L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Enquête sur les pesticides dans le secteur du code postal 67120 L’information officielle sur la toxicité des pesticides à long terme est tronquée Rédaction : Dr. Anne Vonesch Avec les contributions d’Alain Bertrand et l’aide de Michèle Weisheit et Michèle Grosjean Alsace Nature 8, rue Adèle Riton 67000 Strasbourg siegeregion@alsacenature.org contact67@alsacenature.org https://alsacenature.org/ Groupe local Bruche aval 1 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Savoir ce que l’on sait, admettre la vérité, pour les agriculteurs, pour la santé publique, pour réorienter la politique agricole et alimentaire. 2 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 SOMMAIRE 1ère partie. Synthèse : motifs, méthode, résultats, conclusions ............................................................. 7 Motifs .............................................................................................................................................. 7 Méthode .......................................................................................................................................... 8 Résultats : le grand écart entre l’affichage officiel et d’autres données.............................................. 9 Conclusions.................................................................................................................................... 13 2ème partie : Observations sur 89 substances, classées par ordre alphabétique ................................. 15 Introduction................................................................................................................................... 15 La BNVD : les données des ventes de pesticides........................................................................... 16 89 substances, par ordre alphabétique............................................................................................. 17 3 ème partie : Discussion des résultats dans le contexte du cadre règlementaire ................................. 59 La classification officielle ................................................................................................................... 59 La comparaison avec deux autres bases de données ....................................................................... 63 Pesticides Properties DataBase de l’Université de Hertfordshire, Royaume-Uni ........................ 63 SAGEpesticides, base de données canadienne ............................................................................. 64 Le tableau de synthèse comparatif (8 pages) ............................................................................... 66 Le comptage des résultats............................................................................................................. 67 Réflexion sur la « force probante » des données.............................................................................. 70 Zoom sur les pesticides du 67120 de 2017 à 2018 : l’inquiétude des riverains est justifiée ............ 73 Les produits les plus achetés (2017) et l’évolution des achats (2018/2017) ................................ 73 Les produits vendus à moins de 200 kg ou 200 L .......................................................................... 78 Les substances actives à mécanisme d’action SDHI ...................................................................... 78 Evolution des ventes toutes substances (199) de 2017 à 2018 .................................................... 79 La détection des pesticides dans l’eau et dans l’air ...................................................................... 81 Le cadre règlementaire, le rapport de l’ANSES et les distances aux riverains .................................. 83 Le cadre règlementaire ................................................................................................................. 83 L’avis de l’ANSES (avril 2020)......................................................................................................... 85 Les listes trop courtes du Ministère et la distance incompressible de 20m............................................ 89 Une guerre contre le vivant marquée par la cruauté........................................................................ 90 Voir ce que l’on voit....................................................................................................................... 90 Le « Mythe de l’usage sûr »........................................................................................................... 92 Effets chroniques sur la santé ....................................................................................................... 95 Le pesticide, un médicament comme un autre ? .......................................................................... 98 Elevage industriel et pesticides, de cruels complices ................................................................. 100 Créer de larges zones sans pesticides et réorienter la PAC ........................................................ 102 ANNEXES.............................................................................................................................................. 104 Petit glossaire du « mythe de l’usage sûr » ..................................................................................... 104 Codes et phrases de danger pour santé et environnement ........................................................... 106 Le tableau condensé qui est à la base du comptage des données se trouve tout à la fin . 3 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Remerciements Alain Bertrand a fourni une contribution essentielle et irremplaçable pour la collecte et l’interprétation des données, avec l’aide de Michèle Weisheit, et aussi Michèle Grosjean, tous de notre groupe local d’Alsace Nature. Merci à Alain pour la relecture efficace. Merci aux spécialistes de France Nature Environnement qui ont apporté des réponses pertinentes à mes nombreuses questions et des conseils : Eric Ferraille, Claudine Joly, Thibault Leroux et Marc Peyronnard. Merci à l’ANSES pour les explications utiles. Avertissement : Vu l’ampleur de ce travail exploratoire, il est probable qu’il reste l’une ou l’autre petite erreur ; veuillez m’en excuser. Même une éventuelle erreur d’interprétation ou de comptage sur l’une ou l’autre substance ne change rien aux conclusions générales. Quant aux effets sur la santé, les détails et les sources sont transparentes dans la 2ème partie. Quant à mon arbitrage d’accepter largement les arguments faisant valoir des effets sur la santé (toujours appuyés sur des données reconnues), il est transparent et légitime. L’édifice mental et économique de la toxicologie en vigueur peut et doit être secoué. De nombreux signent donnent espoir. Les verrouillages sont de mieux en mieux identifiés, mais ils restent encore trop solides. Anne Vonesch 4 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Résumé Pour la première fois, en 2020, des distances minimales entre épandages et riverains seront obligatoires. Elles sont très insuffisantes pour les uns, et excessives pour les autres. Mais quels peuvent réellement être les effets chroniques sur la santé, des pesticides utilisés dans nos villages ? Pour répondre à cette question, les pesticides achetés en 2017 dans le secteur du code postal 67120 ont été analysés. Il s’agit de 12 communes à l’ouest de Strasbourg, avec grandes cultures, vignoble, élevage surtout laitier, et arboriculture. Sur 343 produits vendus selon la base BNVD, les 72 produits achetés à > 200 kg ou > 200 l ont été retenus, ainsi que 6 produits à faible quantité pris au hasard et les 14 produits à mécanisme d’action SDHI. Ainsi 89 substances (noms écrits en minuscules) et 92 produits (noms écrits en MAJUSCULES) dont la majorité contiennent 2 et parfois 3 substances, ont été analysés. Quant aux effets à long terme sur la santé, une comparaison a été effectuée entre les informations données dans les phrases officielles de danger européennes, qui figurent obligatoirement sur l’étiquetage, et des informations issues des banques de données Pesticides Properties DataBase (PPDB) de l’Université de Hertfordshire, Royaume-Uni, et de la base canadienne SAGEpesticides, avec occasionnellement quelques autres sources (fiches de sécurité des produits, INSERM, rapports officiels,…). La comparaison montre que les écarts entre l’affichage officiel d’une part, et d’autre part les risques pour la santé répertoriés ailleurs, sont considérables. Les distinctions expertes entre dangers avérés, probables, suspectés, potentiels, susceptibles de se produire… ne doivent pas servir à cacher qu’il existe un risque réel. Nous de notre côté intégrons tous les degrés de risque documentés et demandons transparence. Ainsi le risque cancérigène concerne officiellement 8 substances (8 %) et 14 produits (15 %) mais selon d’autres sources 35 substances et 51 produits ‘confirmés’, ‘probables’ ou ‘suspects’ s’y rajoutent pour un total de 48 % des substances et 63 % des produits. Pour ce qui est de l’effet toxique sur la reproduction et/ou le développement 20 % des substances et 22 % des produits sont signalés officiellement, mais en incluant d’autres sources d’information 78 % de substances et 84 % des produits sont suspects au total. Une seule substance est officiellement classée mutagène ; mais 24 % des substances et 53 % des produits présentent un doute. Les effets de perturbateur endocrinien, de toxicité sur le foie et les reins, et les effets neurotoxiques (respectivement 49 %, 75 %, 48 % et 49 % des produits selon nos sources) ne sont jamais mentionnés dans les fiches des phrases de danger officielles destinées à l’utilisateur. L’avis récent de l’ANSES classe 30 substances et 46 % des produits de notre échantillon comme préoccupants car perturbateurs endocriniens. L’évolution des achats en 2018 est contrastée. Les comptages sont effectués à partir d’un tableau qui rassemble les données (voir en dernières pages). Les effets chroniques sur la santé sont résumés substance par substance, par ordre alphabétique, ce qui permet à chacun de vérifier les sources et leur interprétation (2ème partie). Les résultats sont détaillés, et les questions de fond sont posées (3ème partie). La conclusion est qu’en matière d’information sur les dangers des pesticides les règlements européens s’avèrent peu efficaces. Les dangers pour la santé sont beaucoup plus vastes que ce qui est affiché. L’ « usage sûr » des pesticides reste un mythe. Le gouvernement français prescrit une distance de 20m incompressible pour les substances préoccupantes, or la liste des produits concernés publiée par le Ministère devrait être rapidement complétée par toutes les substances préoccupantes listées par l’ANSES. Il n’est pas acceptable que les riverains soient obligés de se calfeutrer. Il faut sortir des pesticides de synthèse et/ou dangereux. Le cadre règlementaire européen reflète une défaillance de gouvernance et d’éthique avec des conséquences graves en matière de politique agricole et commerciale. L’usine à gaz autour des pesticides pérennise une guerre cruelle contre le vivant. 5 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 6 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 1ère partie. Synthèse : motifs, méthode, résultats, conclusions Motifs Tout est parti de la question simple et concrète : quel impact sur la santé notamment des riverains, ont les pesticides utilisés chez nous, localement, autour de nos villages ? La question est d’actualité. Suite à la Loi EGalim, un arrêté a défini des distances minimales en zone non traitée par rapport aux riverains (les produits utilisables en agriculture biologique ne sont pas concernés) : - 10 m pour les traitements des arbres et arbustes, 5 m pour les cultures basses, - 20 m incompressibles1 pour « des produits » contenant une substance de type CMR de catégorie 1 (c’est-à-dire « peut » provoquer cancers, mutations, anomalies de la fertilité et du développement, ce qui exclut la catégorie 2 qui est « susceptible d’ » en provoquer) ou PE (perturbateur endocrinien). Les distances sont toutes considérées très insuffisantes par les ONG environnementales et par un certain nombre de maires. Elles sont jugées insupportablement contraignantes par une partie de la profession agricole. Or les distances de 10 m et 5 m sont réduites à 5 m et 3 m, par décision du gouvernement en vertu de matériels permettant la réduction de la dérive, et/ou en vertu de Chartes départementales imposées par la loi EGalim et en cours d’élaboration, et par anticipation dès ce printemps. Les Chartes sont destinées à être soumises à consultation publique. Des dérogations aux distances font l’objet de recours par des ONG dont France Nature Environnement. 1 https://ecophytopic.fr/concevoir-son-systeme/liste-des-produits-exigeant-une-distance-de-20-m-znt-riverains La signification des mentions de danger mentionnées ci-dessous peut être consultée ici : https://clp-info.ineris.fr/sites/clp-info.gesreg.fr/files/documents/tableau_cl_fr.pdf Une liste des produits phytosanitaires exigeant une distance de sécurité incompressible de 20 mètres lors des traitements réalisés à proximité des habitations a été publiée par le ministère chargé de l'Agriculture. Cette liste comprend des produits qui présentent certaines mentions de danger (H300, H310, H330, H331, H334, H340, H350, H350i, H360, H360F, H360D, H360FD, H360Fd H360Df, H370, H372) ou qui contiennent une substance active considérée comme un perturbateur endocrinien. Une distance de sécurité non réductible de 20 mètres doit être respectée pour toute application, seul ou en mélange, d’un produit : présentant certaines mentions de danger préoccupantes (H300, H310, H330, H331, H334, H340, H350, H350i, H360, H360F, H360D, H360FD, H360Fd H360Df, H370, H372) : cette mention figure obligatoirement sur l’étiquette du produit ; contenant une substance active considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens néfastes pour l’homme selon les critères du paragraphe 3.6.5 de l'annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009. Les substances actives considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 sont les substances pour lesquelles les conclusions publiées de l’EFSA ou de l’ANSES établissent le caractère perturbateur endocrinien de la substance selon les critères d’identification applicables. La liste indicative des produits pour lesquels une distance de sécurité de 20 mètres doit être respectée est établie et mise à jour selon les informations disponibles. Le classement et les avis scientifiques sur les produits dangereux évoluant régulièrement, cette liste est actualisée … . 7 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 La presse a rapporté que le gouvernement estimerait que seulement 0,3 % des substances2 entreraient dans la contrainte des 20 m incompressibles ; en effet, la liste présentée (version 18 mars 2020) est étonnamment courte (44 produits ayant une AMM en validité), centrée sur peu de substances actives. Il semble que les Chartes qui émergent prévoient la bonne pratique d’informer les riverains avant les pulvérisations, mais pas de leur annoncer les noms des produits. Une information sincère et fiable est une condition pour un débat sociétal constructif sur ce sujet hautement sensible. Un éventuel manque d’informations sur les risques réels des pesticides peut retarder la prise de conscience de la part des utilisateurs, freiner l’action politique, et exacerber les conflits sociétaux. Pour en avoir le cœur net, il a été décidé d’analyser les pesticides vendus en 2017 dans le secteur du code postal 67120, qui comprend 12 communes à 20 km à l’ouest de Strasbourg, par taille décroissante : Molsheim, Duttlenheim, Dorlisheim, Dachstein, Ernolsheim-sur-Bruche, Duppigheim, Ergersheim, Altorf, Soultz-les-Bains, Wolxheim, Kolbsheim, Avolsheim. C’est un secteur de grandes cultures et de vignoble, avec aussi de l’élevage surtout laitier et de l’arboriculture. Méthode Sur 343 produits phytosanitaires vendus en 2017 dans le secteur du code postal 671203, les 72 produits vendus à plus de 200 litres ou 200 kg ont été retenus pour l’analyse, ainsi que 20 produits vendus à des quantités inférieures (entre 1 kg et 174 L) Ces derniers ont été inclus pour 6 au hasard et pour 14 à la suite d’un repérage de ceux à mécanisme d’action SDHI, récemment médiatisés. Il y a 30 herbicides, 55 fongicides, 6 insecticides et 1 régulateur de croissance. Ces 92 produits se partagent en tout 91 substances différentes. 