La Commission des sanctions COMMISSION DES SANCTIONS Décision n° 6 du 20 mai 2019 Procédure n° 18-08 Décision n° 6 Personne mise en cause : Hedios Patrimoine Société anonyme à conseil d’administration Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 482 647 096 Dont le siège social est situé 7, rue de la Bourse, 75002 Paris Prise en la personne de son représentant légal Ayant élu domicile au cabinet Linklaters LLP, sis 25, rue de Marignan, 75008 Paris La 2ème section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») : Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 321-1, L. 541-1, L. 541-8-1, L. 621-15, L. 621-17, D. 321-1 et R. 621-38 à R. 621-40 ; le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 325-3, 325-5 et 325-13 ; Vu Après avoir entendu au cours de la séance publique du 12 avril 2019 : - M. Didier Guérin, en son rapport ; Mme Natalie Verne, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ; Mme Lauriane Bonnet, représentant le collège de l’AMF ; M. Julien Vautel, en sa qualité de président directeur général d’Hedios Patrimoine, et M. François Delaye, en sa qualité de directeur général délégué et administrateur d’Hedios Patrimoine, assistés par Mes Jean-Charles Jaïs, Marc Perrone et Eléonore Hannezo, avocats du cabinet Linklaters LLP ; La mise en cause ayant eu la parole en dernier. 17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org -2- FAITS Hedios Patrimoine est une société anonyme à conseil d’administration créée le 1er juin 2005, qui employait en février 2017 douze salariés. MM. Julien Vautel et François Delaye sont respectivement président directeur général et directeur général délégué d’Hedios Patrimoine. Hedios Patrimoine est immatriculée auprès de l’Organisme pour le registre des intermédiaires en assurances (ci-après, l’ « ORIAS ») en tant que conseiller en investissements financiers (ci-après, « CIF »), courtier d’assurance ou de réassurance et mandataire non exclusif en opérations de banque et en services de paiement et est adhérente de la Chambre nationale des conseillers en gestion de patrimoine (ci-après, la « CNCGP »). Entre le 1er janvier 2016 et le 15 mars 2017, Hedios Patrimoine a commercialisé : - douze Euro Medium Term Notes (ci-après, « EMTN »), pour un montant total collecté de 24 450 000 euros, dont : o 24 325 000 euros souscrits sous forme d’unités de compte de contrats d’assurance vie ou de contrats de capitalisation ; o 125 000 euros souscrits en comptes-titres (soit hors de tout contrat d’assurance-vie) en juin et décembre 2016 par deux sociétés, les SARL ID Management et ASP Development, dirigées par l’une des clientes d’Hedios Patrimoine. Ces douze EMTN qui, du plus risqué au moins risqué sont désignés sous le nom « H Performance », « H Rendement », « H Absolu » et « H Capital », appartiennent aux « Gammes H », solutions de placement proposées par Hedios Patrimoine. Sur la période concernée, ces EMTN étaient distribués par Hedios Patrimoine, à un rythme moyen d’un nouvel EMTN chaque mois, pour le compte des émetteurs. - hors contrats d’assurance-vie ou de capitalisation, dix-huit organismes de placement collectif (ciaprès, « OPC ») dont, pour un montant total collecté de 441 950 euros : o un fonds d’investissement de proximité (ci-après, « FIP ») géré par la société de gestion de patrimoine Extend AM ; et o un FIP ainsi qu’un fonds commun de placement dans l’innovation (ci-après, « FCPI ») gérés par la société de gestion de patrimoine NextStage. Hedios Patrimoine clôture ses comptes le 31 décembre de chaque année. Toutes activités confondues, son chiffre d’affaires net s’élevait à 3 739 825 euros en 2016 et 5 146 252 euros en 2017, générant un bénéfice de 413 483 euros en 2016 et 1 068 022 euros en 2017. PROCÉDURE Le 17 février 2017, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par Hedios Patrimoine de ses obligations professionnelles. Ce contrôle a porté sur la période comprise entre janvier 2016 et mars 2017 et a donné lieu à l’établissement d’un rapport du 6 septembre 2017. Le rapport de contrôle a été adressé à Hedios Patrimoine par lettre du 8 septembre 2017 l’informant qu’elle disposait d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour présenter des observations. Par lettre du 3 novembre 2017, Hedios Patrimoine a déposé ses observations. La commission spécialisée n° 2 du collège de l’AMF a décidé, le 1er juin 2018, de notifier des griefs à Hedios Patrimoine. La notification de griefs a été adressée à Hedios Patrimoine par lettre du 28 juin 2018. -3- Il lui est reproché d’avoir : - méconnu les dispositions de l’article 325-3, 4° du règlement général de l’AMF et de l’article L.541-8-1, 1° et 5° du code monétaire et financier : o en omettant de mentionner, au sein du « document d’entrée en relation » qu’elle remettait à tout nouveau client potentiel : (i) d’une part, l’identité des établissements émetteurs d’EMTN avec lesquels elle entretenait une relation significative de nature commerciale ; et (ii) d’autre part, les rémunérations convenues avec lesdits établissements ; ainsi que o en se présentant au sein du même document d’entrée en relation en tant que « Démarcheur bancaire et financier » alors qu’elle ne disposait pas, à l’égard des sociétés Extend AM et NextStage de mandats de démarchage bancaire et financier mais de « conventions de distribution » ; - méconnu les dispositions de l’article 325-5 du règlement général de l’AMF et de l’article L. 541-8-1, 1° et 2° du code monétaire et financier, en diffusant auprès des investisseurs potentiels, dans le cadre de l’information à caractère promotionnel et contractuel, des informations inexactes, présentant un défaut de clarté ou trompeuses concernant les risques relatifs aux EMTN ; - méconnu les dispositions de l’article L. 541-1, Il du code monétaire et financier et de l’article 325-13 du règlement général de l’AMF, en fournissant à ses clients souscrivant à des organismes de placement collectif, un service de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers (ci-après, « RTO »), sans avoir préalablement ni conclu de convention avec