COMM. JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 11 décembre 2019 Cassation sans renvoi Mme MOUILLARD, président Arrêt no 972 FP-P+B+R Pourvois no A 18-10.790 et H 18-10.842 JONCTION RÉPUBLIQUE FRANÇAISE _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant : I - Statuant sur le pourvoi no A 18-10.790 formé par : 1o/ M. Jean-Raymond Giroussens, domicilié 46 avenue Pierre Verdier, 34500 Béziers, 2o/ la société Electronique occitane, société à responsabilité limitée, dont le siège est 46 avenue Pierre Verdier, 34500 Béziers, contre l’arrêt no RG : 15/22922 rendu le 11 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant à la Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, dont le siège est 1 square Bela Bartok, 75015 Paris, défenderesse à la cassation ; 2 972 II - Statuant sur le pourvoi no H 18-10.842 formé par la Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1o/ à la société Electronique occitane, société à responsabilité limitée, 2o/ à M. Jean-Raymond Giroussens, défendeurs à la cassation ; Les demandeurs au pourvoi no A 18-10.790 invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi no H 18-10.842 invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 novembre 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Guérin, Mmes Vallansan, Darbois, Poillot-Peruzzetto, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Pomonti, Fontaine, Champalaune, Daubigney, Sudre, Michel-Amsellem, Fevre, MM. Riffaud, Ponsot, conseillers, Mme Le Bras, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mmes Kass-Danno, Lion, Lefeuvre, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, Mme Labat, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la Société française du radiotéléphone, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Giroussens et de la société Electronique occitane, l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s’ils souhaitaient présenter des observations complémentaires et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Jonction 1. Les pourvois no A 18-10.790 et no H 18-10.842, qui attaquent le même arrêt, sont joints. 3 972 Faits et procédure 2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2017), la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a conclu les 31 mai 1996, 11 janvier 2002 et 30 décembre 2005 des contrats de distribution de ses produits et services avec la société Electronique occitane, dont le gérant est M. Giroussens. Il a été mis fin à ces contrats le 31 décembre 2008. Un arrêt du 25 septembre 2012, devenu irrévocable sur ce point, a reconnu à M. Giroussens le statut de gérant de succursale et a condamné la société SFR à lui payer diverses sommes, notamment des rappels de salaire de janvier 2004 à décembre 2005 et les congés payés afférents ainsi que des indemnités de rupture. La société SFR a assigné la société Electronique occitane et M. Giroussens en annulation des contrats de distribution, à titre subsidiaire, en résolution de ces contrats pour inexécution, par la société Electronique occitane, de ses obligations contractuelles et, plus subsidiairement, en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels de la société Electronique occitane, facilités par M. Giroussens, correspondant au montant des sommes versées à ce dernier en exécution des décisions de justice. Sur le premier moyen du pourvoi no H 18-10.842 Enoncé du moyen 3. La société SFR fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation des contrats pour erreur sur la personne alors « que l'erreur qui tombe sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter est une cause de nullité de la convention dès lors que la considération de cette personne est la cause principale de la convention; que l'erreur sur la personne peut porter sur les qualités essentielles de celle-ci ; que la qualité de personne morale est essentielle lorsqu’une partie a eu intention de contracter avec une société en raison de sa réputation et de son expérience ; qu’en l’espèce, après avoir observé qu’il ressortait des dispositions contractuelles liant la société SFR et la société Electronique occitane « que la société SFR [avait] entendu souscrire les contrats de distribution avec la société Electronique occitane, représentée par M. Jean-Raymond Giroussens, son gérant », la cour d’appel a néanmoins cru pouvoir en déduire qu’aucune erreur sur la personne de son cocontractant n’avait vicié le consentement de la société SFR lorsqu’elle avait contracté avec Electronique occitane ; qu’en statuant ainsi, lorsqu’il s’inférait de ses propres constatations que la société SFR n’avait pas entendu contracter avec M. Giroussens, pris en sa qualité de personne physique, mais uniquement avec la société Electronique occitane représentée par son gérant M. Giroussens, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1110 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. » 4 972 Réponse de la Cour 4. Après avoir énoncé que les conditions de l'exécution ultérieure du contrat ne peuvent constituer un élément caractérisant l'erreur sur le consentement au moment de la conclusion du contrat et relevé que le contrat de distribution conclu entre la société SFR et la société Electronique occitane stipulait qu’il était « conclu intuitu personae en considération de la personne morale de la société [Electronique occitane] ainsi qu'en considération de son dirigeant » et qu’en conséquence, il « ne pourra[it] être cédé en tout ou partie, sans l'accord préalable, exprès et écrit de SFR », l’arrêt retient que la société SFR a entendu souscrire les contrats de distribution avec la société Electronique occitane, représentée par M. Giroussens, son gérant. 5. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit qu’aucune erreur n'avait été commise par la société SFR sur la personne de son cocontractant. 6. Par conséquent, le moyen n’est pas fondé. Mais sur le moyen relevé d’office 7. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties. Vu les articles L. 7321-1 à L. 7321-5 du code du travail : 8. Lorsqu'un fournisseur a conclu avec une personne morale un contrat pour la distribution de ses produits et que le statut de gérant de succursale est reconnu au dirigeant de cette personne, le fournisseur, condamné à payer à ce dernier les sommes qui lui étaient dues en application de ce statut d'ordre public, auquel il ne peut être porté atteinte, même indirectement, n'est pas admis à réclamer à la personne morale, fût-ce pour partie, le reversement des sommes ayant rémunéré les prestations qu'elle a effectuées en exécution du contrat de distribution. 9. Pour condamner la société Electronique occitane à payer à la société SFR des dommages-intérêts correspondant aux rappels de salaires et congés payés versés par cette dernière à M. Giroussens, outre les charges patronales, en exécution de l’arrêt rendu le 25 septembre 2012 lui ayant reconnu le statut de gérant de succursale, l’arrêt retient que la société SFR a ainsi dû payer deux fois les mêmes prestations et que si la société Electronique occitane avait exécuté l'ensemble des obligations qui lui revenaient, le statut de gérant de succursale n’aurait pas été reconnu à son gérant et la société SFR n'aurait pas été condamnée au paiement de ces sommes. 5 972 10. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Le principe énoncé ci-avant conduit au rejet des demandes formées par la société SFR. PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Electronique occitane à payer à la Société française du radiotéléphone (SFR) la somme de 92 473,43 euros au titre du préjudice subi et statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 11 octobre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; DIT n’y avoir lieu à renvoi ; Rejette la demande formée par la Société française du radiotéléphone en réparation de son préjudice ; Condamne la Société française du radiotéléphone aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ; Rejette sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ; La condamne à payer à la société Electronique occitane et à M. Giroussens la somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; 6 972 Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf. 7 972 MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M.Giroussens et la société Electronique occitane, demandeurs au pourvoi no A 18-10.790 Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Electronique Occitane à verser à la société SFR la somme de 92 473,43 euros en réparation du préjudice subi ; AUX MOTIFS QUE la société SFR sollicite le paiement de la somme de 155 637,18 euros : - au titre de la perte subie à l’occasion des condamnations prononcées à son encontre par les juridictions sociales : • 68 884 euros à titre de rappel de salaires majoré des intérêts au taux légal (1 176,62 euros), • 6 888 euros au titre des congés payés afférents, • 9 567,22 euros (8 697,48 + 869,74) au titre du préavis non donné et des congés payés afférents, • 18 724,98 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, • 9 393,27 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, - au titre des charges sociales patronales supportées par elle dans le cadre de l’exécution des arrêts de la cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation : 16 701,43 euros ; qu’il ressort des éléments du dossier que la société Electronique Occitane a été rémunérée par la société SFR, en vertu du contrat de distribution signé entre elles, pour des prestations qui ont justifié par ailleurs les salaires et primes perçues par Monsieur Jean-Raymond Giroussens en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 25 septembre 2012, reconnaissant à ce dernier le statut de gérant de succursale ; que la société Electronique Occitane a perçu des rémunérations de la société SFR pour l’exécution de prestations réalisées pour partie par une personne dont le statut de gérant de succursale de la société SFR a été reconnu ; qu’en effet, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris du 25 septembre 2012 a retenu que Monsieur Jean-Raymond Giroussens assurait la gestion du magasin pour distribuer des services SFR ; que ces prestations, pour lesquelles il a perçu des salaires, ont fait l’objet d’une rémunération, par la société SFR, également de la société Electronique Occitane ; que la société SFR a ainsi payé pour la réalisation des mêmes prestations des salaires et une rémunération de la société ; que la société Electronique Occitane doit donc restituer à la société SFR les sommes qu’elle a acquittées à titre de paiement des salaires et charges sociales patronales, versées en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 25 septembre 2012, alors qu’elle avait déjà rémunéré ces prestations auprès de la société Electronique Occitane, en vertu du contrat les liant ; qu’en conséquence, il y a lieu de 8 972 condamner la société Electronique Occitane à verser à la société SFR la somme de 92 473,43 euros, correspondant aux sommes acquittées par la société SFR au titre des salaires et congés payés, à savoir les somme de : - 68 884 euros à titre de rappel de salaires majoré des intérêts au taux légal (1 176,62 euros), - 6 888 euros au titre des congés payés afférents, - 16 701,43 euros au titre des charges sociales patronales ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE par arrêts du 25 septembre 2012 et du 12 février 2014, la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation ont reconnu à Monsieur Giroussens le statut de gérant de succursale et lui ont alloué une somme totale de 155 637,18 € à titre de rappel de salaires et de charges afférentes ; que les contrats de distribution ont été exécutés et que les factures correspondantes ont été réglées en contrepartie du travail d’Occitane et de Monsieur Giroussens ; que Monsieur Giroussens, en sa qualité de gérant et d’actionnaire important d’Occitane, ne pouvait ignorer les conséquences financières d’une procédure de requalification qui lui reconnaîtrait le statut de gérant de succursale SFR, alors même qu’il avait été rémunéré pour ses fonctions de gérant au sein d’Occitane ; qu’en exécution des deux arrêts précités, SFR a déboursé la somme de 155 637,18 € au bénéfice de Monsieur Giroussens et que la principale conséquence non prévue par les parties lors de la signature du contrat distributeur entraîne un déséquilibre du contrat initial, SFR ayant payé Occitane et Monsieur Giroussens deux fois pour les mêmes prestations sans que cela soit justifié par une obligation contractuelle différente de celle issue du contrat distributeur, alors que nul ne peut s’enrichir sans cause ; qu’il n’est pas contestable que si Occitane avait exécuté l’ensemble des obligations qui lui revenaient, les hautes juridictions n’auraient pas reconnu à son gérant le statut de gérant de succursale et n’auraient pas condamné SFR ; que la responsabilité contractuelle d’Occitane est engagée pour non-exécution de ses obligations contractuelles ; 1o ALORS QUE les motifs d’une décision juridictionnelle doivent permettre de déterminer, suivant une interprétation raisonnable, son fondement juridique ; qu’en condamnant l’exposante à restituer à la société SFR les sommes que celle-ci avait été condamnée à verser à M. Giroussens en application de son statut de gérant de succursale, sans que sa motivation ne permette de déterminer si elle s’est fondée sur les règles relatives à la responsabilité contractuelle, à la répétition de l’indu ou à l’enrichissement, la cour d’appel a violé les articles 12 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 2o ALORS QU’en toute hypothèse, seules les sommes payées sans être dues ou devenues indues sont sujettes à restitution ; qu’en condamnant 9 972 l’exposante à restituer à la société SFR les sommes que celle-ci avait été condamnée à verser à M. Giroussens en application de son statut de gérant de succursale, quand elle constatait pourtant elle-même que ces sommes avaient été mises à la charge de la société SFR par une décision de justice irrévocable ayant reconnu à M. Giroussens le statut de gérant d’une succursale de la société SFR, de sorte que leur paiement, qui trouvait sa cause dans la loi dont cette décision avait fait application, ne pouvait incomber qu’à cette dernière, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur version antérieure à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 ; 3o ALORS QU’en toute hypothèse, l’action fondée sur l’enrichissement sans cause ne peut être dirigée que contre celui dont il est prétendu qu’il s’est enrichi ; qu’en retenant, pour condamner l’exposante à restituer à la société SFR les sommes que celle-ci avait été condamnée à verser à M. Giroussens en application de son statut de gérant de succursale que « SFR a[vait] payé Occitane et Monsieur Giroussens deux fois pour les mêmes prestations sans que cela soit justifié par une obligation contractuelle différente de celle issue du contrat distributeur, alors que nul ne peut s’enrichir sans cause » (jugement, p. 9, al. 4), quand il n’était pas contesté que l’exposante n’avait pas bénéficié des sommes que la société SFR avait été condamnée à verser à M. Giroussens, la cour d’appel a violé l’article 1371 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 ; 4o ALORS QU’en toute hypothèse, seule est source de responsabilité la faute qui a causé un dommage ; qu’en se bornant à retenir, pour condamner la société Electronique Occitane à indemniser la société SFR du montant des rappels de salaires, congés payés et charges patronales que celle-ci avait été personnellement condamnée à payer à son gérant, M. Giroussens, en exécution de la décision de justice irrévocable lui ayant reconnu le statut de gérant de succursale, que la société SFR avait ainsi dû payer deux fois les mêmes prestations, sans constater que la reconnaissance de ce statut et la condamnation prononcée sur ce fondement aurait résulté d’un manquement imputable à l’exposante, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 ; 5o ALORS QU’en toute hypothèse, l’application du statut de gérant de succursale au gérant de la personne morale ayant contracté avec un fournisseur n’est pas subordonnée à l’inexécution, par la personne morale, de ses obligations contractuelles ; qu’en retenant par motifs adoptés, que « si Occitane avait exécuté l’ensemble des obligations qui lui revenaient, les hautes juridictions n’auraient pas reconnu à son gérant le statut de gérant de succursale et n’auraient pas condamné SFR » (jugement, p. 9, al. 5), quand une telle reconnaissance n’impliquait pas légalement l’inexécution de ses 10 972 obligations contractuelles par la société Electronique Occitane, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2 du code du travail ; 6o ALORS QU’en toute hypothèse, seule est source de responsabilité la faute qui a causé un dommage ; qu’en affirmant, pour condamner la société Electronique Occitane à indemniser la société SFR du montant des rappels de salaires, congés payés et charges patronales que celle-ci avait été personnellement condamnée à payer à son gérant, M. Giroussens, en exécution de la décision de justice irrévocable lui ayant reconnu le statut de gérant de succursale, que « si Occitane avait exécuté l’ensemble des obligations qui lui revenaient, les hautes juridictions n’auraient pas reconnu à son gérant le statut de gérant de succursale et n’auraient pas condamné SFR », sans rechercher si la société SFR n’était pas seule à l’origine du montage ayant justifié l’application du statut de gérant de succursale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 ; 7o ALORS QU’en toute hypothèse une société est fondée à confier à son gérant l’exécution des obligations qu’elle a souscrites, de sorte que l’exécution de ses obligations par celui-ci est valable ; qu’en retenant que « si Occitane avait exécuté l’ensemble des obligations qui lui revenaient, les hautes juridictions n’auraient pas reconnu à son gérant le statut de gérant de succursale et n’auraient pas condamné SFR », quand la seule faute qui lui était reprochée par la société SFR était d’avoir confié à M. Giroussens, son gérant, l’exécution des prestations mises à sa charge par les contrats de distribution conclus par les parties, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’existence d’une faute imputable à l’exposante, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016. 11 972 Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la Société française du radiotéléphone (SFR), demanderesse au pourvoi no H 18-10.842 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l’arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d’avoir débouté la SA Société Française du Radiotéléphone – SFR de sa demande tendant à voir prononcer la nullité des contrats de distribution pour erreur sur la personne. AUX MOTIFS QUE : « Sur la nullité pour erreur sur la personne que la société SFR soutient qu’en concluant les contrats de distribution, elle avait l’intention de contracter avec la société Electronique Occitane, en considération de ses qualités affichées, et en aucun cas avec Monsieur Giroussens ; qu’elle en conclut que seule la société Electronique Occitane devait exécuter le contrat ; qu’elle relève qu’elle n’aurait pas conclu les contrats de distribution si elle avait été informée que ceux-ci ne seraient pas exécutés par la société Electronique Occitane mais par une personne physique non partie au contrat, tel que cela ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 septembre 2012, confirmé par la Cour de cassation ; que la société Electronique Occitane indique que le contrat a été conclu en considération de Monsieur Jean-Raymond Giroussens, dès lors que son engagement était prépondérant dans l’exécution du contrat et que sa personnalité était essentielle dans la formation du contrat ; qu’elle relève par ailleurs que la société SFR n’a pas été trompée sur la personne avec laquelle elle a contracté ; qu’elle ajoute que le contrat a été rédigé par la société SFR ; que l’article 1110 ancien du code civil, applicable aux contrats dont il est question, dispose que l’erreur "n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention" ; qu’en l’espèce, le contrat liant les parties précise clairement les rôles et fonctions de chacun ; que les différents contrats mentionnent que la société Electronique Occitane est représentée par Monsieur Jean-Raymond Giroussens, son gérant ; que par ailleurs, aux articles 18 du contrat ESE et du contrat distributeur, il est stipulé que "le présent contrat est conclu intuitu personae en considération de la personne morale de l’ESPACE ENTREPRISES ainsi qu’en considération de son dirigeant ; qu’en conséquence, le présent contrat ne pourra être cédé en tout ou partie, sans l’accord préalable, exprès et écrit de SFR" ; 12 972 qu’il ressort de ces dispositions contractuelles que la société SFR a entendu souscrire les contrats de distribution avec la société Electronique Occitane, représentée par Monsieur Jean-Raymond Giroussens, son gérant ; qu’aucune erreur n’a été commise sur le cocontractant de la société SFR ; qu’en outre, les conditions de l’exécution ultérieure du contrat ne peuvent constituer un élément caractérisant l’erreur sur le consentement au moment de la conclusion du contrat ; qu’il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef ; qu’il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point » ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Occitane était le seul contractant de SFR, comme le démontre clairement le contrat distributeur signé entre SFR et la société Electronique Occitane "représentée par son gérant M. Giroussens en qualité de gérant, ci-après dénommé le distributeur" ; que si le contrat a été conclu "intuitu personae en considération de la personne morale du distributeur ainsi qu’en considération de son dirigeant", la volonté de SFR était bien de conclure avec Occitane, en tenant compte de la personnalité du dirigeant ; que SFR, ayant l’intention de conclure avec Occitane et non avec Monsieur Giroussens pris individuellement, n’a pas été victime d’une erreur sur la personne morale contractante ni sur la cause de son engagement ; que le tribunal déboutera SFR de sa demande de prononcer la nullité des contrats de distribution pour erreur sur la personne et défaut de cause » ; ALORS QUE l'erreur qui tombe sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter est une cause de nullité de la convention dès lors que la considération de cette personne est la cause principale de la convention; que l'erreur sur la personne peut porter sur les qualités essentielles de celle-ci ; que la qualité de personne morale est essentielle lorsqu’une partie a eu intention de contracter avec une société en raison de sa réputation et de son expérience; qu’en l’espèce, après avoir observé qu’il ressortait des dispositions contractuelles liant la société SFR et la société Electronique Occitane « que la société SFR [avait] entendu souscrire les contrats de distribution avec la société Electronique Occitane, représentée par Monsieur Jean-Raymond Giroussens, son gérant » (v. arrêt attaqué p. 8, § 6), la Cour d’appel a néanmoins cru pouvoir en déduire qu’aucune erreur sur la personne de son cocontractant n’avait vicié le consentement de la société SFR lorsqu’elle avait contracté avec Electronic Occitaine; qu’en statuant ainsi, lorsqu’il s’inférait de ses propres constatations que la société SFR n’avait pas entendu contracter avec Monsieur Giroussens, pris en sa qualité de personne physique, mais uniquement avec la société Electronique 13 972 Occitane représentée par son gérant Monsieur Giroussens, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1110 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait condamné in solidum la SARL Electronique Occitane et M. Jean-Raymond Giroussens à payer à la société SFR la somme de 155 637,18 euros au titre du préjudice subi et, statuant à nouveau de ce chef, d’avoir condamné la SARL Electronique Occitane à payer à la société SFR la seule somme de 92 473,43 euros au titre du préjudice subi et rejeté les demandes formées par SFR à l’encontre de M. Giroussens ; AUX MOTIFS QUE sur le fond : la société SFR sollicite le paiement de la somme de 155 637,18 euros : - au titre de la perte subie à l’occasion des condamnations prononcées à son encontre par les juridictions sociales : *68 884 euros à titre de rappel de salaires majoré des intérêts au taux légal (1 176,62 euros), *6 888 euros au titre des congés payés afférents, *9 567,22 euros (8 697,48 + 869,74) au titre du préavis non donné et des congés payés afférents, *18 724,98 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. *9 393,27 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, - au titre des charges sociales patronales supportées par elle dans le cadre de l’exécution des arrêts de la cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation, 16 7.01,43 euros, qu’elle explique que sa condamnation à payer des salaires à M. Jean-Raymond Giroussens pour réaliser les prestations qu’elle a payées en vertu des contrats de distribution, a pour conséquence de permettre à M. Jean-Raymond Giroussens d’avoir perçu un double salaire pour une seule et même prestation, la société Electronique Occitane lui ayant versé des salaires au titre de ces prestations ; que la société Electronique Occitane conteste que des fautes aient été commises, et précise que la rémunération perçue de sa part par M. Jean-Raymond Giroussens ne correspond qu’à l’exercice de son mandat social ; qu’elle relève que seule la somme de 68 884 euros a été versée par la société SFR, en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, à titre de salaire ; 14 972 qu’il ressort des éléments du dossier que la société Electronique Occitane a été rémunérée par la société SFR, en vertu du contrat de distribution signé entre elles, pour des prestations qui ont justifié par ailleurs les salaires et primes perçues par M. Jean-Raymond Giroussens en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 25 septembre 2012, reconnaissant à ce dernier le statut de gérant de succursale ; que la société Electronique Occitane a perçu des rémunérations de la société SFR pour l’exécution de prestations réalisées pour partie par une personne dont le statut de gérant de succursale de la société SFR a été reconnu ; qu’en effet, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 25 septembre 2012 a retenu que M. Jean-Raymond Giroussens assurait la gestion du magasin pour distribuer des services SFR ; que ces prestations, pour lesquelles il a perçu des salaires ont fait l’objet d’une rémunération, par la société SFR, également de la société Electronique Occitane ; que la société SFR a ainsi payé pour la réalisation des mêmes prestations des salaires et une rémunération de la société ; que la société SFR reproche à M. Jean-Raymond Giroussens d’avoir participé à la réalisation de son préjudice ; qu’or, la reconnaissance ultérieure du gérant de succursale ne peut constituer une faute ayant causé le préjudice reconnu à la société SFR dans le cadre de cette instance ; que la société Electronique Occitane doit dont restituer à la société