43 produits contiennent 2 substances et 12 produits contiennent 3 substances. Le choix a été fait de se limiter aux effets chroniques sur la santé. Les effets aigus, touchant surtout les utilisateurs, ne passent pas inaperçus et sont de ce fait davantage considérés et mieux pris en charge. A l’opposé, les effets chroniques passent longtemps inaperçus, et les liens entre exposition et maladie sont extrêmement difficiles à établir. Et pourtant ces effets sont redoutables. Ainsi pour chacune des 91 substances ont été comparés les effets chroniques sur la santé, tels que relevés systématiquement dans quatre bases de données :  la classification officielle européenne, très codifiée, pour les substances actives, selon EU database  les phrases de danger officielles dans ephy par l’ANSES avec les produits et usages  Pesticides Properties DataBase (PPDB) de l’Université de Hertfordshire (RU)  la base de données canadienne SAGEpesticides (SAGE), 2 Le MONDE, 20 décembre 2019, https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/12/20/pesticides-legouvernement-opte-pour-des-distances-tres-reduites-entre-zones-d-epandage-ethabitations_6023642_3244.html : « Cette limite de vingt mètres ne concernera qu’une infime partie des pesticides utilisés en France puisque, selon les estimations du ministère de l’agriculture, seul 0,3 % des produits phytosanitaires consommés chaque année entrent dans cette catégorie. » 3 Source : https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/achats-de-pesticides-par-code-postal/ 8 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 avec en plus, au hasard ou en fonction des questionnements soulevés, un recours occasionnel à d’autres sources comme les fiches de sécurité des produits par les fabricants, des rapports IGAS (2017), INSERM (2013), INRA (cuivre en agriculture biologique, 2017), plus rarement un rapport de renouvellement (Commission européenne ou ANSES ou US), la liste des produits CMR de l’INRS, et quelques publications rencontrées. Les effets répertoriés ont été insérés dans un tableau de synthèse. Un extrait commenté est présente en détails page 66 et il est consultable en entier en dernières pages. Il comporte des lignes avec tous les produits et substances, et des colonnes avec les divers effets sur la santé selon les différentes sources. Neuf colonnes sont dédiées aux effets relevés mais non communiqués dans les phrases de danger officielles ; ils sont rapportés par des petites croix dans les colonnes correspondant aux effets. Le comptage dans ces colonnes reflète directement les manquements de l’information officielle. Une dernière série de colonnes contient les classifications officielles des dangers, car il y en a : les produits à distance incompressible de 20 m (selon liste du 20 mars 2020) ; les substances classées à substitution, à exclusion, ou non approuvées ; les produits perturbateurs endocriniens selon la liste du Ministère de l’agriculture ; les fongicides à mécanisme d’action SDHI ; les produits avec phrases de danger CMR ou retirés selon ephy (bas de données de l’ANSES) ; les substances CMR selon EU database ; le caractère préoccupant car perturbateur endocrinien selon l’avis de l’ANSES d’avril 2020. Pour chacune des 89 substances, par ordre alphabétique, les effets chroniques sur la santé recensés sont résumés dans la 2ème partie du présent dossier. Ainsi tout ce qui est répertorié dans le tableau de synthèse est transparent, traçable et vérifiable au niveau des sources. Finalement, la Discussion des résultats dans la 3ème partie du dossier précise le système de classification officiel et présente les comparaisons effectuées, réfléchit sur la « force probante » des données, détaille les utilisations des pesticides dans le 67120 et complète l’analyse des principaux produits par l’évolution des ventes de la totalité des substances entre 2017 et 2018, qui n’est pas rassurante. Cette partie termine sur des réflexions de fond, mettant en cause un système délétère. Résultats : le grand écart entre l’affichage officiel et d’autres données Pour notre échantillon de 89 substances et 92 produits la comparaison montre que l’écart entre l’affichage officiel d’une part et d’autre part les données répertoriées ailleurs sont considérables. Ainsi les nombres de substances et de produits susceptibles d’avoir un effet cancérigène sont officiellement 8 substances et 13 produits, mais d’après d’autres sources 35 substances et 51 produits se rajoutent. Ainsi seulement 9 % des substances et 14 % des produits sont officiellement à risque cancérigène, pour un total de 43 (48 %) des substances et 58 (63 %) des produits. 16 substances + 2 substances avec affichage variable (19 %) et 20 (22 %) produits sont officiellement affichés reprotoxiques ; cela regroupe les effets sur la fertilité et les anomalies du développement de l’embryon et fœtus. En consultant d’autres sources 53 substances et 67 produits se rajoutent, dont 19 produits qui contiennent 2 substances et 3 avec 3 substances susceptibles d’être reprotoxiques. 9 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le total de confirmés, probables et suspects reprotoxiques est de 69 (78 %) des substances et 77 (84 %) des produits, mais seulement 22 % des produits sont officiellement étiquetés comme tels. L’ANSES nous a informé que fluxapyroxad a été récemment classé dangereux pour l’allaitement par l’ECHA, mais cet effet ne figurait pas sur les fiches EU database et ephy, alors qu’en même temps la classification « susceptible de provoquer le cancer » a été enlevée. Sauf erreur le danger pour l’allaitement n’était jamais apparu dans notre échantillon, alors que les substances ne sont sûrement pas anodines. De petits flous dans les comptages peuvent être dus à des classements divergents selon les sources. 1 seule substance et 1 produit sont affichés mutagène (génotoxique). 21 (24 %) substances et 49 (53 %) produits présentent au moins un élément de doute. 37 (42 %) substances et 50 (54%) produits sont suspects d’être à la fois cancérigènes et reprotoxiques. Le total des substances avérées, probables ou suspectes CMR s’élève à 72 (81 %) des substances et 85 (92 %) des produits. La toxicité pour le système nerveux, le foie, les reins, ne sont jamais officiellement affichés, du moins nous ne l’avons pas vu apparaître, sauf exceptionnellement dans une fiche de sécurité, jamais sur l’étiquetage. Pourtant théoriquement la catégorie STOT-RE existe (voir page 62). Elle apparaît seulement 7 ou 8 fois dans notre échantillon. Sa définition est peut-être trop restrictive pour servir.     37 (42 %) substances et 45 (produits 49 %) sont neurotoxiques, 50 substances (56 %) et 69 produits (75 %) sont hépatotoxiques, 28 (31 %) substances et 44 (48 %) des produits sont néphrotoxiques. 38 (42 %) substances et 54 (59 %) produits sont avérés ou suspects de perturbation endocrinienne. L’effet de perturbation endocrinienne n’est jamais officiellement affiché. Selon une liste récentede l’ANSES (avril 2020) 30 (34 %) substances et 42 (46 %) produits de notre échantillon seraient perturbateurs endocriniens. D’après nos sources, 28 substances (31 %) et 45 produits (49 %) avaient été trouvées dans ce cas. Ce sont les mêmes substances ou produits pour environ deux tiers ou trois quarts ; il subsiste donc des incertitudes. Cela nous ramène à un total de 38 (42 %) substances et 54 (59 %) produits avérés, probables ou potentiels ou suspects d’effets de perturbation endocrinienne. 19 substances (21 %) n’ont aucune suspicion d’effet CMR ; elles peuvent toutefois avoir d’autres effets toxiques, aigus, être persistants et bioaccumulants, toxiques pour les milieux aquatiques… 7 produits (8 %) dont 4 avec du soufre, ne contiennent aucun composant suspect d’effet CMR. Il ne faut pas croire que les autorités compétentes ne font rien face au problème. Officiellement, les problèmes de toxicité font l’objet de plusieurs stratégies dont l’efficacité et surtout les délais posent question. Le pilier est la trame de l’action des pouvoirs publics est la classification officielle, harmonisée, des substances, qui donne lieu aux phrases de risque pour informer les utilisateurs. Le système sera présenté en plus de détails plus loin. 10 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020  Pour plus d’informations sur le système de classification, voir page 59 et page 70  Le tableau des codes et phrases de risque est consultable en Annexe après le glossaire Tableau des résultats : comptage des effets chroniques sur la santé non signalés, et des effets signalés par les phrases de danger officielles pour notre échantillon de substances et produits Effets chroniques sur la santé Cancérigène Toxique pour reproduction et/ou développement la le A la fois cancérigène et réprotoxique Génotoxique (tous aussi cancérig. et/ou reprotox.) Tout CMR : cancérigène ou reprotoxique ou génotox. Toxique pour le système nerveux Toxique pour le foie Toxique pour les reins Perturbateur endocrinien Effets graves sur les yeux Autres : estomac, thyroïde, prostate, sang… Nombre de substances et/ou de produits (en italique) pour lesquelles l’effet est officiellement communiqué par les phrases de danger Nombre de substances et de produits (en italique) pour lesquels un effet est susceptible de se produire selon d’autres sources mais sans être communiqué par les phrases de danger officielles 8 substances (9 %) 35 substances 13 produits (14 %) 51 produits 14 substances + 2 53 substances incohérents** (20 %) 67 produits (dont 19 avec 2 20 produits (dont 5 avec substances et 3 avec 3 2 substances)(22 %) substances) 3 substances (3,4 %) 24 substances 8 produits (8,7 %) 39 produits 1 substance 20 substances 48 produits 1 produit 20 substances (23%) 62 substances 26 produits (28 %) 81 produits Jamais communiqué* 37 substances 45 produits Jamais communiqué* 50 substances 69 produits Jamais communiqué* 28 substances 44 produits Jamais communiqué 22 produits sur la liste du Ministère (24 %) Selon la nouvelle liste de l’ANSES avril 2020 30 substances (34 %) 42 produits (46 %) Effets aigus sont communiqués Jamais communiqué* 28 substances 45 produits Total des substances et produits auxquels peut être attribué la possibilité d’un tel effet 43 substances (48 %) 58 produits (63 %) 69 substances (78 %) 77 produits (84 %) 37 substances (42 %) 50 produits (54 %) 21 substances (24 %) 49 produits (53 %) 72 substances (81 %) 85 produits (92 %) 37 substances (42 %) 45 produits (49 %) 50 substances (56 %) 69 produits (75 %) 28 substances (31 %) 44 (48 %) produits 28 substances (31 %) 45 produits (49 %) 38 substances (43 %) 54 produits (59 %) (11 substances 24 produits chiffre trop aléatoire) (36 substances 53 produits chiffre trop aléatoire) 100 % = 89 substances et 92 produits *Parmi les phrases de danger disponibles, il y a les effets sur les organes provoqués par des expositions répétées (phrase STOT RE). Cette phrase n’est pas fréquente, et en règle générale l’organe concerné n’est pas mentionné alors qu’il devrait l’être. Il pourrait éventuellement être retrouvé dans certaines fiches de sécurité. ** Le prothiaconazole et le bixafen ne sont pas réprotoxiques selon EU database, mais les deux produits les associant le sont selon ephy (ANSES).- Pirimicarb et spiroxamine ont des classifications divergentes. 11 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le tableau condensé des résultats est consultable sur un fichier séparé Dans l’échantillon du 67120 analysé, les classements européens donnent le résultat suivant : 7 substances ne sont plus approuvées au niveau européen. Une seule est candidate à exclusion (epoxiconazole). Elle alimente une bonne part de la liste des produits à distance de 20 m incompressible ; or, en France, les produits qui la contiennent sont entretemps tous retirés. 27 substances (dans 46 produits) sont Candidates à Substitution (CFS), c’est-à-dire elles sont susceptibles d’être non renouvelées ou leur usage restreint lors du renouvellement de leur approbation (voir pour plus de détails en page 84). Mais les dates prévues du réexamen sont souvent reportées, des délais de grâce se rajoutent en cas de non renouvellement, et il peut y avoir uniquement des restrictions. Les substances CFS sont toutes CMR sauf le Quinoxyfen et le diquat dibromide. Il y a un cas particulier de CFS, le cuivre, qui vient d’être réapprouvé en Europe en limitant les quantités à 28 kg/ha sur 7 ans. Ce cas est discuté dans le 2ème partie. La persistance, la bioaccumulation, les toxicités aigues et aquatiques, les marges de sécurité par rapport à la concentration,… sont des critères de classement en CFS. 20 substances sont officiellement classées CMR. Ce sont 3 cas de Repro 1 et 10 cas de Repro 2 ; aucun de Carc 1 et 7 cas de Carc 2 ; et un cas de Muta 2. Deux substances cumulent : Carc 2 + Repro1 (epoxiconazole) et Repro 2 + Carc 2 (isoxaflutole). 8 substances sont CMR sans être CFS. La perturbation endocrinienne est toujours en débat, alors qu’il existe de nombreux travaux et des textes législatifs. La liste de l’ANSES publiée le 20 avril est bienvenue. Pour rappel, un total de 38 (42 %) substances et 54 (59 %) produits de notre échantillon présentent des éléments faisant suspecter un effet endocrinien. Un enjeu concret de grande importance est l’application de la distance incompressible de 20 m par rapport aux riverains aux substances préoccupantes (pour plus de détails voir page 89). Seulement 5 (5 %) de nos produits analysés se trouvent sur la liste du Ministère énumérant des produits soumis à la distance incompressible de 20 m, alors que 92 % des produits analysés présentent un risque CMR et 59 % font suspecter un risque de perturbation endocrinienne. Les ONG demandent une distance de 150 m et la sortie des pesticides. Dans l’urgence il est primordial de compléter cette liste de produits soumis à la distance incompressible de 20 m conformément aux engagements du Ministère. L’ANSES a présenté une liste des substances préoccupantes. La liste est prête, la distance de 20 m doit s’appliquer. La discussion de ces résultats en 3ème partie interroge l’interprétation des données. Le système de classification officielle est présenté. Pour certains aspects il peine à convaincre. Il reste trop de brèches permettant de ne pas prendre en compte des impacts sur la santé (sans même parler des autres impacts). Notre méthode des comparaisons est illustrée. 12 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Quelques précisions sont apportées sur les pesticides de l’échantillon. Une comparaison des ventes globales, toutes substances confondues, entre 2017 et 2018 dans le 67120 est rajoutée, les chiffres de 2018 ayant été publiés en cours de route. Certaines substances très toxiques disparaissent, pour d’autres les achats diminuent. Des produits qui paraissent moins toxiques que d’autres augmentent. Mais les augmentations des achats de certains pesticides sont nettement plus importants que les baisses, et ceci pour des produits reconnus redoutables. Bref, l’évolution est contrastée. Quand la présente étude était en cours de finalisation, est arrivée la publication le 10 avril 2020 l’avis de l’ANSES sur les pesticides préoccupants avec une liste de perturbateurs endocriniens. Cet avis revêt une importance particulière à cause de l’application des distances incompressibles de 20 m à l’ensemble des substances préoccupantes dont les perturbateurs endocriniens identifiées par l’ANSES. A moyen terme l’enjeu est l’évaluation et le renouvellement – ou non – des ces substances. Le dernier chapitre de la présente enquête prend position. Il décrit le système d’autorisation et de maintien de l’usage des pesticides avec toute sa cruauté et ses crimes envers les animaux et les humains. Les populations du Sud paient, une fois de plus, le tribut le plus lourd. Ce qui est présenté comme des expositions acceptables, même chez nous, n’est pas acceptable, pour des raisons biologiques. Les pesticides ne sont pas le pendant naturel des médicaments humains. Les prétendues justifications des pesticides sont d’autant plus irrecevables que les cultures qu’ils arrosent sont loin d’être particulièrement défendables dans l’objectif d’une alimentation saine. L’élevage industriel et intensif est un débouché majeur pour les rendements des cultures maximisés par les pesticides. Une réduction importante mais saine de la consommation de protéines animales permet aussi de sortir des pesticides. La complicité entre pesticides et détresses animales est cruelle. Conclusions Le règlement 1272/2008 dit CLP (Classification, Labelling and Packaging = Classification, Etiquetage et Emballage des substances et mélanges) dont l’objet est d’assurer une communication claire sur les dangers des pesticides, est peu efficient. Ce n’est pas une bonne base pour construire une politique agricole et alimentaire saine. Les pesticides sont beaucoup plus dangereux pour la santé que ce que dit l’étiquetage officiel. L’exposition dite acceptable des opérateurs et du public n’est pas acceptable, pour des raisons biologiques. Le principe de la dilution et le mythe de l’usage sûr des pesticides cachent les réalités. Il devient toujours plus urgent que les pratiques agricoles s’inspirent de l’agriculture biologique. Imposer, à côté des riverains, des distances de 150 m sans traitement par des pesticides de synthèse et/ou dangereux est un levier pour accélérer cette transition. La PAC devrait s’en saisir. 13 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 A minima, et compte tenu de ses promesses, le gouvernement doit appliquer la distance minimale incompressible par rapport aux riverains de 20 m à toutes les substances listées comme perturbateurs endocriniens par l’ANSES. Au vu des lenteurs et verrouillages de la gouvernance officielle des pesticides, la sortie des pesticides devra être prise en main par les agriculteurs et citoyens eux-mêmes, mais sans que cela ne dispense les décideurs et experts d’agir plus efficacement. Les politiques agricoles et alimentaires devront s’orienter en cohérence avec des valeurs éthiques. L’éthique n’est pas une histoire de sensibleries. Elle n’est pas ‘hors sujet’. Elle a un potentiel d’utilité énorme : pour la santé, la solidarité entre humains et avec les autres espèces, la lutte contre les gaspillages divers et variés. Il ne peut y avoir de développement durable sans éthique envers le vivant et sans éthique envers ceux qui sont sans défense. La nouvelle PAC engage pleinement les responsabilités de tous ceux qui la décident et qui ont à choisir entre verrouillage et refont. Il faut éviter qu’un manque d’honnêteté en matière d’impacts sur la santé des pesticides vienne handicaper ou saboter la sortie agronomique des pesticides et l’entrée dans une ère de l’alimentation plus saine et de production agricole qui fasse du sens. 14 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 2ème partie : Observations sur 89 substances, classées par ordre alphabétique Introduction Le but de cette 2ème partie n’est pas d’en faire un roman ou un plaidoyer, mais que chacun puisse vérifier les sources de ce qui vient d’être affirmé. Ce n’est pas de fournir un jugement expert sur 91 substances. Il s’agit d’un travail exploratoire dans le cadre d’un groupe local de l’ONG Alsace Nature. Cette partie reprend brièvement les impacts chroniques sur la santé tels que codifiés dans les fiches officielles européennes EU database4 (pour les substances actives) et dans les fiches françaises du registre ephy5 de l’ANSES (pour les produits commerciaux), ensuite les résumés dans la base de données anglaise Pesticides Properties Database6 de l’Université de Hertfordshire et la base canadienne SAGEpesticides7. D’autres sources consultées sont certaines fiches de sécurité de produits, des rapports officiels, parfois des fiches de l’ECHA, l’un ou l’autre rapport de renouvellement. Il s’agit d’en faire une synthèse succincte. Le parti pris est clairement énoncé : nous ne nous intéressons pas seulement aux effets dits « avérés » ou « confirmés » mais aussi aux effets qualifiés de possibles, potentiels, suspectés, susceptibles de se produire. Cette approche est légitime. Il est beaucoup moins défendable d’éliminer tout ce qui est « potentiel » et « suspecté » (sur la base de données sérieuses), de faire comme si de rien n’était et de taire ce qui dérange. Il se trouve que la variabilité des effets sur la santé retenus est encore beaucoup plus vaste que ce à quoi nous nous attendions. C’est ce que montrent les 89 substances ci-dessous. En fin de chaque présentation de substance est rapportée en rouge l’évolution des quantités achetées entre 2017 et 2018, toujours dans le seul périmètre du code postal 67120. Il s’agit bien du poids de la substance active et pas du poids du produit commercial tel qu’il est conditionné et vendu. Or il y a des substances actives qui sont efficaces à 10 g/kg ou 15 g/ha, et d’autres qui agissent à 700 g/kg ou > 2 kg/ha. Pour avoir une idée du nombre d’hectares qui peuvent être traitées avec une certaine quantité vendue, il faudra consulter la base ephy de l’ANSES qui donne les concentrations et les dosages selon les cultures pour lesquelles le produit est autorisé.  