lesdits clients, ni fourni à ces derniers un conseil. Une copie de la notification de griefs a été transmise le 28 juin 2018 à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier. Par décision du 9 juillet 2018, la présidente de la commission des sanctions a désigné M. Didier Guérin en qualité de rapporteur. Par lettre du 13 août 2018, Hedios Patrimoine a été informée qu’elle disposait d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 de ce même code. Le 28 septembre 2018, après avoir sollicité et obtenu une prolongation du délai de réponse, Hedios Patrimoine a déposé des observations en réponse à la notification de griefs. Hedios Patrimoine a été entendue par le rapporteur le 21 janvier 2019 et, à la suite de son audition, a déposé des documents complémentaires le 5 février 2019. Le rapporteur a déposé son rapport le 7 mars 2019. Par lettre du même jour auquel était joint le rapport du rapporteur, Hedios Patrimoine a été convoquée à la séance de la commission des sanctions du 12 avril 2019 et informée qu’elle disposait d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier. Par lettre du 15 mars 2019, Hedios Patrimoine a été informée de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 12 avril 2019 ainsi que du délai de quinze jours dont elle disposait, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres. -4- Le 25 mars 2019, Hedios Patrimoine a déposé des observations en réponse au rapport du rapporteur. MOTIFS DE LA DÉCISION 1. Sur le moyen d’incompétence soulevé par Hedios Patrimoine 1. Hedios Patrimoine soutient que la commission des sanctions n’est pas compétente pour apprécier les griefs qui lui ont été notifiés. 2. Elle considère que les obligations professionnelles des CIF ne sont applicables que lorsque la personne titulaire d’un « statut de CIF » exerce en cette qualité une « activité de CIF ». Or, Hedios Patrimoine affirme que dans le cadre son activité – qui consistait en la conception et la commercialisation exclusivement sur Internet de produits d'épargne – elle n’a jamais agi en qualité de CIF. 3. Plus précisément, dans ses différentes observations, ainsi que lors de son audition par le rapporteur, Hedios Patrimoine distingue plusieurs étapes au sein de son processus de commercialisation. 4. La première de ces étapes correspond à une phase de publicité, durant laquelle la mise en cause se faisait connaître du public par le biais principalement de son site Internet, ainsi que par voie de presse et grâce au bouche à oreilles, invitant les personnes intéressées à laisser leurs coordonnées sur ce site Internet en vue d’être recontactées. 5. S’amorçait alors une deuxième étape, correspondant à une phase d’entrée en relation. Elle consistait pour Hedios Patrimoine à envoyer aux personnes ayant laissé leurs coordonnées sur son site Internet trois documents à lui retourner complétés et signés : une « Fiche d’information légale » visant à présenter ses différents statuts, un questionnaire intitulé « Vous connaître » et une charte dite « Charte Hedios » aux termes de laquelle elle proposait au client potentiel concerné d’adhérer gratuitement à un certain nombre de services, et de souscrire en sus, de manière totalement facultative, à l’une des deux options payantes suivantes : - l’« option 1 », facturée 30 euros par mois, qui offrait à l’adhérent « un droit d’accès prioritaire aux offres limitées en temps et/ou en quantité » ; ou - l’« option 2 », également dénommée « Accompagnement patrimonial », facturée 100 euros par mois au client, qui offrait, en plus des services figurant dans l’option 1, « un service d’accompagnement patrimonial à ses adhérents qui en expriment explicitement le besoin » et un « suivi patrimonial personnalisé ». 6. Ladite charte prévoyait que « L’adhérent à la Charte Hedios s’engage pour sa part et déclare […] être informé que les conseils en investissements financiers de Hedios sont délivrés exclusivement dans le cadre de “l’accompagnement patrimonial” ». 7. Hedios Patrimoine en conclut qu’elle n’exerçait en qualité de CIF que si et seulement si le client concerné avait souscrit à l’option 2 précitée, ce qu’aucun client n’avait fait sur la période visée par la notification de griefs (c’est-à-dire entre le 1er janvier 2016 et le 15 mars 2017). 8. Suite à l’envoi des trois documents précités, et sans attendre nécessairement que ceux-ci lui soient retournés, la mise en cause présentait à ses clients potentiels, dans un troisième temps appelé phase de commercialisation, ses différents produits d’épargne. Cette communication s’effectuait par le biais de publications d’informations sur son site Internet, d’envois de courriels, de courriers ou de messages téléphoniques (sur répondeur et/ou par SMS) promotionnels, dont le contenu était validé par les émetteurs ou les sociétés de gestion des produits concernés. -5- 9. Parallèlement, Hedios Patrimoine offrait également à l’ensemble de ses clients et clients potentiels (peu important qu’ils aient souscrits ou non à l’option payante d’accompagnement patrimonial) une assistance téléphonique, et répondait par ce biais à « plusieurs dizaines d’appels par jour ». 10. La mise en cause soutient que, conformément aux engagements mis à sa charge par la « Charte Hedios », elle respectait à l’égard de ses clients « un devoir d’information et de conseil sur les caractéristiques des produits proposés ». Elle précise que cette « obligation générale de conseil » qui pesait sur elle, ne devait pas être confondue avec la fourniture de recommandations personnalisées. Hedios Patrimoine fait valoir que la délivrance de telles recommandations personnalisées, qui constitue selon elle l’essence du conseil en investissement financier, l’aurait conduit notamment à orienter ses clients sur le choix de tel instrument financier plutôt que tel autre, au regard par exemple de leur situation patrimoniale et de leur appétence au risque. Or, pour les raisons précitées, Hedios Patrimoine se défend d’avoir jamais donné, sur la période concernée par la notification de griefs, de telles recommandations personnalisées. 