, 14 nov. 2017 ; Semaine d'action pour le désinvestissement des énergies fossiles : Global Divestment mobilisation, 5-13 mai 2017 ; Rapport annuel, 350.org, 2015. 256 L’article de loi sur la fin de la production d’hydrocarbures adopté par les députés, Le Monde, 4 oct. 2017 257 Delphine Cuny, La SNCF émet une obligation verte hors norme, La Tribune, 12 juil. 2017 ;https://www.sncf-reseau.fr/fr/finance-durable Finance Durable, SNCF Réseau 258 Auditions des Présidents-directeurs généraux de SNCF Mobilités et SNCF Réseau, Sénat, vidéo, 30 mars 2016 (minute 1h27'30''') 259 La SNCF communique sur l'« objectif de 50% de l'activité de l'entreprise réalisée grâce à l'étranger, d'ici à 2022 », tout en garantissant que « 93% de nos investissements se font en France ». Il reste difficile à croire qu'avec seulement 7% des investissements à l'international, cela permette d'y créer 50% du chiffre d'affaire en 2022. Voir Guillaume Pepy : "La SNCF est internationale", JDD, 7 mai 2017. 260 Guillaume Pepy, « Nous serons l’un des grands groupes mondiaux » , SNCF Presse, 7 sept. 2017 261 Audition de Guillaume Pepy, Assemblée Nationale, LCP, 7 fév. 2018 (miunte 49') Une enquête « Oui au train de nuit » 29 Version 17 mars 2018 grands projets d'infrastructure pour permettre des économies de plusieurs milliards d'euros et pour investir sur le réseau ferré existant.262 Le nouveau gouvernement est à la recherche de modes de transports plus écologiques, qui évitent les lourds investissements en nouvelles infrastructures, tout en ne laissant de coté aucun territoire. Cette équation difficile a désormais au moins une solution : réinventer l'Intercité de nuit. 6/ Brainstorming pour réinventer les ICN 6.1/ Premières améliorations Depuis 2016, les ICJ ont retrouvé une certaine priorité dans les investissements 263. En 2017, un changement d'attitude s'opère aussi en faveur du service nocturne : SNCF Intercités a organisé un brainstorming géant pour « réinventer le train de nuit »264. C'est le moment d'apporter des propositions !265 ✔ Des améliorations considérables sont accessibles à moindre coût. Citons des correspondances optimisées aux frontières et avec les TER 266, des horaires optimisés (départ vers 22h à Paris et entre 20h et 23h en province, arrivée à Paris entre 6h30 et 6h50), et la vente des billets 6 mois avant le départ. La propreté est également un élément clé qui revient dans les enquêtes. Les WC gagneront à être propres, en service (!), avec de l’eau (!)… ✔ Une desserte quotidienne améliore grandement la qualité et la visibilité du service : le voyageur sait qu'il peut se déplacer le soir où il en a besoin. Par ailleurs, faire circuler les trains ne coûte pas beaucoup plus cher que de les immobiliser. ✔ Faire circuler des rames plus longues, et approcher la capacité maximale. Il est important d'augmenter le nombre de voitures par destination, puisque les ICN affichent régulièrement complet. Cela améliorera l'autofinancement. Carte Isochrone fournie par la SNCF 267 : elle permet de lire la pertinence des lignes de nuit radiales sur les trajets supérieurs à 3 ou 4 heures. 262 Commission Duron, Mobilité du Quotidien, Ministère des Transports, 1er fév. 2018 263 Lionel Steinmann, La révolution discrète des trains Intercités, Les Echos, 26 déc. 2016 264 M.-H. P., Trains de nuit.La SNCF rêve de nouveaux services, La lettre du cheminot, 1 mai 2017 265 La SNCF réfléchit à ses trains de nuit... enfin ?, Transportrail, 27 avril 2017 266 Dans la future convention TET, il serait idéal d’inclure l’obligation pour la SNCF de rechercher des correspondances optimisées : * A Port Bou, La Tour Carol/Puigcerda, Irun, Vintimille, etc avec l’opérateur du pays limitrophe (Renfe en Espagne). * Avec les TER, à Perpignan vers Villefranche-Vernet ; à Carcassonne vers Quillan ; à Narbonne vers Béziers ; à Figeac vers Aurillac et Villefranche de Rouergue ; à Rodez vers Millau et Albi, etc. La liste est non exhaustive. 267 Pauline Damour, Comment la SNCF rétrécit à grande vitesse la France... à grands frais, Challenges, 2 juillet 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 30 Version 17 mars 2018 ✔ La réouverture d'arrêts : un avantage de l'ICN est de desservir un grand nombre de villes moyennes à petites pour une bonne irrigation des territoires. Par exemple, sur les lignes vers Strasbourg, rouvrir les arrêts Besançon et Montbéliard, et sur Paris-Briançon desservir à nouveau Dijon. ✔ En Allemagne, comme en France, les ICN ont beaucoup changé de nom, mais c'est « Intercity Night » qui est resté en mémoire et qui a la faveur du public. Intercity Night ou « Intercité de Nuit » a aussi l'avantage d'être facilement inter-compréhensible dans les différents pays européens. ✔ Arrimer les ICN desservant les zones de montagne, avec ceux desservant des villes importantes permettrait de s'approcher de l'autofinancement. Pour exemple, la moitié des voyageurs ICN du sud-Ouest montent à Toulouse. En 2014, lors de travaux empêchant la circulation du Paris-Nice, la SNCF avait suspendu aussi le Paris-Briançon en argumentant que si celui-ci roulait seul, le déficit serait trop élevé... En 2018 l'ICN Paris-Nice gagnera à être relancé et couplé au Paris-Briançon. ✔ Assurer un service de « cabotage » en bout de ligne : l'ICN est souvent le dernier train du soir et le premier du matin. De plus les territoires ruraux sont généralement mal desservis par TER. La demande est donc récurrente pour autoriser le voyageurs courte distance à emprunter les sièges inclinable, ou à rajouter une voiture places assises. 10-15 minutes de pause à Toulouse ou à Brive peuvent être aussi être suffisantes pour le nettoyage et pour replier des couchettes vides en places assises. Les voitures restées en couchettes, devront par contre être inaccessibles pour éviter de réveiller les voyageurs et pour la sécurité contre le vol (avec une annonce du type « seules les voitures 4 et 5 prennent des voyageurs »). Les sections Gap-Briançon, (Toulouse)-Perpignan-Port Bou, Brive-Rodez souhaitent en bénéficier. L'ICN prend le sillon d'un TER Latour Carol. Le besoin est là d'autant plus fort. Pour l'instant, la direction Intercités ne reçoit pas de compensation pour le cabotage, et elle considère que le gain économique serait de toutes façons très réduit. Autre défi : assurer la sécurité, et arriver plus précisément à l'heure pour satisfaire les voyageurs TER. Pour convaincre la direction Intercités, les Régions gagneront à cofinancer l'ICN, a minima pour les prestations TER qu'elles assurent. Lundi 13 novembre 2017 à Perpignan : l'ICN Paris-Port Bou est affiché comme « Retard indéterminé. Montée interdite ». Il ne prend malheureusement pas de voyageurs en cabotage alors que le premier TER de la journée qui traverse la frontière n'arrive à Port Bou qu'à 11h28. ✔ Les trains auto sont menacés268. Ils ont pourtant un grand avenir car ils sont complémentaires de la voiture électrique : celle-ci ayant une autonomie limitée, elle pourra demain se recharger en une nuit dans le train auto couchette et ainsi parcourir ainsi plus de 1000 km, grâce à un déplacement auto+train+auto. Le train-auto favorise l’électro-mobilité même pour les vacances ! Le train auto est particulièrement compatible également avec le train de nuit. ÖBB fait circuler ses trains-auto en convoi avec les ICN, ce qui offre un fonctionnement efficace. ✔ Une attention particulière doit porter sur le bruit ferroviaire tant pour le FRET que pour les ICN, qui circulent la nuit. La France est en retard 269 et les nouvelles LGV posent problème 270, ce qui pourrait même amener à réduire la vitesse 271. Pour le réseau classique, la régénération des voies et le renouvellement du matériel roulant permet de réduire le bruit. Par ailleurs, des installations anti-bruit gagneront à être incluses lors de la modernisation du réseau. 268 Aubin Laratte, La SNCF supprime (discrètement) le service auto-train en gare de Toulouse-Matabiau, ActuToulouse, 19 Oct 2017 ; Florence Guernalec (avec AFP), La SNCF supprime l'auto-train, sauf sur l'axe méditerranéen, Mobilicites, 24 nov. 2017 269 Joel Cossardeaux, Bruxelles somme la France d'appliquer la directive pour lutter contre le bruit, Les échos, 18 déc. 2017 270 Pour Mme Borne « La réglementation a toujours été faite dans le domaine ferroviaire en raisonnant sur un bruit moyenné. » Pour les pics sonores dus aux nouvelles LGV, « ce n'est pas en s'appuyant sur les réglementations et les obligations des concessionnaires qu'on pourra régler ce problème. », dans vidéo Commission de l'Aménagement du Territoire et du développement durable, Sénat, 8 nov. 2017, minute 10h07' 271 SNCF, la LGV fait du bruit et pourrait ralentir, déplacementspros.com, 26 nov. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 31 Version 17 mars 2018 ✔ Voir en Annexe C des propositions concrètes pour optimiser les ICN existants. L'Annexe D permet de visualiser des objectifs pour 2030. 6.2/ Le train de nuit pour l'égalité des territoires La régression du service IC pose la question de l'égalité des territoires. Paris et les grandes métropoles, qui ne rassemblent pas la majorité de la population 272, ont bénéficié de dizaines de milliards d'euros d'investissement pour construire des LGV, le plus souvent déficitaires. Avec le changement de priorité vers le train du quotidien, c'est encore l'Ile-de-France qui bénéficiera de 35 Md€ d'investissement pour le Grand Paris Express273. Les métropoles régionales seront aidées pour mettre en place des services RER, ce qui représente de réelles améliorations. En parallèle, les villes moyennes et les périphéries de l'Hexagone – moins représentées dans les cercles de décision – sont invitées à renoncer à leurs ICN, voire à leur lignes ferrées pour « faire des économies ». Pourtant, leurs habitants doivent pouvoir eux aussi participer à la vie nationale, associative, sportive, artistique, économique, etc. Le désinvestissement ferroviaire hors des métropoles participe au sentiment croissant d'abandon territorial. 274 6.3/ Desservir les territoires ruraux et les villes moyennes L'ICN est nécessaire pour les destinations situées à plus de 550 km de Paris ne disposant pas de LGV. Les temps de trajets sont en effet généralement supérieurs à 4 heures. Cela incluse une partie importante de la moitié sud de l'Hexagone, dont le Massif Central, les Pyrénées et les Alpes. A l'avenir, des liaisons vers Paris sont à réinventer depuis Bayonne-Irun, Pau-Tarbes, Luchon, Foix-Latour Carol, Toulouse, Aurillac, Rodez-Albi, Perpignan-Port Bou, Marseille-Nice-Vintimille, Briançon, St Gervais/Bourg St Maurice/Modane-Turin, ainsi que sur les lignes Cévenol et Aubrac. Départ Paris Paris Paris Paris Paris Paris Paris Paris Paris Arrivée Tarbes Hendaye / Irun Perpignan Cerbère / Port Bou Modane Turin Nice Vintimille Millau Durée 5h02 4h40 / 4h56 5h01 6h15 / 7h21 4h06 5h37 5h32 6h26 5h29 Changements 0 0 0 1 0 0 0 0 1 Meilleurs temps de trajets en train de jour au départ de Paris, mesurés en septembre 2017 6.4/ Le potentiel insoupçonné des transversales ICN vers/depuis le sud Réseau LGV sur la moitié sud de l'Hexagone : il ne permet pas de relier les villes du sud entre elles. 272 Près de 60% de la population française vit en dehors des 20 grandes aires urbaines « bien reliées » par les LGV. Voir : Aires Urbaines de France sur Wikipédia. La plupart des villes ne sont reliées qu'en direction de Paris. Et les villes moyennes disposent de peu de dessertes TG V. 273 César Armand, Grand Paris Express : le gouvernement annonce la réalisation de l'intégralité des lignes d'ici à 2030, La Tribune, 22 fév. 2018 274 Michel Tendil, Le sentiment d'abandon territorial partagé par près d'un Français sur trois, Localtis, 07/11/2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 32 Version 17 mars 2018 La France est le plus grand pays de l'Union Européenne. C'est l'un des pays qui a le plus besoin des Intercités de nuit. Les distances supérieures à 800 ou 1000km sont fréquentes. Exemples : Brest-Nice 1450km, Brest-Hendaye 860 km, Hendaye-Nice 900 km, Strasbourg-Hendaye 1350 km ; Strasbourg-Nice 950 km, Lille-Nice 1150 km, etc. La Moitié sud est peu équipée en LGV, et celles-ci orientées uniquement vers Paris, ne permettent pas l'interconnexion des territoires du sud entre eux. Les Intercités de jour et de nuit peuvent par contre assurer ces liaisons transversales. Le réseau LGV sur la moitié nord : l'interconnexion des villes est partiellement assurée par les LGV Les villes de la moitié Nord de l'Hexagone sont en partie interconnectées par les LGV via Paris. Toutefois, là aussi le réseau ferré est trop exclusivement radial. Dans tous les cas, il existe une fracture territoriale forte par rapport à la moitié sud de l'Hexagone pour qui Paris n'est pas centrale et ne peut pas servir de plateforme de correspondances de manière efficace. Investir dans les Intercités est nécessaires pour les nombreuses transversales desservant le sud de l'Hexagone. Ces transversales sont trop souvent « oubliées » par les décideurs. La planification rail – peut-être trop « parisienne » – semble oublier que 81% des Français n'habitent pas l'Île-de-France275 et qu'ils doivent pouvoir traverser l'Hexagone sans faire un détour par Paris. Les ICN transversaux ont tous été supprimés. La SNCF calcule que les bassins de population y sont plus faibles. Et pourtant les recettes et les chiffres de fréquentation jusqu'en 2016 montrent que les transversales de nuit n'ont rien à envier aux radiales 276. L'explication tient à ceci : peu de transversales longues bénéficient de trains de jour attractifs (le changement à Paris impose souvent des durées de 4 à 6 heures voire plus). Par ailleurs, les dessertes aériennes transversales entre villes moyennes sont moins fréquentes et plus onéreuses. Ces trajets sont parfois mal desservis par la route, en particulier à cause de la difficulté de traverser le massif central d'est en ouest pour la moitié sud de la France. Les ICN sont donc en mesure de capter une part importante des déplacements transversaux longs. De plus les péages SNCF Réseau sont inférieurs sur les trajets transversaux (une réduction de près de 40% par rapport aux trains qui entrent dans les gares parisiennes). Trop longtemps, le TGV a été perçu comme « instantané » : là où il dessert un territoire, il remplacerait tous les autres modes longue distance. Ainsi des IC transversaux ont été remplacés par des TGV « diagonaux » par contournement TGV de Paris. Par exemple Nantes-Marseille en TGV doit faire face à des charges élevées (plus de 1100 km de péage, pour bonne partie LGV) pour un trajet de plus de 6h et un prix du billet souvent supérieur à 100 €, ce qui est modérément attractif. Si, en plus, il y a correspondance par changement de gare à Paris, l'offre perd encore de son intérêt. Le TGV n'est donc pas la solution magique partout. Problématique connexe, les gares parisiennes et dans une moindre mesure la LGV ParisLyon tendent à se saturer. Des liaisons ICN et ICJ transversales sans passer par Paris permettraient de soulager ces goulots d'étranglement et de gagner en temps et en coûts. Citons pour exemple la ligne directe 275 Population Île de France : 11 959 807 hab. en 2013 soit 18,8% de la population de la France métropolitaine (source INSEE) 276 Ainsi la transversale « quadritranche » Luxembourg/Strasbourg - Nice/Portbou a transporté 276 000 voyageurs en 2014, soit 378 voyageurs/train. La même année, une des meilleurs radiales, l'ICN Paris-Briançon/Nice a transporté 255 000 voyageurs, soit 350 voyageurs/train. Source wikipedia. Le "Quadritranche" a obtenu 16,8 M€ de recette d'exploitation 2014. C'est plus que les 13,9 M€ du Paris-Toulouse / Rodez. Seul le Paris-Nice / Briançon a des recettes légèrement supérieures : 18,5 M€. Voir Jean-Michel Gradt, Trains de nuit : l'Etat s'apprête à fermer la moitié des lignes, Les Echos, 21 juillet 2016 Une enquête « Oui au train de nuit » 33 Version 17 mars 2018 Bordeaux-Lyon, que la Nouvelle-Aquitaine souhaite rouvrir277. Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes du sud, ici à Tarbes, pour exprimer le besoin pour le sud – à la fois éloigné de plus de 750 km de la capitale et non desservi par LGV - de conserver les ICN 278. Départ Lille Strasbourg Strasbourg Luxembourg Strasbourg Luxembourg Genève Quimper Cherbourg Cherbourg Quimper Vintimille Arrivée Nice Hendaye / Irun Nice Nice Cerbere /Port Bou Cerbere/Port Bou Hendaye / Irun Toulouse Toulouse Nice Hendaye / Irun Hendaye / Irun Durée 7h32 7h45 8h36 8h51 8h59 9h42 8h56 8h46 8h34 10h13 11h41 13h13 Changements 0 1 1 2 1 2 1 1 1 2 2 3 Meilleurs temps de trajets en train de jour mesurés en septembre 2017 : de nombreuses liaisons transversales impliquent des temps de trajets de jour de plus de 7 heures incluant des changements, ce qui réduit encore leur attractivité. Des liaisons ICN directes et de qualité sont en mesure de capter une part importante de ces déplacements. 6.5/ Ne plus opposer les modes : L'ICN complète le TGV sur les trajets supérieurs à 700 km Les LGV remplacent effectivement les ICN pour des distances d'environ 500 km. Mais au-delà de 700 km, le TGV ne permet plus d'arriver à un rendez-vous le matin. L'ICN complète avantageusement l'amplitude horaire de l'offre de jour en proposant une liaison supplémentaire particulièrement attractive, puisqu'elle permet d'arriver aux heures de bureau et de partir après une journée de travail. Marseille, qui est située à 750 km de Paris, a bénéficié en 2016-2017 à la fois de TGV de jour (en 3 heures) et d'une desserte nocturne par l'ICN Paris-Nice. 6.6/ Continuer la stratégie de report modale sur les distances européennes supérieures à 700 km Le TGV parcourt en 3 heures un maximum de 750 km. L'ICN, en roulant une nuit entre 100 et 200 km/h peut franchir plus de 1500 km : le service Strasbourg-Irun, supprimé en 2004, parcourait 1350 km. La modernisation des voies permettrait une portée dépassant 2000 km279. Et même en restant dans la fourchette 550-1500 km, l'ICN est bien adapté aux voyages à l'échelle européenne. Comme le lièvre et la 277 Lucas Valdenaire, SNCF : la ligne Bordeaux-Guéret-Montluçon va reprendre du service, France Bleu Creuse, 25 avril 2017 278 Le train de nuit fait de la résistance dans le sud, Marc Fressoz, MobiliCités, 21 février 2017 279 Voir rapport sur les « trains de nuit très longue distance » : International Union of Railways et DB, Night Trains 2.0, 2012 Une enquête « Oui au train de nuit » 34 Version 17 mars 2018 tortue : l'ICN permet d'aller plus loin – et d'arriver plus tôt – que le TGV. Tarbes Paris 7h03 première arrivée 12h07 9h00 14h07 13h56 19h08 Dernier départ 15h46 21h08 Pas de train direct pendant 15 heures / 24 heures Ce manque pourrait être comblé par : 22h40 6h40 7h03 12h07 Train TGV direct TGV direct TGV direct TGV direct ICN TGV direct Circulations TGV directes entre Tarbes et Paris, en semaine, en mars 2018 : le trajet de 5 heures ne permet pas d'arriver le matin, ni de partir en fin de journée. A noter : il existe aussi un TGV supplémentaire le dimanche soir et le lundi matin et un horaire supplémentaire le matin et le soir mais avec 2 changements. Les trains Talgo de nuit Paris-Madrid et Paris-Barcelone 280 ont été supprimés fin 2013 à l'inauguration de la liaison TGV Paris-Barcelone. En 2015, entre la France et l'Espagne, 12 millions de passagers ont pris l'avion, 7 millions l'autocar, 100 millions la voiture et seulement 1,3 millions les différentes voies ferrées281. La LGV n'a transporté que 800 000 voyageurs... soit autant que les trains Talgos transfrontaliers en 2006282. En TGV, Paris-Madrid dure 10 heures, et le voyageur ne se voit plus offrir un horaire de nuit en couchette, alors que la durée s'y prêterait. La LGV Perpignan-Figueres a déjà vécu une faillite par manque de voyageurs (seulement 15% du trafic voyageur prévu a été réalisé, et 8% du trafic FRET283). Reprise par les États, le difficile équilibre économique de cette LGV reste à trouver 284. Les Talgos s'autofinançaient plutôt mieux que la LGV. Là encore, le financement du « déficit supposé » (5 M€/an, mais probablement « gonflé » artificiellement) pendant 100 ans aurait coûté moins cher que la LGV (557 M€ de dette plus un déficit)285. De la même façon les trains de nuit vers l’Allemagne ont été supprimés. Désormais il ne reste que des trains de jour. Pour M.Pepy « l'essentiel du trafic entre l'Allemagne et la France se fait par avion. Et nous, le chemin de fer, on est tous petits. On fait en gros 20 % du trafic. »286 Il reste donc là aussi de la place pour du report modal avec les Intercités de nuit. Entre le nord et le sud de l'Europe, Paris est un obstacle : pour traverser la France, devoir emprunter le métro parisien est chronophage, source de perte de correspondance et de stress pour les personnes connaissant mal Paris. Ce changement de gare est fortement anti-incitatif. De plus les péages ferroviaires pour entrer à Paris sont prohibitifs. Il sera important de dessiner des trajets transeuropéens qui « évitent cette torture à Paris » : Hambourg-Lyon-Narbonne, Barcelone-Francfort, etc. Les ICN depuis Lille/Bruxelles, Luxembourg/Amsterdam, Strasbourg/Francfort vers le sud de la France (et de l'Europe) seraient un vrai soulagement pour les voyageurs du nord de l'Europe. Départ Paris Paris Paris Paris Paris Paris Paris Paris Arrivée Barcelone Berlin Vienne (Autriche) Copenhague Madrid Vitoria – Gazteiz Gênes Pise Durée 6:27 8:06 11:24 13:25 9:43 7:53 9:03 11:22 Changements 0 2 3 3 1 2 2 2 Meilleurs temps de trajets en train de jour sur quelques liaisons internationales (mesurées en septembre 2017). Ces durées sont bien adaptées au voyage de nuit ! 280 Le train hotel Elipsos, l'hotel le plus rapide entre la France et l'Espagne, Azurever.com 281 Source Plataforma Transport Public de Catalogne et Air transport statistics, Eurostats. 282 En 2006, le trafic ferroviaire grandes lignes internationales (Talgo) transportait 811 000 passagers entre la péninsule ibérique et le reste de l'Europe. A ceux-ci, il resterait à ajouter une partie des 260 021 passagers des ICN Paris-Port Bou et Strasbourg/Luxembourg-Port Bou transportés en 2015, ainsi qu'une partie de ceux du Paris-Irun, Genève-Irun et Vintimille-Irun supprimés en 2013-2017. A titre de comparaison, la LGV a transporté 826 439 passagers en 2016 : les milliards d'investissement LGV ont échoué à faire progresser le report sur le rail... 283 SNCF Réseau rapport financier semestriel 2016, PriceWaterhouseCoopers, ErnstYoung, 30 juin 2016 284 Lionel Steinmann, Le besoin de réduire les pertes menace les lignes Paris-Barcelone et Paris -Genève, Les Echos, 25 juil. 2017 285 Charlène Bouhet, LGV Perpignan-Figueras : Un des concessionnaires est en faillite, EcomNews, 29 sept. 2016 286 Audition des Présidents de la SNCF, Commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 9 nov. 2017 (minute 1h35'30'') Une enquête « Oui au train de nuit » 35 Version 17 mars 2018 6.7/ En Europe, « nous sommes à l'aube d'une renaissance des ICN » En Europe, après des décennies de désinvestissement, la renaissance des ICN s'opère 287. L'attente sociale européenne est forte pour des déplacements écologiques 288. Les ICN en Italie ont eux-aussi un temps régressé. Cependant, vu la dimension du pays, un compromis a été trouvée : une offre tarifaire combinant l'ICN entre le Grand Sud et Naples, Rome ou Bologne avec une prolongation en TGV permet d'accéder à Turin, Milan, Venise en une nuit pour arriver désormais vers 9h ou 10h du matin. Trenitalia, à travers sa filiale Thello, a ouvert également un ICN ParisVenise. Les chemins de fer autrichiens ÖBB ont repris des lignes fermées par l'Allemagne et la Suisse 289. ÖBB vise à passer de 1 million de voyageurs ICN en 2016 à 5 millions d'ici 2020 290, et elle planifie encore l'augmentation de son réseau au-delà de 2020, peut-être vers Amsterdam 291, ou Copenhague. En Allemagne, DB a démantelé ses trains couchettes en décembre 2016. Mais déjà, en 2017, le trafic augmente aussi bien en IC « places assises » roulant de nuit (opérés par DB), qu'en train couchette « nightjet », opérés par ÖBB292. En Suède, la ligne Stockholm-Malmö a gagné +65% de fréquentation sur un an, grâce à une réduction de 30%-50% des tarifs pour atteindre la rentabilité par le volume.293 Le succès passe par 4 niveaux de confort, des douches, des horaires optimaux et une communication active qui incite le public au report modal de l'avion sur l'ICN 294. En Autriche, comme en Suède, les ICN marchent mieux que prévu. Ils ont atteint l'équilibre financier dès la première année de relance 295. Le réseau ICN « Nightjet » de ÖBB et de ses partenaires 287 La liste des lignes de nuit existant en Europe est disponible sur entrain.ch, rail.cc, seat61.com ou Interrail 288 Une pétition de 36 996 signatures a circulé en Allemagne. Voir aussi le mouvement européen « back-on-track » , http://savethenighttrain.eu/ Pétition « Sauvez les trains de nuit », actif-trafiC en Suisse. 289 Stefan Schirmer, Relance des trains de nuit : quelle est la stratégie de l'Autriche ?, Die Zeit, 9 déc. 2017 ; ÖBB, Dossier NightJet, 2017 ; E. Fouvreaux, « L'Autriche fait le pari du train de nuit », Transportrail, 14 oct. 2016 290 Plus de trains de nuit pour les ÖBB, Rail Passion, 19 déc. 2016 291 Vincent Doumayrou, De nouveau des trains de nuit vers les Pays-Bas ?, 29 nov. 2017 292 [ALLEMAGNE] La reprise des trains de nuit par ÖBB est un succès, T. Wüpper, Stuttgarter Zeitung, 6 juin 2017 293 David Briginshaw, SJ reports 65% growth in overnight train traffic, IRJ, 12 juin 2015 294 Patrick Laval, Suède :investissements massifs pour la grande vitesse et les trains de nuit, La Lettre du Chem inot, 17 oct. 2017 ; The Greens, Revitalising European Night Train and EC-IC services (vidéo), Parlement Européen, 1er juil. 2015 (à partir de la 42ème minute). 295 Pieter Neumann, « Train de nuit : l'opérateur envisage de nouvelles liaisons », Berliner Zeitung, 2 fév. 2017 (traduction Vincent Doumayrou, Mediapart) Une enquête « Oui au train de nuit » 36 Version 17 mars 2018 La Finlande a surpassé sa « crise des ICN » dès 2008296. Le service fut maintenu et modernisé avec des voitures duplex offrant plus d'espace et incluant des douches297. Dans les pays du sud, les ICN se modernisent aussi 298. Dans de nombreux grands pays comme la Chine, l'Inde, le Kazakhstan, l'Australie, les États-Unis, le Canada, le Viet-Nam, la Thaïlande 299, les trains de nuit sont en service. En Ukraine l'ex-Ministre des transports s'oppose à la réduction de l'offre ICN et explique pourquoi 300. En Russie, les distances sont grandes et le train par excellence, c'est l'ICN : il n'est pas rare de voyager nuit et jour pendant bien plus de 24 heures. Avec au moins trois niveaux de confort 301, dont un bon marché, c'est une alternative à l'avion que la Russie déploie jusqu'en Europe de l'Ouest : elle relance les liaisons ParisMoscou et Nice-Moscou302 et des correspondances permettent d'atteindre la Chine et le Japon. Le centre de gravité des ICN est en train de se décaler vers l'Europe Centrale, or si la France ne suit pas elle s'isole et isole par la même occasion la péninsule ibérique (voir la carte d’Europe de tous les ICN 303). La SNCF rêve parfois en grand304. L'effort à faire n'est pourtant pas si démesuré. L'Europe a des dimensions modestes : Paris-Prague ne représente que 1000 km, Lyon-Naples 1200 km, Paris-Varsovie 1600 km, Amsterdam-Barcelone 1600km. Le Danemark est à 1200 km de Paris. Comme l'Autriche en Europe centrale, la France est bien positionnée géographiquement. Elle a un rôle à jouer pour les ICN en Europe de l'Ouest. Elle sera ainsi motrice du report modal de l'avion sur le rail et de la lutte contre le changement climatique. 6.8/ Un futur matériel roulant européen ? Après le Royaume-Uni305, la Finlande306 et la Russie307, l'Autriche a commandé elle-aussi du matériel roulant ICN neuf308. Le matériel roulant russe a été particulièrement apprécié sur la ligne Paris-Nice. L'essentiel du parc européen est à renouveler, ce qui constitue un important projet industriel. Afin de faire baisser les coûts, une coopération européenne serait pertinente afin que chaque pays ne construise pas chacun un petit nombre de rames. Au contraire, une commande importante au niveau de plusieurs pays offrirait l'avantage de disposer de matériel interchangeable, avec un choix de conforts que le client retrouve pour toutes les destinations ICN. Cela rendra le produit plus facile à expliquer à la clientèle et donc plus aisé à commercialiser. ✔ Il a déjà été montré que les futurs équipements gagnent à inclure 4 niveaux de conforts : les sièges inclinables, supprimés sur certaines lignes, ont finalement été reconnus comme indispensables pour concurrencer l'autocar et pour les nombreuses personnes qui recherchent des billets moins chers. Les voitures sièges inclinables ont une plus grande capacité et économisent le linge de lit, elles permettent des prix compétitifs. Les compartiments 6 couchettes (2° classe) et 4 couchettes (1° classe) constituent le cœur du service. Les compartiments privatifs (1 ou 2 lits) avec douche sont très facilement commercialisés, même avec un surcoût de 100 €. Ainsi M. Kurt Bauer, directeur de ÖBB-Voyageurs a expliqué au parlement allemand : « les voitures-lits se vendent d'elles-mêmes, c'est-à-dire: sans effort, automatiquement et rapidement tant la demande est élevée. » Ils séduisent le marché ''classe affaire''309. De fait ce sont les conforts les plus chers et les moins chers qui se vendent le plus aisément 310. ✔ Les voyageurs étrangers – ou non habitués – empruntant les Intercités de nuit en France s’interrogent : « Où est la douche? Où est le restaurant ? Où sont les wagons-lits? ». Inclure dans le train des douches accessibles à tous les voyageurs ajoute une information psychologique, qui rapproche le train 296 Kalevi Kämäräinen et Vincent Doumayrou, Comment la Finlande s'est mobilisée pour défendre ses trains de nuit, 8 juil. 2017 297 Night train travel, VR-Finlande. Voir aussi Kemijaervi-Helsinki et le Train de nuit Père Noël Express, Interrail. A voir également en Vidéo ; 298 R. S./APS, Mise en marche de deux trains reliant Béchar et Saïda à Oran, El Watan, 29 avril 2017 299 Voyage en "vieux" train de nuit en Thaïlande, 17 juil. 2017 300 Les chemins de fer ukrainiens réduisent les liaisons trains de nuit. Pourquoi est-ce une erreur ? par Alexandre Kava –ex ministre adjoint de l'infrastructure d’Ukraine, finance.bigmir.net, 9 déc. 2015. Disponible sur ouiautraindenuit.wordpress.com > témoignages 301 The different carriages classes in Russian trains, Visit Russia 302 Nicky Gardner and Susanne Kries, By train from Moscow to Nice and Paris, Europe by Rail, 6 Nov. 2017 ; Poul, « Night trains to and from Russia increase passengers », back-on-track.eu, 5 août 2016 : https://fr.rail.cc/russie/train-nuit/ru#rail ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Moscou_express 303 Eric Rosén, Night train map, nov. 2017 304 Carole Bellemare, La SNCF veut remettre l'Orient-Express sur les rails, Le Figaro, 2 sept. 2014 ; L’Orient-Express : tout l'art du voyage dans un train, sncf.com 305 Brand new Caledonian Sleeper trains from 2018, Caledonian Sleeper, 13 fév. 2015 ; New Caledonian Sleeper carriages under test, Global Rail News, 24 août 2017 306 Services in sleeping berths, VR 307 A bord des voitures russes sur Paris-Nice, Transportrail, oct. 2017 ; La Russie livrera des wagons à la SNCF, Sputnik News, 19 fév. 2016 Mikhail Voskresenskiy, Russian-Made Double Decker Train Ready for New St.Petersburg-Moscow Route, Sputnik News, 31 janv. 2015 308 Autriche / Nightjet : nouveaux trains de nuit prévus pour 2020, Mediarail.be, 5 nov. 2017 ;Les ÖBB préparent leurs nouveaux trains de nuit, Transportrail, 9 juin 2017 ; We are working on the Nightjet trains of the future !, ÖBB, 2017 ; New Intercity and Nightjet, Interior Design, ÖBB et PriestmanGoode, 2017 309 SNCF, INTERCITES Paris Nice Couchettes Services 1ere classe (vidéo), 30 déc. 2016 ; Kenji Sugano, « Montez à bord du Shikishima, le nouveau train de luxe de la flotte japonaise », 17 mars 2017 (photos, video) 310 Le Trenhotel espagnol se concentre sur des cabines de luxe et les places assises. Une enquête « Oui au train de nuit » 37 Version 17 mars 2018 du standard de l’hôtel. En réalité, elles sont relativement peu utilisées, et 1 douche suffit pour 100 voyageurs. Beaucoup de voyageurs rentrent chez eux, et n'en ont pas besoin. ✔ Un bar ne suffit pas pour un voyage de plus 5-6 heures. ÖBB propose plutôt un petit déjeuner servi dans les compartiments. L'offre a également été proposée dans les Intercités de nuit SNCF, mais elle demeure mal connue311. SNCF Intercités a ré-introduit une vente ambulante dans certains ICJ. ✔ L'intermodalité vélo+train a besoin d'être développée 312. Les futures voitures ICN avec plus de places pour les vélos sont une revendication commune en Europe 313. ✔ Le Ministère de la Santé recommande d'éviter de téléphoner lors des déplacements rapides et particulièrement dans les trains314. Pour autant, les voyageurs ayant du temps libre, l'utilisation du téléphone y est particulièrement intense315. Proposer dans chaque train un « wagon blanc », « téléphone éteint » – à l'image de la voiture « non-fumeur » – permettrait l'accessibilité au transport des personnes fragiles 316. A défaut, le wifi dans les trains permettrait de réduire les ondes de la 2G/3G. Nouvelles voitures duplex317 pour les ICN finlandais : une optimisation de l'espace ! 7/ Relancer l'activité la plus complexe c'est sortir le ferroviaire de l'impasse L'ICN est une activité complexe, « plus compliquée à produire », avec des manœuvres, l'assemblage des trains multi-branches, le changement de personnel en milieu de trajet, des horaires de nuit, etc... Elle demande une très bonne coordination entre l'ensemble des acteurs. Faire rouler un TGV est beaucoup plus simple. Les conflits nuisent au fonctionnement du service. Or (1) pendant des années l’État et la SNCF ont délaissés les Trains d’Équilibre du Territoire et n'ont pas apporté leur part respective au financement des trains de nuit; (2) La séparation entre SNCF Réseau et Mobilité nuit à l'agilité des travaux et à la disponibilité des sillons nocturne ; (3) SNCF Intercités a peu de pouvoir de décision à l'intérieur de SNCF Mobilité et ses besoins spécifiques sont peu pris en compte ; (4) La direction est régulièrement en conflit avec les cheminots. Il existe par ailleurs un cercle vicieux à rompre par une dynamique positive. Il s'agit que chaque acteur fasse sa part pour que le service redémarre. Par ailleurs, vu la complexité du service, faire fonctionner à nouveau les Intercités de nuit, contribuera à sortir le 311 Réservez votre petit-déjeuner à l'avance, SNCF Intercités 312 Trains de nuit : Une solution pour une rando vélo ?, bougersebouger.fr, 13 sept. 2016 313 « Actif-Trafic demande plus d'emplacements vélo dans les ICN », pétition Actif-Trafic.ch, 2017 314 Téléphones mobiles, santé et sécurité, Ministère de la santé, juillet 2012 ; Campagne "Tout savoir sur le bon usage du portable", Ministère de la santé. Téléphone mobile : les 6 bons comportements pour réduire son exposition aux ondes, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, 29 nov. 2017 Voir aussi Conditions générales de vente et de service des offres prépayées Orange, 6 juillet 2017 315Michèle Rivasi, Exposition aux ondes électromagnétiques: les travailleurs demandent des mesures indépendantes pour évaluer les risques sanitaires, 8 fév. 2012 ; Fanny Doumayrou, Dans les tunnels du métro, la bataille des ondes a commencé, L'Humanité, 21 Janv. 2013 316 Pour le droit de voyager dans des wagons sans wifi et sans ondes, pétition, PRIARTEM, 10 avril 2017 317 Joachim Falkenhagen a aussi proposé un modèle d'ICN Duplex en 2014. Cependant le Duplex n'est pas forcément une bonne idée avec les gros bagages et les nombreux arrêts de l'ICN, car il rallonge le temps de montée en voiture. Une enquête « Oui au train de nuit » 38 Version 17 mars 2018 ferroviaire de nombreuses impasses ! 7.1/ Motiver SNCF Mobilité Il est possible de convaincre le groupe SNCF que l'ICN est un « bon produit ». L'ICN a bien des arguments de vente : c'est un produit « écolo », qui crée du « lien social ». Il a été négligé pendant des années et peut pour cela offrir une belle croissance tout au long de la décennie 2020. L'ICN se décline sur plusieurs segments de marché qui vont des petits prix en siège inclinable jusqu'à l'offre premium en compartiment privatif avec douche. Kurt Bauer, manager ÖBB l'explique : « le caractère unique du produit a quelque chose qui impressionne. Le train de nuit a du charme ; il constitue un art de voyager qu’on ne retrouve ni sur la route, ni sur le train de jour, ni dans les airs. D’un point de vue commercial, il n’y a rien de plus beau que de travailler à un service qui rompt de manière aussi nette avec tous les services de déplacement. »318 L'ICN s'approche de l'autofinancement par le volume. Parallèlement, les financements publics pour l'aménagement du territoire et la transition écologique sont disponibles. L’État et la SNCF ont probablement un temps souhaité simplifier la gestion du réseau en supprimant le trafic voyageur de nuit. Ils ont probablement considéré qu'il s'agit d'une activité minoritaire qu'on peut supprimer, tout en réalisant des économies. Supprimer les ICN induit au contraire une carence de mobilité depuis le sud de l'Hexagone qui pousse les collectivités à rechercher des Grands Projets d'Infrastructure. Redonner la priorité au réseau classique nécessite aussi de montrer que les projets LGV ne sont pas l'horizon unique des dessertes ferroviaires longue distance. Réhabiliter l'ICN participera à sortir de l'engouement pour le « tout LGV ». C'est une clé à replacer d'urgence pour que la SNCF et l’État ne se voient pas contraints à financer de nouveaux projets LGV vers le sud de l'Hexagone. Actuellement, bien des TER ont une l'amplitude horaire, qui termine dès 18h 319. En Hollande, les trains voyageurs circulent toute la nuit, même entre 2h et 5h. La DB qui a supprimé ses trains couchettes continue à faire circuler des IC places assise de nuit. La SNCF a encore tout un marché voyageur de nuit a conquérir ! 7.2/ Rames tractées : des convois longs, moins onéreux et créateurs d'emploi Les ICN sont des rames tractées. C'est-à-dire des voitures tirées par une locomotive – à la différence des automotrices. Ils nécessitent des manœuvres de rebroussement, donc plus de main d’œuvre : jusqu'à 45 salariés travaillent pour chaque trajet 320. Pourtant, en convois longs (plus de 7 voitures), les rames tractées peuvent coûter moins cher que les automotrices, car la maintenance est simplifiée321. La SNCF est confrontée à une dérive des coûts, dû aussi à la recherche rigide de « productivité » : faire circuler les trains avec le moins de main d’œuvre sans prendre en compte les coûts réels, abouti au final à alourdir les coûts... En comparaison les projets LGV, malgré les très fortes sommes investies, créent finalement peu d'emploi. Peut-on inclure dans l'évaluation des projets, l'indicateur intensité sociale322 qui mesure le nombre d'heures de travail humain par rapport à la somme investie ? La SNCF manque de matériel roulant ICN. Par contre, les ICJ recevront du matériel entièrement neuf, et un parc très important de voitures Corail de jour va être retiré progressivement de la circulation d'ici 2023. Par exemple, SNCF Occitanie s'apprête à radier de 90 à 115 voitures Corail de jour de la ligne Avignon-Port Bou, pour éviter la manœuvre de rebroussement à Port Bou. Ces voitures ont récemment été bien rénovées pour un montant de 1 million par voiture et sont très confortables. Or il s'agit d'un très bon matériel qui mériterait d'être prolongé. La destruction de matériel roulant représente également un surcoût pour le ferroviaire323. Il serait idéal de les valoriser (1) sur des Intercités 100 % Eco place assises, de jour ou de nuit (par exemple sur Genève-Irun ou Bordeaux-Vintimille, Nantes-Toulouse, etc), à l'image des « trains de nuit du futur » de la DB qui sont uniquement en places assises. Ou mieux encore, (2) de les rénover en 318 Interview de Kurt Bauer, Comment les autrichiens esquissent l'avenir du train de nuit, Der Fahrgast, fév. 2017 ; Voyager vers Rome à la pleine lune, Mediapart, 29 déc. 2017 319 « le dernier TER au départ de Pau direction Bayonne est à 17h54 », Ligne Bayonne-Pau, 3 janv. 2018 320 Voir les témoignages dans « La pétition arrive en train de nuit au ministère », JT 19-20 de France3-Pays Catalan. 