O2017_015 1 Décision du Tribunal fédéral des brevets du 7 novembre 2019 Dans la cause Alstom Transport Technologies SASU contre Bombardier Transportation Regeste: Art. 56 CBE, Art. 1 al. 2 LBI; Activité inventive et désavantages techniques en modifiant l’état de la technique. Un désavantage technique apparent pour l’homme du métier résultant d'une modification de l'état de la technique conduisant à l’invention revendiquée ne peut être invoqué pour soutenir que l'homme du métier ne procéderait pas à une telle modification de l’enseignement de l’état de la technique, si l’invention revendiquée ne remédie pas à ce désavantage d’une manière inattendue mais se contente de le tolérer. Art. 56 EPÜ, Art. 1 Abs. 1 PatG; Erfinderische Tätigkeit und technische Nachteile bei Änderung der Lehre des Standes der Technik. Wenn aus einer zur beanspruchten Erfindung führenden Änderung der Lehre eines Standes der Technik für den Fachmann ein offensichtlicher technischer Nachteil resultiert, kann nicht geltend gemacht werden, dass der Fachmann eine solche Änderung der Lehre des Standes der Technik nicht ernsthaft in Betracht ziehen würde, wenn gleichzeitig die beanspruchte Erfindung diesen Nachteil nicht unerwarteterweise behebt, sondern lediglich hinnimmt. Art. 56 CBE, Art. 1 cpv. 2 LBI; Attività inventiva e svantaggi tecnici in caso di modifica dell’insegnamento dello stato dell'arte. Uno svantaggio tecnico evidente per il tecnico del ramo risultante da una modifica dell’insegnamento dello stato dell’arte che porta all’invenzione rivendicata non può essere invocato per affermare che il tecnico del ramo non avrebbe seriamente contemplato una tale modifica dell’insegnamento dello stato dell’arte, se l’invenzione rivendicata non rimedia a tale svantaggio in maniera inattesa, ma semplicemente lo tollera. Art. 56 EPC, Art. 1 para. 2 PatA; Inventive step and technical disadvantages in the event of a change in the teaching of the state of the art. If an obvious technical disadvantage for the skilled person results from a change of the teaching of a prior art leading to the claimed invention, it cannot be asserted, that the skilled person would not seriously consider such a change of the teaching of the prior art, if at the same time the claimed invention does not remedy that disadvantage in an unexpected manner, but merely accepts it. Bundespatentgericht Tribunal fédéral des brevets Tribunale federale dei brevetti Tribunal federal da patentas Federal Patent Court O2017_015 Décision du 7 novembre 2019 Composition de la Cour Juge instructeur Philippe Ducor, dr en droit, dr en médecine, Juge Tobias Bremi, dr en sciences naturelles EPF, Juge Christophe Saam, ing. él. dipl. EPF, Greffière Agnieszka Taberska, MLaw Parties à la procédure Alstom Transport Technologies SASU, 48 Albert Dhalenne, FR-93400 Saint-Ouen, représentée par Maître Dr. iur. Thierry Calame et Maître lic. iur. Peter Ling, Lenz & Staehelin, Brandschenkestrasse 24, 8027 Zürich, conseillée en matière de brevets par Charles Tuffreau, Bird & Bird, 3 square Edouard VII, FR-75009 Paris, demanderesse contre Bombardier Transportation (Switzerland) AG, Brown-Boveri-Strasse 5, 8050 Zürich, représentée par Maître Dr. iur. Christian Hilti et Maître Dr. iur. Demian Stauber, conseillée en matière de brevets par Dr. Jens Ottow, Rentsch Partner AG, Bellerivestrasse 203, Postfach, 8034 Zürich défenderesse Objet Violation de brevet d'invention (action échelonnée) Rame ferroviaire modulaire O2017_015 Le Tribunal fédéral des brevets considère : Faits et déroulement de la procédure 1. Par demande du 20 juillet 2017, la demanderesse a poursuivi la défenderesse en contrefaçon du brevet EP 1 024 070 B1 (brevet litigieux) par le train express suisse Twindexx dans sa configuration IR100. Elle a pris les conclusions suivantes : « 1. Ordonner à la Défenderesse, sous la menace d’une amende d’ordre de 1000 francs pour chaque jour d’inexécution selon l’art. 343 al. 1 lit. c CPC, mais au moins d’une amende d’ordre de 5000 francs selon l’art 343 al. 1 lit. b CPC et de la peine prévue à l’art. 292 CP dirigée contre ses organes responsables, de cesser immédiatement jusqu’à l'expiration de la partie suisse du brevet EP 1024070 de fabriquer, entreposer, offrir, vendre ou mettre en circulation de quelqu’autre manière, importer et/ou inciter des tiers à de tels actes, participer à de tels actes ou favoriser de tels actes, des rames ferroviaires modulaires avec les caractéristiques suivantes, conformément à l’illustration se trouvant dans l’Annexe de la Demande: - la rame est formée de quatre véhicules (V1, V2, V3 et V4) à deux niveaux superposés, - la rame comporte deux véhicules à ses extrémités (V1 et V4) qui comportent chacun une cabine de conduite et deux véhicules interposés (V2 et V3) qui ne comportent pas de cabine de conduite, - chaque véhicule comporte deux bogies, - chaque bogie comporte deux essieux, - les bogies sont disposés comme suit, en partant de l’une extrémité de la rame à l’autre, étant entendu que «Bo'» désigne un bogie dont les deux essieux sont motorisés et «2'» désigne un bogie dont aucun des essieux n‘est motorisé : - la rame comporte les équipements suivants : • trois convertisseurs de traction, • au moins deux transformateurs, • quatre convertisseurs auxiliaires, et • deux pantographes, Page 2 O2017_015 - deux pantographes, deux transformateurs et un convertisseur auxiliaire de la rame sont disposés comme suit : • un pantographe placé au-dessus du bogie 2’ du premier véhicule (V1), • un transformateur placé au-dessus du premier bogie 2’ du second véhicule (V2), • un convertisseur auxiliaire placé au-dessus du second bogie 2’ du second véhicule (V2), • un transformateur placé au-dessus du bogie 2’ du troisième véhicule (V3), • un pantographe placé au-dessus du bogie 2’ du quatrième véhicule (V4). 2. Ordonner à la Défenderesse de rendre des comptes concernant le chiffre d’affaires et le bénéfice réalisés par les actes décrits au chiffre 1 ci-dessus, notamment en indiquant : 2.1 toute vente et livraison, en indiquant les quantités, les dates et les prix, ainsi que les noms et adresses des acheteurs, 2.2 les dates de fabrication et les quantités correspondantes, 2.3 les coûts de production, en indiquant chaque poste de ces coûts et la confirmation de l’exactitude de ces informations par un réviseur indépendant et qualifié. 3. Permettre à la Demanderesse de chiffrer sa prétention financière après la reddition des comptes selon le chiffre 2 ci-dessus et ordonner à la Défenderesse de payer à la Demanderesse le montant ainsi chiffré. 4. Condamner la Défenderesse à tous les frais et dépens de l'instance, y compris le défraiement du conseil en brevet consulté par la Demanderesse. » Page 3 O2017_015 Annexe 1: 2. Dans sa réponse datée du 20 novembre 2017, la défenderesse a contesté tant la validité que la violation du brevet litigieux en concluant que : Page 4 O2017_015 « 1. La demande soit rejetée sur le fond. 2. Condamner la partie demanderesse aux dépens de la présente instance, y compris les frais nécessaires pour que le conseil en brevets assiste la défenderesse. » La défenderesse fait valoir la nullité du brevet litigieux pour défaut de nouveauté au regard des documents D1 et D1', d’une part, et d’autre part pour manque d'activité inventive sur la base des documents D1/D1' en combinaison avec le savoir général commun, les documents D4, D2, D5 ainsi que D11-D18" (voir liste des références dans la réponse N 107) et sur la base du document D5 en combinaison avec le document D4. Elle a contesté toute violation littérale du brevet litigieux au motif que la composition du train IR100 ne reproduisait pas littéralement ni la caractéristique d'un train modulaire, ni la caractéristique de deux niveaux superposés. La défenderesse conteste par ailleurs une contrefaçon par équivalence (non invoquée par la demanderesse) car la caractéristique de modularité n'existait pas dans la réalisation attaquée. 3. Invitée à commenter la défense de nullité, la demanderesse a déposé une réponse limitée à cette question le 5 février 2018, sans pour autant modifier ses conclusions. 4. Après les débats d'instruction qui ont eu lieu le 9 mars 2018 et au cours desquels aucun compromis n'a pu être trouvé, la demanderesse, dans sa réplique datée du 9 mai 2018 limitée à la question de la violation du brevet litigieux, a déposée des conclusions modifiées comme suit (modifications par rapport à la version initiale soulignées) : « 1. Ordonner à la Défenderesse, sous la menace d’une amende d’ordre de 1000 francs pour chaque jour d’inexécution selon l’art. 343 al. 1 lit. c CPC, mais au moins d’une amende d’ordre de 5000 francs selon l’art 343 al. 1 lit. b CPC et de la peine prévue à l’art. 292 CP dirigée contre ses organes responsables, de cesser immédiatement jusqu’à l'expiration de la partie suisse du brevet EP 1024070 de fabriquer, entreposer, offrir, vendre ou mettre en circulation de quelqu’autre manière, importer et/ou inciter des tiers à de tels actes, participer à de tels actes ou favoriser de tels actes, des rames ferroviaires modulaires avec les caractéristiques suivantes, conformément à l’illustration se trouvant dans l’Annexe de la Demande : Page 5 O2017_015 - la rame est formée de quatre véhicules (V1, V2, V3 et V4) à deux niveaux superposés, - la rame comporte deux véhicules à ses extrémités (V1 et V4) qui comportent chacun une cabine de conduite et deux véhicules interposés (V2 et V3) qui ne comportent pas de cabine de conduite, - chaque véhicule comporte deux bogies, - chaque bogie comporte deux essieux, - les bogies sont disposés comme suit, en partant de l’une extrémité de la rame à l’autre, étant entendu que «Bo'» désigne un bogie dont les deux essieux sont motorisés et «2'» désigne un bogie dont aucun des essieux n‘est motorisé : - la rame comporte les équipements suivants : • trois convertisseurs de traction, • au moins deux transformateurs, • quatre convertisseurs auxiliaires, et • deux pantographes, - deux pantographes, deux transformateurs et un convertisseur auxiliaire de la rame sont disposés comme suit : • un pantographe placé au-dessus du bogie 2’ du premier véhicule (V1), • un transformateur placé au-dessus du premier bogie 2’ du second véhicule (V2), • un convertisseur auxiliaire placé au-dessus du second bogie 2’ du second véhicule (V2), • un transformateur placé au-dessus du bogie 2’ du troisième véhicule (V3), • un pantographe placé au-dessus du bogie 2’ du quatrième véhicule (V4). - Deux rames peuvent être reliées pour former un seul train ferroviaire ; - Les véhicules peuvent être physiquement ajoutés ou retirés de la rame. 2. Ordonner à la Défenderesse de rendre des comptes concernant le chiffre d’affaires et le bénéfice réalisés par les actes décrits au chiffre 1 ci-dessus, notamment en indiquant : 2.1 toute vente et livraison, en indiquant les quantités, les dates et les prix, ainsi que les noms et adresses des acheteurs, Page 6 O2017_015 2.2 les dates de fabrication et les quantités correspondantes, 2.3 les coûts de production, en indiquant chaque poste de ces coûts et la confirmation de l’exactitude de ces informations par un réviseur indépendant et qualifié. 3. Permettre à la Demanderesse de chiffrer sa prétention financière après la reddition des comptes selon le chiffre 2 ci-dessus et ordonner à la Défenderesse de payer à la Demanderesse le montant ainsi chiffré. 4. Condamner la Défenderesse à tous les frais et dépens de l'instance, y compris le défraiement du conseil en brevet consulté par la Demanderesse. » Dans son mémoire, la demanderesse a mis l'accent particulièrement sur l'objet de la revendication 7, tout en rappelant qu’elle avait déjà initialement invoqué la contrefaçon et la validité des revendications dépendantes 2, 3, 4, 7, 8, 11, 12, 13, 14 et 16. En conséquence, l’argumentation de la demanderesse sera focalisée sur la revendication dépendante 7. 5. Dans sa duplique datée du 26 juin 2018, la défenderesse n’a pas changé ses conclusions ni présenté d’antériorités nouvelles à l'appui de la prétendue nullité du brevet litigieux pour défaut de nouveauté et d'activité inventive. Elle a fait valoir que les conclusions telles que modifiées par la demanderesse dépasseraient largement la portée du brevet revendiqué, en raison de la suppression du caractère « modulaire » et de l'insertion dans les conclusions d'une définition particulière de ce caractère. 6. Dans ses observations datées du 21 août 2018, la demanderesse s’est déterminée sur les nouvelles allégations contenues dans la duplique de la défenderesse. 7. Le juge rapporteur Tobias Bremi a rendu son avis spécialisé le 27 février 2019 sur lequel les parties ont pris position par lettres du 26 mars 2019 (défenderesse) et du 10 avril 2019 (demanderesse). 8. Les débats principaux ont eu lieu le 20 septembre 2019, après qu’à la date prévue initialement le 1 juillet 2019, le Tribunal ait dû reporter les débats à court terme en raison de l’incapacité subite de l’un des juges. Page 7 O2017_015 Sur la forme 9. La demanderesse a son siège en France et la défenderesse a son siège en Suisse. La compétence locale est ainsi fondée sur l’art. 2 al. 1 de la Convention de Lugano (Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, RS 0.275.12). La compétence à raison de la matière du Tribunal fédéral des brevets est fondée sur l’art. 26 al. 1 let. a LTFB (RS 173.41). Sur le fond L'homme du métier : 10. Le domaine d’expertise pertinent, dont l’homme du métier fictif maîtrise les connaissances générales, est déterminé par le domaine technique de l’objet technique protégé ou, si le problème à résoudre est suggéré dans un document de l’art antérieur le plus proche ou consiste dans un problème général, par le domaine technique dont relève le problème à résoudre.1 11. La défenderesse définit l'homme du métier comme suit : « Because the Disputed Patent deals with railway specific mechanical aspects (e.g. distribution of weight onto various bogies, driving power per rake etc.) as well as railway specific electric issues (placement of electronic equipment, inverter, pantographs etc.), the skilled person is a machine engineer with a specialization in railway technology and profound knowledge of electric and electronic issues of electric railways. » 12. La demanderesse y consent en principe, avec la réserve que la défenderesse surestime le contenu des « connaissances approfondies » («profound knowledge») de l'homme du métier. Dans l'analyse de la validité et de la contrefaçon qui suit, la demanderesse n’indique toutefois pas en quoi TFB, arrêt S2017_001 du 1er juin 2017, c. 4.4 – « Valsartan/Amlodipin Kombinationspräparat »; Grassi, Der Fachmann im Patentrecht, sic! 1999, p. 547 ss, 550 s (« problem solving approach »). 1 Page 8 O2017_015 une autre définition de l’homme du métier mènerait à une conclusion différente de celle tirée par la défenderesse. Comme la demanderesse ne propose pas une définition différente de l'homme du métier clarifiant comment les connaissances approfondies de l'homme du métier devraient être placées à un niveau inférieur, la définition la défenderesse est utilisée dans l’analyse qui suit. Interprétation : 13. Dans sa réponse, la défenderesse propose une analyse de la revendication 1 dans les trois langues officielles de l'OEB en utilisant la numérotation O1 - O1.5 pour le préambule, et K 1.6-1.8 pour la partie caractérisante. Cette numérotation, reprise par la demanderesse, sera également retenue dans les considérations suivantes : Page 9 O2017_015 Page 10 O2017_015 La partie caractérisante de la revendication 7 sera désignée K7.1: K7.1 « en ce qu'au moins un équipement d'alimentation (22, 25; 30) est disposé approximativement au-dessus d'un bogie (11) comprenant au moins un essieu simplement porteur ». Page 11 O2017_015 14. Les revendications déterminent l’étendue de la protection conférée par le brevet. Les instructions techniques et les termes définis dans les revendications du brevet doivent être interprétés comme l’homme du métier les comprend.2 Le point de départ de chaque interprétation réside dans la teneur des termes de la revendication du brevet. La description et les dessins doivent être utilisés pour l’interprétation des revendications (art. 51 al. 3 LBI). Les connaissances générales de l’homme du métier sont également un moyen d’interprétation.3 15. Afin de délimiter l'état de la technique et d’examiner la violation du brevet litigieux, il s’avère nécessaire d’interpréter les caractéristiques essentielles suivantes : - la caractéristique d'avoir une rame ferroviaire modulaire (caractéristique O1) ; - la caractéristique d'avoir des véhicules à deux niveaux superposés (caractéristique O1.1) ; - les matériels embarqués (O1.4) et comment il faut comprendre la référence à ces matériels embarqués dans la partie caractérisante (K 1.7) ; - ainsi que, dans le contexte de la même partie caractérisante K1.7, ce qui doit être compris comme étant disposé approximativement audessus de ce bogie. 16. Rame ferroviaire modulaire (O1) : Dans sa demande, la demanderesse n'aborde pas particulièrement l'interprétation de la notion de « modularité ». Dans sa réponse, la défenderesse adopte la position suivante (soulignement ajouté) : «The meaning of the term «modular» in the framework of the Disputed Patent becomes clear from the description: One main task or problem of the Disputed 2 3 ATF 132 III 83 c. 3.4. TF, arrêt 4A_131/2016 du 3 octobre 2016 c. 4.2.1, pas publié à l’ATF 142 III 772. Page 12 O2017_015 Patent (para. [0002]) is to ensure a good rentability for the train operator through modularity. How this is to be understood can be drawn from para. [0049] and [0050] of the description: The modular way of construction is designed for the train operator, to react on momentary needs, by way of adding additional vehicles or even rakes in a preexisting train composition. Moreover, the capacity of each rake can be increased by adding one to three additional modules, without the necessity, for technical reasons, to simultaneously remove a module (vehicle) in the rake (para. [0049]): In para. ([0049]) of the Disputed Patent, it is explained that a rake can be formed from two to five modules. The tailor-made approach is thus evident: On the one hand, as a result of the modularity, rakes with different vehicle numbers or trains with different rake lengths can be ordered from the manufacturer. On the other hand, the customer can itself easily modify pre-existing rakes by inserting or removing single vehicles. The train operator can thus change and customize the capacity of a rake or train to meet changing market needs. […] A «rame ferroviaire» I «railway rake» or train formed of such rakes is «modulaire», when the number of vehicles can be modified by adding or reducing vehicles to meet a higher or lower demand or when railway rake modules can be composed for different use or purposes, e.g. for regional or urban use etc.» 17. Dans sa réponse limitée à la défense de nullité, la demanderesse adopte la position suivante (soulignement ajouté) : «Consequently, the term «modular railway rake» is not to be construed as allowing the train operator «to react on momentary needs» only, but as enabling an adaptation of the fleet on short, medium or long terms. […] Finally, Defendant purposefully omits to indicate that train operators do not add or remove vehicles from multiple units to address short-term needs. In fact, adding or removing single vehicles from multiple unit trains (contrary to a locomotive-hauled train) would be a time-consuming process, as the rake must be split up and connected together again (given that the end vehicles equipped with drivers’ cabs must be kept in the rake). The skilled person knows that single cars can generally only be added to or removed from multiple units in a maintenance facility, contrary to locomotive hauled trains which are more flexible in this respect. Page 13 O2017_015 The skilled person would thus not understand “modularity” in the context of multiple unit trains as the possibility to add or remove single cars to address short-term needs only, but as enabling an adaptation of the fleet on short, medium or long terms.» 