11. La mise en cause soutient avoir en réalité agi en qualité de simple distributeur d’instruments financiers lors de la commercialisation des FIP et FCPI gérés par les sociétés Extend AM et NextStage, et en qualité d’intermédiaire en assurance lors de la commercialisation des 24 325 000 euros d’EMTN souscrits sous forme d’unités de compte d’assurance vie, précisant que ces deux activités ne relevaient pas de la supervision de l’AMF. 12. S’agissant des 125 000 euros d’EMTN souscrits en comptes-titres par les SARL ID Management et ASP Development, elle affirme que ces deux sociétés n’étaient pas clientes d’Hedios Patrimoine, qu’elles n’ont reçu de sa part aucune documentation contractuelle ni promotionnelle et qu’Hedios Patrimoine a renvoyé leur dirigeante vers le teneur de compte-conservateur des sociétés afin que ce dernier puisse passer un ordre d’achat directement auprès de l’émetteur. 13. La mise en cause en déduit que, bien qu’ayant le statut de CIF et proposant des prestations de CIF, elle n’a, en pratique, pas exercé l’activité de CIF au cours de la période visée par la notification de griefs et, par conséquent, n’est pas soumise à la compétence de la commission des sanctions de l’AMF s’agissant des différents manquements qui lui sont reprochés dans cette notification. 1.1. Sur les textes applicables 14. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre janvier 2016 et mars 2017, seront examinés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive d’éventuelles dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement. 15. L’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2016, dispose : « Tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1 […] aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions [de l’AMF] selon les modalités prévues aux I, a et b du III et III bis à V de l’article L. 621-15. » 16. L’article L. 541-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 8 avril 2017, non modifié dans un sens moins sévère depuis, prévoit : « I.- Les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes : 1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l’article L. 321-1 ; […] / II.- Les conseillers en investissements financiers peuvent également […] exercer d’autres activités de conseil en gestion de patrimoine […] ». 17. L’article L. 321-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 1er novembre 2007 au 3 janvier 2018, non modifié dans un sens moins sévère depuis, indique : « Les services d’investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l’article L. 211-1 et comprennent les services et activités suivants : […] / 5. Le conseil en investissement ; […] / Un décret précise la définition de ces services. […] » -6- 18. Le 5° de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 6 novembre 2014 au 3 janvier 2018, non modifié sur ce point dans un sens moins sévère depuis, précise : « Constitue le service de conseil en investissement le fait de fournir des recommandations personnalisées à un tiers, soit à sa demande, soit à l’initiative de l’entreprise qui fournit le conseil, concernant une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers précise la notion de recommandation personnalisée au sens de la présente disposition. » 1.2. Sur l’appréciation de la compétence de la commission des sanctions 19. Il convient d’analyser in concreto la situation d’Hedios Patrimoine à l’époque des faits. 20. Il peut tout d’abord être rappelé qu’Hedios Patrimoine était alors immatriculée auprès de l’ORIAS en qualité de CIF et adhérait à ce titre à la CNCGP, association agréée par l’AMF. 21. De plus, la mise en cause s’était engagée, aux termes des « conventions de distribution » conclues avec les sociétés Extend AM et NextStage, à respecter les obligations professionnelles applicables aux CIF et à s’assurer que les recommandations et conseils en investissement fournis à cette occasion étaient adaptés au client concerné. 22. En outre, comme indiqué précédemment, parmi les documents adressés par la mise en cause, au stade de l’entrée en relation, aux personnes s’étant inscrites sur son site Internet, figurait un questionnaire détaillé intitulé « Vous connaître ». Ce questionnaire était organisé autour de six rubriques relatives à la situation du client potentiel concerné et celle de sa famille, à son patrimoine, à ses revenus, impôts et taxes, à ses objectifs, à son expérience et à son profil de risque financier, chacune de ces rubriques comportant plusieurs questions. Hedios Patrimoine demandait à ses clients potentiels de retourner ce formulaire complété, peu important qu’ils aient ou non souscrit à l’option 2 précitée relative à l’accompagnement patrimonial. De plus, bien que la mise en cause ait indiqué qu’elle n’attendait pas de recevoir le questionnaire rempli pour poursuivre ses échanges avec les clients concernés, ce questionnaire leur était présenté comme un préalable à la pérennisation de leurs échanges avec Hedios Patrimoine. 23. Enfin, il ressort des différents e-mails promotionnels portés au dossier qu’au stade de la phase de commercialisation, Hedios Patrimoine apposait à la fin de chacun de ces e-mails la signature suivante : « HEDIOS PATRIMOINE - 7 rue de la Bourse 75002 Paris / Conseiller en Investissements Financiers (CIF) - N° ORIAS 07 005 142 / Adhérent de la Chambre Nationale des Conseils en Gestion de Patrimoine », sans mentionner dans cette signature d’autre statut que celui de CIF. 24. Ainsi, il peut être relevé qu’Hedios Patrimoine était à l’époque des faits immatriculée comme CIF, adhérait à ce titre à une association agréée, se renseignait systématiquement, par le biais de questionnaires d’entrée en relation, sur le profil d’investisseur et les objectifs d’investissement de ses clients potentiels, s’était engagée auprès de plusieurs sociétés de gestion partenaires à respecter les obligations professionnelles applicables aux CIF et se présentait comme CIF dans ses e-mails commerciaux. 25. Le fait que les clients concernés aient choisi de ne pas souscrire à l’option payante d’accompagnement patrimonial alors que le document d’entrée en relation prévoyait que « L’adhérent à la Charte Hedios s’engage pour sa part et déclare […] être informé que les conseils en investissements financiers de Hedios sont délivrés exclusivement dans le cadre de “l’accompagnement patrimonial” », ne saurait suffire, contrairement à ce que soutient la mise en cause, à écarter la compétence de la commission des sanctions. 26. En effet, le code monétaire et financier prévoit un certain nombre d’obligations s’imposant aux CIF dès le stade de l’entrée en relation, dans le but de les soumettre, dès ce moment, à des règles de bonne conduite de nature à contribuer à la protection des investisseurs potentiels. Aussi, sauf à priver d’efficacité ces dispositions chaque fois que le processus d’entrée en relation ne va pas jusqu’à son terme et qu’in fine il s’avère que la phase de commercialisation n’aboutit pas à la délivrance d’une recommandation personnalisée, la mise en œuvre de ces dispositions et par suite la compétence de la commission des sanctions ne saurait être subordonnée à la preuve de la fourniture de telles recommandations personnalisées. -7- 27. Par suite, nonobstant le fait que les clients d’Hedios Patrimoine n’auraient pas souscrit à l’option payante d’accompagnement patrimonial qui leur était proposée, et sans qu’il soit non plus besoin de démontrer que des recommandations personnalisées leur ont été effectivement délivrées au stade de la phase de commercialisation, la commission des sanctions est compétente pour examiner l’ensemble des griefs reprochés à la mise en cause. 2. Sur le grief relatif à l’omission de certaines mentions au sein du document d’entrée en relation 28. La notification de griefs reproche à Hedios Patrimoine d’avoir, en violation des dispositions des articles 325-3, 4° du règlement général de l’AMF et L. 541-8-1, 1° et 5° du code monétaire et financier, omis de mentionner, au sein du document d'entrée en relation remis à ses clients potentiels, d'une part, l'identité des établissements promoteurs d’EMTN avec lesquels elle entretenait une relation significative de nature commerciale, d'autre part, les rémunérations convenues avec lesdits établissements. 29. Hedios Patrimoine soutient quant à elle qu’au regard de la lettre de l’article 325-3, 4° du règlement général de l’AMF et de la position-recommandation AMF n°2006-23 du 22 septembre 2006, les CIF n’ont pas l’obligation de déclarer toute relation commerciale entretenue avec un promoteur de produits financiers, mais uniquement les relations régulières susceptibles d’affecter leur indépendance. Elle fait valoir qu’en l’espèce, elle n’entretenait aucune relation de ce type à l’époque des faits, dès lors que son modèle économique, qui reposait sur la mise en concurrence régulière des différents émetteurs potentiels, la conduisait à changer fréquemment de co-contractants, l’identité de l’émetteur de qui elle percevait le plus de commissions variant encore plus régulièrement. 2.1. Sur les textes applicables 30. L’article L. 541-8-1, 1° et 5° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 3 janvier 2018, non modifié dans un sens moins sévère depuis, prévoit : « Les conseillers en investissements financiers doivent : / 1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ; […] / 5° Communiquer aux clients d’une manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations. » 31. Aux termes de l’article 325-3, 4° du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 18 juin 2013 au 7 juin 2018, non modifié sur ce point dans un sens moins sévère depuis : « Lors de l’entrée en relation avec un nouveau client, le conseiller en investissements financiers lui remet un document comportant les mentions suivantes : […] / 4° Le cas échéant, l’identité du ou des établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3 du code monétaire et financier avec lesquels il entretient une relation significative de nature capitalistique ou commerciale ; […] » 2.2. Sur l’appréciation du manquement 32. Une relation significative de nature commerciale s’entend, au sens de l’article 325-3, 4° du règlement général de l’AMF, d’une relation commerciale régulière qui contribue de manière notable au chiffre d’affaires du CIF. Ces caractéristiques de la relation commerciale doivent s’apprécier pour chacune de celles que le CIF est susceptible d’entretenir, prise individuellement. 33. Or, ni la notification de griefs, ni le rapport de contrôle n’identifient en l’espèce les relations commerciales de la société mise en cause susceptibles d’être qualifiées de « significatives » au sens de l’article 325-3 précité. La notification vise sans distinction « chacun des émetteurs des EMTN » et relève que l’ensemble des commissions perçues à l’époque des faits par Hedios Patrimoine au titre de la commercialisation de ces EMTN représentait plus du tiers de son chiffre d’affaires total. -8- 34. En n’identifiant pas, parmi les différentes relations de nature commerciale entretenues par Hedios Patrimoine à l’époque des faits, celles qui tout à la fois pouvaient être qualifiées de régulières et auraient contribué de manière notable au chiffre d’affaires d’Hedios Patrimoine, la poursuite n’a pas suffisamment précisé les mentions que la mise en cause aurait omises de faire figurer au sein de son document d’entrée en relation et, par conséquent, n’a pas démontré l’existence d’une violation des articles 325-3, 4° du règlement général de l’AMF et L. 541-8-1, 1° et 5° du code monétaire et financier. 35. Il en résulte que le grief relatif à l’omission de certaines mentions au sein du document d’entrée en relation, tel que notifié à Hedios Patrimoine, n’est pas caractérisé. 3. Sur le grief relatif à la mention, dans le document d’entrée en relation, du statut de « Démarcheur bancaire et financier » 36. Il est reproché par ailleurs à Hedios Patrimoine de s’être présentée, dans son document d’entrée en relation, comme « démarcheur bancaire et financier », alors qu’elle ne disposait pas pour les sociétés Extend AM et NextStage de mandats de démarchage bancaire et financier, mais seulement de conventions de distribution, ce qui constituerait une méconnaissance des dispositions des 1° et 5° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier. 37. Hedios Patrimoine soutient que, bien que les accords visés par la notification de griefs soient intitulés « conventions de distribution », ceux-ci s’analysent bien en des mandats de démarchage de la part des établissements visés et, ainsi, que les mentions figurant dans le document d’entrée en relation sont exactes. 38. La mise en cause ajoute dans ses dernières observations, s’agissant des relations qu’elle entretenait avec la société NextStage, que si initialement la convention conclue avec cette dernière en 2014 ne prévoyait pas la possibilité pour Hedios Patrimoine d’agir en tant que démarcheur, les parties sont ultérieurement convenues de cette possibilité, comme en témoigneraient plusieurs échanges d’e-mails portés au dossier. 3.1. Sur le texte applicable 39. Comme indiqué précédemment, l’article L. 541-8-1, 1° et 5° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 3 janvier 2018, non modifié sur ce point dans un sens moins sévère depuis, dispose : « Les conseillers en investissements financiers doivent : / 1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ; […] / 5° Communiquer aux clients d’une manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations. » 3.2. Sur l’appréciation du manquement 3.2.1. Sur la violation de l’obligation faite aux CIF de se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients (article L. 541-8-1, 1° du code monétaire et financier) 40. Dans le document intitulé « Fiche d’information légale » remis par la mise en cause à chacun de ses clients potentiels au stade de l’entrée en relation, cette dernière se présentait, entre autres, comme « démarcheur bancaire et financier » pour le compte de différents « mandants », dont les sociétés Extend AM et NextStage. 41. Pourtant, s’agissant de la société NextStage, l’article 1.4 de la convention conclue le 3 avril 2014 entre cette dernière et Hedios Patrimoine régissant la commercialisation par la mise en cause de tout OPC géré par cette société prévoyait : « [Hedios Patrimoine] n’est pas autorisé en vertu de la présente Convention, que cela soit directement ou indirectement, à : / (1) réaliser des actes de démarchage au sens de l’article L.3411 et suivants du CMF au nom et pour le compte de [la société NextStage] sur les [parts ou actions d’OPCVM] ». Cette convention interdisait donc explicitement à Hedios Patrimoine de réaliser tout acte de démarchage au nom et pour le compte de la société NextStage. -9- 42. S’il y a bien eu en 2016, postérieurement à la conclusion de cette convention, des échanges entre Hedios Patrimoine et NextStage dans lesquels cette dernière société valide la rédaction de modèles de bulletins de souscription mentionnant que cette souscription pouvait intervenir dans le cadre d’un démarchage, il n’en demeure pas moins que cette convention du 3 avril 2014 n’a fait l’objet d’aucun avenant autorisant ce démarchage. En outre, la société NextStage a déclaré aux contrôleurs le 8 août 2017 : « NextStage AM n’a pas signé de mandat de démarchage avec Hedios Patrimoine. / La convention de distribution signée en novembre 2014 et toujours en vigueur indique précisément que le Distributeur n’est pas autorisé, directement ou indirectement, à réaliser des actes de démarchage au nom ou pour le compte de la société de gestion. / Hedios a collecté auprès de 174 souscripteurs pour des fonds gérés par NextStage AM. Certains BS [i.e. bulletins de souscription] mentionnent qu’un démarchage a été effectué au nom et pour le compte de NextStage AM, or aucune autorisation n’a jamais été donnée au distributeur. ». 43. Par conséquent, en se présentant auprès de ses clients potentiels comme démarcheur bancaire et financier mandaté par la société NextStage alors qu’elle n’était contractuellement pas autorisée à réaliser des actes de démarchage pour le compte de cette dernière, Hedios Patrimoine a manqué de loyauté envers ses clients potentiels et n’a pas agi avec équité au mieux des intérêts de ces derniers, au sens du 1° de l’article L. 541-8-1 précité. 44. S’agissant de la société Extend AM, l’article 5.2.3 de la convention conclue le 1er février 2016 entre cette dernière et Hedios Patrimoine régissant la commercialisation par la mise en cause du FIP géré par cette société stipulait : « Si [Hedios Patrimoine] devait être amenée à réaliser un acte de démarchage dans le cadre de la commercialisation des Parts des Fonds, celle-ci s’engage à respecter l’ensemble des dispositions législatives, réglementaires et déontologiques relatives au démarchage bancaire et financier […] / Conformément à l’article 325-3 du Règlement général de I’AMF, lors de l’entrée en relation avec un nouveau client, [Hedios Patrimoine] lui remet un document comportant les mentions suivantes : […] / Le cas échéant, sa qualité de démarcheur et l’identité du ou des mandants pour lesquels elle exerce une activité de démarchage ». Cette convention prévoyait donc expressément la possibilité d’un démarchage. 45. Par conséquent, en se présentant comme démarcheur pour le compte de la société Extend AM, Hedios Patrimoine n’a pas, au sens du 1° de l’article L. 541-8-1 précité, manqué à son obligation de se comporter avec loyauté et d’agir avec équité au mieux des intérêts de ses clients. 46. Il s’ensuit que le grief tiré de la violation de l’article L. 541-8-1, 1° du code monétaire et financier est caractérisé à l’encontre d’Hedios Patrimoine, mais uniquement en ce qui concerne la commercialisation du FIP et du FCPI gérés par la société NextStage. 