321 « Rame tractée ou automotrice ? », TransportRail, 20 déc. 2016 322 Retrouver le sens de l'humain, la notion d'Intensité Sociale, Les Pieds sur Terre, 2013 323 115 voitures corail récemment rénovées pour un montant de 1 M€ chacune va être radié de la ligne Avignon-Port Bou pour éviter la manœuvre de retournement au terminus. Le gain de « productivité » peut paradoxalement d'entrainer un surcoût. Voir aussi : Julie Lallouët-Geffroy et Kevin Niglaut, Le plus grand cimetière de locomotives de France, un immense gâchis, Reporterre, 14 nov. 2017 ; Bertrand ROUZIES, Comment la SNCF saborde pour près d’un milliard d’euros de matériel tractant, Blog Mediapart, 12 sept. 2017 ; Au cimetière de Sotteville, les locomotives ne sont pas toutes des épaves, Normandinamik, 12 oct. 2015 Une enquête « Oui au train de nuit » 39 Version 17 mars 2018 voiture-lit, voiture-couchette, ou voitures siège-inclinable. 7.3/ Mobiliser SNCF Réseau pour des sillons nocturnes de qualité Le travaux de régénérations des voies classiques vont se multiplier sur les dix prochaines années. Cela impacte la circulation des ICN puisque la majorité des travaux se font désormais de nuit . De plus les ICN en parcourant de longues distances ont plus de chance de rencontrer un ou plusieurs secteurs en travaux. Propositions : (1) Éviter d'affecter des sillons précaires aux ICN. A défaut de confirmer ces sillons précaires deux mois à l'avance au lieu de 15 jours. (2) Prévoir des itinéraire bis pour permettre la circulation pendant les travaux. Il est déjà prévu des « plages travaux allongées [...], tout en maintenant un niveau acceptable de disponibilité globale du réseau, le cas échéant via un axe parallèle ».324 Ainsi des itinéraires bis gagneraient à être étudiés pour le ParisRodez par Coutras ou Clermont-Ferrand, pour le Paris-Briançon par Grenoble, pour le Paris-Port Bou par Montpellier. (3) Solutions communes avec le FRET et réorganisation par axe de SNCF Réseau. L'ICN a besoin de sillons de très grande longueur, disponibles 365 jours par an en horaire nocturne. Ces besoins sont proches de ceux du FRET qui est aussi en déclin325. Un cadre d'une multinationale explique : « On a essayé de passer par le FRET SNCF, ça ne marchait pas : régulièrement les wagons n'arrivaient pas le jour J. Aujourd'hui toutes les entreprises travaillent à flux tendu. On a besoin d'avoir la garantie que les wagons vont arriver le moment voulu. » Pour Mme Borne « il nous faut progresser [sur] la qualité des sillons pour le transport de marchandises. Aujourd'hui on ne sait pas tracer un sillon qui traverse notre territoire de façon satisfaisante. SNCF Réseau est en train de réfléchir à une organisation qui prend mieux en compte les grands axes. Personne ne peut comprendre qu'il y ait aussi peu de FRET ferroviaire sur nos rails et autant de camions sur nos routes. » 326 Par contraste la Chine organise des sillons jusqu'en Europe de l'Ouest 327. L'organisation par axe prévue pour l'été 2018 permettra une vision d’ensemble d’une ligne, pour éviter que les différentes Régions traversées programment les travaux indépendamment et coupent la circulation chacune à leur tour. Il serait idéal que cela permette de programmer des axes parallèles et de phaser les travaux pour qu'ils n'aient pas lieu simultanément sur les itinéraires bis. Le bénéfice serait important : très récemment sur le Paris-Rodez, des travaux ont été programmés aux mêmes dates sur l’itinéraire POLT et l'itinéraire Coutras supprimant ainsi les circulations 5 jours sur 7 pendant plusieurs mois328. 4* Réaliser les travaux sur une voie pour permettre la circulation sur l'autre voie. Le Président de SNCF Réseau rappelle qu'il y a « 1600 chantiers par an. 60% en 2017 ont été fait de nuit. Il faut savoir que les travaux de nuit coûtent évidemment plus cher. »329 Sur les lignes moins fréquentées, il est d'autant plus avantageux de réaliser les travaux de jour, sur une voie. Ils coûtent alors moins cher et sont de meilleur qualité. Malheureusement la majorité des travaux sont désormais réalisés par des entreprises soustraitantes330 avec du personnel intérimaire peu formé. Il est alors plus difficile de respecter les conditions de sécurité. Confier à nouveau la rénovation des voies à des équipes de cheminots SNCF – plus nombreuses – participerait à créer de l'emploi de qualité et à améliorer l'accès au réseau. La circulation sur une voie peut se réaliser par une Voie Unique Temporaire, VUT 331. Par ailleurs, équiper plus largement le réseau en installations IPCS (Installation Permanente de Contre-Sens) 332 permettrait de laisser circuler les trains dans de meilleures conditions. Ne pas supprimer les trains lors des travaux compense le prix supplémentaire de la sécurité. (SNCF Réseau paye plusieurs millions par an à Intercités pour les sillons annulés. 324 L’entretien du réseau ferroviaire national, Cour des Comptes, Juil. 2012 (page 23) 325 Gilles Balbastre et CE FRET SNCF, Transport de marchandises : changeons d'ère ! (documentaire), nov. 2016, disponible en ligne sur www.fret21.org ; Philippe Jacqué, Le fret ferroviaire ou les leçons d’un désastre, Le Monde Economie, 5 mars 2018 ; Philippe Jacqué, « Le fret ferroviaire déraille (aussi) », Le Monde Economie, 9 déc. 2016 ; Vive le fret ferroviaire ! Les petits ruisseaux font les grandes rivières 326 Audition de Mme Elisabeth Borne, Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Sénat, 8 nov. 2017 (minute 9h55) 327 Laszlo Perelstein, « La Chine met sur les rails un train de fret vers Londres », La Tribune, 4 janv. 2017 328 Train de nuit Rodez-Capdenac-Paris : un rassemblement samedi, La Dépêche du midi, 18 janv. 2018 329 Audition des présidents de la SNCF, Assemblée Nationale, LCP, 7 fév. 2018 (minute 1h59'). 330 Olivier Cognasse, SNCF Réseau fait la part belle aux sous-traitants, L'Usine Nouvelle, 4 mai 2016 ; Sophie Chapelle, Sécurité ferroviaire : ces questions qui dérangent la SNCF, Bastamag, 23 sept. 2013 ; Marion d’Allard, Le train fou de la sous-traitance, L'Humanité, 16 oct. 2013 ; Raphael Brun, « Une vraie inquiétude », Monaco Hebdo, 21 mai 2015 331 Prescriptions applicables par le conducteur d'un train circulant en sens inverse du sens normal ou établi, SNCF RESEAU, 22 juin 2015 332 Les Installations IPCS sont malheureusement peu nombreuses. Audit Rivier : 10 ans après, quel bilan ?, Transportrail, fev. 2015 Une enquête « Oui au train de nuit » 40 Version 17 mars 2018 5* Réaliser les travaux en interne : au tournant des années 2010 les travaux sur la nuit ont été reportés sur la nuit et la majorité des travaux confiée des entreprises sous-traitantes. La Cour des Comptes note « un renchérissement inexplicable des coûts (+ 13 %) » qui serait du aux « coûts additionnels de main d’œuvre liés à l’évolution des conditions de travail des chantiers (plus forte proportion de travaux de nuit sur le réseau circulé), qui aurait abouti à une dégradation de l’indicateur de « pourcentage de temps effectif outil en main ». […] Les gains de productivité que semble avoir accomplis la branche infrastructure de la SNCF sur la période n’ont pas compensé ces augmentations. »333 Le syndicat CGT propose une explication : « Confier le travail auparavant réalisé par des cheminots formés à des entreprises privées génère des malfaçons, des retards dans les chantiers et amplifie la facture. […] 3 Grands groupes du BTP se partagent 70% de l'activité : VINCI, Bouygues, Eiffage ».334 La CGT a produit une vidéo pour montrer que l'emploi d'intérimaires au lieu de cheminots formés induit des malfaçons 335. De nombreux rapports ont montré également que les chantiers en Partenariats-Public-Privé résultent trop onéreux 336. Au final n'est-il pas temps de réaliser à nouveau plus de travaux en interne ? 6* Offrir une visibilité sur les correspondances : les horaires d'arrivées sont déterminés par les sillons SNCF Réseau. Dans l'élaboration des sillons voyageurs, il serait pertinent que SNCF Réseau fasse apparaître les correspondances rendues possibles (ou au contraire invalidées) avec la RENFE (à Latour Carol et Port Bou) et les TER (par exemple à Figeac, Rodez, Toulouse, Carcassonne, Perpignan, Veynes, etc). Cela constituerait un outils d'optimisation des trains que SNCF Réseau mettrait avantageusement au service des opérateurs roulants. Actuellement SNCF Intercités déclare n'avoir aucune visibilité et aucun contrôle sur les correspondances. 7* Rendre les réseaux compatibles aux frontières : les réseaux classiques présentent toujours des noncompatibilités importantes entre les pays limitrophes. Pour franchir la frontière allemande, il est nécessaire de changer deux fois de locomotives sur 6 km. Lors de la régénération des lignes, SNCF Réseau gagnera à rendre compatible l'électrification et la signalisation. Des locomotives capables de rouler dans les différents pays serait également un vrai bénéfice. 8* Réduire le coût des péages : le coût des péages augmente. Le problème prend des proportions caricaturales en Espagne où le gestionnaire du réseau (ADIF) s’apprête à multiplier par +170% les péages sur le trains longue distance classiques pour 2018. Cela met en danger de nombreux trains Intercités et ICN.337 Une décision européenne oblige pourtant à réduire les péages pour les sillons nocturnes (moins saturés) et pour les trains lents (moins d'usure) 338. Est-elle respectée par SNCF Réseau ? Par ailleurs de nombreuses infrastructure sont saturée de jour, par exemple la gare Lyon Part-Dieu339. Elle est traversée de nuit par le Paris-Briançon. L'ICN apparaît donc comme un outil de désaturation des nœuds ferroviaires. Pourrait-il être financé comme tel340 ? 9* Régénérer les « petites lignes » : Une inquiétude subsiste sur le désengagement de SNCF Réseau des « petites lignes »341 : les lignes UIC 7 à 9 pourraient être reléguées aux Régions ce qui aboutirait à une fragmentation du réseau. Or ces lignes sont empruntés par les ICN. En Australie il a été rapporté une difficulté particulière des opérateurs ICN de demander des sillons à plusieurs propriétaires de réseau différents. Conserver un propriétaire unique pour l'ensemble du réseau permettra d'éviter cette situation . 10* Permettre la circulation de nuit sur les LGV. La circulation de nuit est possible sur le réseau à grande vitesse allemand et la RENFE détruit des ICN à Grande Vitesse faute de pouvoir les utiliser entre autres sur le réseau LGV Français342. En France, cela permettrait la généralisation des itinéraire bis lors des travaux, et serait utile aussi comme sillons permanent au cas où le coûts des péages LGV soit réduit pour les trains lents nocturnes. 333 L’entretien du réseau ferroviaire national, Cour des Comptes, Juil. 2012 (page 41) 334 Ensemble pour le fer, CGT cheminots, 7 mars 2018 (page 13-14) 335 Enquête sur le recours à la sous-traitance par la SNCF : malfaçons et gaspillage, Comité d'Entreprise CGT Lyon Part Dieu, 16 janv. 2018 336 Isabelle Rey-Lefebvre, Trop coûteux, les partenariats public-privé n’ont plus la cote, Le Monde, 12 mars 2018 337 Francisco J. Gil, Las exigencias de Adif ponen en riesgo servicios a Madrid, Barcelona e Irún, La Region, 6 Oct. 2017 338 EU Commission stand on the issue of night trains, Back-on-track, 13 féb, 2017 339 Fabien Fournier, Pourquoi la commission Duron condamne le TGV, lyoncapitale.fr, 2013 340 Autre avantage à valoriser sur le plan environnemental : le train de nuit roule pour bonne partie en heures creuses de consommation électrique. 341 Marie Astier, Bretagne, Hauts-de-France, Pays de la Loire : tant bien que mal, les régions financent le chemin de fer, Reporterre, 9 fév. 2018 ; Pierre Isnard-Dupuy, La mort lente des trains du quotidien dans les Alpes du Sud, Reporterre, 26 janv. 2018 ; Marie Astier, Le Cévenol : la SNCF s’acharne contre un train vital, Reporterre, 3 janv. 2018 ; A Toulouse, la SNCF rouvre des petites lignes, BFM, 9 mars 2018 342 Talgo to convert night trains for high speed day use, RailwayGazette, 6 féb 2018 Une enquête « Oui au train de nuit » 41 Version 17 mars 2018 7.4/ Initier la coopération entre les compagnies européennes pour les ICN Interrogés par les députés allemands sur le projet alternatif Luna-Liner émergeant des ONG343, les dirigeants de la DB ont déclaré « Nous avons étudié Luna-Liner dans le détail. Cela correspond à 97% au réseau DB existant dans le passé. [...] La DB ne peut le faire seule, l’État devra financer le renouvellement du matériel roulant, et cela demandera une collaboration à l'échelle européenne ». Le projet Luna-Liner met en évidence qu'un réseau dense est plus efficace pour la gestion du matériel et du personnel, qu'une ligne isolée. De la même façon la compagnie ÖBB a déclaré qu'elle n'étendra ses futures lignes ICN que vers les pays qui offrent une véritable collaboration 344. « La concurrence seule ne résoudra rien, c'est plutôt la coopération entre les compagnies des différents pays qui est la clef de la réussite des trains de nuit en Europe. » a déclaré Kurt Bauer, le Manager ÖBB 345 . Aussi, desservir la France n'est pas dans ses priorités à cause des sillons précaires et des péages prohibitifs, en particulier vers Paris. Pour l'instant seule la Hollande a demandé explicitement à ÖBB une connexion vers Amsterdam 346. Guillaume Pepy confirme la pertinence de la coopération : « entre l'allemagne et la France nous avons choisi non pas la concurrence mais la coopération. [...] Si nous étions en concurrence, ça voudrait dire concrètement que si vous aviez acheté un billet pour une TGV, vous ne pouviez pas monter dans un ICE, il n'est pas échangeable, et réciproquement. Donc on a choisi un modèle de coopération et on est content parce que avec nos collègues allemands ça a renforcé les liens entre les 2 compagnies et j'espère que ça nous permettra aussi de faire un meilleur service transfrontalier. »347 A terme, une compagnie européenne détenue par exemple à 10-15% par chacune des multiples compagnies, DB, SNCF, ÖBB, Trenitalia, etc permettrait d'exploiter le réseau en coopération avec, dans chaque pays, le personnel national348. 7.5/ La concurrence ne suffit pas : l'ICN a besoin d'implication et de financement de l’État Il a été proposé que des opérateurs « extérieurs » reprennent les ICN à travers l'ouverture à la concurrence349. En réalité, les opérateurs privés auront, ou ont déjà, bien des difficultés sur le rail 350. Véolia se retire des transports après avoir essuyé de lourdes pertes à l'international 351. Le Royaume-Uni vit des faillites d'entreprises privés352. En réalité, les capitaux investis dans l'« ouverture à la concurrence » le sont fréquemment par des filiales d'entreprises publiques. Kéolis 353, la RATP et la SNCF ont 100% de capital public. Transdev354 70%, Eurostar355 95%. Dans la plupart des pays européens, l'opérateur principal est à capital 100% public356. Les opérateurs réellement privés sont donc minoritaires même dans les pays ouverts à la concurrence des depuis décennies. C'est le cas en Suède 357, en Norvège358, en Autriche359, en 343 LunaLiner, « La nouvelle coopération pour des ICN européens », Bahn für alle (Des trains pour tous), 2016-2017. 344 Danish ngo-contact to ÖBB NightJet, back-on-track, 28 sep. 2017 ; Vincent Doumayrou, Les trains de nuit Nightjet ont transporté 1 400 000 passagers en un an, blogs.Mediapart, 4 janv. 2018 345 Patrick Sacristan, Le Parlement Européen réfléchit à la relance des trains de nuit,La Semaine des Pyrénées, 9 fév. 2018 346 [ALLEMAGNE] La reprise des trains de nuit par ÖBB est un succès, T. Wüpper, Stuttgarter Zeitung, 6 juin 2017 Vincent Doumayrou et treinreiziger.nl, Les trains de nuit Nightjet ont transporté 1 400 000 passagers en un an, Mediapart, 7 déc. 2017 347 Audition des Présidents de la SNCF, Commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 9 nov. 2017 (minute 1h35'30'') 348 C'est le modèle de coopération usuel : Elipsos (SNCF 50% et Renfe 50%), Lyria (CFF 26% et SNCF 74%). Thalys appartient pour sa part à la SNCF (62%), la SNCB (28%) et la DB (10%). Sur Alleo (SNCF et DB), lire : SNCF-DB: 10 ans de partenariat, Businesstravel, 15 juin 2017 349 Michaël Verbauwhede, Le 4ème paquet ferroviaire, ou l'anti COP21, le Vif, 18 déc. 2016 ; Voir aussi Jean-Marc Jancovici, Plus de concurrence ou moins de carbone, Les Échos, 10 mars 2015 350 Fabrice Gliszczynski, "Sans modèle économique du TGV, l'ouverture à la concurrence ne fonctionnera pas" (Pepy), La Tribune, 30 juin 2017 Lionel Steinmann et Pierre de Gasquet, La SNCF descend d'Italo, le TGV privé italien, Les Echos, 17 juillet 2015 351 Jean-François Arnaud et Anna Rousseau, Pourquoi Veolia dit adieu aux transports, Challenges.fr, 6 déc. 2011 352 Stagecoach East Coast rail franchise to end early, BBC, 6 fév. 2018 ; Nathanaël Uhl, Derrière Carillion, la privatisation des services publics pose questions en Grande-Bretagne,Grey Britain, 17 janv. 2018 353 « Le Groupe Keolis est détenu à 70 % par la SNCF et à 30 % par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). » dans Qui sommesnous ?, Keolis, page web. Pour sa part CDPQ a la forme juridique de société d'état. 354 Le capital est à 70% Caisse des Dépôts et consignations, et à 30 % Veolia, et il pourrait prochainement passer à 100% Caisse des Dépôts car les repreneurs privés ne semblent pas succomber facilement aux tentatives d'approche. Voir Fabrice Gliszczynski, Transdev : les constructeurs automobiles ont un bon profil pour remplacer Veolia au capital, La Tribune, 29 mars 2017 355 Eurostar appartient à 55% à la SNCF, à 30% à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), à 5% à la SNCB 5 %, et à 10% Hermes. Cette dernière appartient à 75% à Transdev. 356 Les opérateurs ferroviaires suivants ont 100% de capitaux publics : en Espagne (Renfe, Adif, Feve et FGC), en Italie (Thello, Trenitalia et FS), en Belgique (SNCB), en Suisse (CFF), en Autriche (ÖBB), en Allemagne (DB), en Suède (SJ, SL, Inlandsbanenn et BV), au Danemark (Banedanmark, DSB) et en France (SNCF). Pour plus d'information sur le capital des entreprises, rechercher le nom de la compagnie sur wikipédia ou internet. 357 Quelques opérateurs « privés » en plus de Transdev, DSB (entreprise publique Danoise), MTR (75% de capital public de Hong-Kong) opèrent minoritairement en Suède. 358 NSB et LinxAB en Norvège sont majoritairement publiques. 