Les noms des substances actives sont écrits en minuscules et les noms des produits commerciaux en MAJUSCULES.  Les codes et phrases de danger sont en Annexe. Pour la classification voir p.59. 4 https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/eu-pesticidesdatabase/public/?event=homepage&language=EN#menu 5 https://ephy.anses.fr/ 6 https://sitem.herts.ac.uk/aeru/ppdb/en/atoz.htm 7 https://www.sagepesticides.qc.ca/Recherche/RechercheMatiere 15 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 La BNVD : les données des ventes de pesticides Les données sur les ventes de pesticides en France sont accessibles sur internet. C’est une avancée très appréciable qui permet désormais au citoyen de savoir à quelles substances il est susceptible d’être exposé. Il y a quelques années encore il était difficile, en demandant « quels sont les produits ? » d’obtenir une réponse plus précise que juste « ce sont des produits homologués ». Aussi, les agriculteurs craignent de donner les noms des produits de peur que cela se retourne contre eux. Le site data.eaufrance.fr résume : La Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques a institué l’obligation pour les distributeurs de produits phytosanitaires de déclarer leurs ventes annuelles (année n) de produits phytosanitaires avant le 31 mars (année n+1) auprès des agences et offices de l’eau dont dépendent leurs sièges dans les conditions fixées par ces dernières. Cette déclaration doit permettre de suivre les ventes sur le territoire national (« objectif de « traçabilité des ventes ») pour mieux évaluer et gérer le risque « pesticides » mais aussi d’établir le montant de la redevance pour pollutions diffuses pour chacun de ces distributeurs. En effet, ce montant est fonction de la quantité commercialisée et de la composition en substances de chaque produit vendus, le code de l’environnement (art. L. 213-10-8) définissant les catégories de substances taxées et les taux associés. Les données déclaratives réalisées par des distributeurs agréés de vente de produits sont stockées dans la banque nationale des ventes de produits phytosanitaires (BNV-D). Les données saisies par les distributeurs en quantités de produits vendus sont ainsi transformées en quantités de substances actives grâce à un référentiel de données fournissant la composition de produits, le classement de ces substances au regard des arrêtés substances pris chaque année listant les substances soumises à la redevance pour pollutions diffuses. La BNVD permet de télécharger les fichiers excel des ventes par produits et par substances, par département, et par code postal des acheteurs. L’essentiel de notre travail est l’analyse d’un échantillon de produits, dans le secteur du 67120. Nous avons complété cela par une vue d’ensemble sur l’évolution des achats de 2017 à 2018, cette fois-ci par substance active. Exemple : fichier des ventes par produit dans le 67120 : Exemple : fichier des ventes par substance dans le 67120 avec numéro AMM, nom, numéro CAS, quantité, type de polluant en lien avec la redevance. 16 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 89 substances, par ordre alphabétique Il se trouve que le 2,4-D (+ dicamba = FLORANID GAZON DESHERBANT S 15 5 8 3), première substance présentée dans notre série alphabétique, introduit nos observations avec ce qui ressemble bien à un scandale, tant le renouvellement de l’approbation européenne de cette substance en 2016 et jusqu’en 2030 paraît incompréhensible au vu de sa toxicité et ses usages (gazons de loisirs). Depuis janvier 2019 il est réservé aux utilisateurs professionnels. Cette substance composait pour moitié le tristement célèbre agent orange déversé sur le Vietnam. Aussi, la Suède, la Norvège et le Danemark l’ont interdit totalement, et le Canada dans les espaces publics (source : Wikipedia). Le produit FLORANID gazon désherbant est un engrais, combiné à deux désherbants, pour des espaces verts et terrains de sport. Les enfants y sont donc exposés. Il faut attendre au moins 6 semaines après le traitement avant de pouvoir incorporer les tontes dans des composts et terreaux, écrit COMPOST EXPERT qui le commercialise. Mais le site de l’ANSES prévient : « En raison de la présence de dicamba, il est conseillé de ne pas utiliser les déchets de tonte comme mulch ou compost. » La concentration pour FLORANID GAZON DESHERBANT S15583 selon ephy n’est que de 7 g/kg pour le 2,4-D et 1 g/kg pour dicamba, vu que ces substances actives sont diluées dans de l’engrais pour gazon. Ce mélange est autorisé pour une dose maximale de 30 g/m². Cela signifie 300 kg/ha, et donc 300 g / ha de dicamba et 2 100 g/ha de 2,4-D. Ce qui paraît énorme, mais ce sont le chiffres ; idem pour FLORANID GAZON DESHERBANT PRO. Curieusement, la fiche ephy de l’ANSES n’indique pas les phrases de danger, alors que, habituellement, elles le font. Ici le classement est… absent. La fiche renvoie à l’étiquetage, le titulaire de l'autorisation étant responsable de la conformité de la Fiche de données de sécurité avec la classification retenue ci-dessus, or il n’y a pas de classement affiché sur ephy. Sur internet apparaît une fiche du produit au titre de COMPO EXPERT (experts for growth) qui met en avant les atouts environnementaux, c’est-à-dire le traitement herbicide permet de réduire le nombre de tontes par an et donc de réduire les GES émis, avec un joli schéma de toile d’araignée en vert représentant tous les avantages, bref, COMPO EXPERT pratique du greenwashing professionnel. Selon cette même page, les fiches de sécurité seraient disponibles sur www.quickfds.com. mais surprise, dans ce cas précis le site demande de s’identifier. Le site de vente Hortalis ne propose pas non plus d’information sur la toxicité. Finalement, une fiche de sécurité de 2012 du produit est téléchargeable8 : le produit serait non classé alors que les composants sont classés et les phrases de danger se rapportent à l’allergie, le risque oculaire et la toxicité aquatique. C’est tellement dilué … ! Une autre fiche de sécurité de 2015, fournie par Société des produits de France, écrit des choses qui peuvent étonner au vu de ce qui va suivre : 8 http://www.cobalys-espacesverts.fr/catalogue/projet/fiches/p52_Floranid-gazon-desherbant.pdf 17 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 En Europe la substance a été ré-approuvée en 2016 jusqu’en 2030. Elle est en effet classée pour sa toxicité aigüe, pour une toxicité sur les voies respiratoires, les yeux et la peau, et une toxicité aquatique chronique, mais elle n’est pas considérée comme CMR ni candidate à substitution. Pourtant des inquiétudes solidement fondées (voir ci-dessous) s’imposent. L’évaluation du CIRC considère qu’il est peut-être cancérogène pour l’homme (groupe 2B), selon la fiche CNESST. – En 2015 le 2,4-D était apparu dans les médias comme étant cancérigène. La classe des herbicides de type chorophénoxy auxquels il appartient est en effet classée cancérigène 2B par le CIRC. Certaines données font état de lymphomes non hodgkiniens, et ceci à la fois sur des souris et dans certains résultats, pas tous, en épidémiologie humaine ; cette double occurrence est plus qu’inquiétante. L’expertise de l’INSERM (2013) reprend le lien avec des lymphomes non hodgkiniens. Une contamination par des dioxines ne peut pas être écartée. La perturbation endocrinienne est bien documentée, et la neurotoxicité est évidente. Le rapport de renouvellement reconnait des risques potentiels pour le système thyroïdien qui pourrait affecter d’autres systèmes, et des effets sur la corticosurrénale ont été rapportés. Mais la logique habituelle prévaut : ces effets étant survenus à des doses de loin supérieures aux niveaux retenus pour déterminer le NOAEL (dose maximale sans effet néfaste observable) le risque endocrinien est considéré étant suffisamment pris en compte grâce aux seuils d’exposition retenus qui seraient suffisamment sûrs pour protéger la population. La base de données PPDB considère le risque de perturbation endocrinien comme possible (symbolisé par le point d’interrogation), et mentionne des effets androgéniques synergiques quand combiné à la testostérone. SAGE aussi conclut à un perturbateur endocrinien potentiel. Le Ministère de l’agriculture français se joint à cet avis (liste des PPP susceptibles d’être des perturbateurs endocriniens). Quant aux effets sur la reproduction et le développement, la base PPDB l’affirme sans point d’interrogation, d’autres apportent des données qui en font état, mais sans le retenir formellement. La fiche toxicologique INRS de 2011 rapporte la neurotoxicité et l’effet sur le développement. L’expertise de l’INSERM explique en détail les mécanismes d’action dans le cerveau, dans le chapitre dédié à la maladie de Parkinson et à d’autres pathologies neurodégénératives et du neurodéveloppement. Les chlorophénoxyherbicides (2,4-D) sont susceptibles d’agir au niveau des systèmes de transport membranaires, de l’homéostasie des neurotransmetteurs, de la neuritogénèse (genèse des axones et dendrites des cellules nerveuses). Ils entraînent une apoptose des cellules granulaires de cervelet et une inhibition de la fonction thyroïdienne. – Pour le CNESST (1998), les données ne permettraient pas de se faire une évaluation adéquate ; en tout cas la substance traverse la placenta chez l’animal. Elle est trouvée dans le lait maternel chez l’animal. 18 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 La substance affecte le système digestif, le foie et les reins. Chez les rats, il a provoqué une dégénérescence de la rétine, chez le lapin des zones d’opacité cornéenne et d’inflammation sévère. Malgré toutes ces données accablantes l’approbation de cette substance a été renouvelée jusqu’en 2030 par la Commission européenne. Il n’est pas prévu de la ‘substituer’. Elle ne fait pas partie des pesticides dont la distance non compressible des habitations devrait être de 20 m (selon la liste publiée par le Ministère). 2,4-D fait partie des substances identifiées par le rapport IGAS comme préoccupantes et prioritaires (groupe D) mais ne présentant pas de critère d’exclusion (ANSES 20220 page 21). L’ANSES (avril 2020) classe le 2,4-D comme substance préoccupante car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Les autres dangers semblent ne pas tant compter. L’ANSES écrit : « D’après l’évaluation européenne (review report, 2015), il est notamment rapporté que les états membres doivent accorder une attention particulière au risque consommateur lié aux résidus de 2,4-D et de son métabolite 2,4-DCP dans le cas d’utilisations dépassant les 750 g de substance active par hectare. » Les mesures de pesticides dans l’air ont identifié la présence de 2,4-D sur l’ensemble des sites du Grand Est. Dans le 67120 de 2018/2017 il y a une légère diminution des achats de 58 kg à 51 kg. L’immense majorité des produits à base de 2,4-D ont été retirés en France, mais les désherbants pour gazon et anti-liseron restent autorisés. Des dosages très élevés peuvent être épandus. L’approbation européenne renouvelée en 2016 dure jusqu’en 2030. Au vu des effets cancérigènes, reprotoxiques, neurotoxiques, perturbation endocrinienne… son approbation européenne jusqu’en 2030 est incompréhensible. Tous ces effets chroniques sur la santé ne figurent pas sur l’étiquetage obligatoire. Et l’avenir ? L’ANSES a répondu à nos interrogations : Lorsque l’approbation d’une substance active est renouvelée au niveau européen, toutes les AMM des produits contenant cette substance active doivent être réexaminées. Le réexamen des produits à base de 2,4-D est en cours en France et il serait prématuré, à ce stade, de communiquer ce que pourraient être les conclusions de l’évaluation de la conformité aux principes uniformes, pour les produits concernés. ANSES avril 2020 : Seuls les usages respectant les principes uniformes (Règlement (UE) n°546/2011) seront maintenus, avec pour conséquence une actualisation des conditions d’emploi. Pour l’aclonifen (CHALLENGE 600) la situation peut paraître plus convergente, mais seulement en partie. En Europe il est affiché carcinogène 2 (susceptible de provoquer le cancer) et candidat à la substitution en raison de deux critères PBT. Il n’est pas autorisé au Royaume-Uni et sans doute pas non plus au Canada, puisqu’il ne figure pas dans la base de données SAGE. Selon PPDB il est possible qu’il soit toxique pour la reproduction/développement, et pour les reins ; l’utilisateur n’est pas informé. Pourtant en France il est utilisé en maraîchage, le délai traitement-récolte est de 70 à 90 jours, mais 0 jour pour les légumineuses sèches, tournesols, graines protéagineuses. Dans le 67120 de 2018/2017 les achats ont plus que doublé, de 240 à 492 kg. 19 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 L’alpha-cypermethrine (MAGEOS MD) ne devrait pas figurer dans cette liste, parce qu’elle a été peu utilisée dans le secteur (2 kg) mais c’est une substance largement utilisée dans le monde. Ce qui interpelle c’est que l’alpha-cyperméthrine – produit volatile et sérieux polluant de l’eau - est candidate à substitution, alors qu’il n’en est pas question pour la cypermethrine qui est pourtant très proche, qui est un sérieux polluant marin, qui se retrouve en nappe phréatique et qui tend à bioaccumuler, et qui présente à peu de nuances près le même profil d’impacts sur la santé humaine (et même tout à fait la même si on regarde la base PPDB). Ce cas illustre la stratégie de l’industrie de modifier des détails sur une molécule. En Europe alpha-cypermethrine est CFS en raison de faibles seuils de sécurité. Elle est classée pour sa toxicité aigüe et aquatique, et des effets sur les organes après exposition unique (voies respiratoires) ou exposition répétée (système nerveux périphérique) (fiche de sécurité BASF). Pour PPDB c’est possiblement un carcinogène, un perturbateur endocrinien, un neurotoxique et un toxique certain pour la reproduction/développement. C’est selon US-EPA qu’il s’agit un carcinogène humain possible. Tous ces effets ne sont pas portés à connaissance des utilisateurs. Dans le 67120 de 2018/2017 cette substance a disparu. L’ametoctradin ( = metiram = ENERVIN) n’est pas classifié en Europe, et selon SAGE ses effets à long terme sont faibles. PPDB envisage un éventuel effet toxique sur la reproduction/développement. Dans le 67120 de 2018/2017 les achats de cette substance ont légèrement diminué, de 137,4 à 112,5 kg. Quant à l’Azoxystrobin ( + cyproconazole = ZAKEO XTRA), l’Europe le classe pour sa toxicité aigüe et aquatique. Il est hépatotoxique. Il a aussi des effets « mineurs » (selon PPDB) sur la reproduction/développement. SAGE estime que les effets à long terme sont faibles. Des effets mineurs sur le développement chez le rat (ex. retard de l'ossification) ont été notés à des doses toxiques maternelles seulement. Dans le 67120 de 2018/2017 les achats ont légèrement augmenté, de 83,5 à 91 kg. Les deux substances précédentes montrent que même des effets évalués comme étant faibles ou « mineurs » laissent encore quelques inquiétudes. Quant au benoxacor, il s’agit d’un phytoprotecteur. EU database dit « not in the scope Dir. 91/414/EEC (not a plant protection product) » Aussi, nous lisons ailleurs9 : Les effets environnementaux des phytoprotecteurs, produits agrochimiques qui protègent les cultures des effets toxiques des herbicides, sont largement inconnus, parce qu’ils sont classés comme ingrédients inertes. 9 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28370367 Abstract : The environmental effects of safeners, agrochemicals that protect crops from herbicide toxicity, are largely unknown, perhaps because they are classified as inert ingredients. … These results suggest that benoxacor presents a low toxicity risk to C. riparius in environmental systems; however, the possibility of synergistic effects between benoxacor and S-metolachlor merits further investigation. Environ Toxicol Chem 2017;36:2660-2670. 20 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le benoxacor stimulerait le métabolisme du S-Metolachlore, substance redoutable10. Il existe des variétés de maïs tolérant au S-Metolachlore. L’objectif étant visiblement de vendre et la variété et le désherbant (il n’y pas besoin d’OGM pour une telle logique). Les achats 67120 2018/2017 ont légèrement augmenté, de 52,8 à 61,3 kg. Le benzovinduflupyr ( + prothioconazole = ELATUS ERA) est en Europe candidat à substitution (2 critères PBT) ; sa toxicité aigüe et son danger pour les milieux aquatiques sont signalés. ELATUS ERA est affiché comme susceptible de nuire au fœtus : en raison de laquelle de ses deux substances ? Le prothioconazole est en effet suspect, et le benzovindiflupyr est considéré comme « possiblement » toxique pour la reproduction/développement dans la base PPDB, alors que la base canadienne SAGE réfute une telle toxicité. Par contre, le Canada et US EPA retiennent la substance comme cancérigène possible chez l’humain, ce dont l’Europe ne dit mot non plus. D’ailleurs la formulation est exemplaire de la subtilité de la toxicologie : au vu d’adénomes folliculaires de la thyroïde chez les rats mâles, des études plus étendues ont donné lieu à une incapacité à démontrer de manière concluante que les tumeurs de la thyroïde ne sont pas pertinentes pour l'évaluation des risques pour la santé humaine. L'absence d'effets endocriniens n'a pu être démontrée. Par ailleurs, selon SAGE, il y a des signes cliniques de neurotoxicité chez l’animal, mais pas de neurohistopathologie soutenant des effets neurologiques ; la conclusion de SAGE est que le benzovindiflupyr ne cause pas de neurotoxicité sélective. Au vu de ces doutes, les différentes cases d’effets cancérigènes, sur la reproduction et neurotoxiques sont cochées, ainsi que les effets sur le foie (PPDB). Le benzvinduflupyr a le mode d’action d’un fongicide SDHI. La fiche de sécurité du ELATUS ERA (version 1.1 du 26.10.2017) par Syngenta dit : à propos de la cancérogénicité : Les éléments de preuve apportés ne permettent pas le classement comme cancérogène. Il a été signalé que cette substance provoquait des tumeurs chez certaines espèces animales. Il n'y a aucune évidence que ces observations soient pertinentes pour l'homme. Quant à la toxicité à dose répétée : Aucun effet indésirable n'a été observé dans les tests de toxicité chronique. Pourtant SAGE estime que les effets à long terme sont élevés. Il est peu acheté et a encore baissé, de 1,88 à 1,13 kg. Le bixafen ( = prothioconazole = AVIATOR X PRO) n’est pas classifié en UE. Contrairement au classement de l’UE, le classement en France inclut que le produit est susceptible de nuire au fœtus (H361d). Ce serait une décision de l’AMM nationale, qui améliore l’information des utilisateurs tout en permettant l’usage. Cette décision semble toutefois liée au prothioconazole (voir benzovinduflupyr ci-dessus). En effet, la toxicité pour développement ne figure pas dans les phrases de risque du seul produit fongicide qui contient le bixafen seul sans l’associer à d’autre/s fongicide/s redoutable/s (il s’agit du THORE, selon base ephy). 10 https://www.degruyter.com/view/j/znc.1991.46.issue-9-10/znc-1991-9-1020/znc-1991-9-1020.xml 21 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Or la toxicité pour la reproduction/développement est affirmée par la base PPDB. La toxicité pour le foie et les reins est possible (PPDB). La base de données SAGE ne contient pas cette substance ; elle n’est probablement pas autorisée au Canada. Une étude OMS traite surtout d’effets hémorragiques qui pourraient être masqués par un excès de vitamine K dans l’alimentation. Le bixafen fait partie des fongicides à action SDHI, qui soulèvent de graves inquiétudes. L’information des utilisateurs est donc une fois de plus incomplète. Quant à la fiche de sécurité de l’AVIATOR par Bayer, elle est obligée d’inclure la phrase de danger pour le fœtus de par l’AMM. Toutefois, dans les données toxicologiques de cette même fiche, l’effet sur le développement est évacué : Evaluation de la toxicité pour le développement Bixafen : Cette substance n'a pas provoqué de toxicité développementale chez le rat et le lapin. Prothioconazole : Cette substance a provoqué des effets toxiques sur le développement seulement à des doses produisant une toxicité systémique chez les mères. Les effets sur le développement observés avec Prothioconazole sont liés à la toxicité maternelle. Ce n’est apparemment pas l’avis de l’ANSES. L’ANSES classe le bixafen comme préoccupant car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Il est peu acheté, les achats étaient stables à 1,675 kg. Le boscalid ( + pyraclostrobin = SIGNUM) ( ) approuvé en 2008 en Europe, n’a aucune classification. Ses organes cibles sont le foie et la thyroïde : augmentation T3 et T4, baisse TSH. Comment nier qu’il y a là des effets endocriniens ? Quant à la perturbation endocrinienne, les données seraient pourtant insuffisantes selon SAGE. En ce qui concerne les adénomes générés au niveau des cellues des vésicules thyroïdiennes, le boscalid reste classé cancérigène possible chez l’humain par US-EPA mais pas par la Commission européenne. L’effet sur les hormones thyroïdiennes chez le rat serait dû à l’induction d’enzymes hépatiques, effets non notés chez le chien et la souris. Il ne serait pas clair si ce mécanisme est applicable chez l’humain. Par ailleurs le boscalid fait partie des fongicides SDHI (succinate dehydrogenase inhibitor) bloquant la respiration des cellules, du champignon à l’humain, ce qui est un mécanisme d’action redoutable. PPDB retient aussi l’effet toxique sur le foie. Au vu de telles évaluations quelque peu tumultueuses, la fiche de sécurité du SIGNUM de BASF (version 7.0 mise à jour 2012) montre une argumentation habituelle permettant d’évacuer les risques. Pour commencer, elle mentionne uniquement les phrases de danger de l’effet aquatique, même pas l’irritation de la peau retenue par l’UE pour le pyraclostrobin. Cela se corse ensuite: Evaluation du caractère cancérogène: La substance a provoqué des tumeurs de la thyroïde lors d’études à long terme sur les rats. L'effet est causé par un mécanisme spécifique chez l'animal qui n'a pas d'équivalent chez l'homme. Dans les études à long terme réalisées avec des souris par administration avec les aliments, la substance n'a pas eu d'effet cancérigène. Evaluation du caractère tératogène: Le produit n'a pas été testé. L'indication est déduite des propriétés des différents constituants. Les tests sur animaux réalisés avec des quantités qui ne sont pas toxiques pour les animaux adultes ne donnent pas d'indice pour un effet toxique pour les embryons. 22 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 En tout cas, PPDB comme SAGE, donnent nettement plus de poids au doute. PPDB estime possible non seulement l’effet cancérigène mais aussi un effet toxique sur la reproduction/développement. Quant à l’effet de perturbation endocrinienne, il ne figure de toute manière jamais dans les fiches de sécurité. L’ANSES (avril 2020) classe le boscalid en substance préoccupante car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Les achats ont légèrement baissé de 18,18 kg à 16,52 kg. Le bromoxynil (+ tembotrione = AUXO) est classé selon EU database avec deux types de toxicité aigue, la sensibilisation par la peau, la toxicité aquatique, et il est considéré reprotoxique Repro2 (H361Rd) étant donné qu’il est toxique pour le développement des fœtus chez plusieurs espèces animales. Selon SAGE il est aussi cancérogène possible chez l’humain (adénomes et carcinomes du foie chez la souris) ; ce n’est pas signalé dans les phrases de danger ni dans la fiche de sécurité. Il pourrait y avoir des effets endocriniens chez le chien, le rat, les oiseaux, poissons et invertébrés aquatiques. PPDB le classe perturbateur endocrinien certain, mais il ne figure pas dans la liste des pesticides susceptibles d’être perturbateurs endocriniens du Ministère de l’agriculture, ni dans la liste des substances soumises à substitution. Il peut être toxique pour le foie et la thyroïde. L’ANSES (avril 2020) classe le bromoxynil substance préoccupante, car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. La reprotoxicité n’est pas mentionnée, étant de type ‘2’. Les achats sont restés stables à 73,36 kg. Le carboxin (+ thiram = VITAVAX EXTRA, retiré en janvier 2019) est approuvé en Europe et autorisé dans 8 Etats membres. Il n’est pas classifié. Cependant selon l’ECHA il est très toxique pour les milieux aquatiques, dangereux si avalé, peut avoir un effet sur les organes en cas d’exposition répétée ou prolongée, et peut causer des allergies. En France selon la base ephy, plus aucun produit le contenant n’est autorisé en date de février 2020. La substance n’est pas classifiée, et considérée d’une toxicité limitée, cependant un test de mutation génomique est ambigu et une toxicité sur la reproduction/développement reste possible selon PPDB. Il manquerait des données sur la perturbation endocrinienne et la neurotoxicité. Les reins pourraient être touchés. Le gros problème est son mode d’action par inhibition de la succinate déshydrogénase (SDHI). Au niveau du produit VITAVAX EXTRA et similaires, c’est l’autre composante, le thiram, qui est toxique au point de ne pas avoir été renouvelé en 2019. Le carboxin n’est pas répertorié dans la base SAGE. L’ANSES (avril 2020) classe le carboxin comme préoccupant car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Les achats ont augmenté à un niveau assez faible, de 4,95 à 11 kg. Chlormequat ( + mepiquat = CYTER) est un régulateur de croissance ; il est classé par l’UE uniquement pour sa toxicité aigüe qui peut d’ailleurs donner lieu des intoxications volontaires redoutables. Toutefois la lecture de la littérature invite à rajouter, pour une information 23 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 transparente, qu’il y a eu des effets sur le développement : PPDB est affirmatif, SAGE les mentionne mais les évacue comme « peu préoccupants ». Les deux bases évoquent une neurotoxicité. Les achats sont passés de 67 kg en 2017 à zéro en 2018. Le Chlorothalonil ( + propiconazole + cyproconazole = CHLORAZOLE) (idem CHEROKEE) n’est plus approuvé en Europe ; il n’a pas été renouvelé en 2019. Il est classé pour diverses toxicités aigues et pour sa toxicité aquatique, et, surtout, il est Carc2–H351. Mais en plus d’être carcinogène, selon PPDB (mais pas selon SAGE), l’effet sur la reproduction/développement est démontré, et les effets endocriniens sont possibles (activation de la prolifération de cellules sensibles aux androgènes). Le retrait de l’approbation supprime, à la louche, une centaine (!) de produits – sauf deux qui étaient toujours autorisés en mars selon ephy (des mélanges de trois fongicides dont le chlorothanil. Il s’agit de ADEXAR+BRAVO (autorisé 2016) et LIBRAX+BRAVO (autorisé 2017). Mais en avril, tous les produits sont retirés. L’ANSES classe le chlorothalonil comme préoccupant car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. La carcinogénicité ne compte pas pour le classement ‘préoccupant prioritaire’, étant donné qu’elle est de type ‘2’. Les achats ont baissé de 53,4 à 44,8 kg. Le retrait n’a pas vraiment été anticipé. Le clomazone (+ napropamid + dimethachlore = COLZOR TRIO) n’est pas classifié en UE. Sur ephy est uniquement signalé son danger pour les milieux aquatiques. Alors que PPDB affirme clairement la toxicité au niveau reproduction/développement, SAGE fait sienne la conclusion que quelques anomalies observées ne seraient pas liées au traitement, estimant que les effets suggérés sur le développement n’étaient pas sévères, en tout cas pas plus que les effets maternels. Il y a consensus sur l’hépatotoxicité. Les achats ont légèrement baissé de 24,2 à 18,9 kg. Le clopyralid ( + fluroxypyr + MCPA = BOFIX) semble être une substance plutôt rassurante sauf pour la peau et les yeux (classifié uniquement pour les effets sur les yeux), bien que toxique pour le foie et les reins. Quant aux effets sur le développement goûtez le détail : « chez les lapins on notait une baisse de poids corporel et de l'hydrocéphalie mais à une dose très toxique causant de la mortalité chez les mères » (SAGE), donc, cet effet n’est pas retenu. PPDB a quand même mis un point d’interrogation sur la toxicité pour la reproduction/développement. Les achats ont augmenté à un faible niveau, de 1,54 à 5,38 kg pour le clopyralid et baissé de 3,54 kg à zéro pour le forme de sel de monoethanolamine. Le cloquintocet-mexyl (+ pinoxaden + florasulam = AXIAL ONE) est considéré comme phytoprotecteur, c’est-à-dire il sécurise l’emploi des herbicides en accélérant leur détoxification. Il n’est pas considéré comme préoccupant. Il est utilisé mais pas encore évalué dans l’UE. Il s’agit donc d’un auxiliaire pour la vente de désherbants. Il passe de 2,25 à 1,86 kg. 24 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Un cas très particulier sont les copper compounds (nombreux produits, souvent en association avec un fongicide de synthèse) qui correspondent à différentes formes de cuivre, une substance qui est beaucoup utilisée en agriculture biologique (tomates, pommes de terre…). La viticulture biologique en dépend. En contradiction apparente avec l’usage ‘bio’, au niveau européen, les copper compounds sont candidats à substitution (CSF) pour raison de deux critères PBT. Il est donc utile d’essayer de comprendre comment une substance bio non classée devient CSF. L’EFSA leur reproche un risque pour les opérateurs, un risque pour les consommateurs, une toxicité pour la faune sauvage, pour les microorganismes du sol et pour les organismes aquatiques. L’approbation du cuivre est finalement renouvelée en décembre 2018 en limitant l’usage à un maximum de 28 kg/ha sur 7 ans. En effet, les besoins dépendent fortement des conditions météorologiques. Dans certaines régions les viticulteurs bio restent bien en-dessous de cette limite, et ils s’y appliquent (environ 2 kg/ha). Quelle est la spécificité du cuivre comparé aux fongicides de synthèse ? D’abord, le cuivre est un fongicide de contact, alors que les fongicides de synthèse sont systémiques, c’est-à-dire ils entrent dans la plante et se trouvent dans toutes ses composantes, y compris dans le produit récolté. En tant qu’oligoélément le cuivre est indispensable aux organismes humains. Il est impliqué dans des enzymes, dans la transcription des gènes, dans l’immunité. S’il est en excès, il a la toxicité d’un métal lourd. A noter que le cuivre est un additif alimentaire en élevage intensif de monogastriques qui modifie la flore intestinale avec l’effet d’un stimulateur de croissance, utilisé en remplacement d’antibiotiques. L’excès de cuivre dans les lisiers de porc conduit aussi à une accumulation dans les sols au fil des décennies. Le cuivre dans l’alimentation animale a été restreint au niveau européen. Ces quelques éléments visent à mettre dans de justes proportions les accusations contre le cuivre ‘bio’ que nombre d’agriculteurs conventionnels disent être plus dangereux que les pesticides de synthèse. La base SAGE se permet la boutade que la principale inquiétude concernant les effets sur la reproduction ou développementaux est qu'ils sont habituellement associés avec une déficience de l'élément plutôt qu'à un excès. A l’opposé, PPDB considère un effet sur reproduction/développement comme possible. L’empoisonnement potentiel par ce métal lourd peut provenir de diverses sources, telles les tuyauteries d’eau potable. Et encore une curiosité : la co-administration de cuivre sous forme d'acétate et d'un cancérogène hépatique connu (pdiméthylaminobenzène) pendant 19 mois chez le rat diminue l'incidence et la survenue de tumeurs hépatiques (fiche toxicologique INERIS). Par ailleurs, le cuivre irrite la peau et les yeux. Selon l’INRS les tests de génotoxicité n’ont pas été faits selon les bonnes pratiques pour les dérivés du cuivre, un potentiel génotoxique par inhalation ne peut être exclu, mais la présence potentielle d’impuretés pourrait être en cause . En conclusion, si, par acquis de conscience, vu les risques que l’EFSA reproche au cuivre, les cases de répro- et géno-toxicité ont été cochées, ces effets sont à prendre avec esprit critique. Toujours est-il qu’il est très important de réduire les quantités de cuivre épandues, et l’agriculture biologique s’y applique. La toxicité pour les microorganismes des sols est très préoccupante. Sur le site de ephy, de très nombreux produits à base de cuivre (peut-être associés à d’autres substances) sont supprimés, une trentaine sont encore valables. La question a été posée à l’ANSES pourquoi ? Voici la réponse de l’ANSES : Lorsque l’approbation d’une substance active est renouvelée au niveau européen, toutes les AMM des produits contenant cette substance active doivent être réexaminées au regard des 25 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 nouveaux critères d’approbation. En conséquence, tous les titulaires d’AMM en France de produits phytopharmaceutiques contenant du cuivre ont dû soumettre, trois mois après la date du renouvellement de l’approbation des composés du cuivre, des dossiers de demande de renouvellement d’AMM. Certains titulaires d’AMM ont fait le choix de ne pas déposer des demandes de renouvellement pour certains produits. La conséquence, pour ces produits pour lesquels aucune demande de renouvellement d’AMM n’a été soumise, est que l’Anses prononce des décisions d’arrivée à échéance des AMM, ce qui conduit à leur disparition du marché. De 2017 à 2018 les achats de cuivre passent de 1680 kg à 1635 kg. Le cyazofamid ( + disodium phosphonate = MILDICUT) est classé en UE uniquement pour sa toxicité aquatique. SAGE et PPDB ont une suspicion quant à un effet sur le développement. Globalement cette substance semble moins toxique que beaucoup d’autres. Toutefois elle a un potentiel de bioaccumulation (PPDB). Les achats passent de 80,3 à 99,7 kg. Le cyflufenamid ( + difenoconazole = DYNALI) n’est pas classifié en UE. La fiche de sécurité annonce la toxicité aquatique. Mais US-EPA reconnait des raisons pour suggérer un possible effet cancérigène pour l’humain. La base SAGE canadienne ne comporte pas la substance. Selon PPDB elle est toxique pour le foie et les reins. Les achats passent de 5,94 à 6,49 kg. Le cymoxanil ( + copper compounds = RISSE) ( + metiram = AVISO DF) ( = copper compounds = RISSE) ( + folpel + fosetyl = VALIANT FLASH)( + copper compounds = SELVA)(souvent associé au cuivre ou à d’autres fongicides, parfois seul) est classifié en UE pour sa toxicité aigüe en cas d’ingestion, la sensibilisation au niveau de la peau, un effet sur les organes (sans dire lesquels) et il est reconnu reprotoxique (Repr2-H361fd) c’est-à-dire il y a des effets suspectés sur la fertilité et le développement. En plus, et sans que cela ne soit signalé dans les phrases de risque, le cymoxanil a des effets de perturbateur endocrinien et des effets neurotoxiques (SAGE). La sévère irritation des yeux est signalée ; au-delà, une atrophie de la rétine apparaît après exposition à long terme de rats. L’ANSES classe le cymoxanil comme perturbateur endocrinien. Les achats augmentent légèrement de 63,11 à 65,33 kg. Pour la cypermethrine (BELEM 0,8 MG) l’EU database se contente de classifier la toxicité aigüe et aquatique. La base SAGE considère pourtant que les effets à long terme sont élevés. La substance est considérée cancérigène possible chez l’homme (selon US-EPA) et neurotoxique. Selon PPDB il est peut-être carcinogène, perturbateur endocrinien (effet œstrogénique), toxique pour reproduction/développement, neurotoxique. L’INSERM (2013) détaille les effets des peréthrynoïdes de synthèse sur le cerveau. Il irrite les yeux et les voies respiratoires. 