3.2.2. Sur la violation de l’obligation faite aux CIF de communiquer à leurs clients, d’une manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les sociétés de gestion d’OPC (article L. 541-8-1, 5° du code monétaire et financier) 47. La notification de griefs ne précise pas en quoi Hedios Patrimoine aurait, à raison des mêmes faits, également contrevenu à l’obligation faite aux CIF de « communiquer aux clients d’une manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations », telle que prévue au 5° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier. 48. Il n’y a donc pas lieu de rechercher si un second manquement pourrait être caractérisé pour les mêmes faits sur le fondement de ces dispositions. Il s’ensuit que le grief tiré de la violation de celles-ci, tel que notifié à Hedios Patrimoine, n’est pas caractérisé. - 10 - 4. Sur le grief relatif au caractère imprécis, inexact ou trompeur de l’information à caractère promotionnel et contractuel 49. La notification de griefs reproche à Hedios Patrimoine d’avoir diffusé auprès d’investisseurs potentiels, sur la page d’accueil de son site Internet, dans sa brochure intitulée « Gammes H », ainsi que dans certains e-mails, courriers et SMS, des informations inexactes, présentant un défaut de clarté ou trompeuses concernant les risques relatifs aux EMTN. La notification de griefs en déduit que la mise en cause aurait violé les articles L. 541-8-1, 1° et 2° du code monétaire et financier et 325-5 du règlement général de l’AMF. 50. Hedios Patrimoine soutient, en tout état de cause, que les conclusions de la mission de contrôle sur lesquelles reposait la notification de griefs se fondaient systématiquement sur des extraits de documents isolés et sortis de leur contexte, ou des analyses incorrectes des données étudiées. Elle fait valoir que l’étude détaillée de sa documentation commerciale permet au contraire de constater le caractère parfaitement équilibré de sa communication autour des EMTN. 4.1. Sur les textes applicables 51. L’article L. 541-8-1, 1° et 2° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 3 janvier 2018, prévoit : « Les conseillers en investissements financiers doivent : / 1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ; / 2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ; […] » 52. L’article 325-5 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 10 mai 2017, non modifié sur ce point dans un sens moins sévère depuis, dispose : « Toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, adressées par un conseiller en investissements financiers, présentent un caractère exact, clair et non trompeur. » 4.2. Sur l’appréciation du manquement 53. En vue d’apprécier la qualité de l’information délivrée par les CIF à leurs clients, dont la portée doit pouvoir être comprise immédiatement et non par recoupement, il convient d’analyser les documents commerciaux indépendamment les uns des autres, mais chacun en intégralité. 54. En l’espèce, il ne ressort pas de l’analyse détaillée des différents documents critiqués par la poursuite que chacun d’eux, pris dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de le recouper avec d’autres documents, ne présentait pas une information exacte, claire et non trompeuse en ce qui concerne les risques relatifs aux EMTN. 55. Par conséquent, le grief relatif au caractère imprécis, inexact ou trompeur de l’information à caractère promotionnel et contractuel – que le représentant du collège a, au demeurant, déclaré en séance ne pas entendre soutenir – n’est pas caractérisé. 5. 56. Sur le grief relatif à la fourniture dans des conditions irrégulières du service de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers, La notification de griefs relève qu’en transmettant aux sociétés Extend AM et NextStage « les bulletins de souscription et les moyens de paiement de ses clients » ayant souscrit aux FIP et FCPI proposés par ces sociétés, Hedios Patrimoine a, au sens de l’article D. 321-1, 1° du code monétaire et financier, transmis à des prestataires de services d’investissement, pour le compte de tiers, des ordres portant sur des instruments financiers et, par conséquent, fourni aux clients concernés un service de RTO. Elle reproche à la mise en cause d’avoir fourni ce service sans avoir préalablement, ni conclu avec les clients concernés de convention, ni fourni à ces derniers de prestation de conseil, manquant ainsi aux obligations prévues aux articles L. 541-1, Il du code monétaire et financier et 325-13 du règlement général de l’AMF. - 11 - 57. Hedios Patrimoine soutient qu’elle offrait à ses clients une simple « aide administrative ». Elle reconnait qu’après s’être assurée que leurs dossiers de souscription remplis en ligne étaient complets et correctement renseignés, elle adressait ces dossiers directement à la société de gestion concernée. Toutefois, elle fait valoir qu’elle effectuait cette transmission sans être rémunérée à ce titre, pour des raisons de bon sens et dans l’intérêt exclusif de ses clients, afin de leur éviter des risques éventuels d’égarement des courriers ou de perte d’avantage fiscal dû au dépassement des délais impératifs pesant sur ces derniers. 58. Enfin, Hedios Patrimoine considère que si la commission des sanctions devait conclure à l’existence d’une prestation de RTO et l’obliger à renvoyer les dossiers de souscription à ses clients après vérification, plutôt que de les adresser directement aux sociétés de gestion concernées, alors sa décision serait incontestablement préjudiciable aux intérêts des investisseurs qu’elle a pour mission de protéger. 5.1. Sur les textes applicables 59. L’article L. 541-1, II du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 8 avril 2017, non modifié dans un sens moins sévère depuis, dispose : « II. - Les conseillers en investissements financiers peuvent également fournir le service de réception et de transmission d’ordres pour le compte de tiers, dans les conditions et limites fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers et exercer d’autres activités de conseil en gestion de patrimoine. » 60. L’article D. 321-1, 1° du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 6 novembre 2014 au 3 janvier 2018, non modifié dans un sens moins sévère depuis, prévoit : « Constitue le service de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers le fait de recevoir et de transmettre à un prestataire de services d’investissement […] pour le compte d’un tiers, des ordres portant sur des instruments financiers ; » 61. L’article 325-13 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2017 au 7 juin 2018, non modifié dans un sens moins sévère depuis, précise : « Le conseiller en investissements financiers peut accepter de recevoir aux fins de transmission un ordre portant sur une ou plusieurs parts ou actions d’OPC qu’un client auquel il a fourni une prestation de conseil se propose de souscrire ou de vendre. / Préalablement à la fourniture de ce service, le conseiller en investissements financiers doit conclure avec ledit client une convention précisant les droits et obligations de chacun. / Le conseiller en investissements financiers doit être en mesure d’apporter la preuve que l’ordre émane de son client ; il conserve l’enregistrement de l’horodatage de la réception et de la transmission de l’ordre reçu de son client ». 