18. Dans sa réplique limitée à la question de la violation du brevet litigieux, la demanderesse clarifie ce qu’elle entend par le terme « modulaire » en remplaçant celui-ci dans la conclusion n. 1 par la formulation suivante: - Deux rames peuvent être reliées pour former un seul train ferroviaire ; - Les véhicules peuvent être physiquement ajoutés ou retirés de la rame. En outre, elle précise la signification du terme « modulaire » comme suit : «As a result of sections 1 and 2 above, the term «modular» has to be construed according to its normal meaning, unless the description of EP'070 gives it a special meaning, by explicit definition or otherwise The Oxford Dictionary defines «modular» as «employing or involving a module or modules as the basis of design or construction» and the website cnrtl.fr defines the French term «modulaire» similarly as «qui est constitué d'un ensemble de modules ou de sous-ensembles». What is more, the very first paragraph of EP'070 uses a similar definition and states that "the invention relates to a modular railway rake constituted by modules in the form of so-called «double-decker» ([0001] of the Disputed Patent). When it comes to «module», a standard definition is «one of the set of separate parts that, when combined, form a complete whole». It is true that the description of EP'070 indicates that «this modular design» («Cette conception modulaire», paragraph [0049]) and «this design» («Cette conception», paragraph [0050]) aims at providing advantages referred to by the Defendant in its submissions. However, none of these paragraphs indicates or suggests that the advantage of «this design» referred to in the description should serve as a basis to construe the term «modular» so as to restrict the scope of claim 1. It is clear that the advantages derive from «this modular design»: the advantages stem from «this design» which means the «invention». The fact that «this design» is modular does not interfere with the fact that the advantage is not related to the modularity by itself but related to the whole patented design. Page 14 O2017_015 Consequently, a «modular railway rake» according to claim 1 should only be construed as a «railway rake constituted by modules» and any contentions to give to «modular» a more restrictive construction is therefore devoid of any merits.» 19. Comme l'a fait remarquer à juste titre la demanderesse, le terme « modulaire » signifie le fait d'utiliser ou d'impliquer un ou plusieurs modules comme base de conception ou de construction (voir p.ex. la définition du dictionnaire anglais Oxford, similaire à celle de cnrtl.fr « Qui est constitué d'un ensemble de modules ou de sous-ensembles »). Toutefois, si l'on se basait sur cette définition large, tout produit mécanique complexe tel qu'un wagon de chemin de fer devrait être considéré comme modulaire, car il implique des sous-ensembles individuels tels que des roues, des essieux, des éléments de boîtier, des composants électriques, etc. Par conséquent, étant donné que la rame ferroviaire est définie dans la revendication comme étant « modulaire », ce terme doit nécessairement avoir une signification particulière, sinon il n'aurait pas été spécifié dans la revendication. Dans les revendications du brevet litigieux, le terme « modulaire » n'est pas précisé davantage, ni directement ni indirectement. En principe, dans le contexte général d'une composition ferroviaire et selon la compréhension générale de l'homme du métier, le terme « modulaire » peut se référer à divers aspects. Il peut s'agir de véhicules modulaires dans la manière dont ils sont organisés pour former un train complet, mais il peut également s'agir des véhicules en tant que tels et des éléments d'un véhicule individuel qui peuvent être conçus de façon modulaire, c'est-à-dire que les véhicules peuvent comprendre des éléments modulaires tels que des sièges, systèmes de climatisation et autres (voir p.ex. D1, 5ème paragraphe à partir du bas). Considérant l'absence d'une définition plus précise du terme « modulaire » dans les revendications, et tenant compte de l'ambiguïté de la compréhension générale du terme par l'homme du métier, une interprétation à la lumière de la description du brevet se révèle nécessaire. Page 15 O2017_015 Selon para. [0002] du brevet litigieux, la modularité est associée à la répartition des masses sur toute la longueur du convoi, à la performance inchangée d'une composition quels que soient les véhicules combinés, et à une rentabilité élevée. Selon para. [0003], la modularité doit notamment être considérée en relation avec l'adaptation de la capacité d'accueil des passagers en fonction des besoins. Ceci figure dans la section générale du brevet. Ceci est également souligné dans le contexte spécifique de l'invention aux paras. [0049] et [0050], où il est expressément indiqué que la modularité selon l'invention signifie qu'une rame peut facilement être adaptée aux besoins du moment en ajoutant des véhicules supplémentaires ou en ajoutant jusqu'à trois modules (véhicules, numéro de référence 3-5), d’une part, et que, d'autre part, les rames peuvent également être associées en un convoi. La modularité de la rame telle que revendiqué signifie par conséquent que la rame peut être adaptée par le transporteur au besoin du moment en ajoutant des véhicules supplémentaires. Former un convoi en combinant deux ou plusieurs rames ferroviaires n'est donc pas ce qu'il faut entendre par « modulaire » au sens de la revendication 1, puisque la revendication 1 définit une rame ferroviaire individuelle comme étant « modulaire » et formée d'au moins deux véhicules. La demanderesse soutient que l'expression « modulaire » n'impliquerait pas que la rame soit adaptée et apte à être réarrangée en insérant ou en retirant des véhicules pour réagir à des besoins momentanés, et que l'expression « modulaire » devrait être interprétée comme permettant une adaptation du parc à court, moyen ou long terme (se référant aux paras. [0006] et [0050]). Le terme en question engloberait donc également les situations où un véritable réaménagement à court terme ne serait pas possible, mais seulement un réaménagement à moyen ou à long terme, par exemple dans une infrastructure de maintenance (par opposition aux situations courantes dans lesquelles les trains tirés par des locomotives peuvent être réarrangés rapidement en un lieu quelconque). Cette position est contraire à la lettre même du brevet litigieux, puisque dans para. [0006], dans la dernière phrase, il est expressément indiqué que l'adaptation est possible aussi bien à court terme qu'à long terme (et aussi), ces deux options n'étant pas présentées comme alternatives. Dans para. [0049] il est expressément indiqué que (soulignement ajouté) : Page 16 O2017_015 « Cette conception modulaire permet d'une part au transporteur de répondre aisément au besoin du moment en interposant si nécessaire un véhicule additionnel 3, et un véhicule complémentaire 4, ainsi éventuellement qu'un véhicule supplémentaire 5 non motorisé, et d'autre part d'associer deux rames pour constituer un convoi. » En ce qui concerne para. [0050], il s'agit simplement de donner un exemple pour l'aspect à moyen terme, mais cela ne signifie pas pour autant que seuls ces avantages à moyen terme sont donnés, ou que la modularité est également donnée si seules des modifications à moyen terme sont possibles. Ceci d'autant plus que le paragraphe précédent [0049] insiste expressément sur l'adaptation momentanée (à court terme) en interposant des véhicules supplémentaires. En ce qui concerne la teneur des paras. [0037] et [0040], mis en avant par la demanderesse lors des débats principaux, on y trouve la divulgation que lors de l’ajout d’un véhicule, des éléments d’un véhicule adjacent sont reportés dans un caisson du toit du véhicule ajouté. Cela n’exclut pas pour autant que ce report soit possible et prévu à court terme. 20. La modularité au sens de la caractéristique O1 doit donc être interprétée de manière fonctionnelle comme définissant que la rame ferroviaire et ses véhicules individuels doivent être structurellement adaptés et appropriés pour être modulaires dans le sens où, selon les besoins du moment, la longueur de la rame ferroviaire correspondante peut être adaptée par le transporteur en interposant des véhicules supplémentaires et en combinant des rames ferroviaires pour constituer un convoi, donnant la possibilité d'adapter rapidement l'offre aux fluctuations de la demande au moyen d'un nombre relativement peu élevé de véhicules. Par conséquent, le terme « modularité » au sens de la caractéristique O1 implique la présence des caractéristiques structurelles permettant la réalisation de ces buts. Page 17 O2017_015 21. Impact sur les conclusions : La suppression du terme « modulaires » dans la conclusion n. 1 modifiée dans la réplique aboutit à un élargissement du champ de protection au-delà de celui conféré par le brevet litigieux en sorte que cette conclusion doit être rejetée pour cette seule raison, comme l'affirme à juste titre la défenderesse. Le fait que les rames puissent être reliées pour former un seul train ferroviaire, et que des véhicules peuvent être ajoutés ou retirés de la rame, n’implique en effet pas directement et sans ambiguïté que les rames ferroviaires doivent être considérées comme modulaires selon l’interprétation donnée plus haut. En particulier, les conclusions de la demanderesse couvrent des rames ferroviaires qui peuvent être reliées pour former un seul train ferroviaire, et auxquelles/desquelles on peut ajouter ou retirer des véhicules, mais qui ne comportent aucune caractéristique structurelle permettant au transporteur de les adapter à court terme et selon les besoins du moment en interposant des véhicules supplémentaires et en combinant des rames ferroviaires pour constituer un convoi. Par conséquent, les conclusions modifiées sont rejetées car elles vont audelà du champ de protection conférée par le brevet. Il en va de même pour le brevet dans sa forme combinant les revendications 1 et 7. 