26 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Aucune phrase de danger n’évoque ces risques. Sur la fiche de sécurité de BELEM 0,8 MG la seule mention de danger est la toxicité aquatique. En même temps, l’alpha-cypermethrine, pourtant très proche, est candidate à substitution. Notons que la cypermethrine, substance de loin pas anodine, est un sérieux polluant marin, qu’elle se retrouve en nappe phréatique et qu’elle tend à bio-accumuler. La cypermethrine est un insecticide (entre autres très toxique pour les abeilles). Mais comme pour la tefluthrine il n’y a aucune zone de distance (ZNT, zone non traitée) pour protéger les arthropodes sur des parcelles voisines. L’ANSES (avril 2020) classe la cypermethrine comme préoccupante, car perturbateur endocrinien catégorie I option 3. Les achats augmentent légèrement de 33,56 à 38,3 kg. Le cyproconazole (+ azoxystrobin = ZAKEO XTRA) est pour l’UE candidat à la substitution, en raison de 2 critères PBT. Il est classifié pour la toxicité aigüe, les effets à long terme sur des organes (sans qu’on sache lesquels), pour la toxicité aquatique, et, le plus important, l’effet reprotoxique (R1BH360D). Les effets cancérogènes probables chez l’homme (classé 2B par US-EPA) n’y figurent pas, ni les effets endocriniens (PPDB), ni la toxicité pour le foie. Le cyproconazole ne figure pas dans la base SAGE ; on peut supposer qu’il n’est pas autorisé au Canada. La fiche ephy et la fiche technique du fabricant donnent un délai de rentrée dans la parcelle après traitement (DAR) de 48h, délai qui dans la fiche Arvalis (institut technique des céréales, principal conseiller technique) est rétréci à seulement 6 h. Les deux substances du ZAKEO XTRA comportent chacune un risque pour le fœtus, le risque est donc en ’cocktail’, sans que cela ne soit dit. L’ANSES (avril 2020) classe le cyproconazole comme préoccupant, car Repro1B et perturbateur endocrinien catégorie I option 3. Les achats sont stables, de 16,45 à 17 kg. Le cyprodinil ( + fludioxonil = SWITCH) est volatile et peut bioaccumuler. L’UE le classe seulement pour ses effets sur la peau et sur les milieux aquatiques. Il est CFS pour raison de 2 critères PBT. Malgré un doute sur les effets sur la reproduction/développement signalé par PPDB et SAGE, il est considéré sans soucis sérieux quant à la santé humaine. Les achats diminuent légèrement de 63 kg à 57 kg. Cet exemple montre (comme tant d’autres) que les risques jouent sur de nombreuses facettes. Ici, la santé humaine n’est pas à l’avant-plan (et encore, tout n’est pas rassurant). D’autres critères pèsent lourd : volatilité, bioaccumulation, toxicité aquatique. La substance est classée CFS, et l’Europe devrait si possible s’en débarrasser. 27 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le cyprosulfamide ( + thiencarbazone-méthyl + Isofluxatole = ADENGO) est un phytoprotecteur, encore est-il que ce terme est un euphémisme, puisqu’il s’agit en premier lieu de protéger l’usage de l’herbicide grâce à un herbicide safener qui en accélère la détoxification. Nul besoin d’OGM pour commercialiser des outils qui permettent de vendre des pesticides (toxiques) ! Tout en bénéficiant d’une aura anodine, cette substance protectrice est toxique pour le système urinaire (PPDB). Il augmente légèrement de 21,23 à 26,73 kg. Le dicamba ( + prosulfuron = CASPER) a selon EU database une toxicité aigüe, est dommageable pour les yeux et dangereux pour les milieux aquatiques. Curieusement, le registre ephy et la fiche de sécurité de Syngenta reprennent dans les éléments d’étiquetage uniquement la toxicité aquatique. Selon les données toxicologiques de cette fiche il n’y aurait pas d’irritation de la peau ni des yeux (lapin) pour le produit alors qu’il y a irritation des yeux pour le dicamba seul. Interrogée sur ces incongruités, l’ANSES a répondu que pour le classement des produits, elle s’appuie également sur des études sur le produit ce qui peut conduire à un classement différent entre celui de la substance et du produit la contenant. Le SAGE canadien dit que la substance est hépatotoxique et neurotoxique à doses élevées. Selon PPDB la toxicité sur la reproduction/développement est possible. Selon l’INSERM (2013) le dicamba et produit commercial aux doses de 200 μg/ml induisent une génotoxicité dans les lymphocytes humains en culture11. – Quant aux lymphomes non hodgkiniens, l’INSERM voit un risque légèrement accru par l’exposition à la famille des phénoxy herbicides dont dicamba et 2,4-D font partie. L’ANSES (2020) inclut le dicamba dans sa liste de substances préoccupantes, car perturbateur endocrinien catégorie II option 3 (selon impact assessment 2016). Il s’agit donc d’un effet connu, mais l’utilisateur n’en est pas informé. Le prosulfuron, associé dans le CASPER, est aussi neurotoxique, donc nous avons une association de deux substances neurotoxiques. Les achats de dicamba ont augmenté nettement de 237,7 kg à 286 kg. Le difenoconazole ( + Azoxystrobin = AMISTAR TOP) ( + cyflufenamid = DYNALI) ( + mandipropamid = REVUS TOP) ( + fenpropidine = SPYRALE) n’est pas classifié en UE, mais il est candidat à substitution pour raison de 2 critères PBT. Il est toxique pour le foie, le cœur, la thyroïde et les reins. SAGE considère les effets sur la santé à long terme comme élevés. Les effets sur le foie sont importants. Il cause des tumeurs du foie selon un mécanisme mitogène non génotoxique (souris). C’est un possible carcinogène humain selon US-EPA. Ce danger n’est pas communiqué en Europe. Alors qu’il est non génotoxique selon SAGE, la base PPDB fait tout de même état de résultats ambigus concernant des aberrations chromosomiques. De même, PPDB considère que des effets sur la reproduction/développement sont possibles. Curieusement REVUS TOP est classé H373 sur ephy ce qui signifie Risque présumé d'effets graves pour les organes à la suite d'expositions répétées ou d'une exposition prolongée (sans dire quels 11 INSERM page 729 d’après Filkowski et coll., 2003 28 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 organes alors qu’il faudrait le dire). Or la fiche de sécurité de Syngenta, datant de 2017, nie la toxicité à dose répétée pour les deux substances : Aucun effet indésirable n'a été observé dans les tests de toxicité chronique. EU database ne connaît pas d’effet H373, ni pour difenoconazole ni pour mandipropamid. Entre 2017 et 2018 les achats augmentent nettement de 74,4 kg à 105 kg. Le dimethachlor ( + napropamid + clomazone = COLZOR TRIO) est classé en UE pour sa toxicité aigüe, la sensibilisation pour la peau, et la haute toxicité aquatique. La fiche toxicologique de ce produit seul (vu pour TEROX de Syngenta) s’en tient à cela. Mais la base PPDB considère qu’il est en plus carcinogène possible et affirmativement toxique pour la reproduction/développement. Pourquoi la substance ne se trouve-t-elle pas dans la base canadienne SAGE ? Serait-elle non approuvée en raison de ses dangers ? ANSES (2020) nous apprend que le risque de contamination des eaux souterraines par les métabolites du diméthachlore est identifié comme un point critique dans le rapport d’évaluation européen de cette substance active (Review Report 2010). Les achats diminuent légèrement de 53,4 kg à 49,7 kg. Le dimethenamid-P (ISARD) est classifié en UE pour sa toxicité aigue, la sensibilisation au niveau de la peau et la toxicité aquatique. La base PPDB le considère comme peut-être carcinogène et toxique pour la reproduction/développement. En effet, l’US-EPA le classe comme cancérogène possible. Quant aux effets sur le développement, ils sont apparus à des doses toxiques maternelles, ce qui est pour SAGE un argument (habituel) pour ne pas les prendre en compte. Il n’est pas considéré comme étant génotoxique, malgré un résultat équivoque. Il est toxique pour le foie, la principale cible. Après leur avoir administré de la diméthénamide durant deux ans, les rats ont également montré des signes d’hyperplasie dans la glande parathyroïde et le canal cholédoque. SAGE conclut à des effets à long terme élevés. Dimethenamid-P 2,4-D fait partie des substances identifiées par le rapport IGAS comme préoccupantes et prioritaires (groupe D) mais ne présentant pas de critère d’exclusion. ANSES (2020) nous apprend que le risque de contamination des eaux souterraines par les métabolites du diméthénamid-P est identifié comme un point critique dans le rapport d’évaluation européen de cette substance active (Review Report 2003). De 2017 à 2018 les achats ont massivement augmenté de 288 kg à 457,9 kg. Nous avons ici un cas assez représentatif : l’Europe reconnaît une toxicité aigüe ainsi qu’une toxicité inquiétante pour les milieux aquatiques, mais ne communique pas sur les dangers pour la santé à long terme, alors que d’autres affirment qu’ils sont élevés. Est-ce qu’une meilleure information aurait pu prévenir l’augmentation massive des ventes ? Le dimethomorph ( + pyraclostrobin = OPTIMO Tech) ( + mancozeb = ACROBAT M DG) ( + folpel = PANTHEOS) ( + mancozèbe = ACROBAT M DG) ( + folpet = PANTHEOS) est uniquement classifié pour le danger aquatique selon EU database. Quant à la génotoxicité il y a selon PPDB des résultats 29 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 mixtes (aberrations chromosomiques), et l’effet reproduction/développement est considéré possible par PPDB. SAGE conclut que les effets à long terme sont faibles. A dose élevée la substance affecte le foie et la prostate du chien. L’ANSES (avril 2020) considère le dimethomorph comme préoccupant car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Les achats ont augmenté de 117,5 kg à 134,7 kg. La dimoxystrobine ( + epoxiconazole = SWING GOLD) est classé carcinogène (carc2) et reprotoxique (Repr2 H361d) en UE. Comme il ne figure pas dans SAGE on peut supposer qu’elle n’est pas autorisé au Canada. En Europe elle est candidate à substitution. Le SWING GOLD est retiré depuis juillet 2019, de même le produit similaire PRACTICE. Le retrait est sans doute lié à la 2ème substance, l’epoxiconazole, aussi hautement toxique et en cours d’exclusion (qui ne figure pas non plus chez SAGE). En effet, plusieurs autres produits toujours autorisés contiennent du dimoxystrobin, en général en association avec le boscalid (qui ne manque pas non plus de toxicité). Selon ANSES 2020 L’EFSA a organisé la procédure de consultation publique du rapport d’évaluation de l’Etat membre rapporteur de la dimoxystrobine début 2019. En parallèle, l’ECHA a également ouvert en 2019 une consultation publique sur la proposition de révision du classement de cette substance active. Les achats ont nettement diminué de 30,6 kg à 11,3 kg. Le disodium phosphonate ( + cyazofamide = MILDICUT) est une substance de biocontrôle stimulatrice des défenses naturelles et il est peu probable que des effets toxiques apparaissent. Le diquat dibromure (REGLONE) n’est plus approuvé en UE. Il était candidat à substitution pour raison de toxicité aigüe et 2 critères PBT, et classé aussi pour sa toxicité aquatique et des effets sur les organes (lesquels ?) lors d’exposition prolongée ou répétée (STOT-RE1). Il a été retiré le 4.5.2019 et l’usage interdit sous 8 mois. 12 produits similaires ont été retirés à la même date. Il impacte le foie, les reins, l’estomac, les intestins. La toxicité aigüe est très élevée. Inhalé, il est mortel. Mais il est réputé ni CMR ni neurotoxique (PPDB). Cet herbicide était utilisé comme dessicant de pommes de terre et betteraves. Il est très persistant dans les sols avec une demi-vie de 2345 jours (SAGE). En 2017 les achats étaient encore de 102 kg, et ils n’ont que légèrement baissé en 2018 avec 92 kg. Cet exemple montre l’éventail des dangers pouvant conduire au retrait d’une substance autorisée. De toute évidence, les instances expertes qui autorisent ont beaucoup à apprendre du passé. Un énorme travail de révision et de mise à jour reste à faire, avec plus de lucidité. Malheureusement, en suivant les procédures, cela prendra de longues années. 30 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Emamectine (AFFIRM) semble être un insecticide très utilisé (p.ex. enTurquie), entre autres sur des arbres. Il est d’origine naturelle (bactéries du sol). Il n’est pas classifié en UE et n’a pas de phrase de risque autre que pour les milieux aquatiques et la prudence générale. La base de données PPDB nie l’effet inhibiteur d’acétylcholinestérase, alors qu’une étude turque affirme la baisse de l’acétylcholinesterase dans le cerveau d’un poisson. Le mode d’action serait (Syngenta) la paralysie mortelle du ravageur par une décontraction irréversible des muscles par flux d’ions chlore (interruption de la neurotransmission). Une expertise US-EPA conclut, concernant l’usage sur des arbres (noyers, pistachiers) que des oiseaux et mammifères qui se nourrissent dans l’herbe peuvent être impactés dans leur capacité de survie en raison de l’effet neurotoxique. Un produit de dégradation est quasiment aussi toxique que la substance, donc le risque est prolongé. Selon Syngenta, il est validé par la filière babyfood. Selon le rapport de l’ANSES12 (2010) il est neurotoxique. Les doses utilisées sont de l’ordre de 14 à 40 g/ha. L’ANSES considère tous les risques comme acceptables. Toutefois elle recommande des distances pour les arthropodes non cibles : les risques hors champ ont été évalués sur la base des dérives de pulvérisation. Les risques sont considérés comme acceptables pour les arthropodes non cibles sous réserve du respect d’une zone non traitée par rapport à la zone non cultivée adjacente de 20 m pour l’usage sur vigne et 50 m pour les usages en verger. L’autorisation comporte effectivement une ZNT arthropodes de 20 m. Les riverains humains apprécieront. L’emamectine n’est pas représentée dans la base SAGE, mais une molécule proche, l’abamectine (famille des avermectines), qui est toxique sur le système hématopoïétique, le système nerveux, et sur le développement. Son effet à long terme est estimé élevé. PPDB estime possible des effets sur la reproduction/développement et neurotoxiques (tremblements…). Les achats sont faibles et stables à 2,3 kg. L’epoxiconazole ( + fenpropimorphe = RESONANCE ou MONNAIE utilisé dans le secteur en faible quantité) ( + metconazole = OSIRIS) est approuvé en UE jusqu’en avril 2020 et sujet à exclusion pour raison de CMR. Il est en effet carcinogène 2 et réprotoxique 1B (H360Df), ainsi que perturbateur endocrinien. Il semble non autorisé au Canada. Selon EU database il est autorisé dans une vingtaine d’Etats membres de l’UE mais pas en France où, en effet, une cinquantaine de produits ont été retirés successivement et il n’en reste aucun en avril. La Commission européenne n’a pas retenu la demande de la France de procéder au réexamen de cette substance en cours d’approbation. Pour entraîner un réexamen, il faut un ‘élément scientifique nouveau’. Or le classement de la substance par l’agence européenne des produits chimiques (ECHA) au titre de sa dangerosité ne constitue pas en tant que tel un élément scientifique nouveau (d’après le rapport IGAS N°2017-124R page 40). Nous avons ici un cas exceptionnel où PPDB met un point d’interrogation derrière les effets carcinogène et réprotoxique, alors que EU database est affirmatif ; le plus souvent la situation est inverse. PPDB note encore l’effet toxique sur le foie. L’effet perturbateur endocrinien serait dû à l’inhibition de l’activité de l’enzyme aromatase donc une baisse de la production d’estrogène. 12 https://www.anses.fr/fr/system/files/phyto/evaluations/DPR2008ha0661.pdf 31 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 ANSES 2020 : En 2019, l’ANSES a retiré les AMM des produits à base d’époxiconazole. En effet, sur la base des critères de la nouvelle règlementation européenne sur les perturbateurs endocriniens, l’Anses a confirmé le caractère perturbateur endocrinien de cette substance. Les achats diminuent de moitié, de 38,1 à 17,3 kg. La multiplicité des substances et des produits rend la tâche de retrait des produits dangereux laborieuse et longue. Le fenpropidin ( + difenoconazole = SPYRALE) n’est, curieusement, pas classé sur la fiche de la EU database, alors que, au contraire, la fiche ephy de SPYRALE et la fiche de sécurité pour du fenpropidin par Syngenta (leur produit s’appelle MELTOP ONE et contient uniquement du fenpropidin, seule substance active, ou MELTOP 500 avec propiconazole) font état de classements pour toxicité aigüe, dommages sur les yeux et la peau, pour les milieux aquatiques. Ce sont les mentions de la fiche de la base de l’ECHA. Il se rajoute la toxicité spécifique pour des organes en l’occurrence la respiration pour ce qui est de l’exposition unique et le système nerveux central pour l’exposition répétée ; la mention de l’organe spécifique endommagé par l’exposition au produit (classement STOT) est faite sur la fiche de sécurité. Mais pas un mot du système nerveux central sur la fiche ephy ni sur la EU database. ANSES nous a confirmé que les organes affectés s’ils sont connus, doivent être indiqués. Mais ce n’est de toute évidence pas la pratique courante. Notons au passage, pour ne pas perdre le sens du concret, que la sévère irritation des yeux qu’ont subie les lapins est précisée dans la fiche toxicologique par « effets irréversibles sur les yeux » par les solvants/adjuvants. PPDB suit US-EPA pour considérer qu’il y a quelque preuve qu’il puisse être carcinogène. Le fenpropidin ne figure pas dans la base SAGE. Le difenoconazole n’est pas non plus classifié en UE, alors que sa toxicité est élevée. Les achats passent de 60 kg à 63,8 kg. En cas d’atteinte spécifique d’organes par exposition répétée ou de longue durée compliqué de trouver quel est l’organe concerné, alors que cela devrait être mentionné. il est Certains effets sont liés aux solvants/adjuvants. C’est par exemple le cas pour des lésions graves des yeux. Le fenpropimorph ( + epoxiconazole = RESONANCE ou MONNAIE) n’est plus approuvé en UE depuis fin juillet 2019. Il est classé réprotoxique (H361d), en plus de l’irritation de la peau et de la toxicité aigüe et aquatique. La base PPDB a particulièrement peu d’informations sur ses impacts sur la santé, et il semble non utilisé au Canada. Au moins deux produits le contenant étaient encore utilisés dans le secteur en 2017. Comme quoi il n’y a pas d’anticipation quant à l’éviction des produits dangereux. Les achats ont baissé de 38,8 kg à zéro en 2018, ce qui évoque une certaine anticipation. 32 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le florasulame ( + fluroxypyr = KART) semble relativement faiblement toxique. L’UE classe uniquement la toxicité aquatique. PPDB note les effets prédominants sur les reins, et des effets sur le foie et les surrénales (chien). SAGE confirme, mais relativise la gravité. Globalement, les effets à long terme seraient faibles. Les achats sont faibles et passent de 1,45 kg à 1,24 kg. Le fludioxonil ( + Cyprodinil = SWITCH) ( + difenoconazol + sedaxane = VIBRANCE GOLD) est selon EU database CSF (candidate for substitution) pour raison de 2 critères PBT, tout en n’ayant aucune classification en matière de dangers. Alors que la fiche de sécurité de SWITCH (Syngenta, version 4.3, date de révision 17/02/2020) qui présente les phrases de danger H317: Peut provoquer une allergie cutanée et H410 : Très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme, qui sont les phrases de danger liés au cyprodinil, affirme par ailleurs qu’aucune des deux substances n’est PBT. C’est incompréhensible. Ce n’est pas tout. Alors que le danger CMR est écarté par l’UE, la base PPDB universitaire est moins rassurante. Les effets cancérigène et toxiques sur la reproduction/développement sont estimés possibles (point d’interrogation), quant à la génotoxicité, deux types de résultats sont ambigus, et la substance est toxique pour le foie et les reins. La base canadienne SAGE rapporte aussi quelques doutes. Voilà comment ces doutes sont rejetés, pour conclure finalement à des « effets à long terme modérés » : « Des tumeurs hépatocellulaires ont été observés chez les rats femelles mais elles semblaient se situer à l'intérieur des limites historiques chez cet animal ». … « le fludioxonil de qualité technique a provoqué l’arrêt de la mitose dans les cellules de mammifères (CHO) in vitro à la fois en présence d’activation métabolique et en l’absence de celle-ci. En outre, le fludioxonil était associé à une inhibition de la réplication de l’ADN dans des cellules de lymphome de souris in vitro, et il a donné des résultats positifs au test du micronoyau in vivo sur hépatocytes de rat, mais uniquement en présence d’une stimulation mitogène (artificielle). » PPDB ne balaye pas les doutes sous le tapis. Les achats augmentent de 61,2 kg à 72,5 kg. Pour le flufenacet H ( + pendimethalin = TROOPER) EU database reconnait une toxicité aigüe, une sensibilisation par la peau, une toxicité pour les organes en cas d’exposition répétée (STOT RE 2 H373) sans que l’on sache quels organes, et une toxicité aquatique. Dans la fiche de sécurité de BASF le STOT H373 manque comme dans le registre ephy, alors qu’il est quand même reconnu dans le paragraphe sur la toxicologie pour le composant flufenacet par exposition orale répétée, mais là aussi, sans faire savoir quels sont les organes concernés. La sensibilisation cutanée est niée. Quant à la toxicité sur le développement, la formulation de BASF est circonspecte : Evaluation du caractère tératogène: Le produit n'a pas été testé. L'indication est déduite des propriétés des différents constituants. Les tests sur animaux réalisés avec des quantités qui ne sont pas toxiques pour les animaux adultes ne donnent pas d'indice pour un effet toxique pour les embryons. Et qu’en disent les autres ? Pour PPDB la toxicité sur la reproduction/développement est possible. La substance est potentiellement toxique pour le foie, la rate, la thyroïde. SAGE note en plus une méthémoglobinémie, un effet sur le cœur, des kystes utérins, des effets graves sur les yeux. Contrairement à BASF, SAGE retient : Une étude des effets neurotoxiques sur le plan du 33 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 développement a révélé des effets se manifestant à la plus faible dose et à moins de la dose toxique pour la mère. SAGE en conclut que des effets sur le développement sont suspectés chez l’animal ; qu’il s’agit d’un perturbateur endocrinien potentiel et qu’il causerait des effets neurotoxiques. Bref, la substance a des effets élevés à long terme. ANSES (2020) le classe comme préoccupant car perturbateur endocrinien. La substance associée dans TROOPER, le pendiméthalin, étant considéré cancérigène possible et perturbateur endocrinien potentiel impactant le développement, il s’avère que le TROOPER cumule deux substances hautement toxiques avec des risques CMR possibles et des effets endocriniens et neurotoxiques (flufenacet), alors que les phrases de danger du produit se limitent à des effets directement perceptibles en cas de manipulation inappropriée. L’ANSES (avril 2020) classe le flufenacet comme substance préoccupante, car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Les achats passent de 6,6 kg à 3,6 kg. Le fluopicolide F ( + propamocarb = INFINITO) est un cas intéressant au vu des diverses interprétations. En UE il est candidat à substitution en raison de 2 critères PTB, mais il n’est pas classifié. PPDB rapporte un élément de génotoxicité (à savoir des résultats ambigus en matière d’aberration chromosomique), le considère comme possiblement toxique pour le foie, les reins, la rate, mais affirme l’absence d’effet cancérigène ou toxique sur la reproduction/développement. Chez SAGE, un retard dans l'ossification et des malformations squelettiques étaient observés. Chez les rats, les effets toxiques ont été jugés plus importants chez les fœtus que chez les mères, suggérant une plus grande sensibilité chez les fœtus comparativement aux mères. Pour se faire une idée des quantités, prenons le dosage appliqué qui est de 62,5 g/l pour 1,5 l/ha = 100 000 mg/ha (choux, melon, laitues, épinards, pommes de terre, oignons avec un délai jusqu’à récolte 3 à 21 jours) ; une femme de 50 kg devrait ingérer 3000 mg par jour pour arriver à la dose foetotoxique du lapin qui est de 60 mg/kg, c’est-à-dire le 1/33 de la dose appliquée à l’hectare. Mais personne ne sait ou ne dit quel est le moment dans son développement où le fœtus serait particulièrement vulnérable ; car c’est en général à un moment critique que l’effet tératogène se produit. Toujours est-il qu’en Europe ce danger n’est pas signalé. Pourtant, le deuxième composant du INFINITO, le propamocarb, est aussi suspecté d’effets sur le développement chez l’animal (retard d’ossification), selon SAGE. Il n’est pas classifié en UE. Les achats ont augmenté de 83,4 kg à 98,2 kg. Nous avons ci-dessus deux exemples de cas où un produit commercial associe deux substances actives qui ont des effets chroniques sur la santé dans le même domaine, voire dans plusieurs domaines. Cela met une fois de plus le doigt sur dangers incontrôlés et non maîtrisés des cocktails de pesticides, dans l’eau, dans l’air, dans les aliments. 34 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le fluopyram F ( + trifloxystrobin = LUNA SENSATION) ( + tebuconazole = LUNA EXPERIENCE) est un cas remarquable. L’Europe retient uniquement sa toxicité au niveau aquatique. SAGE par contre considère que les effets sur la santé à long terme sont extrêmement élevés. C’est d’abord un fongicide SDHI, un mécanisme d’action dont les effets sont au cœur d’une polémique inquiétante. D’après SAGE, les cibles sont le foie, les reins, la thyroïde. PPDB évoque aussi une neurotoxicité. PPDB retient des effets possibles pour la reproduction/développement. Quant à SAGE, l’assomption est qu’il n’y a eu des effets toxiques sur les fœtus qu’à des doses toxiques pour les mères – donc cela « ne compterait pas » ; l’interprétation se discute. Par ailleurs SAGE conclut qu’il est cancérigène probable chez l’homme, ce qui au vu des résultats chez l’animal paraît évident. Or PPDB ne retient pas cette cancérogénicité. Comment cela se fait-il ? Une évaluation environnementale du New York State Department donne peut-être les explications utiles. Le US EPA Cancer Assessment Review Committee13 avait effectivement attribué l’incidence de tumeurs hépatiques et thyroïdiennes à la substance. Mais Bayer Crop Science a soumis des informations qui auraient rassuré quant à la carcinogénicité. La question a été réétudiée, pour conclure que l’induction des tumeurs était liée à l’activation de récepteurs CAR/PXR qui induisent une prolifération cellulaire, et ceci en fonction de la dose. Il en est déduit que la substance ne serait pas susceptible d’être carcinogène chez l’homme à des doses qui n’induisent pas cette prolifération cellulaire dans le foie ou la thyroïde. Or ces doses ne pourraient pas être atteintes au vu des seuils règlementaires, qui protègeraient de l’effet cancérigène. La même évaluation a révélé que le fluopyram est très persistant dans les sols et les sédiments aquatiques, avec une demi-vie de 125 jours. Une étude a observé une demi-vie de 539 jours (USEPA). Le délai avant récolte est de 3 jours pour fraises et framboises et 7 jours pour laitues, et 14 jours pour les haricots et pois. Les achats ont augmenté de 23,95 kg à 34,5 kg. Fluopyram est un joli exemple des débats d’experts autour de l’interprétation des données, où l’industrie fait valoir que le mécanisme d’action de l’effet cancérigène constaté disculperait la substance active, et en tout cas ne mettrait pas en danger l’humain vu les seuils règlementaires. La demi-vie peut atteindre 539 jours. LUNA SENSATION est uniquement autorisé sous abri. Le délai avant récolte pour fraises et framboises est de 3 jours et 7 jours pour les laitues. Est-ce rassurant ? Le fluroxypyr ( + MCPA + clopyralid = BOFIX) ( + florasulame = KART) n’entraîne en UE pas d’alerte sur la santé autre que l’allergie cutanée et l’irritation des yeux. Selon SAGE sa principale cible sont les reins. Toujours est-il que des effets sur le développement sont aussi observés. Notez les subtilités des débats scientifiques, selon SAGE : « dans l’étude sur l’ester de fluroxypyr, on a observé une incidence accrue des cas d’uretères rétrocaves en l’absence d’effet toxique chez les mères. La communauté scientifique ne s’entend pas sur la question de savoir si cette modification structurelle 13 http://pmep.cce.cornell.edu/profiles/fung-nemat/febuconazole-sulfur/fluopyram/fluopyram_reg_0217.pdf 35 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 congénitale doit être considérée comme une variation ou comme une malformation. Dans l’ensemble, les éléments dont on dispose dans ce cas indiquent que les uretères rétrocaves doivent être considérés comme une variation. Par conséquent, le fluroxypyr n’est pas jugé tératogène, mais une sensibilité a été relevée chez les fœtus. » Bref, il y a et il n’y a pas. L’effet neurotoxique est affirmé par PPDB et rejeté par SAGE qui considère que les effets à long terme sur la santé sont modérés. Quant au KART, il assemble deux substances qui sont toutes les deux toxiques pour les reins. Les achats ont augmenté de 47,54 kg à 53,76 kg. Le flutolanil F ( + mancozeb = OSCAR WG) (IOTA qui contient du flutolanil seul) est utilisé comme fongicides systémique sur les plants de pommes de terre, limités à une fois/2 ans par parcelle. Il est considéré peu toxique pour les mammifères et n’est pas classé au niveau européen. Toutefois, il est SDHI, ce qui correspond à des dangers bien particuliers. Il se trouve que des études, trouvées par hasard, sur le zebrafish14 mettent en évidence des effets sur le développement et les altérations pathologiques du foie résulteraient des effets au niveau du stress oxydatif, de la toxicité immunitaire et de l’apoptose. Mais un zebrafish relève des effets environnementaux et pas des effets sur la santé humaine. PPDB évoque comme possibles des effets sur la thyroïde, le foie, la rate. La substance est absente du registre SAGE. L’ANSES (avril 2020) classe le flutolanil comme substance préoccupante car perturbateur endocrinien catégorie I option 3. Les achats ont diminué de 11,7 kg à 7,2 kg. Le fluxapyroxad (YARIS) n’est soi-disant pas classifié en Europe selon EU database, alors que la phrase H351 figure partout. Les phrases de danger concernent le cancer et les milieux aquatiques. Pourquoi des incongruités pour les phrases de danger ? L’explication en est que tant qu’il n’existe pas de classification harmonisée européenne, le Comité d’Experts Spécialisé (CES) de l’ANSES décide de la classification, en l’occurence Carc 2 (H351). Mais en novembre 2018 l’ECHA (Committee for Risk Assessment RAC Opinion) a émis un avis et désormais la classification utilisée en France est Lact H362 (danger pour l’allaitement) et toxicité aquatique. Exit le H351, qui, heureusement, figure toujours sur la fiche de sécurité de YARIS par BASF mise à jour en mars 2020. C’est la première et unique fois qu’apparaît dans notre échantillon la notion de danger en cas d’allaitement ! PPDB considère que, outre l’irritation des yeux, des effets carcinogène et toxiques pour la reproduction/développement et que foie, prostate et thyroïde peuvent être impactés. SAGE conclut : cancérigène possible chez l’humain, perturbateur endocrinien potentiel, et effet neurotoxique aigu (rat). Le foie et la thyroïde ont été les principaux organes ciblés chez toutes les espèces à l’étude exposées à des doses orales répétées. Parmi les autres effets importants liés au traitement, une sidérose et une altération de la capacité de constituer des réserves de fer ont été 14 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27209543 https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.chemrestox.8b00300 36 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 observées chez le rat et le chien, de même qu’un blanchiment des dents et un temps de prothrombine écourté, mais uniquement chez le rat. En ce qui concerne l’oncogénicité chez le rat, une augmentation des cas d’adénomes hépatocellulaires et d’adénomes combinés à des carcinomes hépatocellulaires a été observée. Bien que non statistiquement significatifs à certaines doses, le nombre de ces cas s’étendait au-delà des valeurs de la plage de données historiques et l’on a estimé qu’ils étaient attribuables au traitement. Chez les rats mâles, un nombre accru de tumeurs folliculaires thyroïdiennes a aussi été observé. L'EPA considère que la cancérogénicité ne peut se produire qu'au-dessus d'un certain dosage. Un organisme de la Communauté européenne considère le fluxapyroxade de cancérogène suspecté chez l'humain. En milieu terrestre aérobie, ce fongicide possède une persistance élevée (demi-vie de 338 à 366 jours). Sa persistance reste également élevée en milieu aquatique aérobie (demi-vie de 713 jours) ainsi qu’en milieu aquatique anaérobie (demi-vie de 1 042 jours). Toujours est-il que la fiche de sécurité du YARIS de BASF (Version 7.0 du 19.4.2018) affiche le risque cancérigène Carc2 et reconnaît Indications d'effet cancérigène possible en expérimentation animale. Quant à l’évaluation de la toxicité après administration répétée, des effets adaptatifs ont été observés en expérimentation animale. Sans autre précision. Appréciez l’euphémisme. SAGE conclut à des effets à long terme élevés. Les quantités achetées sont faibles, passant de 1,08 kg à 1,44 kg. On peut être perplexe face aux différences de vues entre experts face aux données expérimentales explorant la toxicité des substances. Il suffit de changer de groupe d’expert pour avoir de nouveaux arbitrages. Est- ce rassurant ? Le danger pour l’allaitement se présente une seule fois pour notre échantillon, et suite à un avis de l’ECHA. Faut-il en conclure que toutes les autres substances sont sans risque pour l’allaitement ? Ou est-ce plutôt une négligence assez systématique ? Pour la substance folpel ou folpet (synonyme) ( + cymoxanil + fosetyl = VALIANT FLASH) (ou + diméthomorphe = PANTHEOS) ( + dimethomorphe = PANTHEOS) EU database signale des effets sur la peau et les yeux, une toxicité aigue et aquatique, et, point important, le classe carcinogène (Carc2). US-EPA le considère carcinogène possible à doses élevées. Il y a consensus sur cet effet. SAGE relativise en attribuant l’effet cancérigène à une moindre capacité de détoxification (via le glutathion) chez la souris. Au vu de résultats positifs et ambigus, la question de la génotoxicité se pose aussi, PPDB l’envisage, et SAGE estime qu’il est peu probable que le folpet soit préoccupant sur le plan génotoxique dans des conditions métaboliques normales. Selon SAGE, les effets sur le développement sont confirmés. Chez le rat, les effets foetotoxiques (retards d’ossification consécutifs à un retard de développement) ont été observés en absence de toxicité maternelle ; chez le lapin, des effets foetotoxiques (retards d'ossification consécutifs à un retard de développement) sont observés à des doses très faiblement toxiques pour les mères. … une augmentation de l'incidence des hydrocéphalies est constatée à des doses toxiques pour les mères … des retards de développement sont observés chez les lapereaux. 