5.2. Sur l’appréciation du manquement 5.2.1. Sur la fourniture d’un service de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers 62. Il résulte de la lecture combinée des articles D. 321-1, 1° du code monétaire et financier et 325-13 du règlement général de l’AMF que le service de RTO se caractérise par la réunion de trois conditions : (i) la réception et la transmission d’un ordre (ii) à un prestataire de services d’investissement, (iii) portant sur des parts ou actions d’OPC. 63. Aucune disposition n’imposant que le service de RTO soit rémunéré, il ne peut donc s’agir d’un critère de qualification de ce service. De même, aucun élément intentionnel n’étant exigé, il est indifférent qu’Hedios Patrimoine ait transmis aux sociétés de gestion de patrimoine concernées les ordres de souscription dans le seul but d’éviter à ses clients des risques éventuels d’égarement des courriers ou de dépassement de délais, sans volonté de fournir un service de RTO en tant que tel. 64. Il convient de vérifier si les trois conditions prévues aux articles D. 321-1, 1° du code monétaire et financier et 325-13 du règlement général de l’AMF étaient réunies. 65. S’agissant de la première condition, tenant à la réception et la transmission d’un ordre, la société Extend AM, qui gère le FIP « Direction France N°1 », a indiqué à la mission de contrôle : « Nous recevons - 12 - de Hedios Patrimoine en période de souscription (en moyenne une fois par semaine) un fichier excel listant les souscriptions qu’Hedios va nous adresser au format papier original. Ce fichier est un modèle PEC (fichier normalisé), qui reprend les informations de la souscription. / Nous réceptionnons ensuite les dossiers papiers de souscription, qui comprennent uniquement les éléments suivants : bulletin de souscription original signé, copie carte d’identité ou passeport, moyen de paiement (chèque ou copie de virement) ». Il ressort de cette déclaration que la mise en cause transmettait bien à la société Extend AM des ordres de souscription signés par ses clients. 66. Quant à la société NextStage, qui gère le FCPI « NextStage CAP 2021 » et le FIP « NextStage Rendement 2022 », elle a déclaré aux contrôleurs : « La liste des documents reçus par Extendam d’Hedios Patrimoine pour leurs clients ayant souscrit du Fip Direction France N°1 est composé des éléments suivants : / Le bulletin de souscription complété et signé par le client / Une copie du justificatif de domicile du souscripteur / Une copie de la pièce d’identité du souscripteur en cours de validité ». Il ressort de cette déclaration que la mise en cause transmettait également à la société NextStage des ordres de souscription signés par ses clients. 67. Par ailleurs, les sociétés de gestion de patrimoine ont la qualité de prestataires de services d’investissement. 68. Enfin, les fonds d’investissements de proximité, ainsi que les fonds communs de placement dans l’innovation, sont des OPC. 69. Il en résulte qu’Hedios Patrimoine a bien, au sens des articles D. 321-1, 1° du code monétaire et financier et 325-13 du règlement général de l’AMF, transmis à des prestataires de services d’investissement (les sociétés Extend AM et NextStage) pour le compte de tiers (les clients concernés), des ordres portant sur des instruments financiers (les FIP et le FCPI gérés par ces sociétés) et, par conséquent, a fourni un service de RTO, peu important que ce service ait été offert, comme le soutient la mise en cause, dans l’intérêt exclusif des clients concernés. 70. Dès lors, il convient de déterminer si, conformément aux dispositions de l’article 325-13 du règlement général de l’AMF, la mise en cause a, préalablement à la fourniture de ce service, conclu avec les clients concernés une convention précisant les droits et obligations de chacun, et fourni à ces derniers une prestation de conseil. 5.2.2. Sur la violation de l’article 325-13 du règlement général de l’AMF 71. Il résulte de l’article 325-13 du règlement général de l’AMF que, lorsqu’il est fourni par un CIF, le service de RTO ne peut intervenir qu’au profit d’« un client auquel il a fourni une prestation de conseil ». 72. En l’espèce, la mise en cause a toujours soutenu ne pas avoir fourni de conseil en investissement à ses clients et clients potentiels, ce que ne contredit pas le rapport de contrôle, ni la notification de griefs. En revanche elle reconnaît avoir délivré des prestations de conseil à ses clients dans le cadre de son obligation générale d’information et de conseil. Il y a donc désaccord avec la poursuite sur le respect ou non, en l’espèce de la condition mentionnée ci-dessus, à laquelle est subordonnée le service de RTO. 73. Mais en tout état de cause, il résulte du même article 325-13 du règlement général que lorsqu’il est fourni par un CIF, le service de RTO ne peut intervenir qu’après la conclusion avec le client concerné d’« une convention précisant les droits et obligations de chacun ». 