TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG N°1904484 ___________ M. Steve LE FAOU Mme Lucie BON ___________ M. Xavier Faessel Mme Emeline Theulier de Saint-Germain M. François-Xavier Pin Juges des référés ___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Les juges des référés, statuant dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 511-2 du code de justice administrative Ordonnance du 11 juillet 2019 ___________ Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, et un mémoire, enregistré le 4 juillet 2019, M. Steve Le Faou et Mme Lucie Bon, représentés par Me Zind, demandent au juge des référés : 1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’arrêté du 25 avril 2019 par lequel le maire de Strasbourg a interdit, sous conditions, l’occupation prolongée des voies publiques ainsi que les regroupements de plusieurs chiens de manière prolongée ou continue sur la voie publique, dans certains secteurs délimités de la commune et pour une période déterminée, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Strasbourg une somme de 500 euros à verser à chacun d’entre eux en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. M. Le Faou et Mme Bon soutiennent que : - en restreignant les libertés d’aller et venir, la libre disposition du domaine public qui en est le corollaire ainsi que le principe constitutionnel de fraternité, la mesure de police contestée préjudicie de façon grave et immédiate à l’intérêt des personnes susceptibles d’utiliser le domaine public et de pratiquer la mendicité ; l’urgence est également justifiée par la circonstance que la décision aura produit ses effets avant que le juge du fond n’ait le temps de statuer alors que l’arrêté porte sur une période de cent cinquante-huit jours d’interdiction d’accès à trois secteurs, entraînant un éloignement du centre-ville, un moindre accès aux ressources de la mendicité et une visibilité moindre pour les personnes intervenant au soutien aux intéressés ; la mendicité constitue la seule ressource de Mme Bon ; ainsi, la situation d’urgence est caractérisée au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ; - l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de la liberté d’aller et venir, de la libre utilisation du domaine public et du principe constitutionnel de fraternité ; N° 1904484 2 - l’arrêté litigieux est entaché d’erreur dans la qualification juridique des faits en ce qu’il n’apparaît pas nécessaire au regard, d’une part, des dispositions législatives et réglementaires existantes et permettant de mettre fin aux troubles à l’ordre public allégués et, d’autre part, du dispositif de vidéosurveillance mis en place, et alors que ces troubles ainsi que leur gravité ne sont pas justifiés ; - les interdictions émises aux articles 2 et 3 de l’arrêté attaqué sont disproportionnées, tant sur le plan géographique que temporel, au regard de l’objectif de prévention de la menace de trouble à l’ordre public invoqué ; - l’arrêté attaqué, en ce qu’il ne vise pas un comportement mais l’état de personnes en situation de vulnérabilité économique porte atteinte au principe de non-discrimination, en méconnaissance des dispositions de l’article 225-1 du code pénal ainsi que des stipulations de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er du protocole n°12 de cette convention ; - l’arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2019, la commune de Strasbourg, représentée par Me Marcantoni, conclut au rejet de la requête. La commune de Strasbourg soutient que : - Mme Bon ne justifie pas d’un intérêt à agir suffisant pour contester l’arrêté en litige ; - au vu des graves troubles à l’ordre public qui ont présidé à l’adoption de l’arrêté de police contesté, la condition d’urgence, appréciée globalement, n’est pas remplie ; l’exécution de cet arrêté, qui se borne à restreindre, de manière limitée dans l’espace, l’occupation prolongée de l’espace public dans certaines conditions, n’interdit pas la mendicité et n’est ainsi pas susceptible de porter une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation de Mme Bon pour caractériser une situation d’urgence ; - les moyens soulevés par les requérants ne sont pas propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué. Vu : - les autres pièces du dossier ; - la requête enregistrée le 14 juin 2019 sous le numéro 1904483 par laquelle M. Le Faou et Mme Bon demandent l’annulation de l’arrêté attaqué. Vu : - la Constitution ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a décidé que la nature de l’affaire justifiait qu’elle soit jugée, en application du troisième alinéa de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, par une formation composée de trois juges des référés et a désigné Mme Theulier de Saint-Germain et M. Pin, premiers conseillers, pour statuer avec lui sur la demande de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. N° 1904484 3 Au cours de l’audience publique du 4 juillet 2019, tenue en présence de M. Haag, greffier d’audience, M. Pin a lu son rapport et ont été entendues : - les observations de Me Zind, représentant M. Le Faou et Mme Bon, et de M. Le Faou, - les observations de Me Marcantoni, représentant la commune de Strasbourg et de Mme Tanter et M. Gompel, représentant la commune de Strasbourg. Mme Bon n’était pas présente. La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique. Une note en délibéré présentée pour la commune de Strasbourg a été enregistrée le 9 juillet 2019. Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / (...). ». 2. En l’état de l’instruction, aucun des moyens invoqués n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué. Par suite, sans qu’il soit besoin de statuer sur la condition d’urgence, les conclusions aux fins de suspension de l’exécution de l’arrêté attaqué doivent être rejetées. 3. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de M. Le Faou et de Mme Bon présentées à ce titre. ORDONNE: Article 1er : La requête de M. Le Faou et de Mme Bon est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Steve Le Faou, en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la commune de Strasbourg. Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin. N° 1904484 4 Fait à Strasbourg, le 11 juillet 2019. Les juges des référés F.-X. PIN X. FAESSEL E. THEULIER DE SAINT-GERMAIN La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier,