TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG N° 1900335 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ASSOCIATION ALSACE NATURE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. Pascal Devillers Mme Emeline Theulier de Saint—Germain M. François-Xavier Pin Les juges des référés, statuant dans les Juges des référés conditions prévues à l’article L. 511-2 du code de justice administrative Ordonnance du 7 février 2019 Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019, l’association Alsace Nature, représentée par Me Zind, demande au juge des référés : 1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’arrêté du ministre de la transition écologique et solidaire du 29 août 2018 portant dérogation à la protection stricte des espèces pour la réalisation par la société Sanef des travaux de raccordement du contournement ouest de Strasbourg à l’autoroute A4, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l’article L. 76141 du code de justice administrative. L’association Alsace Nature soutient que : - la décision litigieuse, qui entraîne nécessairement la destruction de l’habitat du pélobate brun et des conséquences irréversibles pour les individus de cette espèce, porte une atteinte immédiate, grave et irréversible aux intérêts qu’elle défend de sorte que la situation d’urgence est caractérisée au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative; l’urgence est d’autant plus justifiée que la levée de la suspension de l’arrêté préfectoral permet au pétitionnaire de commencer les travaux ; - le signataire de l’arrêté ne bénéficie pas d’une délégation de signature ; — la décision méconnaît l’article L. 411-2 du code de l’environnement ; aucune étude de solution alternative à la destruction du pélobate brun ne figure au dossier ; en prenant en compte les mesures d’évitement, de réduction et de compensation des atteintes aux espèces protégées pour qualifier les raisons impératives d’intérêt public majeur et en ne justifiant pas de conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement, le ministre & entaché sa décision d’erreur de droit; la décision, qui se contente de renvoyer aux considérations ayant présidé à l’adoption de la déclaration d’utilité publique, ne permet pas de savoir si le projet répond effectivement à des raisons impératives d’intérêt public maj eur et le ministre n’en justifie pas. N° 1900335 2 Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Le ministre soutient que les moyens soulevés par l’association Alsace Nature ne sont pas propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2019, la société Sanef, représentée par Me Champy, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de l’association Alsace Nature une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761—1 du code de justice administrative. La société Sanef soutient que les moyens soulevés par l’association Alsace Nature ne sont pas propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué. Vu : - les autres pièces du dossier; - la requête enregistrée le 26 octobre 2018 sous le numéro 1806550 par laquelle l’association Alsace Nature demande l’annulation de la décision attaquée. Vu : — la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ; - le code de l’environnement ; - le décret n° 2015-1046 du 21 août 2015 ; - le code de justice administrative. La présidente du tribunal a décidé que la nature de l’affaire justifiait qu’elle soit jugée, en application du dernier alinéa de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, par une formation composée de trois juges des référés et a désigné M. Devillers, président, Mme Emeline Theulier de Saint-Germain et M. François-Xavier Pin, premiers conseillers, pour statuer sur la demande de référé présentée par l’association Alsace Nature. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique du 4 février 2019 : - le rapport de Mme Theulier de Saint—Germain, juge des référés ; - les observations de Me Zind, représentant l’association Alsace Nature, qui demande en outre au tribunal de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ; - les observations de Mme Lehman et de M. Pleis, représentant le ministre ; - et les observations de Me Champy, représentant la société Sanef. La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique. Une note en délibéré présentée pour l’association Alsace Nature a été enregistrée le 4 février 2019. N° 1900335 3 Considérant ce qui suit : 1. A la suite d’une demande présentée par la société Sanef, concessionnaire de l’autoroute A4 chargée, dans le cadre du programme de travaux du plan de relance autoroutier prévu par le décret n° 2015-1046 du 21 août 2015, de la reconfiguration de l’échangeur d’extrémité de l’A4 au nord de Strasbourg en vue de son raccordement au projet de contournement ouest de Strasbourg (A 355), le ministre de la transition écologique et solidaire lui a accordé, par arrêté du 29 août 2018 pris sur le fondement des dispositions du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, une dérogation aux interdictions figurant à l’article L. 411-1 du même code relatives à la capture, au déplacement et à la destruction des spécimens de pélobate brun ainsi qu’à la destruction, la dégradation, l’altération des aires de repos et des sites de reproduction des spécimens de pélobate brun. Postéfieurement à l’introduction de la requête en référé, un arrêté du ministre de la transition écologique et solidaire en date du 24 janvier 2019 a modifié rétroactivement l’arrêté du 29 août 2018, dont la suspension est demandée. La demande de suspension présentée par l’association Alsace Nature doit être regardée comme dirigée contre l’arrêté du 29 août 2018 ainsi modifié. Sur les conclusions présentées au titre de l‘article L. 521-1 du code de justice administrative : 2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d’une requête en annulation ou en reformation, le juge des référés, saisi d‘une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses efl‘ets, lorsque l’urgence le justifie et qu 'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ( .. ) .» 3. En l’état de l’instruction aucun des moyens invoqués n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué. Par suite, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, les conclusions aux fins de suspension de l’exécution de l’arrêté attaqué doivent être rejetées. Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761—1 du code diiustice administrative : 4. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l’association Alsace Nature au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. 5. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Sanef à ce titre. N° 1900335 4 ORDONNE: Article ler : La requête de l’association Alsace Nature est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la société Sanef présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761—1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association Alsace Nature, au ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Sanef. Fait à Strasbourg, le 7 février 2019. Les juges des référés, F .-X. Pin P. Devillers E. Theulier de Saint-Germain Le greffier, C. Bolm La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.