22. Même si les conclusions prises par la demanderesse n’allaient pas au-delà du champ de protection conférée par le brevet, la demande devrait être rejetée pour les raisons exposées ci-dessous. 23. Véhicules à deux niveaux superposés (O1.1) : La caractéristique en tant que telle semble claire à l'homme du métier: tout ce qui est requis est d'avoir deux niveaux superposés pour les passagers. Il suffit d'examiner la revendication pour constater qu'il n'y a pas d'autre exigence que d'avoir ces deux niveaux. En effet, dans la description, au para. [0001] il est fait mention d'un niveau intermédiaire supplémentaire pour l'accès au véhicule. Toutefois, il convient de noter que le terme utilisé est « à deux niveaux », incluant selon para. [0001] les deux niveaux superposés et le niveau intermédiaire. Page 18 O2017_015 Par conséquent, les deux niveaux superposés de la revendication ne sont pas nécessairement inclusifs, et n’exigent pas de niveau intermédiaire. Ceci est confirmé dans le para. [0015], où encore une fois le terme générique est « à deux niveaux », lequel inclut alors les deux niveaux superposés et le niveau intermédiaire comme deux éléments séparés, un seul d'entre eux étant mentionné dans la revendication. Il en va de même au para. [0008] du brevet litigieux, où le niveau intermédiaire n'est pas mentionné lorsqu’il est question des deux niveaux superposés. Par conséquent, la caractéristique « à deux niveaux » n'exige que deux niveaux superposés, incluant facultativement un niveau intermédiaire mais ne l'exigeant pas. 24. Matériels embarqués (O1.4) et référence à ces matériels embarqués dans la partie caractérisante (K 1.7) : Les matériels embarqués sont mentionnés dans la revendication d'une part dans le préambule comme étant la caractéristique O1.4, suivie d'une liste non limitative d'exemples de O1.4.1-O1.4.4, et d'autre part dans la partie caractérisante dans le contexte de la caractéristique K1.7 où il est indiqué qu'au moins un bogie […] est associé au moins l'un desdits matériels embarqués disposé […]. Dans le cadre de la discussion sur la pertinence du document D1', la défenderesse, dans sa réponse, adopte la position suivante (soulignement ajouté) : «In the description of the Disputed Patent, a differentiation is made between relatively heavy equipment and relatively light equipment. Relatively heavy equipment are the equipment items mentioned in features O1.4.1 to O1.4.4. However, this enumeration is not comprehensive because these items are only supposed to be associated «with at least one of said on-board equipment» («associé au moins l’un desdits matériels embarqués»). However, this differentiation between relatively heavy and relatively light material is not reflected in claim 1. Moreover, the equipment mentioned in O1.4.3 for the auxiliary power supply for the auxiliary equipment may contain all possible switch boards, inverters etc., which provide the power supply for ventilation and cooling systems, compressor systems etc. Page 19 O2017_015 In addition, feature O1.7 (recte K1.7) generally describes on-board equipment without referring or limiting itself to the features or items of O1.4.1 to O1.4.4.» Dans sa réponse limitée à la défense de nullité, la demanderesse adopte la position suivante : «First, the wording of claim 1 generally refers to the terms «on-board equipment items» in order to introduce a list of on-board equipment items actually covered by claim 1. When it is referred to «on-board equipment items» in claim 1, one must therefore consider the lists of equipment referred to in features O1.4.1 to O1.4.4 (i.e. at least one power supply electronic unit (19) for supplying motive power to one or more traction motors, at least one motive power supply unit (22, 25) for supplying power to the electronic unit (19), at least one auxiliary power supply unit (30) for supplying power to auxiliary equipment, and at least one device (21) for connection to an overhead power supply network). The term «one of said on-board equipment» used in feature K1.7 of claim 1 thus refers to one of the equipment items listed in features O1.4.1 to O1.4.4 and not to any (heavy or light) on-board equipment items disclosed in the description of EP’070. […] Consequently, the Defendant artificially misreads feature K1.7 in relation to features O1.4, to O1.4.4 to contend that claim 1 would cover any «on-hoard equipment without referring or limiting itself to the features or items of O1.4.1 to O1.4.4» and that the list of equipment in this feature should not be comprehensive”. This is incorrect already on the face of feature K1.7, which explicitly refers to «one of said on-hoard equipment items” (“l’un desdits matériels embarqués”); emphasis added). Since, claim 1 does not refer to any «heavy equipment» but precisely provides a list of the claimed «on-board equipment items», there is no reason whatsoever to consider that any «heavy equipment» such as a motor compressor set should be covered by claim 1.» Dans sa réponse limitée à la question de la violation du brevet litigieux, la demanderesse clarifie ce point : «To construe the terms «said on-board equipment items» of feature K1.7, the Court is therefore required to choose an interpretation which both makes sense technically speaking and takes into account the whole disclosure of EP'070, Page 20 O2017_015 with a mind willing to understand so as to rule out interpretations which are illogical. The description of EP'070 discloses that railway rakes carry relatively light items of equipment and significantly heavy items of equipment among which the equipment items recited in features O1.4.1, O1.4.2, O1.4.3, O1.4.4 and O1.4.5 of claim 1 (see paragraph [0015] of the Disputed Patent). The description of EP'070 states that the «(...) invention exploits this disparity of the masses of the different kinds of equipment to load the heavier axles or bogies [i.e. driving bogies] less heavily than the lighter axles or bogies [i.e. carrying bogies]» (see paragraph [0016] of the Disputed Patent). When presenting the invention, the description of EP'070 recites the features of claim 1, indicates that «said on-board equipment items [are] disposed approximately over that [carrying] bogie] and then discloses that «by virtue of the invention (...) the total load can be made very similar at most of the bogies, if not all of them» (see paragraphs [0008] and [0009] of the Disputed Patent). The description of EP'070 also explains that according to the invention «the driving axles [are] less heavily loaded than the carrying axles (...) in order for the masses to be correctly distributed in each module and as far as possible in each rake» (see paragraph [0028] of the Disputed Patent). This is further confirmed when the description states that this «(...) design also enables regular distribution of the axle loads, which avoids overloaded axles operating very close to limits authorized by the track infrastructure, with all the attendant drawbacks of this practice» (see paragraph [0028] of the Disputed Patent). Consequently, when construing claim 1, the skilled person would rule out the interpretation proposed by Defendant, since it would contradict the disclosure of EP'070. More particularly, if the terms «said on-board equipment items» mentioned in feature K1.7 were referring to any on-board equipment items of the rake as suggested by Defendant, then the invention would not enable regular distribution of the axle loads in the rake. To the contrary, «said on-board equipment items» can only be interpreted in compliance with EPO case law if feature K1.7 is understood as a reference to the on board equipment items listed in features O1.4.1, O1.4.2, O1.4.3, O1.4.4 and O1.4.5. All of the latter elements are referred to in the claim and described as heavy equipment items in the description of EP'070. The skilled person would thus understand that, locating one of said listed on-board equipment items approximately over a carrying bogie is advantageous to distribute the axle load regularly over the rake. The skilled person thus interprets feature K1.7 of claim 1 as suggested by the Plaintiff. Page 21 O2017_015 This understanding of the skilled person is confirmed by the fact that feature K1.7 refers to «said on-board equipment items (19; 22, 25; 30; 21 )» and thus explicitly mentions numerical references of the listed on-board equipment items, while avoiding any numerical references to other on-board equipment items referred to in the description of EP'070. Based on the above, feature Kl.7 constitutes a reference solely to the «said» list of on-board equipment items mentioned earlier in claim 1 and not to other on-board equipment items.» Lors des débats principaux, la demanderesse a réaffirmé son point de vue selon lequel la liste contenue dans O1.4 devrait être interprété de manière limitative, et que la référence de K1.7 ne porte que sur les éléments figurant dans cette liste. Dans sa duplique, la défenderesse n’a fait référence qu'aux déclarations faites dans ses soumissions antérieures. Elle ne s’est pas prononcée sur ce sujet lors des débats principaux. 