37 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Folpet fait partie des substances préoccupantes ne présentant pas de critère d’exclusion, identifiées par la mission d’inspection (IGAS/CGAAER/CGDD). C’est en poids en France la 7ème substance vendue, en 2017. Selon les indicateurs de l’ANSES, il est dangereux en premier pour les vers de terre et aussi pour les oiseaux et pour les eaux souterraines, et la santé et sécurité au travail. Le folpet est considéré comme préoccupant car perturbateur endocrinien. Il est en cours de réexamen dans le cadre de la procédure de renouvellement d’approbation. Les mesures de pesticides dans l’air ont identifié la présence de folpel sur l’ensemble des sites du Grand Est. Les achats augmentent fortement de 311,85 kg à 449,31 kg. Le fosetyl F (+ fluopicolide = PROFILER) (+ metiram = SLOGAN) n’est pas classifié pour la santé en Europe (sauf pour une sévère irritation des yeux selon une fiche de sécurité de Bayer). Quelques doutes sont permis. Il y a des effets, mais soi-disant ‘ils ne comptent pas’, selon SAGE : des d'effets de dégénérescence testiculaire ont été observés dans une étude chronique chez les chiens, mais on ne peut définir cet effet en terme de perturbation endocrinienne. Chez les rats, une pathologie à la vessie sous la forme de tumeurs a été notée mais le produit n'a pas été considéré cancérigène car les doses étaient très élevées. PPDB partage des doutes sur la neurotoxicité, la possibilité d’inhiber la cholinestérase, et conclut comme SAGE à l’absence de données quant à une perturbation endocrinienne. Les achats sont énormes et en forte augmentation, de 1610 kg à 2191 kg. Le fosetyl est l’exemple d’un produit qui semble relativement peu toxique. Si cette substance remplace des substances plus dangereuses, c’est peut-être (?) le moindre mal. Mais il ne faut pas oublier qu’il reste tout de même une toxicité y compris environnementale. Le sort du glufosinate (BASTA F1) est réglé. Il a été retiré en Europe. Il était encore utilisé dans le secteur en 2017, mais a été retiré en octobre 2017, n’étant plus approuvé au niveau européen (contrairement au Canada). Outre la toxicité aigüe et chronique sur les organes, il est classé reprotoxique Repr 1B-H360FD (la liste INRS écrit H360Fd). Il est dangereux pour les fœtus et neurotoxique. Il atteint les reins, la vessie, le sang, les poumons (PPDB). Le non renouvellement entraîne le retrait d’une soixantaine de produits qui avaient leur AMM en France (ephy). Quant au glyphosate (TOUCHDOWN)(GIBSON) (CHEMINO VA A/S), les risques pour la santé (cancers) ont conduit au débat public qu’on connait et qu’on ne va pas répéter ici. L’attention du public est focalisée sur cette substance, et des retraits de produits sont en cours. Les phrases de risque officielles de l’EU database mentionnent en matière de santé uniquement l’effet sur les yeux, phrase qui curieusement ne se retrouve pas dans les fiches ephy. Effectivement, la fiche de sécurité de GIBSON (CHEMINOVA) déclare qu’il est non irritant pour les yeux (méthode OECD 405). Le SAGE canadien confirme l’impression générale d’innocuité. A l’opposé, la base PPDB est moins rassurante : PPDB considère les effets carcinogènes et de perturbation endocrinienne comme étant 38 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 possible. Il signale un point de génotoxicité (dommage/réparation d’ADN), et le rapport INSERM confirme des résultats ambigus et positifs. Une fiche toxicologique mentionne un risque accru d’hémopathies ; d’autres causes sont évoquées, avec la formule pernicieuse : aucune conclusion définitive ne peut être rendue actuellement. - Aussi est-il toxique possible pour le foie et les reins, selon PPDB. L’ANSES a procédé au retrait de 29 autorisations de mise sur le marché et 7 permis de commerce parallèle de produits phytopharmaceutiques à base de la substance active glyphosate, dans le cadre de l’examen du renouvellement des autorisations de ces produits. Les autorisations sont retirées au 29/11/2019. La fin de vente et de distribution est fixée au 29/05/2020. La fin d’utilisation des stocks de produits est fixée au 29/11/2020. L’ANSES (avril 2020) le classe comme préoccupant car perturbateur endocrinien catégorie II option3. Les achats étaient à peu près stables, de 2430,5 kg à 2487 kg. Le iodosulfuron ( + mesosulfuron = ATLANTIS PRO) est uniquement classé au regard de sa toxicité aquatique. Pourtant, comme pour le mesosulfuron, se pose la question du potentiel génotoxique d’un métabolite, la triazine amine selon le rapport de renouvellement 2016 : The consumer risk assessment is not finalised with regard to the metabolite triazine amine (IN-A4098) for which a genotoxic potential cannot be ruled out based on available data. Selon SAGE, il agit sur le foie et provoque une anémie chez le chien. Des effets sur la reproduction sont suspectés chez l’animal. Une mortalité accrue a été observée chez les petits à une dose ne causant aucun effet sur les adultes. Chez les rats et les chiens, des signes cliniques semblent indiquer la possibilité d’effets neurotoxiques. La fiche de sécurité du ATLANTIS PRO de Bayer se contente des phrases de danger portant sur l’irritation des yeux et les milieux aquatiques. Quant aux données toxicologiques, elle réfute explicitement les effets CMR pour les substances présentes, sauf pour une troisième composante, le mefenpyr-diethyl : Cette substance a provoqué des effets toxiques sur le développement seulement à des doses produisant une toxicité systémique chez les mères. Les effets sur le développement observés avec Mefenpyr-diethyl sont liés à la toxicité maternelle. Or cette substance n’est pas mentionnée dans la fiche ephy. Il s’agit d’un phytoprotecteur sans activité herbicide, qui doit protéger la céréale traitées contre l’effet herbicide. Cette substance serait, selon PPDB, irritante sans effets de santé sérieux. Elle ne figure pas dans EU database. Est-ce que, ici, une substance passe sous les radars parce qu’elle n’est pas considérée comme « -cide » de quelque chose ? Les achats étaient minimes, de 0,58 kg à 0,62 kg ; la substance pouvant agir à très faible concentration (3 à 15 g/ha) cela fait tout de même un certain nombre d’hectares traités. L’isoxaben ( CENT 7) est classifié pour sa toxicité aquatique sur EU database. D’autres sources soulèvent d’autres inquiétudes. PPDB considère qu’un effet cancérigène est possible, de même un effet sur la reproduction/développement, et quant à la génotoxicité il ya quelques résultats ambigus. Il peut être toxique pour le foie. Pour SAGE, l'isoxabène est classé cancérigène possible (US-EPA) en raison de l'augmentation de tumeurs hépatocellulaires chez les souris des 2 sexes. Des signes de neurotoxicité sont apparus chez les animaux de laboratoire à des doses élevées. 39 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Il n'est pas génotoxique et il ne perturbe pas la fonction endocrinienne. Mais la génotoxicité réfutée justifie des précisions : plusieurs des tests ont été jugés inacceptables en raison entre autres, de la méthodologie utilisée. L'isoxabène était faiblement positif dans une étude de micronoyaux chez la souris mâle mais cette étude a été jugée non concluante. Toutefois, une seconde étude s'est révélée positive à toutes les doses testées confirmant ainsi le premier résultat. Quant à la reproduction, la dose toxique maternelle la plus élevée a causé une foetotoxicité (baisse de viabilité des fœtus, malformations craniofaciales, microphtalmie, exencéphalie). La conclusion est néanmoins: aucun effet ou effets mineurs peu préoccupants. Il n'y avait pas d'études détaillées de neurotoxicité disponibles. Aucune n'était requise par l'agence californienne de protection de l'environnement. Dans un document de l'EPA, on rapporte des tremblements, une parésie et une faiblesse des pattes à fortes doses. La fiche de sécurité de CENT 7 par Dow (version 6.2 du 23.10.2015) n’affiche que le danger aquatique. Elle considère certains résultats positifs comme non probants. Les informations toxicologiques mentionnent que suite à des tests sur l'isoxabène, une hausse du nombre de tumeurs non malignes du foie a été observée chez l'une des deux espèces testées. Chez les animaux de laboratoire, seules des doses toxiques pour les mères ont provoqué des malformations congénitales. Même remarque à propos de la toxicité pour le reproduction. Quant à la mutagénicité des études de toxicologie génétique sur les animaux ont donné des résultats principalement négatifs. L’isoxaben s’accumule dans les organismes vivants. Les achats ont augmenté de 26,9 kg à 36,7 kg. L’Isoxaflutole (+ thiencarbazone-méthyl + cyprosulfamide = ADENGO), en plus de la toxicité aquatique, est signalé toxique pour la reproduction (Repr2 H361d) en Europe. Ces effets n’ont pas empêché le renouvellement de approbation européenne du isoxaflutole en 2019. Pourtant SAGE considère les effets à long terme comme étant extrêmement élevés : cancérigène probable, perturbateur endocrinien potentiel, effets sur le développement confirmés. Chez les rats, l'isoxaflutole a causé une augmentation de l'incidence d'adénomes et de carcinomes hépatocellulaires chez les rats des deux sexes et une augmentation également de l'incidence des adénomes et des carcinomes folliculaires (cf thyroïde) combinés. Dans le cadre d’études chroniques, à court terme et d’oncogénécité, des changements sur le plan hématologique (chez le chien), la toxicité pour le foie (souris, rat et chien), la toxicité pour la thyroïde (rat), la toxicité sur le plan ophtalmologique (rat) et la neurotoxicité (rat) sont les effets toxicologiquement significatifs observés. L’isoxaflutole pourrait avoir induit la formation de tumeurs thyroïdiennes chez des rats mâles, consécutivement à des effets au niveau hépatique attribuables au traitement, et à l’origine d’une modification de la boucle de rétroaction entre la thyroïde et l’épiphyse, créant de la sorte un déséquilibre hormonal. Chez les rats adultes, les effets étaient les suivants: hausse masse hépatique, hypertrophie hépatocellulaire centrolobulaire, hausse fréquence kératite chronique, unilatérale et bilatérale, inflammation cornéenne subaiguë. Chez la progéniture (petits et nouvellement sevrés), on notait les signes suivants: nombre supérieur de mort-nés et la baisse de l’indice de viabilité, hausse fréquence kératite chronique, sousdéveloppement papilles rénales. Chez le rat et le lapin, on a observé des effets sur le développement à des doses qui n’exercent pas d’effets toxiques chez les mères. Quant aux effets confirmés sur le développement il s’agit d’anomalies squelettiques chez rat et lapin. Une opacité des yeux, des changements macroscopiques oculaires, des lésions cornéennes et une dégénérescence du nerf 40 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 sciatique et des muscles du fémur ont été observés dans une étude chronique chez les rats. Une étude sur la neurotoxicité du développement était requise par l'EPA en raison de ces résultats. PPDB est en accord avec tous ces effets. La substance est approuvée jusqu’en 2034. La fiche de sécurité de Bayer évacue les graves dangers ainsi : Evaluation de la toxicité à dose répétée : isoxaflutole : Cette substance a provoqué lors des expérimentations animales une toxicité organo-toxique spécifique de(s) organe(s) suivant(s) : Foie, Thyroïde. Les effets observés ne semblent pas concerner les êtres humains. Evaluation de la cancérogénicité Isoxaflutole : Cette substance a provoqué à fortes doses une incidence accrue des tumeurs de(s) organe(s) suivant(s) : Foie. Le mécanisme qui déclenche des tumeurs chez les rongeurs ainsi que le type de tumeurs observées, ne sont pas applicables à l'homme. Thiencarbazone-méthyl : Cette substance n'a pas été reconnue comme cancérigène lors des études chroniques par voie orale chez le rat. Thiencarbazone-méthyl : Cette substance a provoqué une incidence accrue des tumeurs à fortes doses chez les souris de(s) organe(s) suivant(s) : vessie urinaire. Les tumeurs observées avec Thiencarbazone-méthyl ont été provoquées par l'irritation chronique due à la présence de calculs vésicaux. Cyprosulfamide : Cette substance a provoqué à fortes doses une incidence accrue des tumeurs de(s) organe(s) suivant(s) : vessie urinaire, Reins. Les tumeurs observées avec Cyprosulfamide ont été provoquées par l'irritation chronique due à la présence de calculs vésicaux. Le mécanisme qui déclenche des tumeurs chez les rongeurs n'est pas applicable aux faibles niveaux d'exposition d'une utilisation normale. Evaluation de la toxicité pour le développement Isoxaflutole : Cette substance a provoqué des effets toxiques sur le développement seulement à des doses produisant une toxicité systémique chez les mères. Isoxaflutole : Cette substance a provoqué un retard de l'ossification des fœtus. Les effets sur le développement observés avec Isoxaflutole sont liés à la toxicité maternelle. En conclusion, ADENGO est un cocktail toxique qui rassemble deux substances pouvant causer des tumeurs. La troisième substance étant le cyprosulfamide, dit phytoprotecteur, c’est-à-dire il accélère la détoxification des herbicides dans la plante protégée, sécurisant de ce fait l’usage de l’herbicide. Il pourrait néanmoins être toxique pour les reins et les voies urinaires (PPDB). Or le thiencarbazonemethyl cible justement le système urinaire. Une personne insuffisante rénale subirait probablement un risque supérieur. Curieusement, l’ANSES qui classe l’isoxaflutole comme préoccupant car perturbateur endocrinien catégorie II option 3, ne rappelle pas la reprotoxicité. Un oubli ? Les achats ont augmenté de 31,9 kg à 36,7 kg. L’approbation du isoxaflutole a été renouvelé en 2019 alors que la substance présente des risques très lourds pour la santé. Cet exemple expose par quel type d’arguments le fabricant peut réfuter des suspicions d’effets graves sur la santé. L’ANSES le classe perturbateur endocrinien, or cet effet est validé pour l’Europe au moins depuis 2016. 41 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le kresoxim-methyl ( + boscalid = COLLIS) est classé carcinogène 2 en UE et toxique pour les milieux aquatiques. Selon PPDB cet effet carcinogène serait contesté. Chez les rats il provoque diverses lésions hépatiques dont des carcinomes. US-EPA le considère comme carcinogène probable chez l’humain. Il peut endommager l’oesophage et le tractus gastro-intestinal. Pour SAGE, les effets à long termes sont extrêmement élevés. Les achats sont heureusement très faibles, évoluant de 0,9 kg à 0,6 kg. La lambda-cyhalothrine (+ pirimicarb = KARATE K) est en Europe candidate à substitution en raison de seuils de sécurité faibles avec une toxicité aigüe importante et 2 critères PBT. Toutefois il manque dans la classification et donc les phrases de danger européennes ce que relève SAGE avec l’US-EPA : la substance est potentiellement cancérogène, a des effets sur le système endocrinien, est neurotoxique et a des effets sur le développement et plus spécifiquement sur le neurodéveloppement : On a observé des signes d’augmentation du nombre d’adénocarcinomes mammaires et de léiomyomes/léiomyosarcomes utérins liés au traitement chez les souris femelles ayant reçu de la cyhalothrine, des signes équivoques d’une incidence accrue du fibroadénome mammaire chez les rates ayant reçu de la cyhalothrine, ainsi que des signes de génotoxicité d’après les résultats d’études in vitro et in vivo. De plus, l’exposition à la cyhalothrine ou à la lambda-cyhalothrine a entraîné des effets sur le système endocrinien, in vitro et in vivo, ce qui s’est traduit par un dépôt et une rétention élevés de cyhalothrine dans les organes reproducteurs mâles et femelles. Des données probantes révèlent en outre une carcinogénicité chez les souris femelles après une exposition à des pyréthroïdes de structure semblable (bien que divers tissus soient touchés). Parmi les critères d’effet les plus sensibles pour l’évaluation des risques figuraient aussi les effets sur le système nerveux (neurotoxicité) . Certaines données indiquent aussi que les jeunes animaux sont plus vulnérables que les adultes aux effets toxiques de la cyhalothrine, comme en témoigne la diminution du poids corporel observée chez les petits à une dose non toxique pour les mères, ainsi que d’autres indicateurs de sensibilité. La cyhalothrine est responsable d'effets sur le développement et le neuro-développement. Elle peut être toxique pour le système immunitaire et pour la thyroïde chez des personnes sensibles (PPDB). Quant à l’effet carcinogène signalé pour le produit KARATE K, il est lié au 2ème composant, le pirimicarb, qui atteint aussi des sommets en matière de toxicité. KARATE K est autorisé en France sur de nombreuses cultures, dont des cultures aussi répandues que le colza ou aussi alléchantes que les pommiers, salades, asperges… Deux produits similaires ont été retirés. La ZNT aquatique est de 50 m, la ZNT arthropodes de 20 m… les riverains doivent apprécier. L’ANSES (avril 2020) classe la lambda-cyhalothrine comme substance préoccupante car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Les achats sont modestes, elles passent de 6,62 kg à 5,69 kg, mais attention, la lambdacyhalothrine peut être efficace à seulement 7,5 à 10 g/ha. Pour lambda-cyhalothrine, l’écart entre la classification européenne et les autres avis étonne beaucoup. Officiellement, on nous affiche la toxicité aigüe et 2 critères PBT. Ailleurs on estime que la substance est potentiellement cancérogène, a des effets sur le système endocrinien, est neurotoxique et a des effets sur le développement et plus spécifiquement sur le neurodéveloppement. - La lambda-cyhalothrine est efficace à seulement 7,5 g/ha. 42 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le mancozeb (+ Zoxamide = ADERIO) ( + DIMETOMORPH = ACROBAT M DG) (DITHANE NEOTEC) a, sur EU database, des phrases de danger sur la sensibilisation cutanée, la toxicité aquatique, et, point important, il est classé reprotoxique (Repr2 H361d) mais n’est pas candidat à substitution. Ces phrases de risque ne révèlent pas : qu’il est carcinogène humain probable pour US-EPA, qu’il provoque des rétinopathies et que c’est un perturbateur endocrinien (hypothyroïdie – or la fonction thyroïdienne est essentielle pour le développement du cerveau in utero et chez l’enfant). Selon PPDB il peut aussi causer une hypertrophie ovarienne. Pour l’INSERM (2013), il y a une présomption de lien avec la leucémie, le mélanome, la maladie de Parkinson. Selon les indicateurs de l’ANSES (2020) il est dans la classe 1 (la plus haute) de risque santé et sécurité au travail, consommateur, la faune. En France en 2017 c’est la 3ème substance la plus vendue. Il est à noter que la procédure de ré-évaluation du mancozèbe est en cours de finalisation au niveau européen. De même, sa classification est en cours de révision : dans l’opinion du Risk Assessment committee de l’ECHA, il est proposé que soit ajouté « toxique spécifique pour certains organes cibles (thyroïde, système nerveux) suite à une exposition répétée (H373) », « toxique pour la reproduction de catégorie 1B (H360D) » et « cancérogène de catégorie 2 (H351) » (page 34). Repro 1B est un critère d’exclusion. L’ANSES (avril 2020) retient en effet qu’il est perturbateur endocrinien catégorie I option 3. Les quantités achetées sont élevées et stables de 2017 à 2018, de 447,4 kg à 449,9 kg. Le mancozeb est l’exemple d’un produit très toxique et très vendu. Sa ré-évaluation par l’ECHA confirme le risque carcinogène qui avait déjà été affirmé par US-EPA, et il passe de repro 2 à repro1. L’opacité européenne est rattrapée par la réalité. Il présente maintenant un critère d’exclusion et sa réévaluation, en cours, devrait aboutir à un retrait. Le mandipropamid ( + difenoconazole = REVUS TOP) ( + copper compounds = PERGADO C PEPITE) est en UE classé uniquement pour la toxicité aquatique, pas pour la santé humaine. Il cible le foie et les reins mais semble globalement peu préoccupant, selon les sources. Ce qui n’est pas le cas pour le difenoconazole. Les achats ont augmenté de 68,25 kg à 83,8 kg. Pour le (2,4-) MCPA ( + fluroxypyr + clopyralid = BOFIX) les phrases de dangers issues de la classification européenne signalent la toxicité aigue, l’irritation, la toxicité aquatique. Selon PPDB les résultats sur la génotoxicité sont ambigus et les effets sur le développement sont suspectés (entre autres hydrocéphalie chez le rat). Il peut être toxique pour le foie. Selon SAGE les effets à long terme sont modérés. La principale cible est le rein, et aux doses élevées, thyroïde, testicules et foie sont touchés chez toutes les espèces. Les effets sur le développement sont suspectés (rat : hydrocéphalie, membres arqués, côtes soudée). Une étude sur la neurotoxicité développementale est requise. Avec BOFIX on est en présence d’un produit qui cumule trois substances hautement toxiques. 