SFR les sommes qu’elle a acquittées à titre de paiement des salaires et charges sociales patronales, versées en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 25 septembre 2012, alors qu’elle avait déjà rémunéré ces prestations auprès de la société Electronique Occitane, en vertu du contrat les liant ; qu’en conséquence, il y a lieu de condamner la société Electronique Occitane à verser à la société SFR la somme de 92 473,43 euros, correspondant aux sommes acquittées par la société SFR au titre des salaires et congés payés, à savoir les sommes de : *68 884 euros à titre de rappel de salaires majoré des intérêts au taux légal (1 176,62 euros), *6 888 euros au titre des congés payés afférents, *16 701,43 euros au titre des charges sociales patronales ; qu’en revanche, s’agissant des demandes formées au titre du préavis non donné et des congés payés afférents, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’indemnité conventionnelle de licenciement, ces sommes ne sont pas liées à l’exécution par M. Jean-Raymond Giroussens de prestations payées par la société SFR en vertu du contrat, mais sont la conséquence d’un licenciement reconnu entre la société SFR et 15 972 M. Jean-Raymond Giroussens, qui ne concerne pas la société Electronique Occitane ; qu’en conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum la SARL Electronique Occitane et M. Jean-Raymond Giroussens à payer à la société SFR la somme de 155 637,18 euros à titre du préjudice subi ; que, statuant à nouveau, il y a lieu de condamner la SARL Electronique Occitane à payer à la société SFR la somme de 92 473,43 euros à titre du préjudice subi ; que compte-tenu du sens de la décision, il n’y a pas lieu d’ordonner la communication des pièces sollicitées par la SARL Electronique Occitane et M. Jean-Raymond Giroussens ; 1o/ ALORS QUE toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui, commet une faute délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction ; qu’en l’espèce, pour infirmer le jugement entrepris en ce qu’il avait retenu que M. Giroussens avait engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société SFR, la Cour d’appel s’est bornée à observer que « la reconnaissance ultérieure du [statut de] gérant de succursale ne peut constituer une faute ayant causé le préjudice reconnu à la société SFR dans le cadre de cette instance » (v. arrêt attaqué, p. 12, § 2) ; qu’en se bornant ainsi à retenir que la procédure en requalification intentée par M. Giroussens ne pouvait engager sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société SFR, sans aucunement s’expliquer sur le concours M. Giroussens aux inexécutions contractuelles de la société Electronique Occitane invoqué par la société SFR (v. production no 2, pp.48-49), la Cour d’appel a statué par des motifs impropres à exclure l’existence d’une faute de Monsieur Giroussens, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article 1382 [devenu 1240] du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. 2o/ ALORS QUE l’inexécution d’une convention expose le débiteur à réparer les préjudices du créancier qui en sont la conséquence immédiate et directe; qu’en l’espèce, après avoir constaté que la société Electronique Occitane avait perçu de la société SFR des rémunérations pour des prestations en réalité exécutées par M. Giroussens, lequel avait de ce fait obtenu du Conseil des Prud’hommes le statut de gérant de succursale et la condamnation de la société SFR à lui verser des rappels de salaire et de congés payés, des indemnités au titre du préavis non donné et des indemnités de licenciement, la Cour d’appel a néanmoins débouté la société SFR de sa demande de dommages et intérêts formée au titre des sommes versées à M. Giroussens pour le préavis non donné, les congés afférents et les indemnités de licenciement, en se bornant à affirmer que : « ces sommes ne sont pas liées à l’exécution par M. Jean-Raymond Giroussens de prestations payées par 16 972 la société SFR en vertu du contrat, mais sont la conséquence d’un licenciement reconnu entre la société SFR et M. Jean-Raymond Giroussens, qui ne concerne pas la société Electronique Occitane » (v. arrêt attaqué, p. 12, § 5) ; qu’en statuant ainsi, sans préciser en quoi les préjudices allégués n’étaient pas suffisamment liés à l’exécution, par M. Giroussens, des prestations que la société Electronique Occitane s’était contractuellement engagée à exécuter, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil, dans leurs rédactions applicables à la cause.