25. En principe, les interprétations suivantes sont envisageables : – Les matériels embarqués de O1.4 comportent les éléments O1.4.1O1.4.4 ou n’importe quel autre matériel embarqué lourd ou léger ; – les matériels embarqués de O1.4 comportent les éléments O1.4.1O1.4.4 ou n’importe quel autre matériel embarqué lourd ; – les matériels embarqués de O1.4 consistent seulement en les éléments O1.4.1-O1.4.4, qui sont tous des matériels embarqués lourds. En outre, la référence de K1.7 peut se référer à l’une de ces possibilités. 26. En ce qui concerne la caractéristique O1.4 (matériels embarqués) et la liste correspondante des matériels possibles dans le contexte des caractéristiques O1.4.1-O1.4.4, il est clairement établi que la liste est exemplative et non exhaustive, les éléments figurant dans O1.4.1-O1.4.4 étant simplement des exemples (comprenant/inclus/enthalten) n’excluant pas de ce groupe d'autres matériels embarqués. En fait, dans le domaine des brevets la formulation « comprenant » signifie internationalement, systématiquement et sans ambiguïté qu’une la liste ainsi désignée n’est pas exhaustive, Page 22 O2017_015 par opposition à la formulation « consistant en ». Pour cette raison, la troisième possibilité d’interprétation des matériels embarqués comme indiqué ci-dessus ne peut pas être retenue. Dans la description du brevet au para. [0033], il est question du dispositif de raccordement au réseau d'alimentation électrique 21 (pantographe), ce qui correspond exactement à la définition de la caractéristique O1.4.4. Le même dispositif est mentionné au para. [0015], col. 5:37, dans la liste des équipements lourds embarqués. Les matériels embarqués lourds font donc clairement partie des matériels embarqués conformément à la caractéristique O1.4. Ces matériels lourds embarqués sont décrits au para. [0015] à partir de la ligne 36 jusqu'à la ligne 55. Il est expressément indiqué que, par exemple, les batteries et les compresseurs appartiennent à la même catégorie et peuvent également être considérés comme des équipements embarqués. Une autre question qui se pose en rapport avec la caractéristique des matériels embarqués est celle de savoir si le libellé de la caractéristique O1.4 n'inclut que ce qui est décrit dans la description générale (voir para. [0015]) comme matériel lourd ou s’il pourrait également inclure ce qui est décrit au para. [0015] comme matériel moins lourd. La revendication parle de manière générale de matériels embarqués, et ne limite pas davantage ce terme. On ne peut pas déduire sans ambiguïté du para. [0015] du brevet que les matériels embarqués ne comprennent que de l'équipement lourd. En outre, l’interprétation de la caractéristique O1.4 doit tenir compte d’autres caractéristiques de la revendication et du but de l’invention revendiquée, en particulier de la caractéristique K1.7. 27. Dans le contexte de la caractéristique K1.7, il est fait référence à au moins un desdits matériels embarqués. K1.7 ne se réfère pas à au moins un des quatre dispositifs spécifiquement mentionnés dans les caractéristiques O1.4.1-O1.4.4, mais seulement à l'expression générique de « matériels embarqués » telle que définie dans la caractéristique O1.4. Étant donné que l'expression générique de l'équipement embarqué est associée à une liste non exhaustive selon O1.4.1-O1.4.4 laquelle n'exclut pas d'autres équipements embarqués, la référence dans la caractéristique K1.7 pourrait également être considérée comme non exhaustive en ce sens que, Page 23 O2017_015 pour que la caractéristique K1.7 soit remplie, au moins un des équipements spécifiques selon O1.4.1-O1.4.4 doit être disposé au-dessus de ce bogie, en sus d’autres matériels embarqués, en particulier ceux mentionnés dans la description du brevet. Toutefois, l'interprétation de la revendication telle que décrite ci-dessus doit tenir compte de la fonction remplie par la caractéristique correspondante selon l'invention. Comme indiqué ci-dessus, la localisation des équipements embarqués audessus d'un bogie comprenant au moins un essieu porteur est l'un des éléments importants pour obtenir une répartition équilibrée des masses dans la mesure du possible. On ne parvient à une répartition équilibrée des masses que si les équipements embarqués lourds sont placés approximativement au-dessus des bogies comportant au moins un essieu simplement porteur. Ainsi, en utilisant une construction téléologique («purposive construction»), la référence dans la caractéristique K1.7 doit être interprétée comme se référant spécifiquement aux équipements embarqués lourds, mais non pas limitée à ceux qui figurent dans la liste de O1.4. En conséquence, l'expression « matériels embarqués » dans la caractéristique O1.4 est interprétée, elle aussi, comme incluant au moins tout matériel embarqué figurant dans la liste de la revendication elle-même à O1.4.1O1.4.4, mais comprenant également d’autres « matériels embarqués » lourds, p.ex. ceux qui se trouvent dans la description générale et au para. [0015] du brevet. 28. En résumé, la liste figurant dans le contexte des caractéristiques O1.4.1O1.4.4 est non exhaustive, et la référence générale à l'équipement embarqué dans la caractéristique O1.4 inclut les exemples spécifiques lourds selon O1.4.1-O1.4.4 mais peut également inclure d'autres équipements embarqués lourds tels que des batteries et des compresseurs. De même, la référence dans la caractéristique K1.7 se réfère aux équipements embarqués lourds selon O1.4, c’est-à-dire ou bien à un équipement embarqué lourd de la liste O1.4.1-O1.4.4 ou bien à un autre équipement embarqué lourd. 29. Dans ce contexte il se pose en outre la question de l’interprétation de la caractéristique K7.1 de la revendication 7. Cette revendication se réfère à Page 24 O2017_015 un équipement d'alimentation disposé approximativement au-dessus d'un bogie comprenant au moins un essieu simplement porteur. Le revendication 7 ne spécifie pas la nature de l’équipement d’alimentation. La description ne donne pas d’indication particulière (voir para. [0010] du brevet), et les numéros de référence ne peuvent pas servir à limiter l’interprétation d’un terme d’une revendication. Il n’y a pas d’indication qu’une construction téléologique («purposive construction») doive être appliquée à la revendication dépendante 7, car le but de l’invention consistant en la répartition des masses est déjà obtenu avec les caractéristiques de la revendication 1. Il ne ressort pas clairement de la description si ce but est également poursuivi par l’objet de la revendication 7 ou pas. De ce fait, une interprétation large s’impose, selon laquelle l’équipement d'alimentation conformément à K7.1 qui est disposé approximativement au-dessus d'un bogie qui comprend au moins un essieu simplement porteur, peut consister en un équipement d'alimentation lourd ou léger. 30. Disposé approximativement au-dessus de ce bogie (K1.7) : En ce qui concerne la question de savoir ce qu'il faut entendre par les termes « disposé approximativement au-dessus de ce bogie » figurant dans la caractéristique K1.7, il convient de noter que le libellé n'est pas « disposé au-dessus de ce bogie », mais expressément approximativement au-dessus de celui-ci. Bien que la clarté de cet adverbe soit discutable, il vise clairement à élargir la portée de la revendication. Prenant en considération les figures, notamment la figure 1 en combinaison avec para. [0033], on constate qu'en ce qui concerne les matériels embarqués situés au-dessus d'un bogie comportant au moins un essieu porteur, il est fait expressément référence au dispositif de climatisation 18 par rapport à ce bogie porteur qui n'est pas motorisé. Le dispositif de climatisation 18 n'est pas situé directement au-dessus du bogie porteur respectif, mais est légèrement décalé par rapport à celui-ci ou décalé le long de l'axe du train, mais toujours au même bout du véhicule. Il est évident que la grande majorité du poids de l'appareil de climatisation 18 repose sur le bogie porteur. Pour cette raison, il convient de donner une interprétation large à l'expression « disposé approximativement au-dessus de ce bogie », en ce sens qu'il s'agit non seulement de ce qui est situé exactement au-dessus de ce Page 25 O2017_015 bogie, mais aussi de ce qui est décalé sur l'axe du véhicule tandis que la partie significative du poids du dispositif correspondant repose toujours sur le bogie porteur concerné. En résumé, selon la compréhension générale de l’homme du métier, pour qu’un équipement embarqué soit disposé approximativement au-dessus d’un bogie porteur, il faut que : – – le centre de gravité de cet équipement embarqué se trouve à un niveau vertical plus élevé que les axes du bogie ; une partie significative du poids de cet équipement embarqué repose sur le bogie porteur concerné. Nouveauté : 31. Nouveauté au vu de D1/D1' : La demanderesse conteste la divulgation des caractéristiques suivantes de la revendication par D1 : O1.4.3 (en particulier down chopper module), K1.7 (position au-dessus du bogie) et K1.8 (rapport de force motrice). Dans l’hypothèse où le Tribunal adopte l’interprétation de l’expression « modulaire » comme élaborée dans l’avis du juge spécialisé, la demanderesse fait valoir que cette caractéristique n’est pas divulguée dans D1/D1’. 