Jean-Paul Domin. Commentaires du Pré rapport de la CDC. En préalable, une question évidente : n’y a-t-il pas un évident conflit d’intérêt à demander un rapport à la CDC sur l’hospitalisation ? La CDC, via une de ses filiales Icade santé, est un acteur majeur de l’hospitalisation privée lucrative. Icade santé est détenue à hauteur de 38,8 % par la CDC et pour 18,4 % par Prédica SA (la filiale assurance du Crédit Agricole). Icade s’est spécialisée sur le marché de l’immobilier sanitaire. Elle possède un portefeuille de 135 établissements de santé valorisé à hauteur de 5,5 milliards d’euros. Elle est déjà partenaire de marques reconnues (Elsan, Ramsay Santé, Vivalto) ainsi que des groupes régionaux. Icade souhaite également investir le marché des EHPAD et annonce un accord de partenariat avec le groupe Korian. Le texte commence d’emblée sur la crise de l’hôpital et notamment la question de la dette sans s’interroger au préalable sur les raisons de la dette. Or, depuis la mise en œuvre de la tarification à l’activité en 2003, les établissements sont sous-financés et ont tendance à s’endetter (je passe sur la question des emprunts toxiques qui est présente). Bien entendu, la question est présente dans l’ensemble du document. Les solutions préconisées sur le développement des PPP, comme vous le dites. Passons en revue rapidement sur les solutions préconisées : 1. Pour l’hôpital : • Restructurer la dette, ce n’est pas une nouveauté dans la mesure où Macron a déjà évoqué l’idée au mois de novembre. • Dans le même temps, la CDC propose de créer une ligne de prêt pour la mise aux normes des bâtiments. La CDC sait le faire dans la mesure ou Icade sa filiale fait ça pour les établissements privés lucratifs. • Mise en place de « PPP vertueux ». Le lien avec ce qui est dit au-dessus me paraît clair. La CDC s’est spécialisée pour financer les bâtiments des cliniques privées. On peut très bien imaginer des solutions ad hoc où le secteur public s’allierait avec du privé lucratif (pour des spécialités médicales ou chirurgicales qui peuvent intéresser le secteur privé). • La création d’hôtels hospitalier, c’est le rêve de Martin Hirsch dans son dernier livre, vendre les bâtiments historique de l’APHP et se spécialiser sur la chirurgie ambulatoire (le mode de financement de l’hôpital, la T2A, survalorise les actes réalisés en ambulatoire). • Les solutions numériques : c’est le truc à la mode. Les opérateurs complémentaires (mutuelles, assurances) se sont lancés en proposant des solutions de téléconsultations (la société Mes docteurs.com est financée en partie par Axa qui est au capital). La CDC oublie que cette fausse solution nécessite que l’ensemble des patients puissent avoir accès au très haut débit, ce qui n’est pas le cas pour tout le monde. L’accès à la télémédecine est marqué par de fortes inégalités. 2. L’ouverture de l’hôpital sur la ville Je passe rapidement la dessus dans la mesure où le paragraphe repose sur des travaux de la SCET qui est une filiale de la CDC. Les solutions préconisées sont des solutions d’investissements ad hoc. 3. Médecine de ville Les solutions préconisées reposent sur la mise en œuvre de solutions financières pour la création de centres de santé ou de maisons de santé. Bien entendu, la CDC valorise les solutions techniques en oubliant que le développement des déserts médicaux résulte essentiellement d’un manque de médecins dans des zones soient rurales soient socialement défavorisées. Au final, ce qui marque dans ce document, c’est la présence des acteurs incontournables du capitalisme sanitaire, les opérateurs complémentaires (mutuelles, institutions de prévoyance, assurances), mais également les structures de l’hospitalisation privée. Ce que préconise le document c’est le développement des PPP alors que ces structures ont montré toutes leurs limites.