359 En Autriche une compagnie privée (Westbahn) fait concurrence à ÖBB. Voir : La SNCF réduit sa part dans l'autrichienne Westbahn, AFP, Finances.net, 23 avr 2013 Une enquête « Oui au train de nuit » 42 Version 17 mars 2018 Suisse360, au Danemark361, en Hollande362, Allemagne363. En Italie, l'opérateur NTV-Italo, fondé avec du financement public SNCF, a finalement été acheté par un fond d'investissement américain 364. Au final, avec la concurrence, ce sont surtout les entreprises d’État qui se concurrencent mutuellement – à l'étranger – sur les lignes les plus fréquentées. Dans le même temps, il y a un risque qu'elles se délestent – à domicile – de la mission de service public pour l'aménagement du territoire. Les prix baissent effectivement sur certains axes majeurs365, mais au risque de délaisser les territoires moins denses. Pour les entreprises entrantes, il existe déjà de la place pour créer des lignes ICN internationales vers l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie. Or les entreprises ne se bousculent pas. Thello (filiale à 100% de Trenitalia) n'assure – avec difficulté – qu'une ligne de nuit, Paris-Venise 366. Pour les ICN nationaux, qui sont souvent des lignes modestes desservant des villes moyennes, il est tout aussi improbable que des opérateurs extérieurs assument des investissements lourds et un risque important, alors que la SNCF, propriétaire du réseau, souhaite toujours voir disparaître l'activité ICN. Un opérateur extérieur serait en position encore plus précaire pour négocier avec SNCF-Réseau. Par ailleurs, l’État peut plus facilement demander à l'opérateur public national une exploitation à l'équilibre – sans bénéfice –. Par contre un opérateur « privé » ou étranger demandera un bénéfice important. Or les lignes d'aménagement du territoire ICN ne peuvent fournir un tel niveau de bénéfice. Pour sa part, Transdev a exprimé être intéressé par les ICN uniquement s'ils sont subventionnés 367. Notons pour finir que le Parlement Européen a commandé un rapport qui liste – de manière un peu obsessive - tous les arguments montrant que les ICN gérés par des compagnies privées ne sont pas viables 368. Nombres d'arguments sont par ailleurs trompeurs 369. Une conclusion logique reste toutefois que l'ICN est une mission publique. Le gouvernement français ne peut donc attendre que le service vienne d'hypothétiques « nouveaux » opérateurs. La Suède et l'Autriche, bonnes élèves de l'ouverture à la concurrence, ont relancé leurs ICN à travers leurs entreprises publiques SJ et ÖBB 370. D'une manière générale, la relance et la modernisation des ICN en Europe est principalement l’œuvre d'opérateurs publics 371. L'ICN est une mission d'aménagement du territoire, doublée d'un impératif d'avancer vers le report modal. Ces missions stratégiques nécessitent la mobilisation de la SNCF et le financement de l’État. L'obligation d'ouverture à la concurrence (4ème paquet ferroviaire) a été voté par l'UE a une courte majorité. Or justement, depuis peu, l'UE offre la possibilité à une minorité de pays de choisir une autre voie, grâce à la procédure « Enhanced Cooperation ».372 Si un minium de 9 états de l'UE décident de prendre une autre orientation que l'ouverture à la concurrence, l'UE ne pourra s'y opposer. Par ailleurs la CGT souligne qu'il existe des possibilités pour l'Etat de ne pas ouvrir à la concurrence. « L’argument du passage obligatoire à la concurrence doit aussi être contesté. »373 Il y a quelques aspects positifs de l'ouverture à la concurrence : elle peut aider à clarifier la comptabilité SNCF et à cesser de surfacturer les TER et les IC, même si en pratique, la séparation comptable peut se réaliser (ou non374) indépendamment de l'ouverture à la concurrence. « La CGT ne remet pas en cause la gestion comptable par activité. [...] La séparation comptable, au-delà des obligations légales pour certaines activités (fret notamment), est nécessaire pour des raisons d’identification et d’affectation de coûts pour une gestion efficiente du service public. De plus, la SNCF, entreprise publique, 360 En Suisse, l'opérateur entrant BLS appartient à 84,4 % aux diverses collectivités publiques (cantons, communes et confédération). Lire : Bernard Wuthrich, Andreas Meyer, patron des CFF, considère que le réseau grandes lignes doit rester en mains des CFF, Le Temps, 14 sept. 2017 361 Des filiales de la DB interviennent minoritairement au Dannemark. 362 En Hollande l'infrastructure ProRail et l'opérateur principal NS ont 100% de capitaux publiques. Des filiales de DB, SNCF et Transdev opérent de manière minoritaire. 363 Pauline Houédé, La difficile libéralisation du rail allemand, Les Échos, 1er août 2017. 364 Un nouvel actionnaire unique pour NTV-Italo, Mediarail, 9 fév. 2018 ; La SNCF possèdait à l'origine 20% de capital d'NTV qui concurrençait FS sur la grande vitesse. Voir aussi : Philippe Ridet, En difficulté, le transporteur ferroviaire italien NTV interpelle l'Etat, Le Monde.fr, 3 sept. 2014 365 Pour MTR, l’open access ne paye pas encore en Suède, Ville Rail&Transports, 15 Sept. 2017 ; A noter que MTR Corporation est propriété à 75.09 % de l’État de Hong-Kong. 366 Marc Fressoz, Thello stoppe sa marche sur Rome mais veut titiller la SNCF en Italie et en région PACA, Mobilicités, 8 octobre 2013 367 Trains de nuit : Transdev pose ses conditions, TransportRail, 19 juin 2016 368 Night trains in Europe : the end of the line ?, Policy Dept, Transport&Tourism, European Parliament, 8 mai 2017 369 Poul Kattler, The end of the line – we don’t think so !, Back-on-track, 17 mai 2017 370 Notons toutefois que Transdev a participé à la relance des ICN en Suède. Ce qui a permit de remotiver l'opérateur public SJ. 371 Les principales compagnies qui relancent (ou maintiennent) des trains de nuit, ÖBB en Autriche, NSD en Norvège, SJ en Suède, VR en Finlande, RZD en Russie, ZSSK en Slovaquie, Thello (filiale de Trenitalia) sont 100% publiques. Snälltåget en Suède est une filiale de Transdev (majoritairement publique). Notons comme exception le Caledonian Sleeper, géré par First Group (avec le soutien actif de l’Écosse). 372 Enhanced Cooperation sur wikipedia 373 Ensemble pour le fer, CGT cheminots, 7 mars 2018 (page 19-20) 374 Séparation comptable de Fret SNCF : pourquoi l’Araf n’est pas en mesure de l’approuver ?, ARAF, 22 avr. 2015 ; L’Arafer demande à SNCF Mobilités de revoir ses règles de séparation comptable, ARAFER, 24 janv. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 43 Version 17 mars 2018 doit être transparente vis-à-vis des Autorités Organisatrices. »375 7.6/ Le ferroviaire : un secteur adapté à une gestion unifiée et publique Au Royaume-Uni, l'infrastructure, privatisée en 1996, est à nouveau gérée par une entreprise à capital 100% public, Network Rail, depuis 2002, ce qui a permis d'améliorer la sécurité, après 2 accidents graves dus au manque d'investissement du temps de la gestion privée376. La loi interdit toujours aux opérateurs publiques britanniques d'opérer des liaisons ferroviaires 377. Aujourd'hui les opérateurs roulants sont souvent des filiales des entreprises publiques européennes (Allemandes, Françaises, Hollandaises ou Italiennes)378. Et elles sont très gourmandes en... subventions publiques britanniques. La Délégation de Service Public (DSP) à des entreprises privées a déjà montré qu'elle peut remettre en cause la desserte des destinations secondaires, tout en apportant le risque d'une augmentation 379 et d'une disparité des prix380. « Il est évident que la privatisation n'a pas fonctionné, elle a plutôt amené de la fragmentation et de l'inefficacité. L'argent gaspillé (en subventions, ndlr) aujourd'hui pourrait être mieux utilisé et servir à améliorer le service et réduire le prix des billets dans le futur. »381 Aujourd'hui 75% de la population souhaite la renationalisation du rail382, a tel point que le Finantial Times lui-même s'interroge383. En 1996, avant la séparation de SNCF et RFF, le Président de la SNCF déclarait « Une SNCF unie fonctionnera toujours mieux que deux SNCF, ou plus... »384. En 2016, le Président de SNCF Réseau Jacques Rapoport a pour sa part salué la réunification de l'entreprise (en 2014), qui ramène « la cohésion humaine entre ex-RFF et ex-SNCF après 18 années de guerre de tranchée »385. Certains craignent que la SNCF éclate en une multitude de filiales386. Pour la CGT « Le système ferroviaire a besoin, pour un fonctionnement optimal, d'être intégré. Produire un train, le faire circuler dans des conditions de sécurité, fiabilité, confort et régularité nécessitent une synergie entre tous les acteurs et métiers du ferroviaire. En segmentant le travail des cheminots dans des établissements dédiés, on sépare les maillons d'une chaîne indispensable à la qualité de l'offre ferroviaire ».387 Finalement, le Premier Ministre Édouard Philippe a choisi : « entre le modèle britannique éclaté et le modèle continental d’un seul groupe très intégré, comme il existe en Allemagne, ma préférence va vers le deuxième modèle. [...] C'est même l’inverse d’une privatisation ».388 SNCF réseau est désormais considérée comme un « monopole naturel »389. Le matériel roulant et les ateliers de maintenance ne peuvent pas être changés en cas de changement d'opérateur, ils gagnent donc à faire partie aussi du « monopole public ». Le Rapport Spinetta recommande d'ailleurs de « rattacher Gares & Connexions à SNCF Réseau »390, et aussi la sûreté ferroviaire391. Y intégrer aussi l'ensemble des cheminots éviterait la fragmentation des cheminots par activité. En Allemagne la concurrence fonctionne un peu mieux qu'ailleurs car les Régions définissent avec beaucoup de précision les appels d'offre : elles définissent les fréquences, les correspondances, le personnel en gare et dans les trains. C'est un système de franchise très contrôlé. Pour la vente, les prix sont fixés indépendamment de l'opérateur. Au final même la vente gagne à faire partie du monopole public ? Pour leur part, les équipes dirigeantes déclarent avoir besoin de la concurrence comme outil de motivation. Peut-être la concurrence gagneraient à ne porter finalement que sur les équipes de management ? Celles-ci loueraient les sillons, le matériel, et les équipes cheminots à SNCF Réseau. 375 Ensemble pour le fer, CGT cheminots, 7 mars 2018 (page 10) 376 Accidents de Ladbroke Grove en 1999 (31 morts) et de Hatfield en 2000 (4 morts) ; Tristan de Bourbon, Des trains anglais plus sûrs mais coûteux, L'opinion, 31 Mai 2016 377 Les Britanniques nous alertent sur la libéralisation du train, Comme un bruit qui court, France Inter, 3 mars 2018 (minute 23') 378 Oliver Gill, Who owns the UK's railways? Well, not British firms in many cases, Citya.M., 11 janv. 2017 379 Au Royaume-Uni, les billets de train “les plus chers d’Europe” provoquent la colère, Courrier International, 3 janv. 2018 ; Gérald Roux, « C'est comment ailleurs ? Les tarifs du train en Grande-Bretagne », Radio France, 13 mars 2017 ; Rail fares cost commuters up to 14% of their income, says study, The Guardian, 3 janv. 2017 380 Julian Mischi & Valérie Solano, « 36 compagnies pour une ligne de chemin de fer », Le monde diplomatique, juin 2016 381 Cité dans Sasha Mitchell, Au Royaume-Uni, la privatisation des chemins de fer déraille, La Tribune, 9 janv. 2017 382 The Guardian view on rail privatisation: going off the tracks, The Guardien, 5 déc. 2017 ; Public ownership is popular, campagne « We own it » ; Thomas Lemahieu, L'idéologie de la privatisation en déroute en Grande-Bretagne, L'Humanité, 8 fév. 2018 ; « Grèves, retards, prix prohibitifs : pourquoi certains Britanniques veulent renationaliser leurs chemins de fer », France Info, 16 déc. 2016 383 Privatisation revisited, FT Series, 2018 384 Loïk Le Floch-Prigent (président de la SNCF: du 20 décembre 1995 au 4 juillet 1996) 385Auditions des Présidents-directeurs généraux de SNCF Mobilités et SNCF Réseau, Sénat, vidéo, 30 mars 2016 (minute 6) 386 Olivier Petitjean, Démantèlement de la SNCF : avec 30 ans de retard, Macron va-t-il répéter les mêmes erreurs que les Britanniques ?, Bastamag, 20 fév. 2018 ; Stéphane Ortega, Comment la SNCF a créé des centaines de filiales pour mieux préparer le démantèlement du transport ferroviaire, Bastamag, 5 juil. 2017 387 Ensemble pour le fer, CGT cheminots, 7 mars 2018 (page 23) 388 M. Edouard PHILIPPE, Premier ministre, Présentation de la méthode et du calendrier de la réforme ferroviaire, 26 fév. 2018 389 Voir monopole naturel en théorie économique et dans le cas du rail, wikipedia. Ou sur le site de l'ARAFER. Voir aussi par exemple : L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, rapports & documents, n°41,la documentation française, 2011 390 Jean-Cyril Spinetta, L’avenir duTransport ferroviaire, Rapport au Premier Ministre, 15 Fév. 2018 (page 107) 391 Éric Béziat, SNCF : neuf propositions-chocs et une révolution dans le rapport Spinetta, Le Monde, 15 fév. 2018 Une enquête « Oui au train de nuit » 44 Version 17 mars 2018 7.7/ Réduire les coûts par l'exemplarité de la direction Les cheminots sont accusés d'avoir « trop de privilèges ». A vrai dire, au niveau mondial, c'est l'ensemble des français qui sont privilégiés : nous vivons avec un sac à dos écologique non soutenable, au dessus de ce que peut supporter la biosphère 392. En réalité, il serait nécessaire de diviser par 4,393 ou même plus probablement par un facteur 10, nos consommations de ressources.394 Cela pourra advenir grâce à l'exemplarité des institutions, et en particulier de la direction SNCF. Aujourd'hui, il existe une dérive des dépenses pour le prestige 395 et le lobbying396 : « le métier de la SNCF, c'était de faire rouler des trains. C'est devenu une entreprise de services qui privilégie beaucoup l'image. On peut considérer que c'est un projet qui prime sur le projet industriel. » Les rémunérations élevées de la direction397, l'augmentation des péages versés aux entreprises privées (autour de 7000 €/train sur ToursBordeaux) ou le « coût du capital » que la CGT dénonce comment renchérissant fortement le ferroviaire 398, induisent nécessairement une incompréhension de la part des cheminots quand on leur dit que ce sont eux qui coûtent « trop chers ». 7.8/ Déconsacrer l'indicateur de « productivité » pour créer de l'emploi tout en réduisant les coûts Depuis 2003, la SNCF supprime autour de 2000 emplois cheminots par an 399. L’État impose en effet une course à la « productivité »400. Ce concept – qui d'après l'ARAFER reste mal défini pour la SNCF – est parfois mesuré en train*km par agent, ce qui revient à faire circuler les trains avec le moins de main d’œuvre possible... même si cela revient plus cher. Pour exemple, le gouvernement précédent a un moment imaginé remplacer certaines rames tractées Intercités par des TGV roulant sur lignes classiques. Cependant, même à vitesse réduite, un TGV coûte 30 % plus cher à exploiter qu'un train IC401 : moins de main d’œuvre mais plus cher ! 392 Marie Jo Sader, “ Si toute l'humanité avait le mode de vie des français, le jour du dépassement serait en avril ”, Actu-Environnement, 3 août 2017 393 Facteur 4 en France : la division par 4 des émissions de GES à l'horizon 2050, CGEDD, Ministère de l'Environnement, 2013 394 La stratégie du « facteur 10 » et du « sac à dos écologique », Les Cahiers du développement durable Belgique, 2015 395 Le faste de l'inauguration des LGV en juillet 2017 a fini par agacer M. Macron « Nous avons vécu dans le secteur sur beaucoup de mensonges. Ces dettes accumulées, un jour quelqu’un les paiera » à lire dans L.B., 6 millions d'euros : la facture de la sauterie de la SNCF a du mal à passer, L'Obs, 5 juil. 2017. Précédemment déjà La Cour des Comptes avait épinglé la SNCF pour un séminaire au Maroc pour 600 cadres à 4289 €/pers. : 2,7 millions d’euros pour un séminaire SNCF à Tanger, Observatoire des gaspillages, 5 août 2013. Ou encore ses dépenses liées à la communication, qui s'élèvent à 210 M€/an. Pour les vœux 2010 et 2011, la SNCF a organisé deux cérémonies sous la pyramide du Louvre à Paris, pour la coquette somme de 891 586 € et 668 700 €. 396 Laetitia Cherel, SNCF : entreprise publique ou machine d'influence ?, France Inter, 21 oct. 2017 (version texte). 397 Étienne Girard, Pendant que la SNCF touchait le fond, la ministre Florence Parly y gagnait 52.000 euros mensuels, Marianne, 6 oct. 2017 398 « la moitié des pertes de FRET est due aux intérêts payés aux banques », cité dans Fret SNCF sera fixé sur son sort à la fin de l’année, Ville Rail & Transport, 19 oct.2017 399 Pauline Damour, SNCF: nouvelle coupe des effectifs en 2016, Challenges, 16 déc. 2016 Éric Béziat, La SNCF va supprimer 1 200 postes en 2017, Le Monde Economie, 15 déc. 2016 400 Contrats État - SNCF : une visibilité à 10 ans, SNCF Réseau, 24 avril 2017 401 Lionel Steinmann, Les 15 TGV commandés pour sauver Alstom Belfort pourraient commencer… au garage, Les Echos, 16 fév. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 45 Version 17 mars 2018 Quand rechercher la « productivité » amène à l'inefficacité et à une augmentation des coûts Depuis 20 ans plusieurs décisions idéologiques malheureuses se sont succédées, avec en particulier la conviction que ce sont les cheminots qui coûtent cher et sont inefficaces. Miser sur la soustraitance, l'augmentation de l'encadrement et la réduction des effectifs sur le terrain a entraîné une augmentation de la masse salariale402 et un renchérissement des coûts des travaux. La Cour des Comptes relève que « l''effort de productivité [...] reste difficile à évaluer. [...] En tout état de cause, ces gains apparaissent inférieurs à la dynamique de progression des coûts »403 (voir graphique). Changer de perspective et abandonner l'obsession pour le critère « productivité » pourrait permettre en même temps de réduire les coûts et de créer de l'emploi ? Suite aux suicides de cheminots404, la pression managériale de la SNCF est pointée du doigt 405. La guerre contre les cheminots et les syndicats a trop longtemps été portée par les médias, la direction et l’État. Pourtant, les syndicats ont aussi permis de maintenir des trains du quotidien et le service de proximité, à l'époque où la direction SNCF pouvait désirer fermer des lignes et des gares, et où les élus rêvaient surtout aux projets LGV. La branche FRET SNCF est passée de 15 000 cheminots en 2008 à 6000 en 2017, ce qui induit une perte de compétences désormais problématique 406. En Allemagne, la DB vient de sortir de la logique de contraction du FRET, pour recruter 700 cheminots 407. En France SNCF Réseau cherche aussi à recruter à nouveau408. Mais avec la dégradation des conditions de travail, et la perte du statut pour les cheminots, la SNCF a désormais du mal à recruter.409 La CGT cheminots explique l'utilité du statut créé au début du 20ème siècle. « L’État a légiféré pour créer un Statut unique à l'ensemble des travailleurs du ferroviaire. Il a ainsi imposé aux différentes compagnies l'emploi d'un nombre d'agents suffisants et de les fidéliser pour permettre la transmission des savoirs et des savoir-faire professionnels. Chaque cheminot doit ainsi avoir un haut niveau de formation, en regard des spécificités fortes des différents métiers et une organisation du travail encadrée pour garantir la sécurité des circulation. […] Le statut donne des droits mais confère aussi des devoirs […] travail du dimanche et des jours fériés […], travail de nuit, mobilité induite. »410 Pour l'ex-PDG de la SNCF Loïk Le Floch-Prigent (1995-1996) « le train est un métier, [...] le cheminot est un expert, il possède un bagage de connaissances fondamental pour que les trains roulent, arrivent à l’heure, en sécurité, et que les aléas, les incidents, ne se transforment pas en arrêts intempestifs généralisés. » Pour le bon fonctionnement des trains, il est idéal de pouvoir compter sur une corporation professionnelle avec des droits, des devoirs, des compétences et la conscience du travail bien fait. Pour Louis Gallois, président de la SNCF de 1996 à 2006, « Le patrimoine n°1 de la SNCF c'est la compétence de ses personnels. »411 Ce modèle a fonctionné pendant un siècle. Sa déconstruction sur fond idéologique s'annonce relativement hasardeuse. Notons aussi que le travail nocturne est fatiguant « quand on a travaillé de nuit pendant des années, on n'arrive plus jamais à retrouver un rythme naturel de sommeil », témoigne un cheminot, pourtant défenseur des trains de nuit. Les salariés ont pour cette raison d'autant plus besoin d'être protégés. A noter que si l'activité ICN se réduit, en revanche de plus en plus de chauffeurs Ouibus ou Flixbus roulent de nuit. Le remplacement des ICN par des bus ne permet donc pas d'éviter le travail nocturne. 