32. En ce qui concerne le groupe de caractéristiques O1.4, compte tenu des considérations précédentes et du fait que la liste contenue dans O1.4 n'est pas exhaustive, l'argument de la demanderesse selon lequel le système de compression lourd ne devrait pas être considéré comme un matériel embarqué conformément à la caractéristique O1.4, ne peut pas être retenu. En outre, l'argument de la demanderesse selon lequel le down chopper module ne serait pas conforme à la caractéristique O1.4.3 ne peut pas être suivi, un down chopper module constituant un exemple d’équipement d'alimentation en énergie auxiliaire pour fournir de l’énergie à des appareils auxiliaires tel qu’explicitement mentionné dans la revendication. Un équipement d'alimentation en énergie auxiliaire selon O1.4.3 est donc divulgué sous forme de down chopper module dans D1 et dans D1'. Page 26 O2017_015 33. En ce qui concerne la caractéristique K1.7, il n'y a pas d'indication spécifique dans D1 quant à l’endroit où le système de compression est situé dans le véhicule correspondant. Il se peut fort bien, comme l'a fait valoir la défenderesse, que le système de compression puisse être situé au-dessus du bogie, qu'il soit même plus susceptible de s'y trouver qu'ailleurs, mais cela n'est pas suffisant pour conclure que le brevet litigieux soit dépourvu de nouveauté. Pour constater le défaut de nouveauté d’un brevet, une divulgation directe et sans ambiguïté d'une caractéristique correspondante est requise. Par conséquent, le système de compression de D1 n'est pas suffisant pour anticiper la caractéristique K1.7. 34. En ce qui concerne l'argument de la défenderesse relatif à la caractéristique K1.7 basée sur la salle des machines basse tension et le down chopper module situé dans cette chambre, pour les raisons exposées ci-dessus, et en tenant compte de l'interprétation des termes « disposé approximativement au-dessus de ce bogie », de l'interprétation de la référence aux matériels embarqués dans la partie caractérisante (K 1.7), et du fait que le down chopper module doit être considéré comme un bloc d'alimentation auxiliaire selon O1.4.3, la caractéristique K1.7 n’est pas non plus anticipée par D1. Le down chopper module pourrait être situé dans le « Low voltage machine room » (voir Fig. 2 et p. 32 de D1) avec son centre de gravité au même niveau ou à un niveau plus bas que les axes du bogie. 35. En ce qui concerne la caractéristique K1.8, la demanderesse fait valoir que D1 divulguerait effectivement une réalisation du type 2'Bo'+2'2'+Bo'2', lequel, comme l'admet la demanderesse, aurait un facteur de puissance motrice comme elle le prétend, mais que D1 révèle également une rame à quatre wagons ayant un facteur de puissance motrice hors du domaine revendiqué. Pour obtenir la caractéristique du facteur de puissance motrice telle que revendiquée dans la divulgation de D1 en même temps que les autres caractéristiques de la demande, il faut passer par un seul processus de sélection à partir de la divulgation de D1. Toutefois, selon la jurisprudence constante, une seule sélection ne confère pas de nouveauté. Page 27 O2017_015 36. En plus, ni D1 ni D1’ ne divulguent la modularité telle que définie ci-dessus. Ces documents ne parlent que de «simple addition or removal of sets to form different lengths of train» (voir p. 29, colonne centrale), mais un «set» selon D1 correspond à une rame selon la revendication («three or four car sets» ; voir p. 29, colonne à gauche en bas). L’addition ou l’élimination des véhicules d’une rame par le transporteur pour réagir à des besoins du moment à court terme n’est pas divulgué dans D1/D1’. 37. Il s’ensuit de ce qui procède que le document D1 n’est pas destructeur de nouveauté pour la revendication 1 du brevet en cause. Il est incontesté que D1' constitue essentiellement une traduction de D1, et par conséquent n’est pas non plus destructeur de nouveauté pour la revendication 1 du brevet en cause. Activité inventive : 38. La défenderesse fait valoir que l’objet de la revendication 1 manque d’activité inventive en partant du document D1. Les différences entre l’objet revendiqué et la divulgation de D1 ont été discutées ci-dessus dans le cadre de la nouveauté : – – D1 ne divulgue pas des rames modulaires dans le sens du brevet : D1 divulgue uniquement des rames qui peuvent être combinées en formant des convois variables ; D1 ne divulgue pas non plus un matériel embarqué lourd qui se trouve approximativement au-dessus d’un bogie avec au moins un essieu simplement porteur ; dans D1, le down chopper module se trouve dans le « Low voltage machine room », mais il n’est pas clair où il se trouve exactement. Ces différences ont pour effet que la rame ferroviaire permet au transporteur de réagir aux besoins du moment en ajoutant ou en éliminant des véhicules de la rame à court terme, tout en gardant une bonne distribution du poids le long de la rame. Selon le brevet (voir paras. [0001] et [0002]), l'invention a pour but de créer des rames et convois modulaires constituées de modules sous la forme de Page 28 O2017_015 véhicules dits « à deux niveaux » (deux niveaux superposés et un niveau intermédiaire d'accès au véhicule), des convois ferroviaires formés de telles rames, présentant un bon confort pour les voyageurs et, quelle que soit leur composition, des masses approximativement également réparties sur toute la longueur de la rame ou du convoi, des performances pratiquement identiques d'une rame ou d'un convoi à un autre, et une bonne rentabilité pour le transporteur. Le document D1 met déjà à disposition une telle rame en ce qui concerne les aspects dits « à deux niveaux », des convois ferroviaires formés de telles rames, présentant un bon confort pour les voyageurs et, quelle que soit leur composition, des masses approximativement également réparties sur toute la longueur de la rame ou du convoi, des performances pratiquement identiques d'une rame ou d'un convoi à un autre, et une bonne rentabilité pour le transporteur. En partant de D1, l’objet de l’invention est donc de créer de telles rames avec une bonne répartition des masses sur toute la longueur de la rame et une rentabilité augmentée pour le transporteur. Le document D1 divulgue le concept de rendre un tel système de trains aussi flexible que possible. Les trains peuvent contenir 3 ou 4 voitures, et peuvent être adaptés aux besoins à court terme en permettant de composer des convois de longueur différente (voir p. 29, colonne du milieu). Le fait que les rames individuelles puissent également être converties à court terme sur des rames de longueurs différentes, n’est pas directement divulgué dans D1. Cependant, D1 parle de rames de 3 ou 4 véhicules, les véhicules situés au centre étant construits essentiellement de la même manière en ce qui concerne les composants liés à la conduite. Une optimisation supplémentaire de l’opération d’un train est envisagée par l’homme du métier sans motivation particulière. En outre, l'homme du métier comprendra bien que, pour répondre aux besoins, des véhicules supplémentaires peuvent être ajoutés dans une telle rame. La construction des rames selon D1 ne fait pas obstacle à une telle flexibilisation supplémentaire, car il n’est pas possible de reconnaître que les compositions de 3 ou 4 véhicules ne pourraient pas être modifiées rapidement dans leur longueur en ajoutant un véhicule central supplémentaire à une rame de trois véhicules. Ainsi, un attelage automatique entre les différents véhicules d’un train est mentionné dans D1 ainsi que des connexions simples à brancher (voir chapitre 3.4, p. 30). Page 29 O2017_015 Si l'on part de l’hypothèse que le document D1 ne divulgue pas déjà implicitement la modularité selon la revendication du brevet litigieux comme décrit ci-dessus, il s'agit alors d'une modification évidente pour l'homme du métier en partant de D1. Le fait d’assembler des convois de différentes longueurs pour répondre aux fluctuations à court terme a déjà été décrit à la page 29 de D1 ; de même, supprimer ou ajouter des voitures supplémentaires à court terme pour répondre au volume de passagers est quelque chose que l’homme du métier envisagerait sans effort inventif particulier. Dans le document D1, le down chopper module en tant qu’équipement lourd se trouve dans la salle dite Low-voltage machine room. D1 ne contient pas d’indication plus précise quant à la localisation exacte du down chopper module. La titulaire du brevet affirme à cet égard qu'un composant aussi lourd serait situé aussi bas que possible dans cet espace, et certainement pas au-dessus du bogie. Cet argument est correct en tant que tel. Cependant, l’activité inventive ne peut pas être déduite du fait que l'homme du métier ne procéderait pas à une certaine modification à partir d'un état de la technique en raison des inconvénients escomptés, si ces inconvénients ne sont pas surmontés de manière inattendue par l'invention revendiquée. Concrètement, la question se pose de savoir si l'expert aurait l'idée de positionner le down chopper module, indiqué par la demanderesse sous la forme d'un carré rouge dans l'illustration ci-dessous, un peu plus haut, i.e. approximativement au-dessus du bogie, à savoir suffisamment haut pour que le centre de gravité de ce module se trouve approximativement audessus des axes de l'entraînement du bogie. Page 30 O2017_015 Il est vrai que le placement du down chopper module ou d’un autre équipement lourd dans une position plus élevée peut présenter des inconvénients, par exemple dans les courbes. Cela étant, cet inconvénient n'est pas surmonté de manière inattendue par l'invention revendiquée. Or un désavantage résultant d'une modification de l'état de la technique ne peut être invoqué pour soutenir que l'homme du métier ne procéderait pas à une telle modification, si l’invention revendiquée ne remédie pas à ce désavantage d’une manière inattendue mais se contente de le tolérer. Par conséquent, l’arrangement légèrement plus élevé que l’arrangement selon la représentation de la demanderesse est quelque chose que l’homme du métier envisagerait facilement et sans effort inventif. En outre, selon la demanderesse, de tels modules sont eux-mêmes de gros composants en forme de boîte. Disposer un tel composant dans la salle des machines dite à basse tension mentionnée dans D1 amènerait automatiquement à une situation dans laquelle ce composant lourd sera situé, avec son centre de gravité, approximativement au-dessus du bogie. Il s’en suit que l’objet revendiqué manque d’activité inventive partant du document D1 combiné avec les connaissances générales de l’homme du métier. Page 31 O2017_015 Revendication 7 : 39. Dans la réplique limitée à la question de la violation du brevet contesté, la demanderesse met particulièrement l'accent sur la revendication dépendante 7. Il se pose la question de savoir si cette revendication doit être examinée individuellement en ce qui concerne la question de sa validité. Selon une jurisprudence constante, la nullité des revendications indépendantes entraîne la nullité des revendications dépendantes s'il n'y a pas de demande de regroupement avec la revendication indépendante (ATF, arrêt 4A_18/2017 du 10 juillet 2017, c. 2.5.3 - "Récipient en plastique avec couvercle" ; TFB, arrêt O2015_017 du 11 août 2016, c. 4.2 - "Etiqueteuse pour pièces coniques" ; arrêt O2015_008 du 12 mars 2018, c. 68 - "balancier de montre"). En essence, la demanderesse a fait valoir à cet égard lors des débats principaux que, bien qu'elle n'ait pas fait une limitation verbale explicite de l'objet de la revendication 7 dans les soumissions écrites, ni abandonné expressément l'objet de la revendication 1 telle que délivrée, elle aurait expressément affirmé, dans sa réplique du 9 mai 2018, la validité de la revendication 7. Et elle aurait limité, en ce qui concerne tant la validité que la violation du brevet, son argumentation à cette revendication. Une modification des conclusions n'était pas nécessaire en raison de cette limitation à la revendication 7. Ainsi, la demanderesse aurait fait tout ce qui était en son pouvoir pour procéder à une limitation verbale dans la procédure et pour affirmer tant la validité partielle du brevet dans le sens de la revendication 7 que la violation de la revendication 7 au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral. L'appréciation de l’atteinte à l'étendue de la protection d'un brevet présuppose l'existence d'un fondement suffisamment spécifique dans le sens des revendications du brevet. Il est vrai que la demanderesse avait introduit par analogie la requête à la base de la revendication 7. Toutefois, elle n'a pas suffisamment précisé dans sa soumission du 9 mai 2018 si la revendication 7 était soulevée à titre subsidiaire à la revendication 1. Une clarification correspondante n'a été apportée que tardivement dans la prise de position sur le rapport du juge spécialisé. En outre, il existe plusieurs possibilités de combiner les revendications 1 et 7. Par exemple, le libellé de la partie caractérisante de la revendication 7 peut être ajouté à la fin de la revendication 1 en forme d'un paragraphe supplémentaire. L'objet peut également Page 32 O2017_015 être inclu à un certain point dans la revendication 1 - dans le cas présent, immédiatement après la caractéristique K1. 7 - ou même s'y intégrer ou s'y substituer. Par ailleurs, le sort des autres revendications dépendantes n’est pas clair si la revendication 1 devait être combinée avec la revendication 7. La validité d'un brevet est déterminée par l'ensemble des revendications, et il se peut que l'inclusion d'une revendication dépendante dans la revendication principale donne lieu à des revendications dépendantes qui ne sont pas divulguées dans les documents initialement déposés (p.ex. en raison des dépendances), qui ne sont pas claires, voire contredisent la nouvelle revendication indépendante. Par conséquent, la demande de baser la demande sur la revendication 7 n'est pas suffisamment précisée par la demanderesse. Il ne suffit pas de prétendre, comme le fait la demanderesse, que la demande de contrefaçon est fondée sur une certaine revendication dépendante du brevet. Cette demande doit être précisée sous la forme d'une limitation verbale concrète de l'ensemble des revendications, et, si la demande est déjà déposée, sous forme d’une demande à titre subsidiaire. En tous les cas, un «down chopper module» constitue un équipement d’alimentation (l’expression « équipement d’alimentation » inclut des composants participant à l’alimentation). Par conséquent, l’objet de la revendication 7 est dépourvu d’activité inventive en partant de D1, pour les mêmes raisons que la revendication 1 (voir consid. 38). Violation du brevet : 40. La défenderesse conteste la violation du brevet litigieux en fondant son argumentation sur les caractéristiques suivantes : 1) IR100 n'est pas un rame ferroviaire modulaire (caractéristique O1) ; 2) Les véhicules du train IR 100 n'ont pas deux niveaux superposés (caractéristique O1.1) ; 3) Les véhicules du train IR 100 n'ont pas au moins un bogie comprenant au moins un essieu simplement porteur qui est associé à au moins l'un desdits matériels embarqués disposé approximativement au-dessus de ce bogie (K1.7). Page 33 O2017_015 41. En ce qui concerne le point 3) ci-dessus, il convient de noter que la défenderesse ne présente pas de déterminations étayées quant à la raison pour laquelle cette caractéristique ne serait pas réalisée dans l'IR100. Les références à la réponse figurant dans la duplique portent uniquement sur des passages de la réponse concernant l'interprétation des caractéristiques ou la délimitation de l'état de la technique. L’argumentation de la défenderesse ne semble donc pas suffisamment étayée en ce qui concerne le point 3). 42. En ce qui concerne le point 2) relatif aux deux niveaux superposés, l’argument de la défenderesse devient sans objet si l’on se base sur l'interprétation de la revendication susmentionnée. La rame de la défenderesse reproduit la caractéristique O1.1, même si elle n’a pas de niveau intermédiaire. 43. Il reste à examiner le point 1), c'est-à-dire la question de la modularité de la rame ferroviaire (caractéristique K1.7). Dans sa demande, la demanderesse ne s'est pas prononcée sur ce sujet. 44. Dans sa réponse, la défenderesse a contesté la réalisation de la caractéristique K1.7 en alléguant ce qui suit : «First and foremost, the IR 100 is not a «rame ferroviaire modulaire» as defined by the Disputed Patent and understood in the railway community. It cannot be changed or adapted easily by the railway company for the following reasons: Each vehicle consists of different components of highly technical equipment. The drive power and architecture, too, is adapted to the 4-vehicle configuration of the IR100. The four vehicles of the IR 100 are equipped with a Train Control and Management System (TCMS). This system forms a unit which covers all four vehicles, i.e. its architecture is especially designed for the 4-vehicle train and cannot be easily modified or reduced. The above mentioned TCMS-architecture only knows 4-vehicle segments, which can be applied either in 4 vehicle (lR100) or in 8-vehicle (IR200) rakes. The addition or removal of a vehicle is excluded due to the configuration of the control and communication system (Leittechnik-Bus-System). A modification would require a new design and ad- Page 34 O2017_015 mission of the control system software and the changed rake or train. The admission process must go through the Bundesamt für Verkehr (BAV / Federal Office of Transport). It is done based on the attached guidelines. The IR 100 / TWIN DEXX will only be admitted in the versions, which will be admitted by the BAV. Adding or removing of a vehicle would require a new admission process. The scope of the admission process would depend on the scope of any implemented change. Any change of the length of the train would require an admission process not only for the software but also of the brake power, due to the change of mass. The admission of the brake power alone accrues to approximately 50% of the complete burden of admission before the BAV (Zulassungsaufwand).» 