74. En l’espèce, lorsque la mission de contrôle a sollicité de la mise en cause qu’elle lui transmette les « conventions de RTO » conclues au cours de la période concernée par le contrôle, cette dernière lui a répondu qu’elle n’avait aucune convention à transmettre dans la mesure où elle « n’a pas fourni de service de RTO à ses clients ». Hedios Patrimoine a par la suite maintenu cette position dans ses observations en réponse à la notification de griefs. - 13 - 75. Par conséquent, le grief tiré de la violation de l’article 325-13 du règlement général de l’AMF est caractérisé à l’encontre de la mise en cause en ce qu’elle a fourni à ses clients un service de RTO sans conclure préalablement avec eux une convention précisant les droits et obligations de chacun. SANCTIONS ET PUBLICATION 1. Sur les sanctions 76. Les griefs notifiés à Hedios Patrimoine sont relatifs à des faits qui se sont déroulés entre janvier 2016 et mars 2017. 77. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 1er octobre 2014 au 11 décembre 2016 : « Tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1 […] aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III, IV et V de l’article L. 621-15 ». 78. La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, applicable à compter du 11 décembre 2016, a remplacé dans cet article les mots « selon les modalités prévues aux I, a et b du III, IV et V de l’article L. 621-15 » par « selon les modalités prévues aux I, a et b du III et III bis à V de l’article L. 621-15 ». 79. Aux termes de l’article L. 621-15, III du même code, dans sa version en vigueur du 5 décembre 2015 au 11 décembre 2016 : « Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; » 80. La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée a remplacé dans cet article l’expression « montant des profits éventuellement réalisés » par « montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ». Toutefois, en l’espèce, cette modification n’a pas de répercussions puisque la notion de « profit réalisé » est équivalente, en matière de CIF, à celle d’ « avantage retiré ». 81. En conséquence, Hedios Patrimoine encourt un avertissement, un blâme, une interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de CIF ou une radiation de l’ORIAS en tant que tel et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé. 82. Le III ter de ce même article L. 621-15, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « III ter. - Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : - de la gravité et de la durée du manquement ; / - de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / - de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / - de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / - des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / - du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / - des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / - de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ». - 14 - 83. S’agissant des griefs retenus à l’encontre d’Hedios Patrimoine, cette dernière fait valoir qu’aucun client ne s’est jamais plaint d’avoir bénéficié du service qualifié de RTO par la notification de griefs, qu’elle a cessé d’offrir ce service à compter d’octobre 2017 dans l’attente de la position de l’AMF et, plus généralement, qu’elle a abandonné en 2018 toute commercialisation de parts de FIP, FCPI ou société civile de placement immobilier. Elle ajoute que ces deux griefs sont purement formels, qu’ils ne sont pas de nature à léser les intérêts des investisseurs, et qu’elle n’a retiré aucun bénéfice des comportements qui lui sont reprochés. S’agissant plus particulièrement des relations qu’elle entretenait à l’époque des faits avec la société NextStage, Hedios Patrimoine fait valoir sa bonne foi et soutient qu’à supposer qu’elle se soit trompée sur la nature de ces relations, elle pouvait légitimement croire qu’elle disposait bien d’un mandat de démarchage de la part de cette société. 84. Il apparait cependant que les manquements retenus à l’encontre de la mise en cause sont multiples, répétés et ont porté sur une durée relativement longue de quinze mois. Ils revêtent donc une particulière gravité. 85. Le montant de l’avantage économique retiré de ces manquements ne peut en revanche être déterminé et aucun élément du dossier ne fait état de plaintes ou réclamations formulées par les clients d’Hedios Patrimoine relatives aux comportements reprochés. 86. Enfin, il ressort des états financiers produits par Hedios Patrimoine que son chiffre d’affaires et son bénéfice s’élevaient au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2017, à respectivement 5 146 252 euros et 1 068 022 euros. 87. Au vu de l‘ensemble de ces éléments, il sera prononcé à l’encontre d’Hedios Patrimoine un avertissement ainsi qu’une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros). 2. Sur la publication 88. La mise en cause sollicite l’anonymisation de la décision à intervenir « pour des raisons évidentes d’image » et « compte tenu du caractère minime et purement formel des griefs éventuellement retenus », précisant que la publication d’une décision de sanction sous une forme non anonymisée ne manquerait pas de lui causer un préjudice d’image grave et disproportionné. 89. Toutefois, les circonstances évoquées par la mise en cause ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours et, partant, ne justifient pas la publication de la décision à intervenir sous une forme anonymisée. 90. La publication sera donc ordonnée sous forme nominative à l’égard d’Hedios Patrimoine. - 15 - PAR CES MOTIFS, Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Jean Gaeremynck, président de la 2ème section de la commission des sanctions, par Mme Sandrine Elbaz-Rousso et M. Lucien Millou, membres de la 2ème section de la commission des sanctions, ainsi que M. Bruno Gizard, membre de la 1ère section de la commission des sanctions, suppléant Mme Sophie Schiller en application de l’article R. 621-7. I du code monétaire et financier, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions : - prononce à l’encontre de la société Hedios Patrimoine un avertissement ainsi qu’une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ; - ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme. Fait à Paris, le 20 mai 2019 La Secrétaire de séance, Le Président, Anne Vauthier Jean Gaeremynck Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.