7.9/ Réunifier les activités pour augmenter la polyvalence des cheminots Aujourd'hui les activités SNCF sont fragmentés afin de pouvoir à l'avenir céder l'une ou l'autre à la concurrence. Les équipes cheminotes sont elles-aussi fragmentées par activités. Certains aiguillages ne peuvent être actionnés que par des cheminots « aiguilleurs FRET » d'autres que par des « aiguilleurs TER ». Au guichet il y a des « vendeurs TGV » qui sont mal notés s'ils vendent trop de TER. Sur une même gare la coopération entre les cheminots de différentes activités sont désormais interdites. La CGT le décrit 402 Paolo Garoscio, SNCF : la masse salariale augmente en 10 ans mais il y a 14% d'employés en moins, Economie Matin, 21 oct. 2014 403 L’entretien du réseau ferroviaire national, Cour des Comptes, Juil. 2012 (page 47-53) 404 Mathieu D'Hondt, Plus d'une cinquantaine de suicides de cheminots en 2017, SudRadio, 19 janv. 2018 ; Un cheminot se suicide à la gare SaintLazare, à Paris, FranceInfo avec AFP, 11 mars 2017 ; Suicides à la SNCF: le moral des cheminots déraille-t-il ? La Croix-AFP, 26 mai 2017 ; voir aussi le documentaire, Cheminots, réalisé par Sébastien Jousse et Luc Joulé, 2010 405 Béziers : un cheminot se suicide, la CGT dénonce un «management agressif», Le Parisien, 16 avril 2016 ; Chantal Blandin, Suicides de cheminots. Effet Orange, effet Werther, La lettre du cheminot, 13 avril 2017 ; Parlons sécurité, UFCM-CGT, Cadres libres n°13, nov. 2015 ; Pierre-Louis Rémy, La crise de la SNCF s’explique aussi par « son mode de management », le monde economie, 25 janv. 2018 406 Marie-Sophie Ramspacher, La SNCF face à la rupture des générations, Les Echos Business, 26 oct. 2016 ; SNCF Montparnasse : la première panne du siècle, VilleRail&Transports, 1er août 2017 407 DB Cargo suspend son programme d’économie pour investir, Ville Rail & Transports, 17 juil. 2017 408 SNCF Réseau veut pourvoir 2 800 postes, Ville Rail&Transports, 20 sept. 2017 ; Camille Boulate, SNCF Réseau : 2 800 recrutements prévus en 2018, Rebondir, 20 sept. 2017 409 France 3 19-20, « La SNCF recherche désespérément des conducteurs de train », francetvinfo.fr, 21 fev. 2017 ; Salomé Legrand, Il manque des conducteurs de train, La Matinale, Europe 1, 22 fév. 2018 ; 410 Ensemble pour le fer, CGT cheminots, 7 mars 2018 (page 10) 411 Video et Twitt de Mathias Vicherat, Directeur Général Adjoint du Groupe SNCF, 12 mars 2018 Une enquête « Oui au train de nuit » 46 Version 17 mars 2018 ainsi : « L’évolution du système et des fonctionnements (séparations RFF, SNCF puis SNCF Réseau/SNCF Mobilités, Fret/reste de la SNCF, circulation/reste de la SNCF, vente grandes lignes/vente TER…) a conduit à un morcellement de la production, source de dysfonctionnements et de surcoûts. Ces séparations [...] sont un contre-sens en termes de pilotage et de production opérationnelle. Dans un système ferroviaire mixte où les trains de toutes natures (de voyageurs, de fret, de service, de travaux, d’autres entreprises…) empruntent les mêmes voies, la qualité de fonctionnement dépend des interactions des uns avec les autres. [...] La qualité des interfaces opérationnelles suppose, entre les personnels concernés, des références communes, l’existence partagée de savoirs tacites, une circulation des expériences, des réseaux informels de relations. »412 Face à l'inefficacité de ce cloisonnement par activité, la direction souhaite promouvoir une polyvalence par produit « Dans l’organisation, à partir des produits choisis par la direction, chaque cheminot est contraint d’exercer des tâches relevant de différents métiers (accueil, vente, filtrage, départ des trains…) avec des formations réduites limitées aux tâches en question », explique la CGT. Ainsi pour la direction, il serait idéal que les contrôleurs des ICN ne soit pas uniquement contrôleurs mais qu'ils puissent effectuer par exemple les manœuvres en gare pour atteler et dételer les voitures. Actuellement ce n'est pas possible par la réglementation du travail.413 Dans les années 1980 les cheminots bénéficiaient d'une formation sur 2 ans sur tous les métiers. Dans cette logique la CGT défend la formation et une autre forme de polyvalence qui évite le cloisonnement par activité : « Dans l’organisation défendue par la CGT, chaque cheminot devient un spécialiste d’un métier […]. L’intégration des métiers de la production au niveau du site géographique conforte la maîtrise des fondamentaux du transport ferroviaire et permet une amélioration de la qualité des services. » Aujourd'hui il pourrait être idéal de négocier la réunification des activités – en gardant une séparation comptable -, et une évolution de l'organisation du travail qui permette de favoriser à nouveau les rames tractées. 7.10 Propositions pour l'information aux voyageurs et la vente Actuellement oui.sncf est un site de voyagiste, ce n'est pas un site d’information, contrairement au site de la DB (bahn.de). Suite aux nombreux dysfonctionnements en 2017, la SNCF s'est engagée à créer un nouveau système d'information client unifié414. C'est donc le moment pour proposer des innovations : • • • • • • • En Allemagne, les trains apparaissent 8 mois avant le départ sur le site bahn.de, même s’ils ne sont pas encore en vente. Oui.sncf le propose déjà pour les TGV. Il serait idéal que les trains de nuit apparaissent sur oui.sncf, 6 à 12 mois avant le départ. Un simple message « train non ouvert » permet au client de savoir que le train existe mais qu'il ne peut pas encore l'acheter. Il est important de faire apparaître tous les trains de nuit – même ceux qui sont déprogrammés (avec un message « train supprimé »). C'est une information importante : le train existe même s'il ne roule pas ce jour-là. De plus dans ce cas, le client n'attend pas inutilement l'ouverture de la vente : il sait qu'il doit trouver une autre solution, par exemple en voyageant un autre jour. IIl serait optimal de ne jamais faire disparaître les trains de nuit du site. Un exemple à suivre : sur le site www.thello.com, quand on parcourt le calendrier, on peut voir directement « train supprimé » ou « train temporairement indisponible à la vente ». Pour maintenir le train de nuit visible pour toutes les situation prévoir un éventail de messages adéquates, par exemple « horaires en cours de validation », « susceptible d'annulation », etc. Parallèlement, une enquête sur les disparitions des ICN sur oui.sncf semble nécessaire. Cela permettra que les vendeurs (eux-aussi mal informés) ne répondent plus «le train n’existe pas ». L'alerte email est efficace. Grâce à elle, un train de nuit Paris-Briançon a été entièrement vendu en 24h, après sa sortie à la réservation en décembre 2017. Afficher les tarifs sièges inclinables. Ils sont presque introuvables pour quelqu’un qui ne connaît pas bien le train de nuit. Ils pourraient être mieux mis en valeur sur le site web, car c'est un tarif compétitif qui peut être vendu très facilement. Actuellement pour les trouver, il faut d'abord sélectionner sur un tarif plus cher pour ensuite cliquer sur « voyager moins cher en siège inclinable ». La commercialisation favorise-t-elle les TGV par rapport aux trains conventionnés ? Les chemins de fer allemands (DB) ont un temps favorisé la vente des TAGV ICE par rapport aux 412 Ensemble pour le fer, CGT cheminots, 7 mars 2018 (page 43) 413 RH 0077 La réglementation SNCF du travail, FO cheminots 414 Michel Waintrop, Pannes SNCF, le défi de l’information aux voyageurs, La Croix, 4 déc. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 47 Version 17 mars 2018 trains moins onéreux par des commissions pour les vendeurs au guichet, et par le serveur informatique. Celui-ci rendait invisibles certaines correspondances en train régional. Suite au scandale, les commissions de vente ont été interdites, et des boutons ont été introduits sur le serveur DB : décocher « préférer des correspondances rapides » permet de découvrir des durées légèrement plus longues, mais bien meilleures marchés. On peut désormais en plus sélectionner les modes de transports souhaités (TER, ICJ, ICN, TGV, bus, etc)415. En France les vendeurs TGV se voient demandés par la direction de vendre en priorité le TGV (qui a un impératif de rentabilité), plutôt que le TER et les IC qui sont subventionnés. Les primes et la notation des vendeurs dépend de leurs ventes. Si un vendeur vend trop de TER, des remarques lui sont adressées par sa direction. Le serveur informatique favorise lui aussi les TGV. De nombreuses « correspondances absurdes » sur le réseau classique jouent en faveur des correspondances TGV : à Port Bou 2 trains espagnols partent une minute avant l'entrée en gare des rares trains français traversant la frontière. Des correspondances absurdes similaires sont observées à Narbonne. Le TGV Narbonne-Figueras, toujours en graves difficultés financières 416, a-t-il été favorisé en instaurant des correspondances absurdes sur la ligne classique parallèle afin de « rabattre la clientèle sur le TGV » ? 417. Autre problème du site oui.sncf : il ne permet que 2 correspondances sur internet (et 5 correspondances au guichet), ce qui rend invisibles certains trajets en TER entre territoires ruraux distants. Notons que le site ter-sncf.com permet plus de correspondances, l'évolution est donc à portée de main... Proposition : sur oui.sncf, inclure, comme sur le site bahn.de, des boutons pour sélectionner le type de train souhaité : TGV, IC, IC de nuit, TER, bus, etc, et permettre jusqu'à 6 correspondances ou plus. Question à SNCF : Pendant les travaux, les ICN Paris-Briançon sont remplacés par des bus. Or ces bus, malgré un tarif de 20 €, semblent avoir une fréquentation très réduite par rapport aux trains (soit 2 bus de 5 à 20 passagers par trajet au lieu d'un train de 400 places). Interroger SNCF Intercités permettrait de connaître les chiffres de fréquentation des bus de remplacement pendant les travaux, à comparer avec celle des ICN hors travaux ? 7.11 Impliquer SNCF Gare & Connexion Paris Austerlitz et Toulouse Matabiau sont les deux plus grandes gares desservies par les ICN. L'accueil en gare est d'autant plus important que le voyageur effectue un long voyage avec une nuit de sommeil. Impliquer SNCF Gare & Connexion est donc nécessaire pour la qualité du service. * A Toulouse l'ICN part à 22h30. Les passagers aimeraient bien disposer de toilettes confortables avant de passer la nuit dans le train. Malheureusement les toilettes de la gare ferment désormais à 22h. Il serait idéal de prolonger l'ouverture des toilettes jusqu'à 22h30. * Les douches à Paris-Austerlitz étaient onéreuses (9,90 €)418. Elles ont finalement été supprimées 419. Il serait idéal de proposer des douches dans les gares d'arrivée. Au cas où celles-ci seraient chères, le billet pourrait-il inclure un tarif réduit pour la douche ? * Il serait possible également de promouvoir des partenariats avec les restaurateurs situés autour des gares d'arriver pour proposer des tarifs réduits petit déjeuner sur présentation du billet ICN ? * A Austerlitz, suite à la récente rénovation, la longueur des quais limite la composition des ICN à 15-16 voitures. Cela oblige à réduire la capacité des trains multibranches Toulouse-Rodez-LatourCarol-Port Bou. Il serait idéal d'aménager certains quais pour qu'ils permettent des compositions de plus de 20 voitures. Les tiroirs de manœuvre du technicentre Massena limitent également la composition des trains à 16 voitures. Le technicentre de Tolbiac sera prochainement rénové, il serait idéal qu'il permette des compositions plus longues. * La branche Paris-Port Bou circule tous les jours pendant les vacances. Elle effectue un aller-retour en journée de 500 km pour son nettoyage à Toulouse, ce qui induit des coûts supplémentaires. Pourquoi ne pas maintenir le nettoyage de la rame à Cerbère ? 415 Les mêmes « disparitions de correspondances » sont décrites aussi en France :« Calais-Paris sans passer par Lille ( TER + Intercités par Boulogne et Amiens), c’est une possibilité que le site de réservation de la SNCF ne vous propose pas ! On vous donne automatiquement du TGV passant par Lille ! Seuls les usagers persévérants font apparaître la possibilité en inscrivant le trajet « via Amiens » ! » Voir C. Louchez, Corail Intercités de jour comme de nuit: des trains en équilibre précaire sur le territoire !, velobuscotedopale, 23 juillet 2016. 416 Lionel Steinmann, Le besoin de réduire les pertes menace les lignes Paris-Barcelone et Paris -Genève, Les Echos, 25 juil. 2017 417 Voir les Annexes sur Des transports doux pour l'Occitanie, « Oui au train de nuit », 9 juil. 2016 418 Les douches à Paris-Austerlitz existent mais sont onéreuses (9,90 €). Elles étaient à 6 € en 2011. 419 Douches Austerlitz, Questions-sncf, sncf.com Une enquête « Oui au train de nuit » 48 Version 17 mars 2018 7.12 Partager les informations pour impliquer les usagers Proposition : Mettre en place des comités de ligne pour impliquer les acteurs. Les usagers, cheminots, collectivités et acteurs économiques peuvent offrir une expertise d’usage et de proximité pour identifier les dysfonctionnements qui se sont accumulés au fil des ans. Il peuvent aussi contribuer pour avancer vers des partenariats commerciaux (par exemple des packs « train + billet combiné pour le dernier kilomètre + offre locale »)420. L'accès à l'information est une clé pour obtenir l'implication des acteurs. Actuellement, même les Régions n'ont pas accès aux chiffres complets sur leurs propres TER. L a SNCF offre ses données en open-data, mais les chiffres publiés sont fréquemment irréalistes. Pour sa part, l’État retient l'information : à la question écrite de la Députée Jeanine Dubié sur les ICN, l’État a attendu 4 mois pour finalement répondre complètement « à coté »421. L'ARAFER a publié des statistiques complètes sur tous les trains de voyageurs en « oubliant » les ICN. Les ICN ont peut-être été « agrégés aux ICJ », même si leurs statistiques sont très différentes. Par exemple la distance moyenne parcourue est supérieure à 600 km pour les ICN, mais de seulement de 156 km pour les « Intercités » étudiés par l'ARAFER422. A publier : le nombre d'ICN ayant réellement circulé annuellement ; le nombre de trains « déprogrammés » ou annulés ; le nombre de trains affichant complet ; le nombre de voyageurs et taux d'occupation pour chaque circulation ; le nombre de voyageurs*kilomètres et de train*kilomètres annuels pour les lignes ICN et ICJ, si possible depuis 2010, etc. 8/ Mobiliser les acteurs L'ICN est avant tout victime de préjugés. Une action pédagogique est donc nécessaire pour mobiliser tous les acteurs. 8.1/ L'Union Européenne Le Parlement Européen a organisé plusieurs ateliers en faveur de redéploiement des Intercités de nuit423. Régénérer un réseau ICN continental serait un projet positif de l'UE, semblable à l'Interrail 424 ou l'Erasmus pour les Jeunes. C'est un beau projet : les ICN sont des trains qui unissent l'Europe, et qui évitent l'impact environnemental de l'avion. Une première étape pourrait être de lancer une étude de faisabilité pour définir un cadre d'exigences communes sur un futur matériel roulant ICN qui puisse être commun aux pays européens intéressés. D'autres défis consistent (1) à améliorer l'interopérabilité des réseaux ferrés classiques, en terme de signalisation, d’électrification et de traction 425. (2) à obtenir des sillons de qualité à bas cout, et (3) à une information des usagers pour pouvoir aisément acheter les billets ICN transfrontaliers à travers toute l'Europe. Pour sa part, Guillaume Pepy souhaite que les institutions européennes « rééquilibrent progressivement les conditions de la concurrence entre la route et le rail à l'échelle Européenne. »426 8.2 / L’État Le retard de financement des ICN découle d'une succession de renoncements 427 ✗ Les autoroutes, qui ont bénéficié d'un fort investissement public pendant des décennies, sont mises à contribution depuis 2011 pour le financement des IC 428. Pour autant, la Cour des Comptes déplore qu'en 2014, la « baisse de 45 % de la contribution de la route [...] va à l’encontre de l’objectif affiché de solidarité de la route à l’égard du rail. ». ✗ Par ailleurs, « l’abandon de l’écotaxe poids lourds fait peser une interrogation majeure sur les moyens qui pourront être consacrés au renouvellement des matériels des TET »429. 420 Florence Guernalec, Intercités expérimente le voyage tout-en-un, MobiliCites, 6 oct. 2017 421 Jeanine Dubié, Question n°1076 sur les Intercités de Nuit, Assemblée Nationale, 12 sept. 2017, 422 L’Arafer publie son 1er bilan du transport ferroviaire de voyageurs en France, ARAFER, 16 nov. 2017 423 The Greens, Revitalising European Night Train and EC-IC services (vidéo), Parlement Européen, 1er juil. 2015 ; Patrick Sacristan, Le Parlement Européen réfléchit à la relance des trains de nuit,La Semaine des Pyrénées, 9 fév. 2018 424 Un eurodéputé a proposé que l'UE finance un billet Interrail à tous les jeunes de 18 ans, pour favoriser la connaissance de l'Europe. 425 Érick Demangeon, L’interopérabilité ferroviaire européenne en question, L'Antenne, 8 Nov. 2017 426 Audition des Présidents de la SNCF, Commission des affaires européennes, Assemblée nationale, 9 nov. 2017 (minute 1h11') 427 Voir aussi : Marc Fressoz, L'Arafer juge le contrat État-SNCF Réseau "irréaliste", MobiliCité, 30 mars 2017 428 AFP, « La SNCF veut que les autoroutes paient », Le Figaro, 10 oct. 2012. 