45. Dans sa réplique limitée à la question de la contrefaçon, la demanderesse a fait les observations suivantes concernant la contrefaçon littérale : «IR100 is a modular railway rake since it is a rake composed of four «modules in the form of vehicles» (see paragraph [0001] of the Disputed Patent). Therefore, the IR100 is a modular railway rake according to claim 1. […] As previously mentioned, the Defendant cannot seriously consider that the IR100 is outside of the scope of EP'070 merely because it (allegedly) comprises a Train Control and Management System software that allegedly needs to be updated to allow the incorporation of additional modules or vehicles within the rake. Similarly, the Defendant cannot contend either that the IR100 is not in the scope of claim 1 or 7 simply because the Defendant and/or the rail network operator have not (yet) applied for the corresponding homologation with the competent state authorities, although they could have done so and can still do so in the future. Defendant's argument, in short, means that the infringement of claim 1 depends on the content of the software included in the Train Control and Management System and/or the homologation steps taken by Defendant and/or the train operator, even though these issues are not even mentioned in EP'070. These arguments, which Defendant does not even mention when it interprets the term «modular», have no connection with the claimed "modularity" of the rake and neither the claims nor the description of EP'070 contain any element that allows construing this term as narrowly as Defendant does.» En ce qui concerne la fonction de la caractéristique, la demanderesse a ensuite formulé les observations suivantes à propos de la contrefaçon par équivalence de la caractéristique : Page 35 O2017_015 «In the unlikely case that the Court accepted Defendant's definition of the term «modulaire» and thus considered that the IR100 is not a «modular» train because the train operator itself cannot add or remove single vehicles from the rake to address short-term needs even though this is physically possible, the IR 100 would nevertheless constitute an imitation of claim 7 in connection with claim 1 of the Disputed Patent. […] In the case at hand, the Disputed Patent sets forth that the «modularity» enables the operator to limit its investments by allowing it to adapt its supply quickly with a limited amount of vehicles. This must be possible both on short and long terms at limited costs (Disputed Patent, § [0006]). It is undisputed that the train operator can connect two IR100 rakes together to form a two-rake railway train to address both short and long term needs. It is also undisputed that vehicles can be added to the IR.100 to address long-term needs, even if this is first subject to a software update and the homologation of the modified rake. As a result, both the rake pursuant to the invention and the IR100 rake allow the operator to limit its investments by allowing the adaptation of its supply quickly and with a limited amount of vehicles both on the short term (by connecting two rakes) and long term (by adding or removing vehicles) at limited costs, even if the IR100 was not deemed to be «modular» within the meaning of the Disputed Patent. Therefore, the replaced features have the same objective function (i.e., the «same effect»).» 46. La défenderesse a réfuté ces arguments dans sa duplique, et a exposé ce qui suit concernant la fonction de la caractéristique K1.7 : «The Plaintiff seems to consider the composing of two IR 100 to be a way to obtain the feature of modularity. However, Claim 1 requires that the modularity be given within each train rake. Combined trains consisting of the wagons of two IR 100 would no longer fall under the motorization ratio of claim 1 because two IR 100 have two nondrive wagons. These two wagons, considered a rake, the motorization ratio of a group of these non-drive wagons is 0. The ratio of the motorization ratio claimed would therefore have to begin with 0. Page 36 O2017_015 Plaintiff cannot argue that several trains can be combined together, in order to obtain the feature of modularity, but then only look at one train when considering the remaining features. Moreover, connecting two train compositions is not only old state of the art. In addition, such connection is not what is meant by a "modular" train rake. Of course, long term, with sufficient financial, regulatory and time efforts, virtually everything can be re-organized and re-combined and a pre-existing train rake can serve as a basis for a new one. But again, this is not what is meant by a modular railway rake. Given the above, there is no same effect between the "modular" feature and the integrated IR 100.» 47. La notion de modularité a été interprétée ci-dessus comme suit (consid. 20) : La modularité au sens de la caractéristique O1 doit être interprétée de manière fonctionnelle comme définissant que la rame ferroviaire et ses véhicules individuels doivent être structurellement adaptés et appropriés pour être modulaires dans le sens où, selon les besoins du moment, la longueur de la rame ferroviaire correspondante peut être adaptée par le transporteur en interposant des véhicules supplémentaires et en combinant des rames ferroviaires pour constituer un convoi, donnant la possibilité d'adapter rapidement l'offre aux fluctuations de la demande au moyen d'un nombre relativement peu élevé de véhicules. Par conséquent, le terme « modularité » au sens de la caractéristique O1 implique la présence des caractéristiques structurelles permettant la réalisation de ces buts. 48. Il est évident que le train IR100 ne prévoit pas de modularité comprise dans ce sens, car avec les logiciels actuellement en service, les wagons individuels ne peuvent pas être ajoutés ou éliminés aussi rapidement dans une rame quand elles sont utilisées comme prévu. Il en découle que l’IR100 ne permet pas de réagir aux fluctuations de la demande à court terme en changeant la longueur des rames. Une réalisation littérale de la caractéristique O1 peut donc être exclue. Page 37 O2017_015 49. Il convient encore d'examiner s'il y a imitation, c'est-à-dire une contrefaçon par équivalence de la caractéristique de modularité. Il convient en particulier d'examiner les éléments suivants (TF, arrêt 4A_208/2017 du 20 octobre 2017) : « L'évaluation visant à déterminer si l'enseignement breveté est utilisé par des moyens équivalents repose régulièrement sur trois questions. Premièrement, il est exigé que la caractéristique modifiée remplisse objectivement la même fonction pour la réalisation de l'enseignement technique que celle revendiquée dans le brevet (effet dit égal) ; deuxièmement, il est exigé que la caractéristique modifiée soit suggérée à l'homme du métier par l'enseignement breveté (capacité de découverte) et, comme troisième critère, l'équivalence est requise dans le sens où la personne qualifiée considère la conception modifiée comme une solution équivalente (BGE 142 III 772 E. 6.2 avec références). Il faut toujours tenir compte du fait que, selon l'art. 1 du Protocole sur l'interprétation, l'étendue de la protection du brevet européen ne doit pas seulement être comprise comme celle qui résulte du libellé exact des revendications du brevet, mais aussi que les revendications du brevet ne servent pas seulement de guide et que l'étendue de la protection s'étend également à celle que l'homme du métier présente comme demande de protection du propriétaire du brevet après examen de la description et du dessin. L'interprétation devrait plutôt se situer entre ces points de vue extrêmes et combiner une protection adéquate du breveté avec une sécurité juridique suffisante pour les tiers. » 50. Lorsqu'elle est examinée en détail, la modularité est une caractéristique fonctionnelle : la modularité d'une rame au sens du brevet considéré est la capacité de réagir rapidement aux fluctuations de la demande, par l'ajout ou le retrait à court terme de véhicules dans une rame. Cette fonction n'est clairement pas prévue par l'IR100, à tout le moins dans l’exécution et selon la certification actuelle, lorsque l'IR100 est utilisé comme prévu. Si, comme en l’espèce, la fonction d'une caractéristique qui n'a pas été mise en œuvre littéralement est complètement absente dans la configuration attaquée, il ne peut y avoir d'imitation. Il s’ensuit que le brevet n’est pas violé. Suite de frais et dépens Page 38 O2017_015 51. Selon la demanderesse, la valeur litigieuse se chiffre à CHF 1 million; la défenderesse n’a pas contesté cette estimation. Partant d’une valeur litigieuse de CHF 1 million, il se justifie d’arrêter l’émolument judiciaire à CHF 60'000.00 (art. 1 al. 1 du Règlement concernant les frais de procès fixés par le Tribunal fédéral des brevets ; FP-TFB). Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Vu le sort de la procédure, il convient de mettre les frais à la charge de la demanderesse. Les frais sont compensés par l’avance de frais de CHF 60'000.00 versées par la demanderesse. La défenderesse qui a gain de cause obtient des dépens comprenant le remboursement des frais nécessaires et l’indemnité du représentant avocat (art. 3 FP-TFB). L’indemnité de l’avocat représentant est fixée en fonction de la valeur litigieuse (art. 4 FP-TFB). Pour cette valeur litigieuse, compte tenu de l'importance, de la difficulté et de l'ampleur de la présente affaire, l’indemnité de l’avocat de la défenderesse est fixé à CHF 70'000.00 (art. 4, 5 FP-TFB). La défenderesse demande une indemnité pour le conseil en brevet de CHF 31'675.00. Ce montant n’est pas contesté par la demanderesse. Au final, le paiement en faveur de la défenderesse d’un montant total de CHF 101'675.00 est mis à la charge de la demanderesse. Page 39 O2017_015 Le Tribunal fédéral des brevets décide : 1. La demande est rejetée. 2. Arrêtés à CHF 60'000.00, les frais judiciaires sont mis à la charge de la demanderesse et sont compensés avec son avance de CHF 60'000.00. 3. La demanderesse est condamnée à verser à la défenderesse le montant de CHF 101'675.00 à titre de dépens. La présente décision est communiquée à : – – – à la Demanderesse, avec le procès-verbal des débats (sous acte judiciaire) à la Défenderesse, avec le procès-verbal des débats (sous acte judiciaire) à Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (après entrée en force, sous acte judiciaire) Voies de droit : Ce jugement peut faire l’objet d’un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les 30 jours dès sa notification (art. 72 ss., 90 ss. et 100 de la Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]). Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve et être signé. Le jugement attaqué ainsi que les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu’ils soient en mains de la partie recourante (cf. art. 42 LTF). Saint-Gall, le 7 novembre 2019 Au nom du Tribunal fédéral des brevets Juge instructeur Greffière Philippe Ducor Agnieszka Taberska Expédition le : 11.11.2019 Page 40