429 Cour des comptes, Trains d'Equilibre du Territoire, 2014, p. 6, 33 Une enquête « Oui au train de nuit » 49 Version 17 mars 2018 ✗ La Cour des Comptes a montré en 2015 que pour le remplacement du matériel roulant IC, la SNCF « n’atteint pas les objectifs d’investissement fixés [...] par la convention d’exploitation, préférant [...] procéder dans une proportion croissante à des locations de matériels de remplacement. Celles-ci [...] contribuent à l’accroissement déjà évoqué des coûts d’exploitation. »430 ✗ En février 2017, l’État a creusé le déficit des IC de 400 M€ en réduisant d'autant la contribution des TGV431. Il est vrai que l’État avait construit une machine à gaz : il « finançait » les Intercités, mais en prélevant le budget sur la SNCF. Cela a participé à décourager la SNCF. ✗ Depuis 2008, l’État cherche à faire des économies 432. Ainsi de nombreux fonctionnaires du gouvernement Hollande avaient pour tâche importante de chercher des lignes budgétaires à supprimer. Le train de nuit était un bon candidat. Pourtant d'autres choix sont possibles. Le secrétaire d’État aux transports, M. Vidalies, voulait la LGV pour sa ville, Mont de Marsan. « Dans la fonction d'un élu vous avez a essayer de développer votre territoire. Mais rencontrer en permanence des gens en disant [...] pourquoi vous vous installez pas là [et qui répondent] « Comment on fait pour venir chez vous ? ». Pour qu'on vous pose plus cette question, vous dites, bon voilà, il faut que je change les choses. »433 Les Grands Projets LGV de prestige, dont Bordeaux-Dax, passaient donc en priorité sur les ICN. C'est un choix irrationnel car si le budget est limité, il est pertinent de maintenir l'existant pour desservir l'ensemble de l'Hexagone avant de lancer de nouveaux projets très coûteux qui profiteront uniquement à quelques villes. ✗ En 2016, l’État a lancé un Appel à Manifestation d'Intérêt (AMI) pour que des opérateurs ferroviaires reprennent des lignes de nuit. Transdev – une des entreprises pressenties – a répondu qu'elle n'était pas intéressée, parce que de nombreuses informations contenues dans l’AMI sont fausses ou parcellaires ; que les conditions d’accès au réseau, les données du trafic et les recettes actuelles ne sont pas fournies ; que le Ministère des Transports ne garantit ni le transfert du personnel, ni la mise à disposition du matériel roulant, ni l’exactitude des données d'électrification 434. L’État n'a donc pas semblé désirer pérenniser les ICN, ni par la SNCF, ni par d'autres acteurs. Retrouver l'élan pour les Intercités de Nuit L’État peut assumer les missions pour le désenclavement et le climat à travers un effort financier sobre. Il s'agit principalement de réaliser les investissements en matériel roulant et surtout de s'assurer du changement d'attitude du groupe SNCF. Actuellement, la SNCF impose probablement des surcoûts. Il sera nécessaire d'obtenir de la SNCF qu'elle ouvre ses comptes. Les États offrent des subventions pour acheter des voitures électriques, avec un certain degré de rêve pour la voiture autonome. Or il existe un véhicule électrique où le voyageur n'a pas besoin de conduire ; il peut même dormir : c'est le train. Les clients des ICN devraient donc aussi bénéficier de ces subventions. Au-delà de 2025-2030 on sait que le moteur à combustion sera en perte de vitesse : c'est une opportunité pour les ICN. Qui finance ? Cesser de se renvoyer la balle Les Intercités de nuit font partie des Trains d’Équilibre du Territoire qui sont une compétence de l’État. Celui-ci propose aux opérateurs extérieurs ou aux Régions de financer, ce qui est peu réaliste. En juillet 2017, le gouvernement, suite à la demande de l'Occitanie, a refusé de cofinancer, même partiellement, la prolongation du service ICN Paris-Tarbes-Irun 435. Pourtant l’État finance des Lignes d'Aménagement du Territoire pour l'aviation. Puisque tous les modes de transport ont un coût pour le contribuable, pourquoi seul l'ICN devrait-il ne rien coûter à l’État ? Après la COP21, les choix de financement ne pourraient-il pas mettre en avant des critères environnementaux ? En février 2018, le Ministère des Transports a expliqué qu' « aucun opérateur et aucune collectivité ne se sont portés candidat à la reprise de ces lignes. Pour ce qui concerne la desserte de nuit ParisPerpignan, [...] un accord entre l'État et la région a été trouvé et la desserte, qui était fermée depuis le 10 décembre 2016, est à nouveau en service depuis le 6 juillet 2017, [...] avec un cofinancement de la région. Un tel schéma pourrait être envisagé pour la desserte de nuit Paris-Nice à la condition d'un important financement de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. »436 Cependant, les Intercités de nuit traversent tout l'Hexagone, c'est donc d'abord à l’État de financer. 430 Cour des comptes, Les trains Intercités : sortir de l’indécision, fév. 2015, p. 240, 244-245 431 Daniel Fortin, « Inconséquence ferroviaire », Les Echos, 16 fév. 2017 432 Darmanin détaille les 4,5 milliards d'économies prévues par l'État, Le Figaro, 11juil. 2017 433 Marie-Christine Zelem, La LGV : Un projet de Société, Vidéo, UVED, 2016 (minute 18) 434 Jean-Michel Gradt, « Trains de nuit : pourquoi Transdev n'est pas intéressé », Les Echos, 4 avril 2016 ; Lionel Steinmann, « Transdev se désengage des trains franco-italiens Thello », Les Echos, 28 juin 2016 435 Andy Barrejot, Fin de la Palombe bleue : l'Etat maintient sa position, La Dépêche, 31 juil. 2017 ; Martin Vanlaton, Suppression de l'Intercités de nuit Paris-Tarbes : l'Etat campe sur sa position, France 3 Occitanie, 1 août 2017 436 Avenir du train de nuit intercités entre Nice et Paris, Question écrite de Mme Dominique Estrosi Sassone, JO Sénat, 22 fév 2018 (page 867) Une enquête « Oui au train de nuit » 50 Version 17 mars 2018 Étudier le potentiel des ICN Une étude serait à demander au CGEDD et au SOeS (Service de l’observation et des statistiques ) pour répondre, entres autres, aux questions suivantes : • sur les déplacements de 700 à 1500 km, quel est le nombre de voyageurs par mode (avion, voiture individuelle, TGV/TER, ICJ, ICN, autobus) ? : • Il serait idéal de différencier les liaisons radiales, les transversales, et les liaisons internationales et d'évaluer le gisement potentiel de report modal sur chaque type de liaison. • Pour les transversales, il serait idéal d'évaluer le coût écologique comparé pour relier deux villes éloignées. Il s'agirait de prendre en compte la performance écologique de l'ICN a bon niveau de service, avec 850 places et un taux d'occupation élevé. • Autre perspective possible : quelle est l'évolution du trafic aérien sur les territoires qui ont perdu des dessertes ICN ? Vers quels modes se reportent les voyageurs des ICN démantelés ? • Au final combien coûterait la tonne de carbone évité par rapport modal sur les ICN ? • La carte isochrone des temps de trajet est dessinée depuis Paris. A quoi ressemblerait cette carte au départ de Toulouse, de Perpignan, de Tarbes, de Nice, de Millau, de Grenoble, ou même de Lyon ?437 Un étude gagnerait à être menée aussi par la Cour des Comptes et/ou l'Inspection Générale des Finances (IGF). • La SNCF a pour l'instant peu progressé vers une comptabilité « analytique » et elle semble incapable de clarifier ses comptes. Une enquête complémentaire serait donc nécessaire pour comprendre dans quelle mesure des surcoûts sont affectés aux trains conventionnés. • Quels sont les charges, les recettes et les besoins de subvention actuels par km*voyageur pour l'ICN comparé aux autres modes ? Il serait pertinent de séparer les liaisons radiales, transversales et internationales. A séparer aussi la desserte des villes moyennes, des métropoles et des territoires ruraux. • Comment évolueraient les coûts si le service était optimisé ? nombre de voyageurs par train élevé, taux de déprogrammation réduit. Le PDG de la SNCF annonce que seulement 15% des investissements se font à l'étranger, et que . 15 % se font également hors du ferroviaire. Serait-il possible d'évaluer l'intensité d'investissement de la SNCF par mode de transport et par pays ? • Une Enquête Parlementaire permettrait également de clarifier plusieurs points : • Une mission d'observation en Autriche aiderait à évaluer le potentiel des ICN. • De la même manière, interroger la Renfe et la SNCF permettrait de comprendre les freins et les possibilités de reprise de la collaboration Renfe-SNCF pour des ICN vers l'Espagne. • Plus généralement, une étude serait à mener sur le potentiel des liaisons ICN en Europe dans un rayon de 600 à 1500 km depuis la France. • Interroger les différents directeurs SNCF Réseau, Mobilité, voyageurs, EPIC de tête permettrait d’évaluer leur volonté de mener à bien la mission de maintien de plusieurs ICN demandée par l’État : (1) dans quelle mesure ont-ils, par le passé, voulu obtenir le démantèlement de l'activité ICN ? (2) Souhaitent-ils toujours le démantèlement ? (3) Est-ce que la SNCF laisse s'installer des dysfonctionnements ? (4) Transmet-elle ou a-t-elle transmis une image noircie des ICN à l’État avec pour objectif d'aboutir au démantèlement ? Proposition : Délocaliser la direction de la SNCF à Toulouse permettra de motiver ses managers pour l'amélioration des liaisons transversales. Là se poseront les bonnes questions : si depuis Paris « tout l'Hexagone » semble être à 3 heures, depuis Toulouse peut-on aller à Nantes en train sans y passer une journée entière ? En combien de temps peut-on aller à Grenoble ? à Nice ? à Strasbourg ? à Nancy ? à Lille ? en Normandie ? 437 Une étude ancienne existe : Yves Chopinet, Michel Lebouef, La carte de France déformée par le TGV, Les pays de France N°631, janv. 2008 Une enquête « Oui au train de nuit » 51 Version 17 mars 2018 8.3/ Les Régions et collectivités locales ✔ Les collectivités régionales et locales ont tendance appuyer les besoins de entreprises pour une liaison rapide vers Paris uniquement 438. Or la population a des besoins différents. Il est nécessaire de montrer que pour les villes moyennes, une même somme investie pour des ICN dans toutes les directions offrira une meilleure connexion que des lignes aériennes et des projets LGV vers Paris. ✔ L'image de l'ICN a été ternie. Désormais, il existe une barrière psychologique et il est sans doute difficile pour l’État de proposer aux collectivités locales l'ICN comme mode longue distance en lieu et place du TGV ou d'un aéroport. Et pourtant, même dégradé, l'ICN plait : il y a besoin d'oser le train de nuit ! D'autant plus que les décideurs peuvent avoir accès à un confort premium apprécié à travers l'ICN modernisé. La Région Occitanie a fait un premier pas, puisqu'elle a co-financé la renaissance partielle du Paris-Port Bou le 6 juillet 2017 439. ✔ Par ailleurs les collectivités locales et les Régions financent les aéroports régionaux et les lignes aériennes pour l'aménagement du territoire. Dans l'optique d'avancer vers le développement de mobilités « bas-carbone », les Régions pourrait envisager de reporter des financements des aéroports en faveur d'ICN qui réalisent les mêmes liaisons ? Par ailleurs, pour que la SNCF prenne au sérieux l'activité ICN, il est nécessaire que les collectivités réaffirment l'importance des ICN, en cofinançant, même de manière symbolique. 8.4/ Les acteurs du tourisme et les décideurs locaux Le tourisme s'est orienté dans les années 2000 sur les voyages en avion, avec un lourd impact environnemental. 84,5 millions de touristes ont visité la France en 2015, dont 67 millions qui arrivent des pays européens440. Les pays limitrophes sont de fait les destinations les plus prisées, et ce sont eux qui nous envoient le plus de touristes. Le potentiel de report modal de l'avion sur l'ICN est donc considérable. Par ailleurs, l'ICN n'est pas tellement limité en distance. Il permet aussi des voyages intercontinentaux : il est d'ores et déjà possible de se rendre en Asie en traversant la Russie. De tels voyages durent plus d'une semaine, ce qui évite le phénomène de trafic induit, qu'on observe par exemple dans l'aviation parce qu'elle est trop rapide et trop bon marché. La croissance inédite de l'aviation concentre le tourisme sur un nombre réduit de destinations phares. Ce « surtourisme » pose problème pour la population locale (hausse des prix du logement, dégradation du cadre de vie) et montre des limites d'acceptabilité441. L'ADEME promeut le tourisme national, et déjà, depuis les années 2010, la tendance revient vers un tourisme plus local et régional. L'ICN peut participer à l'émergence d'un tourisme responsable qui valorise en premier lieu le territoire national et l'Europe proche, avec une consommation énergétique moindre. Il permet de voyager dans un rayon de 1500 km ce qui permet d'atteindre tous les pays limitrophes et offrir une grande diversité de destination, avec un panel de gares destination pour chaque ligne, ce qui évite la concentration en un point. En ce sens l'ICN apporte une vraie nouveauté : le touriste ne choisira pas des destinations qui imposent des longs trajets en train de jour avec changements. Là où l'ICN vient à manquer, il préfère alors l'avion pour une destination internationale, bien plus lointaine. C'est une perte pour le tourisme régional et européen et pour le climat. En desservant les zones rurales et de montagne, l'ICN peut permettre non seulement de transporter les vélos, mais en plus de réduire le nombre de voitures individuelles à destination. Cela permet de réduire la pollution et l'occupation de l'espace, très limité en montagne. C'est pourquoi ÖBB offre le billet combiné pour le dernier kilomètre. Ainsi, les collectivités de montagne pourront préférer de financer l'ICN plutôt que des parkings coûteux, peu esthétiques et où les voitures sont souvent stockées sans être utilisées pendant la durée du séjour. L'ICN arrive le matin et permet de disposer de temps et des transports en commun locaux. A l'opposé, les trains de jour arrivent le soir, ce qui génère un stress face à l'absence de transport en commun en fin de journée. En ce sens, l'ICN intéresse déjà les décideurs des Alpes.442 La direction Intercités promeut des pack train+offre touristique, ce qui ouvre la voie pour des 438 S.B, Jean-Claude Gayssot : «Une nouvelle bataille du rail», La Dépêche, 5 oct. 2017 439 Isabelle Bris, Pyrénées-Orientales : le retour en fanfare du train de nuit Paris-Cerbère, France 3 Occitanie, 8 juil.2017 Célébration ferroviaire en gare de Port Bou, L'Indépendant, 10 juil. 2017 440 Mémento du tourisme, Direction Générale des Entreprises, déc. 2016 441 Daphné Rousseau, «Surtourisme»: le secteur admet la surchauffe et propose des solutions, La Presse.ca, 8 mars 2018 ; Pan Pylas, Les lieux les plus visités combattent le «surtourisme», Associated Press, 20 nov. 2017 ; Vincent Doumayrou, Le surtourisme et ses causes, Mediapart, 12 janv. 2018 ; "Vous n’êtes pas les bienvenus" : quand l'Europe rejette les touristes, AFP, le Dauphiné, 17 août 2017 442 Hautes-Alpes : vers un Paris-Briançon propriété du département ?, Alpes1, 1er déc. 2017 ; Un train-hôtel contemporain vers Paris à l'horizon 2020 ? Alpes1, 29 déc. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 52 Version 17 mars 2018 partenariat et pour une communication commune.443 8.5/ Pour une transition écologique dans les secteurs des transports et du BTP Il est nécessaire d'expliquer aux entreprises du BTP, de l'aviation et à leurs salariés, que les activités ayant un fort impact environnemental ne peuvent pas être en croissance perpétuelle. Par contre d'autres activités s'ouvrent : la transition écologique crée plus d'emplois qu'elle n'en détruit 444. Et ces emplois sont de qualité445. La transition a besoin d'être anticipée pour permettre la conversion des métiers grâce à la formation. 8.6/ Les usagers des transports L'ICN permettra de continuer à voyager sur les très longues distances tout en préservant le climat. L'image des ICN a vieilli, comme à une époque celle du tramway ou du vélo. La communication est une clé pour leur retour. Il peut convaincre les usagers de l'avion et de la voiture individuelle446. Une grande partie de la population a de très bons souvenirs de l'ICN. Un effort minimal de promotion sera efficace : « Sauvez le climat : pour vos déplacements longue distance, choisissez le train de nuit ! », « Traversez la France pendant votre sommeil ! », « S'endormir à Strasbourg, se réveiller à la plage ! », « Grimpez le Mont Blanc ? Montez en couchette ! », etc. 8.7 Action citoyenne Les lobbies en faveur des modes les plus polluants et énergivores exercent une pression importante : « Ces lobbies, je peux les sentir en permanence sur mes épaules »447 a exprimé le Ministre de l’Écologie. A l'opposé, les moyens de transports sobres n'ont pas de lobby financier pour les propulser 448. Ils ont donc besoin de l'énergie citoyenne pour reprendre leur place 449. Or s'impliquer c'est monter en compétences450. Le tramway est revenu à partir des années 1980-1990, le vélo des années 2000-2010, la renaissance des ICN est déjà en route pour les prochaines décennies. Nous appelons donc les usagers, les ONG, la SNCF et les élus à se mobiliser pour les ICN, et au-delà pour les alternatives écologiques dans les transports. Après des décennies de désintérêt de tous envers l'ICN, il reste populaire et il existe un fort potentiel de revalorisation. Tout le monde peut faire quelque chose : ✔ Diffuser la pétition : sur change.org ou sur cyberacteurs.org , et de distribuer le tract lors de vos voyages. Des actions ont eu lieu en France et en Europe pour le redéploiement des ICN 451. Nous recherchons des personnes dans chaque ville pour la création de groupes locaux. Au printemps 2018, exprimez vous aux Assises de l'aviation et sur la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie. ✔ Si vous êtes une organisation : Nous recherchons des compléments d'information. Contacteznous pour contribuer au présent document ou pour le cosigner ou pour préparer des actions communes. ✔ Si vous êtes élu : merci de nous contacter pour interpeller ensemble le gouvernement afin de financer les ICN. ✔ Les députés/sénateurs sont invités à se regrouper afin d'entamer une enquête parlementaire sur le potentiel des ICN. Ils sont invités aussi à poser des questions au gouvernement sur les ICN ✔ Nous sollicitons la collaboration de l’État et la SNCF pour que des chiffres plus complets et moins trompeurs soient publiés et pour une meilleure évaluation du potentiel des ICN. 443 Voir pour exemple : Venez nous voir en train Intercité, partenariat, Abbaye Mont Saint Michel 444 Plateforme emplois-climat, un million d'emplois pour le climat, déc. 2016 445 Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Les emplois liés aux transports respectueux de l'environnement et de la santé, 2014 446 Un bon exemple : Camille Marion, Cinq raisons de tester le train de nuit, Association Transports et Environnement Suisse, 3 mai 2017 447 Nicolas Hulot : «L'humanité est au pied du mur», Le Parisien, 12 septembre 2017 448 Voir la description des lobbies par le Ministre de l'environnement et d'autres élus dans : Anne-Laure Barral, Pressions, menaces, amendements déjà rédigés... Comment les lobbies pèsent sur les politiques, Radio France, 26 sept. 2017 449 Cécile Ducourtieux, A Bruxelles, le nouveau pouvoir des ONG face aux lobbies, Les associations parviennent de plus en plus à peser sur les décisions européennes, mais face aux lobbies, leurs victoires sont souvent momentanées, Le Monde 16 fév. 2018 450 Marie-Christine Zelem, La LGV : Un projet de Société, UVED, 2016 451 La mobilisation européenne a même organisé quelques belles mises en scène : http://back-on-track.eu/actions-june-2016 ; en France : http://back-on-track.eu/so-many-demonstrations-in-france-in-favor-of-night-trains/ Une enquête « Oui au train de nuit » 53 Version 17 mars 2018 Mobilisation à Paris en novembre 2016 9/ La presse en parle Train ou avion : que restera-t-il pour désenclaver le 64 ?, Sud-Ouest, 20 fév. 2018 J. Hirschlach, Comment la DB a truqué les chiffres de ses trains de nuit pour les démanteler, Mediapart, 13 févr. 2018 Patrick Sacristan, Tarbes – Le Parlement Européen réfléchit à la relance des trains de nuit, La Semaine, 9 fév. 2018 Coup de bluff : 5 intox de la SNCF pour démanteler les trains de nuit, Mediapart, 16 janv. 2018 Un train-hôtel contemporain vers Paris à l'horizon 2020 ?, Alpes1, 29 déc. 2017 Voyager vers Rome à la pleine lune, Mediapart, 29 déc. 2017 Stefan Schirmer, Relance des trains de nuit : quelle est la stratégie de l'Autriche ?, Die Zeit, 9 déc. 2017 "Ca fait bizarre que ces choses-là disparaissent" : à bord du dernier train de nuit Paris-Nice, France 2, 8 déc. 2017 Disparition du Paris-Nice : la SNCF a-t-elle sabordé ses trains de nuit ?, Mediapart, 8 déc. 2017 Vincent Doumayrou Les trains de nuit Nightjet ont transporté 1 400 000 passagers en un an, Mediapart, 7 déc. 2017 Nice - Trains de nuit supprimés : la résistance sur les rails, Nice-Matin, 1er déc. 2017 Pyrénées-Orientales : le retour en fanfare du train de nuit Paris-Cerbère, France 3 Occitanie, 8 juil. 2017 Kalevi Kämäräinen, Comment la Finlande s'est mobilisée pour défendre ses trains de nuit, 8 juil. 2017 [Allemagne] La Renaissance des Trains Couchettes, TV Allemande N°1, 5 juil. 2017 « Le train de nuit est plus que jamais nécessaire », La Semaine des Pyrénées, 3 juil. 2017 L’Europe planche sur l’avenir des trains de nuit, Marion d’Allard, L’Humanité, 16 Mai 2017 Carole Delga ; « le train de nuit Paris-Cerbère reprend du Service », E.D., L’indépendant, 28 avril 2017 Les trains de nuit sont victimes d'une stratégie de découragement, Le Petit Journal du 65, 19 avril 2017 Le TGV n’est pas l’unique solution partout, Le Petit Journal du 65, 19 avril 2017 Allemagne : une demande en hausse pour le train de nuit, Vincent Doumayrou, Mediapart, 1er avril 2017 Retiens les trains de nuit !, David Ramasseul, Paris Match, 24 mars 2017 Les 8 arguments du PDG de la SNCF pour supprimer les trains de nuit sont bidons, Interview de "Oui au train de nuit" par Sarah Lefèvre, StreetVox, 23 mars 2017 Les trains de nuit, une alternative bien moins couteuse que le TGV, Nolwenn Weiler, Bastamag, 22 mars 2017 [alternative à l'avion] Lueurs d’espoir pour le train de nuit, le Petit Journal du 65, 8 mars 2017 Trains de nuit : un démantèlement justifié par des chiffres trompeurs ?, le Petit Journal du 65, 1er mars 2017 (ou dans La dépêche). Le train de nuit fait de la résistance dans le sud, Marc Fressoz, MobiliCités, 21 février 2017 200 personnes en Gare de Perpignan pour dire oui au train de nuit, Olivier Roirand, Vidéo TV Sud, 15 octobre 2016 19 élus défendent le train de nuit, 16 septembre 2016 "La pétition arrive en train de nuit au ministère", JT 19-20 de France3 Pays Catalan, 22 juillet 2016 Alternative à la voiture et à l’avion, les trains de nuit vont… disparaître, Rendez moi mon train, Reporterre, 16-06-2016 La grande vitesse est en train de tuer le réseau ferroviaire européen, Kris de Decker, Carfree.fr, 2013 SOS train de nuit : le Paris - Hambourg ne répond plus, Vincent Doumayrou, 2009 Retrouvez la revue de presse complète sur http://trainsdenuit.canalblog.com 10/ Qui sommes-nous ? « Oui au train de nuit » est un collectif d’usagers et d’associations environnementales mobilisées pour la relance des Intercités de nuit et pour une transition vers une mobilité plus respectueuse de l’environnement. Le collectif enquête sur les dysfonctionnements et le potentiel des trains de nuit, organise des actions et interpelle les décideurs. La présente enquête, réalisée essentiellement par des bénévoles, offre ainsi une vision originale et indépendante à l’heure où les collisions d’intérêts font déraper les choix de Une enquête « Oui au train de nuit » 54 Version 17 mars 2018 société vers des solutions coûteuses et polluantes. Rejoignez-nous ! L'action est soutenue par plus de 45 000 signataires de la pétition. Oui au train de nuit collabore au niveau européen avec le collectif « back on track ». Organisations nationales : Amis de la Terre-France, ATTAC-France, Confédération Paysanne, Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB), France Nature Environnement (FNE), Organisations locales : Usagers du Train Perpignan-Port Bou, Comité d'Usagers du Train Jaune-66, Coordination Barousse Comminges train Luchon-Montréjeau (31), Collectif Anti-LGV Limoges-Poitiers OUI au POLLT, Nature&Progrès-11, Collectif Roosevelt-11, Alternatiba-66, Actival-65, ACIPA (NDDL), Objecteurs de Croissance LR, ATTAC%11, 65 et 66, SEPANSO, SEPANSO-24, 33, 40, 64, FNE-65, FRENE-66, Amis de la Terre-Limousin, Recyclo-Loco (65), Terra-Ma-Terre (65), Can Decreix (66), Vélo-en-Têt (66), 2 pieds 2 roues (31), Pau à Vélo (64), Biocoop Floréal, Tourne-sol, Pays'en Bio (11), Confédération Paysanne-11, « Oui au train de nuit » remercie également le soutien de : Sud-Rail Midi-Pyrénées, CGT cheminots-6465-66, FO Cheminots-66. Précision (car on nous le demande souvent) : la FNAUT ne représente pas « Oui au train de nuit ». Plusieurs associations participantes à « Oui au train de nuit » sont aussi adhérentes à la FNAUT. Toutefois les présidents de la FNAUT n'ont pas souhaité soutenir « Oui au train de nuit », car nous ne suivons pas plusieurs positions de la FNAUT, à savoir (1) le refus de collaborer avec les cheminots. ; (2) la promotion de l'ouverture à la concurrence ; (3) La promotion des projets LGV. En effet, nous avons pris conscience lors des mobilisations, que ces positions sont peu partagées par les usagers. Nous sommes désolés de cette non-coopération, d'autant plus que la FNAUT, qui est un groupe d'experts et de lobbyistes du ferroviaire, a un rôle important à jouer pour la promotion du rail dans le cadre de la Transition Énergétique. Retrouvez l'enquête actualisée sur : ouiautraindenuit.wordpress.com Infos et actions sur : twitter.com/ouiautraindnuit www.facebook.com/ouiautraindenuit Pétitions sur : www.change.org/p/ouiautraindenuit www.cyberacteurs.org/cyberactions/oui-train-nuit-1244.html Contact : ouiautraindenuit ntymail.com Annexe A/ Sortir du « tout-TGV » redonne une place aux ICN A.1/ Un emballement pour la très Grande Vitesse Lors de l'inauguration de la Ligne à Grande Vitesse (LGV) Paris-Rennes, le 1er juillet 2017, le chef de l’État a exprimé sans ambiguïté « Le rêve des cinq prochaines années ne doit pas être un nouveau grand projet comme celui-là. » Les priorités doivent être réorientées pour « financer le renouvellement des infrastructures insuffisamment entretenues »452. Ce « changement de paradigme » a été plus longuement expliqué par Mme la Ministre des transports Élisabeth Borne 453. Déjà en 2013, le rapport Mobilité 21 avait proposé de reporter une grande partie des projets LGV : « la grande vitesse ferroviaire prend tout son sens sur des distances de 400 km à 1000 km, pour les relations entre grandes métropoles. [...] Pour les villes et agglomérations de moindre taille, d’autres services doivent pouvoir s’envisager autour des 200 à 220 km/h, [...] à partir des infrastructures existantes. »454 Le rapport Bianco souligne que « ce maillon manquant entre les TER et les TGV permettrait par ailleurs aux métropoles et territoires actuellement non reliés au réseau ferroviaire à grande vitesse d'envisager des solutions moins onéreuses... »455. En effet, la construction d'un kilomètre de LGV peut coûter 16 fois plus cher qu'une ligne classique, ce qui induit des péages élevés, alourdissant le prix des billets... 456 En 2014, la Cour des Comptes a montré que le modèle LGV a été « porté au-delà de sa 452 Morgan Boëdec, Transports - Emmanuel Macron annonce une loi d'orientation des mobilités, Localtis, 3 juil. 2017 ; Olivier Razemon, Gare Montparnasse: le discours prémonitoire d’Emmanuel Macron, Blog-Le Monde, 1er août 2017 453 « On a placé des réponses de manière un peu systématique. On a placé les élus, dans l'alternative entre on ne change rien, ou alors on fait une LGV. (…) J'ai en tête une projet où en dépensant 15% du coût, on a 50% de gain de temps. », Commission du développement durable : Mme Elisabeth Borne, ministre chargée des transports, Assemblée Nationale, 19 juil 2017, minute 1:08:00 Voir aussi Audition de Mme Elisabeth Borne, Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Sénat, 20 juil. 2017, minute 12h35' ; Pierre Weill, Elisabeth Borne, L'invité de 8h20, France-Inter, 20 juil. 2017 454 Commission Duron, Rapport Mobilité 21, 27 juin 2013 455 Jean-Louis Bianco, Réussir la réforme du système ferroviaire, avril 2013 456 Combien coûte... un kilomètre de ligne TGV : 15,9 millions €, le journal du Net, 2010 Une enquête « Oui au train de nuit » 55 Version 17 mars 2018 pertinence » : « La SNCF estime à l’heure actuelle que pratiquement toutes les lignes à grande vitesse en construction ou en projet sont susceptibles de dégrader la marge opérationnelle de SNCF-Voyages »457. En 2016, les rapports officiels se sont succédés dans le sens de « geler pendant une quinzaine d'années le financement par l’État des nouveaux projets de LGV, en vue de donner la priorité à la modernisation des réseaux existants. » « le TGV apparaît comme le mode de transport le plus performant jusqu’à 500 kilomètres, voire parfois jusqu’à 750 kilomètres, sous certaines conditions. Or, toutes les lignes correspondant à ces caractéristiques ont d’ores et déjà été construites. »458 Le Rapport Spinetta conclue que « le réseau à grande vitesse français peut être considéré comme abouti. »459 Le financement des Grands Projets LGV est incertain 460. De plus en plus d’élus461 et d'administrations462 se prononcent contre. La SNCF n'y tient pas non plus : après le chantier de la LGV Tours-Bordeaux, le PDG de la SNCF a déclaré : « Je pense que c'est le dernier pour le moment »463. L'engouement pour les projets LGV depuis les années 2000 a en effet une dimension irrationnelle : la fréquentation des futures lignes a généralement été surestimée 464, aboutissant à des nouvelles LGV déficitaires – déjà une faillite 465 – et un surendettement des opérateurs ferrés 466. Au-delà de la France, l'Espagne a poussé le modèle encore plus loin. C'est le pays européen qui a construit le plus de lignes à Grande Vitesse. La nouvelle liaison LGV Tolède-Cuenca-Albacete fut fermée après seulement six mois de fonctionnement : elle ne transportait que « 16 passagers par jour »467. Un réseau de corruption autour de la Grande Vitesse y a d'ailleurs été découvert 468. Parallèlement, l'usage des trains conventionnels et trains de nuit est découragée par une forte augmentation des péages 469. La mobilisation démarre pour reporter la priorité sur les lignes classiques.470 La course au « toujours plus vite » semble aussi toucher à sa fin : en passant de 300 à 360 km/h la consommation d’énergie d'un TGV augmente de 50%. L'usure des voies est aussi beaucoup plus intense471, d'où la demande longtemps réitérée par SNCF Réseau de réduire la vitesse 472. La LGV Paris-Lyon, qui reste la seule ligne vraiment rentable, a été construite pour 270 km/h maximum. L'Allemagne a limité à 250 km/h la vitesse maximale de ces ICE, sans que cela réduise la fréquentation. L'Autriche et la Suisse on choisi 220 km/h. Ces vitesses ont l'avantage d'être accessibles sans construction de lignes nouvelles, par la modernisation des lignes classiques. C'est une autre Grande Vitesse qui se dessine en Europe avec des Intercités Express (ICE) circulant autour de 200-250 km/h. A.2/ Les LGV desservent mal les villes moyennes L'association Villes de France a tiré la sonnette d'alarme 473 : le TGV ne dessert bien et ne favorise 457 Cour des comptes, « La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence », 2014, p. 27, 116 ; La Matinale d'Europe 1 (08h20), « SNCF : les TGV sont de moins en moins rentables », Vidéo en ligne, 28 fév. 2017 ; Daniel Ibanez, « Financement des projets ferroviaires, le Conseil d'État s'en mêle-t-il ou s'emmêle-t-il ? », Les Echos, 15 janv. 2017 458 Commission des Finances, Rapport sur le financement des infrastructures de transport, Sénat, 28 sept. 2016 ; cela entre en cohérence avec l'analyse du régulateur : ARAFER, Avis du 18 nov. 2015 sur le projet de budget 2016 de SNCF Réseau, p. 5 ; Nathalie Da Cruz, « Infrastructures ferroviaires : vers la fin de la folie des grandeurs ? », La gazette des communes, 28 oct. 2016 459 Jean-Cyril Spinetta, L’avenir duTransport ferroviaire, Rapport au Premier Ministre, 15 Fév. 2018 (page 114) 460 Cour des comptes, L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), juin 2016 ; Marc Fressoz, « La Cour des comptes met à nouveau en émoi les partisans du Lyon-Turin », Mobilicités, 5 sept. 2016 ; Florence Guernalec avec AFP, « LGV Tours-Bordeaux : des élus des Pyrénées-Atlantiques refusent de payer leur part », MobiliCités, 17 août 2016 461 Ève Moulinier, « Lyon-Turin : le "non" des maires de Turin et de Grenoble », Le Dauphiné, 10 sept. 2016 ; JK, Place Grenet, « Ligne ferroviaire Lyon – Turin : Grenoble a tiré le signal d’alarme et se désengage », 21 juil. 2016 ; La Ministre des transports Elisabeth Borne : « On fait une pause sur le Lyon Turin », Reporterre, 19 juil. 2017 ; Député Gilles Savary, Déclaration d'Utilité Politique, 6 juin 2016. 462 François Mauduit et Daniel Ibañez, Rapports et études Dossier Lyon-Turin, 27 mai 2017 ; Laurent Radisson, Grands projets : la Cour des comptes réaffirme ses doutes sur la pertinence du Lyon-Turin, Actu-environnement.com, 6 juin 2017 ; 463 Interview de M. Pépy, PDG de la SNCF, 7-9, France Inter, 10 mars 2017 (minute 88) 464 Emmanuelle Andréani, « TGV : la future ligne Tours-Bordeaux, un gouffre financier pour la SNCF », Capital, 24 oct. 2015 ; Lionel Steinmann, « Comment la France est en train de tuer le TGV », Les Echos, 23 juin 2014 ; Territoire, grande vitesse et ressources, Transportrail, juin 2017 ; Fabrice Durtal, « Le TGV, un gouffre financier », Les enquêtes du contribuable, 8 juil. 2015 ; voir aussi : Marc Fressoz, F.G.V. Faillite à grande vitesse: trente ans de TGV, Cherche-Midi, 2011 465 Myriam Chauvot, « TGV : Perpignan- Figueras, une ligne en faillite », Les Echos, 16 sept. 2016 ; 466 Eric Vagner, Le TGV est un succès commercial mais reste un échec financier, RTL, 26 juil. 2017 467 Efe, « El AVE directo Toledo-Cuenca-Albacete tenía únicamente 9 viajeros al día », El Mundo, 27 juin 2011 ; voir aussi : Marc Fressoz, « TGV marocain : un cadeau empoisonné ? », Atlantico, 29 sept. 2011 468 Jesús García, « La red de sobornos en obras del AVE se extiende a toda España », El País, 17 féb. 2017 ; Pierre Recarte, « LGV : la France va-telle suivre l’exemple de l’Espagne dans la dérive des gaspillages publics ? », Le Journal du Pays Basque, 2013 ; 469 Spanish infrastructure owner will raise fees to non-highspeed trains, Back-on-track, 11 oct. 2017 470 Pablo Rivas, Una semana para sacar al tren de la vía muerta, El Salto, 13 nov. 2017 471 Laurent Martinet, TGV du futur: "La vitesse n'est pas forcément un besoin réel" , L'Express, 6 juin 2014 472 Mélanie Taravant, « La très grande vitesse aux oubliettes ? », Europe1, 7 déc. 2010 ; Gilles Bridier, « Le TGV accélère sa perte de vitesse », slate.fr, 2013 ; Fabrice Gliszczynski, « SNCF : Pepy prêt à étudier un train intermédiaire entre le Corail et le TGV », La Tribune, 2013 473 Villes de France, Transport ferroviaire : Les propositions de Villes de France pour sauver les grandes lignes, 9 mars 2016 ; Martine Kis, « Les villes moyennes s’alarment de la disparition des grandes lignes », Le Courrier des Maires, 11 mars 2016 Une enquête « Oui au train de nuit » 56 Version 17 mars 2018 que les métropoles et irrigue peu les villes moyennes474. Le problème est connu de longue date, par exemple à Saint-Étienne depuis l'arrivée de la LGV à Lyon : quelle entreprise va s'installer dans une ville moins bien reliée ?. Et au final la prospérité des métropoles ne bénéficient pas aux villes moyennes alentour475. La LGV fait ainsi perdre de l'attractivité à une grande partie du territoire 476 :« l'effet tunnel pénalise au fur et à mesure de la réalisation des infrastructures nouvelles un nombre croissant d'espaces en situation intermédiaire »477. La desserte TGV des villes moyennes, moins « rentable », pourrait à l'avenir se restreindre plus encore. La grande vitesse est donc génératrice de fracture du territoire, puisqu'elle ne dessert pas les territoires mais se concentre sur un nombre réduit de métropoles. Aussi, en contradiction avec les promesses de prospérité trop fréquemment mises en avant, « l’ampleur des effets [des LGV] est invisible sur les PIB régionaux »478. L'effet des LGV pourrait même être inverse : la LGV reporte les activités sur la plus grosse métropole, qui est la seule à être reliée à toutes les autres. Parallèlement elle peut induire une hausse des prix de l'immobilier et une gentrification de certains quartiers des métropoles régionales 479. Le dynamisme et le bien-vivre de Toulouse provient peut-être aussi de son éloignement de Paris... De plus, pour être rapides, les TGV doivent s'arrêter et ralentir le moins possible. D'où l'installation, inadéquate et onéreuse, des gares TGV « betteraves », hors des villes480. Pour les voyageurs, accéder à ces gares excentrées ajoute un coût et fait perdre de nombreuses minutes si onéreusement économisées par le TGV. Désormais le gouvernement souhaite étudier d'autres moyens pour desservir les villes moyennes et les territoires ruraux481. A.3/ Des liaisons transversales « oubliées » Le réseau LGV relie les métropoles à Paris, mais il connecte mal les territoires entre eux. Vu depuis Paris, toutes les capitales régionales semblent en passe d'être reliées. C'est depuis les Régions qu’apparaît le manque de mobilité, puisqu'elles ne sont reliées qu'en direction de Paris. Par exemple, comment se déplacer entre l'Ouest et le Sud-Ouest sachant que parcourir les 350 km du trajet direct Bordeaux-Nantes demande presque 5 heures (avec des portions à 40 km/h pour cause de mauvais état des voies) et que le détour par Tours rajoute plus de 200 km (pour un temps de trajet à peu près aussi long) 482 ? Les LGV – si elles ne sont pas complétées par le réseau Intercité transversal – isolent les régions les unes des autres et accentuent la relation de dépendance envers la capitale. Elles accélèrent la désertification des territoires en situation intermédiaire483. Les 30 000 km de lignes classiques traversant l'Hexagone dans tous les sens ne peuvent être remplacées efficacement par 2 800 km de LGV484. Question : Évaluer le temps de trajet en train entre 2 villes moyennes distantes de 800 km en France. Comparer, pour une série de paires de villes, le temps 2017 avec le temps en 1990, 1960, voire 1930 et 1900. A.4/ Paris est un mauvais « hub » ferroviaire pour le sud Les LGV centrées sur Paris sont particulièrement inopérantes pour intégrer le Sud dans l'Hexagone. Paris n'est pas central : la capitale est située à 300 km de Dunkerque, à 800 km de Hendaye et de plus de 900 km par rail de Cerbère et de Nice. Voyager depuis le Sud avec une correspondance à Paris pour l'ouest, l'est ou le centre de la France, rallonge fortement les distances et augmente de plusieurs heures le temps de trajet, ce qui fait perdre le bénéfice des LGV. D'autant que le voyageur doit assez souvent transiter par le métro parisien. Cela oblige bien souvent à payer plus de 150-200 € pour finalement passer une journée entière entre les différentes correspondances – ce que peu de voyageurs sont disposés à faire. Paris est donc un mauvais « hub » (carrefour ferroviaire) pour la moitié sud de la France. De fait, avec la régression des liaisons IC ces dernières décennies, une grande partie de l'Hexagone est considérée comme à peu près inaccessible en train par les habitants des Pyrénées. 474 Exemple de ville mal desservie : M.Tournadre, « Deux TGV bientôt supprimés entre Montélimar et Paris », France Bleu, 12 oct. 2016 Voir aussi Guillaume Carrouet, Du TGV Rhin-Rhône au "Territoire" Rhin-Rhône : réticularité, mobilité et territorialité dans un espace intermédiaire, Thèse de Doctorat, Université de Bourgogne, 19 mars 2013 475 Emilie Zapalskin, Métropoles : des effets d'entraînement pas particulièrement sensibles sur les zones d'emploi alentour, Localtis, 4 déc. 2017 476 Comment le TGV tue à petite vitesse les villes moyennes ? , Lumières de la ville, 8 déc. 2017 477 Pierre Zembri, « La contribution de la grande vitesse ferroviaire à l'interrégionalité en France », AGF, Vol. 85, N° 4, 2008, pp. 443-460 478 Yves Crozet. « La LGV Tours-Bordeaux échappera-t-elle à la malédiction des PPP ferroviaires? », Transports, 2015, pp. 22-33 479 Marc Fressoz, Bordeaux découvre à son tour les effets pervers d'une LGV, Mobilicités, 31 oct. 2017 480 Projet de gare en cours : FNAUT, « Allan-Montélimar-TGV : un caprice de notables, contraire aux intérêts des voyageurs », 30 janv. 2017 481 Michel Delebarre, Accessibilite du Limousin et des territoires limitrophes, Mission auprès du gouvernement, 27 juil. 2017 482 Bordeaux-Rennes : 500 km par la ligne directe et 950 km en passant par Paris : soit 450 km de plus ! 483 Une manif dimanche à… 0 h 30 - Dernier train de nuit à Gourdon, La Dépêche, 31 août 2017 484 SNCF-Réseau, « Le réseau » (page internet) Une enquête « Oui au train de nuit » 57 Version 17 mars 2018 Finalement, le territoire montagneux du Sud de la France, accidenté par les Pyrénées, le Massif Central et les Alpes, se prête peu aux LGV. Les courbes réduisent la vitesse et augmentent l'usure. Le relief oblige à une prolifération d'ouvrages d'art et à une explosion des coûts. Déjà, en 2016, la faillite d'une ligne LGV de « montagne » a été payée par le contribuable 485. De plus, les distances avec Paris dépassent 750km et les temps de parcours sont supérieurs à 3h, cas peu favorable aux LGV. A.5/ Des liaisons internationales et nationales supérieures à 750 km... hors de portée par TGV Un Paris-Madrid (1300 km) en TGV dure une dizaine d'heures en journée, pour un prix autour de 300 €, avec une correspondance à Barcelone. En réalité, les liaisons de plus de 750 km ne sont guère favorables aux LGV486. Pour la Cour des comptes, « il ne reste en fait pratiquement aucune ville européenne qui soit à la fois d'importance suffisante en termes de population et suffisamment proche pour justifier d'une liaison TGV par rapport à la France ». A.6/ Les voyageurs recherchent des billets moins chers plutôt que de « gagner une heure » Une proportion croissante des voyageurs préfère désormais un tarif moins cher plutôt qu'un trajet rapide, comme en témoigne le succès du covoiturage et de l'autocar (limités respectivement à 130 km/h et 100 km/h), mais aussi de l'Intercité 100% Eco 487. Le retour du vélo en ville a également montré que de nombreux usagers peuvent choisir un mode de transport pour son efficacité, son prix bas et son coté écologique, plutôt que pour sa vitesse absolue. En Espagne, une proportion importante des voyageurs prend le bus, bien plus lent, mais souvent trois fois moins cher que l'AVE. Celui-ci transporte plutôt les voyageurs ayant un plus fort pouvoir d'achat488. Le phénomène se produit également en France489. Question à SNCF Réseau : améliorer les points lents permettrait de gagner du temps à moindre coût : par exemple combien coûterait le doublement de la voie unique (Strasbourg-)Besançon-Lyon ? Pourrait-il s'établir une liste de liaisons lentes à accélérer ? A.7/ Jeu d'acteurs : une superposition de comportements pro-LGV inappropriés L'ex-Député Gilles Savary souligne les déviances des multiples acteurs autour du ferroviaire 490 : ✗ Le tout-TGV « reçoit le soutien d'élus locaux aussi bien de droite que de gauche. Cela va même jusqu'au sommet de l'État, avec François Hollande qui veut à tout prix un TGV entre Limoges et Poitiers malgré les enquêtes publiques défavorables. » Son ex-Secrétaire d'Etat aux transports, Alain Vidalies, souhaitait aussi la LGV Bordeaux-Dax pour « sa » ville, Mont-de-Marsan, au prix d'un tracé plutôt tortueux... qui ne faisait guère gagner de temps par rapport à la modernisation de la ligne classique, plus directe. ✗ « Notre politique ferroviaire est sous pression d'intérêts industriels. Ceux du BTP et ceux d'Alstom. » La pression d'Alstom491 s'illustre par l'épisode de « l’achat de 15 rames TGV à 30 millions d’euros pièce pour circuler sur un réseau limité à 200 km/h sur ses meilleures sections, alors qu’un train ''grande ligne'' comme le RailJet de Siemens (3 classes dont une classe affaire, Wi-Fi et 230 km/h) conquiert l’Europe centrale pour 11 à 12 millions d’euros la rame. [...] Alstom ne vend son TGV qu'en France, même si on nous dit que le monde entier nous l'envie. Quand je vois une Lamborghini, moi aussi, je l'admire, mais je ne l'achète pas pour autant. […] C'est comme si on disait à Air France qu'il ne faut acheter que des Concordes ». Pour sa part, la pression du BTP s'accentue avec le manque d'activité : « le secteur traverse depuis 8 ans l’une des plus dures crises de son histoire. »492. Les lobbies n'ont malheureusement pas de vision d'ensemble : ils sont intéressés par construire (cher) sans considérer le nombre de trains qui circuleront. Il n'y a que 5 trains par jour sur la coûteuse ligne Perpignan-Barcelone. 485 Myriam Chauvot, « TGV : Perpignan- Figueras, une ligne en faillite », Les Echos, 16 sept. 2016 ; 486 Lionel Steinmann, Le besoin de réduire les pertes menace les lignes Paris-Barcelone et Paris -Genève, Les Echos, 25 juil. 2017 487 Simon Barthélémy, Les trains à moins grande vitesse font le plein au départ de Bordeaux, Rue89 Bordeaux, 17 juil. 2017 ; Trains Intercités : les bas prix relancent l'activité, France 2, 9 juin 2017 ; Le trafic des trains Intercités repart à la hausse, AFP, 8 juin 2017 488 INE, « Estadística de Transporte de Viajeros », 13 juin 2016 489 J.M., « Les cars Macron font à la fois concurrence au TGV et à Blablacar », BFM, 6 janv. 2017 ; ARAFER, Les pratiques de mobilité des voyageurs sur les lignes régulières d’autocar (enquêtes de terrain réalisées entre octobre et décembre 2016) 490 Gilles Savary, Bertrand Pancher, Rapport Assemblée Nationale sur la Réforme Ferroviaire, 4 octobre 2016 ; Vidéo à l'Assemblée Nationale ; Interview de Gilles Savary par Benoît Lasserre, « Plaidoyer pour une SNCF libre », Sud Ouest, 31 oct. 2016 ; vidéo Gilles Savary en cheminot, « J'aimerais vous y voir », LCP, 9 déc. 2015 ; Simon Barthélémy, « Le TGV est un astre mort », selon Gilles Savary, Rue89-Bordeaux, 22 oct. 2014 491 Jean-Christophe Féraud, Alstom Belfort/ Usine à chantage, Libération, 30 déc. 2016 492 Fédération Nationale des Travaux Public, Réinvestissons la France. Rapport d'activité 2016 ; Mathias Thépot, « Le vieillissement de nos infrastructures est très préoccupant" Bruno Cavagné, FNTP », La Tribune, 22 fév. 2017 Une enquête « Oui au train de nuit » 58 Version 17 mars 2018 Annexe B/ L'aviation hors du cadre climatique ? L'aviation se situe hors du cadre de la COP21. L'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) négocie séparément, en 2017-2019, en interne et à huis-clos, un Schéma de Compensation Carbone pour l'Aviation Internationale (CORSIA)493. Ce mécanisme présente d'ores et déjà plusieurs faiblesses 494 : il refuse tout objectif de réduction des émissions de l'aviation. Il vise à payer d'autres acteurs pour qu'ils réduisent (un peu) leurs émissions. Au final le bilan carbone est mitigé. Et le risque de dérapage est important : seule une minorité de l'humanité montera dans un avion mais des populations parmi les plus pauvres se voient déjà contraintes de changer de mode de vie pour « compenser » l'accroissement des émissions des plus riches qui l'empruntent pour les loisirs.495 Parallèlement, l'aviation reste l'un des rares secteurs à projeter une croissance infinie, jusqu'à +700% d'ici 2050496 (4,3%/an). Ainsi, en 2050 l'aviation pourrait consommer à elle seule 27% du budget carbone de l'humanité497. 52 nouveaux aéroports sont en projet en Europe et 222 en Asie, ce qui suscite des oppositions498 que l'on connaît aussi en France499. Un autre outil mis en avant est la fabrication d'agrocarburants 500. Or l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), a déjà épinglé les agrocarburants comme entrant en compétition avec l'alimentation et les terres agricoles. Ils sont l'une des causes des révoltes de la faim mondialisées de 2008-2011.501 Or face à l'énorme demande de kérosène, la production d'agrocarburants « exempte de compétition avec la terre et l'alimentation » reste hypothétique et difficile à certifier 502. Ces agrocarburants sont également onéreux503, ils nécessitent donc des subventions. En parallèle, le secteur joue avec le mythe du progrès technique – supposé capable résoudre tous les problèmes – pour donner l'espoir dans des hypothétiques futures solutions technologiques. A défaut de fondement rationnel, cette approche permet de gagner du temps et d'éviter les réglementations 504. Ce sont des rideaux de fumée, par définition temporaires, qui sont déjà parvenus à éliminer les projets de taxation démarrés en Suède et Norvège, ainsi que le mécanisme européen ETS 505. « Le courage politique est nécessaire pour réduire le trafic aérien », a minima fixer un plafond d'émissions, réduire les subventions à l'aviation et taxer le kérosène. Les exemples positifs sont déjà là : le Canada taxe l'aviation domestique, qui représente 85% du total national, à environ 7 €/Tonne de Carbone en 2018 jusqu'à 33 €/T en 2022. Au Royaume-uni 70% des vols sont réalisés par 20% de la population, or les voyageurs fréquents sont des personnes de haut niveau d'éducation et de revenu : il est possible de sensibiliser506. Investir de l'argent public pour la solution la plus énergivore – l'aviation –, et refuser de subventionner une alternative peu énergivore – l'ICN –, participe à cristalliser les tensions internationales qui apparaissent lors de fortes fluctuations des prix de l'énergie, comme celles de la période 2008-2011. La faim restera difficile à justifier si elle est causée par l'aviation « vacances ». Par ailleurs l'aviation est désormais une technologie mûre. Airbus ne conçoit plus de nouveaux modèles d'avions. Il n'y a plus de grands projets de recherche. Même si les carnets de commandes sont pleins, Airbus n'embauche plus. En ce sens l'aviation c'est déjà le passé. En terme d'opportunité industrielle, l'avenir c'est désormais l'ICN. 493 CORSIA : Carbon Offsetting Scheme for International Aviation, ou Schéma de compensation carbone pour l'aviation internationale ; lire : Maxime Combes, Le secteur de l’aviation refuse toute réduction effective de ses émissions de gaz à effet de serre, Observatoire des Multinationales, 3 oct. 2016 ; CORSIA : l’aviation compensera la croissance de ses émissions, Info-compensation-carbone, 17 janvier 2017 494 Decarbonisation of aviation: why EU and ICAO action is needed, Transport&Environment, 20 fév. 2017 495 Les ONG environnementales et les scientifiques défient l’Agence suédoise de l’Énergie – « Arrêtez de soutenir de fausses solutions aux changements climatiques en Ouganda », Carbon Market Watch, 23 Sep 2016 496 How UN aviation deal is cheating the climate, FERN, 27 sept. 2016 497 CORSIA : l’aviation compensera la croissance de ses émissions, Info-compensation-carbone, 17 janvier 2017 498 George Monbiot, Climate change means no airport expansion – at Heathrow or anywhere, The Guardian, 18 oct. 2016 499 Lorène Lavocat, Devant Airbus, des militants dénoncent l’expansion du trafic aérien, Reporterre, 28 août 2017 500 Biofuels won’t decarbonise aviation – ICCT, Transport&Environment, 6 avril 2017 501 Dans Biofuels and food security, FAO, juin 2013 on peut lire : « In less than one decade, world biofuel production has increased five times, from less than 20 billion litres/year in 2001 to over 100 billion litres/year in 2011. The steepest rise in biofuel production occurred in 2007/2008, concomitantly with a sharp rise in food commodity prices (HLPE, 2011a),quickly accompanied by food riots in the cities of many developing countries. In comparison with average food prices between 2002 and 2004, globally traded prices of cereals, oils and fats have been on average from 2 to 2.5 times higher in 2008 and 2011–12, and sugar prices have had annual averages of from 80% to 340% above their 2000–04 prices. These price increases were accompanied by price volatility and price spikes to an extent unprecedented since the 1970s. » 502 Pavel Tomanon, Problems with certifying biofuels, say EU Auditors, EurologPort, 22 juil. 2016 503 Les entreprises Amyris et Neste Oil (à partir d'huiles potentiellement alimentaires) produisent à 3000-8000$ /baril. 504 Peeters et al., Are technology myths stalling aviation climate policy?, Transportation Research D: Transport and Environment, Vol.44, mai 2016 505 Frédéric Simon, La révision du système ETS pour l’aviation arrive à grands pas, Euractiv.com, 12 déc. 2016 506 Marion Mathus & Mathilde Frézouls, Des vacances au kilomètre, Qu'est-ce qu'on fait ? ADEME Une enquête « Oui au train de nuit » 59 Version 17 mars 2018 A noter également, un jugement historique a été rendu par un tribunal autrichien, pour interdire la construction d'une 3ème piste à l'aéroport de Vienne : « l’impact en termes d’émissions de CO2 excède les aspects positifs ». Selon des expertises demandées par les juges, la construction et l’exploitation de la piste auraient abouti à une hausse d’environ 2% des émissions nationales de gaz à effet de serre liés aux transports, alors que l’Autriche s’est engagée à diminuer de 2,25% d’ici 2020 l’impact de ce secteur. 507 Bien évidemment ce premier jugement sera très probablement cassé en appel, mais il marque d'une pierre la prise de conscience que la croissance de l'aviation ne pourra pas être toujours infinie. Annexe C/ Bientôt une bulle des start-up ? La bulle des start-up des télécommunications a déjà explosé en l'an 2000. 508 Dans une certaine similitude, les placements aventureux bénéficient aujourd'hui aux start-up axées sur le rêve numérique. Ainsi des sommes importantes sont gaspillées pour des projets sans modèle économique, comme hyperloop. Les excès de financement conduisent aux débordements du vélo en « free floating »509. Uber a levé beaucoup de fonds, mais ne feront peut être jamais de bénéfices. 510 La voiture autonome est surtout un effet d'annonce qui maintient l'illusion que la voiture reste LA mobilité d'avenir. 511 Le « véhicule autonome » est pourtant plus facile à mettre en place sur rails 512, les métros automatiques circulent d'ailleurs depuis des années 513. Favoriser le pneu par rapport au rail a déjà conduit à des échecs 514. En parallèle, la croissance du Véhicule électrique se tasse515, alors même qu'on approche déjà de l'épuisement des métaux pour l’innovation numérique et électrique516. Nous avons aujourd'hui besoin avant tout de bien vivre avec un impact environnemental minimisé517. Il s'agit donc en premier lieu de tirer le parti maximal des technologies les plus simples - les low-tech518 - : comme le vélo, l'Intercité de jour et de nuit, et le train du quotidien qui a besoin d'être développé sur le réseau classique existant519. Les taxis collectifs520, ou le covoiturage521 existent depuis des décennies dans les pays à faible ressources. Ces mobilités permettent déjà de couvrir une grande partie de nos besoins de mobilités. Choisir les modes les plus simples et les moins polluants permettra d'éviter de nouvelles sources de pollutions dues à la mise sur le marché incessante de nouveaux produits dont les conséquences ne sont pas évaluées. Depuis l'antiquité l'humanité souffre de la démesure : « toujours plus vite », « toujours plus loin », « toujours plus innovant ». Est-ce enfin le moment de sortir du monde start-up pour entrer enfin dans l'age de la sagesse et de la simplicité ? Annexe D/ Plusieurs ICN entre Paris et le Sud-Ouest Pour le Sud-Ouest, grouper en un seul ICN les 6-7 destinations Rodez, Latour de Carol, Toulouse, Port Bou, Tarbes, Irun (et à l'avenir Luchon) ensemble induit une trop forte réduction du nombre de voitures par destination. La solution est également fragile, car si un train a du retard, cela oblige tous les autres branches à attendre. Les distances à parcourir étant très différentes, les horaires ne peuvent être optimisés. 4 ICN desservaient l'Occitanie en 2016 (6 en 2013). L'unique ICN affichait complet pratiquement tous les jours pendant l'été 2017. Un seul ICN ne peut offrir un bon niveau de service. Plusieurs ICN sont 507 F.M. avec AFP, L’agrandissement de l’aéroport de Vienne interdit à cause… du réchauffement climatique, Le Moniteur.fr, 10 févr. 2017 508 Finances : de la bulle internet à la crise des subprimes, L'Obs. 22 déc. 2009 509 Nouveau revers pour les vélos Gobee.bike, qui quittent Paris, Reuters, 23 fév. 2018 ; Vélos responsables ou vélos prédateurs ? Vélib’ ou « free floating » ?, The Conversation, 21 février 2018 ; Vélo libre service : la bulle est-elle en train d’éclater ?, Maddyness, 5 janv. 2018 ; Les géants chinois du vélo en libre-service ne sont toujours pas bénéficiaires, Le nouvel Economiste, 4 déc. 2017 510 Len Sherman, Why Can't Uber Make Money?, Forbes 14 déc 2017 511 Sophie Swaton et D. Bourg, « La promesse de la voiture autonome n’engage que ceux qui veulent y croire », Le Monde Économie, 20 déc. 2017 ; Richard Florida, Driverless Cars Won’t Save Us, Citylab, 21 nov. 2017 ; La généralisation de la voiture autonome n'est pas pour demain, Le Point, 7 sept. 2017 512 Arnaud Devillard, Les premiers trains autonomes d’ici 2022, Sciences&Avenir, 29 juin 2017 513 World’s best driverless metro lines 2017, étude du marché du métro automatique, Wavestone, avril 2017 514 Le tram de Caen pour Nancy, L'Est Républicain, 2 janv. 2018 515 Philippe Collet, Véhicule électrique : la progression du marché français se tasse, actu-environnement, 12 janv. 2018 516 Les métaux courent à l’épuisement et il est temps de s’en inquiéter (Vidéo), Mr Mondialisation, 29 sept. 2017 517 Voir aussi François Briens, Il n’y a pas de solution technologique à la crise écologique, Reporterre, 30 août 2017 518 Corentin de Chatelperron, Philippe Bihouix, Circuits courts - La Low-Tech ou le retour des systèmes D, Europe 1, 11 oct. 2017 519 Le collectif Tuck veut «rallumer l'étoile», La Dépêche, 1er mars 2018 ; RALLUMONS L'ÉTOILE ! Une revue d'études pour améliorer nos trains quotidiens à Toulouse, zeste.coop, mars 2018 ; Usagers des Transports de l’Agglomération Toulousaine et de ses Environs (AUTATE), projet Mobilités 2025-2030, 2016 ; par ailleurs, le réseau francilien est lui aussi dans un état préoccupant : Éric Béziat, « La grande panne de la gare du Nord, symptôme de l’anémie du réseau ferré francilien », Le Monde Economie, 8 déc. 2016 ; en comparaison Genève vise un train toutes les 6 min. :République et Canton de Genève, Offre ferroviaire 2030-35 La valorisation de l’axe Lausanne-Genève doit s’accompagner d’un développement ambitieux des réseaux régionaux, GE.ch, 28 avril 2017. 520 Les taxis collectifs, un mode de transport qui séduit les particuliers, AFP, 8 sept. 2012 521 Isaline Bernard, Rezo Pouce : Une bonne idée pour relancer l’auto-stop, Reporterre, 20 mai 2016 ; Covoiturage des courtes distances, Mobilidoc Une enquête « Oui au train de nuit » 60 Version 17 mars 2018 nécessaires. Il est important d’atteler ensemble des trains qui ont des temps de parcours similaires : ✔ 1er ICN : Paris-Toulouse et Paris-Rodez-Albi demandent 7 à 8 heures de trajet par la ligne POLT. ✔ 2ème ICN : Paris-Port Bou, Paris-Latour Carol, Paris-Luchon demandent 9 à 10h de trajet par POLT. Perspective positive : la ligne vers Luchon, fermée en 2014 sera rouverte en 2021. ✔ 3ème ICN : Paris-Tarbes et Paris-Irun-(San Sebastien) demandent également 7 à 8 heures de trajet par Bordeaux. Perspective favorable, en 2021, la branche Irun pourrait être prolongée jusqu'à Saint Sébastien, grâce au 3ème rail à écartement européen en construction 522. Saint sébastien est une grande ville universitaire, sans aéroport qui a besoin d'une liaison efficace vers Paris. En 2010 « la Palombe bleue » (Intercités n°4053/4052) comptait 7 voitures vers Irun et 6 voitures vers Tarbes avec coupure et jonction à Dax. Les horaires étaient attractifs : Paris 23h10-Irun 7h36 et Hendaye 22h20- Paris 7h10 et il assurait des correspondances avec les trains espagnols vers Madrid et la Galice à Irun. Annexe E/ Quels ICN en 2030 ? Afin d'imaginer l'avenir des ICN, voici ci-dessous une visualisation de ce que pourrait être le réseau ICN en 2030. Les liaisons européennes depuis la France sont aussi à dessiner 523. 522 Adif adjudica las obras para la implantación del ancho mixto de vía entre Hernani e Irun por más de 45 millones, Le Diario Norte, 24 juin 2016 523 Seront à inclure : Paris-Hambourg-Copenhague (ex-Nord-Express), Paris-Berlin-Varsovie-Moscou (existant), Nice-Vienne-Moscou (existant), Paris-Rome, Paris-Venise (existant), Paris-Madrid, Paris-Barcelone (existants jusqu'en 2013), Hendaye-Lisbonne (existant), Paris-MunichVienne (ex-Orient-Express), etc. Voir une première proposition – brainstorming d'un participant à Oui au train de nuit (ébauche). Une enquête « Oui au train de nuit » 61 Version 17 mars 2018