43 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 MCPA fait partie des substances les plus identifiées dans les eaux souterraines. Il fait partie des substances identifiées comme particulièrement préoccupantes par la mission IGAS/CGAAER/CGDD. Une procédure de renouvellement de l’approbation est initiée. Les achats ont diminué, de 2017 à 2018, de 55,7 kg à 42 kg. Mefenpyr ( + mesosulfuron + iodosulfuron = ATLANTIS WG) n’est pas classé et pas encore évalué au niveau de l’UE. C’est un phytoprotecteur qui augmente la dégradation des deux herbicides associés. Il est irritant, il y a peu d’informations quant à la santé humaine. Il est dangereux pour les milieux aquatiques. La fiche de sécurité du ATLANTIS PRO de Bayer se contente des phrases de danger portant sur l’irritation des yeux et les milieux aquatiques. Quant aux données toxicologiques, elle réfute explicitement les effets CMR pour les substances présentes, sauf pour une troisième composante, le mefenpyr-diethyl : Cette substance a provoqué des effets toxiques sur le développement seulement à des doses produisant une toxicité systémique chez les mères. Les effets sur le développement observés avec Mefenpyr-diethyl sont liés à la toxicité maternelle. Or cette substance n’est pas mentionnée dans la fiche ephy. Il s’agit d’un phytoprotecteur sans activité herbicide, qui doit protéger la céréale traitées contre l’effet herbicide. Cette substance serait, selon PPDB, irritante sans effets de santé sérieux. Elle ne figure pas dans EU database. Est-ce que, ici, une substance passe sous les radars parce qu’elle n’est pas considérée comme « -cide » de quelque chose ? Les achats ont diminué de 7,26 kg à 5,7 kg. Mepiquat (+ chlormequat = CYTER) est un régulateur de croissance qui n’est pas considéré comme étant particulièrement toxique. Les achats ont passé de 20,1 kg à 1,5 kg. Le mesosulfuron ( + iodosulfuron = ATLANTIS PRO) n’est pas classifié en Europe. Il semble relativement peu préoccupant pour la santé (sauf pour l’irritation des yeux), mais pourrait être neurotoxique (PPDB). Il ne se trouve pas dans la base SAGE. Selon US-EPA il reste longtemps phytotoxique dans les sols. Un effet sur la reproduction a été observé chez les canards (nombre réduit d’embryons viables), c’est pourquoi la case reproduction/développement a été cochée. Les achats ont passé de 2,3 kg à zéro. Le mesotrione ( + nicosulfuron = ELUMIS) (CALLISTO) est classé en Europe pour la toxicité aquatique. La fiche de sécurité du ELUMIS par Syngenta a comme seule mention de danger la toxicité aquatique H410 ; le mesotrione n’irriterait pas les yeux et n’aurait aucun effet sur la fertilité ; à noter que dans les données toxicologiques la rubrique ‘développement ‘ manque, seule la ’reproduction’ y est (soidisant aucun effet indésirable). La fiche de sécurité du CALLISTO mentionne l’irritation oculaire et la toxicité aquatique, et n’en dit pas plus. Pour PPDB, la mesotrione est neurotoxique et peut atteindre la cornée. 44 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Selon SAGE, les effets à long terme sont élevés. Le mesotrione cause des lésions oculaires (opacité cornéenne), du foie, des reins, et les effets sur le développement sont confirmés chez l’animal. Il augmente, en inhibant sa dégradation, les taux de tyrosine (un acide aminé qui participe à la synthèse de l’adrénaline, noradrénaline, dopamine, DOPA, mélanine, hormones thyroïdiennes). La tyrosine élevée pourrait causer les lésions sur les yeux, le foie, les reins. Le SAGE considère néanmoins qu’il n’y aurait rien dans la base de données qui suggère que le mésotrione puisse causer des effets endocriniens. Au vu des effets ci-dessus, cette affirmation surprend beaucoup (les molécules citées étant considérées comme des hormones). C’est pourquoi le choix a été fait ici de cocher la case ‘perturbateur endocrinien’. Par ailleurs selon SAGE une étude sur la neurotoxicité du développement chez les rats est requise pour évaluer les effets de la tyrosinémie sur le système nerveux en développement des jeunes animaux exposés à la mésotrione. Pour PPDB, la neurotoxicité est confirmée. Les utilisateurs ne sont avertis de rien de tout cela. La substance est approuvée en Europe jusqu’en 2032. Les achats ont augmenté de 138,3 kg à 167 kg. Le metalaxyl-M ( + folpel = PANDERO) est classifié par EU database pour sa toxicité aigue, la sensibilisation cutanée et la toxicité aquatique. Il est candidat à substitution pour raison d’isomères non actifs. PPDB le considère comme étant toxique pour le foie, et SAGE l’estime être peu préoccupant. L’ANSES classe le metalaxyl comme préoccupant, car perturbateur endocrinien catégorie I option 3. Les achats ont fortement augmenté de 14,76 kg à 167,1 kg. Le metamitron (DANAGAN) déclare pour l’Europe une toxicité aigüe en cas d’ingestion et une toxicité aquatique. Pourtant, PPDB signale la possibilité d’effets sur la reproduction/développement et neurotoxiques. L’EFSA a publié en 2020 un rapport15 pour la révision des LMR (limites maximales de résidus) du metamitron. Il s’agit de déterminer les concentrations acceptables dans les aliments humains et aliments pour bétail, donc aussi dans la viande et dans le lait, ceci avec un risque acceptable pour les consommateurs et en particulier les enfants. L’exercice est impressionnant ; il débouche sur des recommandations réclamant encore et toujours plus de données. Metamitron ne figure pas dans la base SAGE. Les achats ont légèrement diminué de 154,7 kg à 133,7 kg. Le metconazole ( + epoxiconazole = OSIRIS STAR) est candidat à la substitution en raison de 2 critères PBT, et il est reprotoxique (Repr2 H361d). L’expiration de l’approbation était prévue pour avril 2018, entretemps elle est affichée pour avril 2020 (EU database). 15 https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2903/j.efsa.2020.5959 45 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Pour PPDB, il est toxique pour le foie. La toxicité sur la reproduction/développement est classée ‘possible’. Pour SAGE, comme pour l’UE, les effets sur le développement sont confirmés, avec des malformations liées au traitement. La famille des triazones est habituellement embryotoxique. Pour SAGE, les effets à long terme sont en effet élevés. La cible sont le foie, le sang, les ovaires. Curieusement, PPDB réfute l’effet carcinogène, alors que SAGE classe la substance comme carcinogène possible, au vu des carcinomes du foie et sarcomes de la peau chez l’animal. Un seul test donne un indice de génotoxicité, qui n’est pas retenue. Quant à la perturbation endocrinienne, SAGE considère que le données sont inexistantes et insuffisantes, toutefois divers effets sont observés qui suggèrent clairement une telle action : Le mode d'action du metconazole par l'inhibition de la biosynthèse du stérol (ergostérol), suggère que ce produit peut exercer une activité perturbatrice endocrinienne par une modification dans la synthèse oestrogène/androgènes. Actuellement, selon la base ephy, une quarantaine de produits contenant la substance sont encore autorisés en France. OSIRIS STAR et un produit similaire sont retirés, ce qui est lié à la présence d’epoxiconazole. Les achats font plus que doubler, de 14 kg à 32 kg. Le métiram (+ametoctradin = ENERVIN) ( + fosetyl = SLOGAN) n’a aucune classification dans la EU database, et la substitution n’est pas prévue. Pour l’ENERVIN, aucune toxicité pour la santé humaine ne figure dans les phrases de risque sur ephy. La fiche de sécurité de BASF signale la toxicité aquatique et le risque présumé d’effets graves pour les organes à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée (H373), sans indiquer quels organes seraient concernés. Quant aux effets sur le développement, la formule standard utilisée est restrictive : les tests sur animaux réalisés avec des quantités qui ne sont pas toxiques pour les animaux adultes ne donnent pas d'indice pour un effet toxique pour les embryons. PPDB met des points d’interrogation dans les cases ‘carcinogène’ et ‘reproduction/ développement’. Le SAGE canadien juge les effets à long terme extrêmement élevés. La thyroïde est l’organe cible (rat, chien). La toxicité se manifestait entre autres, sous la forme d'altération des hormones thyroïdiennes et d'une augmentation du poids de la thyroïde. Les effets thyroïdiens n'étaient pas consistant lors des études chroniques. Il n'y a pas d'études valables sur la cancérogénicité du métirame. Sa classification est basée sur celle de son principal métabolite, l'ETU. Les données de génotoxicité sont également incomplètes mais les risques potentiels ne sont pas exclus. Une sensibilité qualitative accrue a été notée chez les fœtus des rats car une viabilité moindre était observée alors que la toxicité maternelle ne causait qu'une diminution de poids et de consommation de nourriture. Il n'y avait pas d'étude acceptable sur le développement des lapins ni sur la reproduction des rats et de nouvelles études étaient requises. Le métirame peut causer une neurotoxicité chez les animaux de laboratoire. Mais rien de tout cela n’apparaît dans les phrases de danger. L’ANSES (avril 2020) compte le metiram dans les substances préoccupantes en tant que perturbateur endocrinien catégorie I option 3. Les achats sont très importants, quoique en diminution entre 2017 et 2018, de 629,5 kg à 547,4 kg. Le metiram est un des nombreux produits pour lesquels d’énormes incertitudes quant à des effets graves sur la santé sont occultés par l’affichage officiel. 46 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le napropamide ( = clomazone + dimethachlor = COLZOR TRIO) est volatile et a une certaine persistance dans le sol et l’eau. Il n’est pas classifié en UE (pas de classification harmonisée). La base ephy affiche pour NAPOX qui contient le napropamide seul, son danger pour les milieux aquatiques, et rien pour la santé humaine (idem NAPRAMID, produit où la substance est seule). Toujours est-il que la base PPDB envisage comme possible un effet sur la reproduction/développement, alors que la base SAGE n’en voit aucun, mais rapporte des résultats positifs génotoxiques (mutations sur des cellules de lymphomes de souris) sans retenir la génotoxicité. PPDB et SAGE s’accordent sur la toxicité hépatique et rénale. Les achats ont diminué de 89,4 kg à 50,4 kg. Le nicosulfuron ( + mesotrione = ELUMIS) est candidat à substitution en raison de 2 critères PBT, mais non classifié. Le SAGE le considère comme faiblement toxique et non cancérogène, alors que, étant hépatotoxique, il a provoqué des masses hépatiques, adénomes et carcinomes du foie. C’est un des exemples où l’augmentation des tumeurs hépatocellulaires n’est pas prise en compte car survenue qu’à de très fortes doses dépassant largement la dose limite recommandée (SAGE). PPDB de son côté retient un effet carcinogène possible. SAGE retient des effets hématologiques. Les achats ont augmenté de 35 kg à 44,2 kg. Le pendimethalin (PENDULUM 2G) (+ flufenacet = TROOPER) est classée en UE comme sensibilisant pour la peau et pour sa toxicité aquatique. Il est candidat à substitution en raison de deux critères PBT. Il est cancérigène possible (SAGE, selon US-EPA) en raison de l'incidence accrue d'adénomes des cellules folliculaires de la thyroïde chez les rats mâles et femelles. Mais les autorités européennes semblent avoir adopté l’interprétation plus rassurante du danger cancérigène par BASF. Extrait de la fiche de sécurité du TROOPER par BASF : Données relatives à : pendiméthaline (ISO); N-(1-éthylpropyl)-2,6-dinitro-3,4-xylidine Evaluation du caractère cancérogène: La substance a provoqué des tumeurs de la tyroïde lors d’études à long terme sur les rats. L'effet est causé par un mécanisme spécifique chez l'animal qui n'a pas d'équivalent chez l'homme. Dans les études à long terme réalisées avec des souris par administration avec les aliments, la substance n'a pas eu d'effet cancérigène. Sa principale cible est la thyroïde ; SAGE et PPDB le considèrent en effet comme étant un perturbateur endocrinien possible. Le Trooper se trouve d’ailleurs dans la liste des produits perturbateurs endocriniens du Ministère de la transition écologique. Or il est largement connu que des effets sur la thyroïde entraînent des risques pour le développement du cerveau. SAGE le précise : des changement hormonaux (altérations du poids de la thyroïde et lésions histopathologiques) ont été observés dans plusieurs études après l'administration orale de pendiméthaline et il est probable que ces changements puisse causer une perturbation de la fonction endocrinienne. Il y a une inquiétude à ce qu'une perturbation de l'homéostasie de la thyroïde mène à de l'hypothyroïdisme ce qui pourrait affecter le développement du système nerveux. PPDB affirme un effet avéré sur la reproduction/développement. Par ailleurs la substance est toxique sur le foie. 47 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 SAGE conclut, globalement, à des effets élevés à long terme. Ainsi le TROOPER cumule deux substances hautement toxiques avec des risques CMR possibles, et des effets endocriniens et neurotoxiques (le seul flufenacet), alors que les phrases de danger en Europe se limitent à des effets immédiatement perceptibles en cas de manipulation inappropriée. Pendimethalin est identifié comme substance préoccupante dont il faut accélérer le réexamen, par la mission IGAS/CGAAER/CGDD. L’ANSES (avril 2020) classe le pendimethalin comme substance préoccupante, car perturbateur endocrinien catégorie I option 3. Les achats augmentent très légèrement de 61,8 kg à 63,3 kg. Nous avons ici une substance qui combine des risques cancérigènes avec la perturbation endocrinienne et des risques pour le développement du cerveau. Il est parfaitement connu que la substance est très préoccupante. Mais l’affichage officiel n’en dit rien du tout : l’effet cancérigène n’aurait, selon BASF, pas d’équivalent chez l’homme, et la perturbation endocrinienne n’est jamais signalée. Le pinoxaden (+ florasulam + cloquintocet-mexyl = AXIAL ONE) est considéré peu toxique (malgré des effets au niveau foie, reins, des vomissements…), il n’est pas classifié en UE. Toutefois pinoxadène (ISO) se trouve sur la liste des CMR de l’INRS avec Repr2 (H361d). En effet, selon ECHA les effets sont massifs : According to the harmonised classification and labelling (ATP13) approved by the European Union, this substance is very toxic to aquatic life, is harmful if swallowed, causes serious eye irritation, is harmful if inhaled, is suspected of damaging the unborn child, is harmful to aquatic life with long lasting effects, may cause an allergic skin reaction and may cause respiratory irritation. Pour AXIAL ONE, ephy reprend uniquement l’irritation de la peau et la toxicité aquatique. La base PPDB relève des résultats positifs pour l’aberration chromosomique et pose un point d’interrogation dans la rubrique reproduction/développement. SAGE ne reconnait pas d’effet sur le développement et le considère comme faiblement toxique. Des rats présentaient une leucocytose accrue, une augmentation de l’hématocrite et une hausse du poids des surrénales et des testicules ; il s’agirait d’effets « mineurs non préoccupants ». L’achat est stable à 4,5 kg. Pour le pinoxaden, la toxicité pour le développement passe à la trappe pour ce qui est de l’affichage des dangers. Le pirimicarb (pyrimicarb) ( + lambda-cyhalothrine = KARATE K) est d’une toxicité redoutable. Il est candidat à la substitution en raison de 2 critères PBT, mais pour le moment toujours autorisé en France, alors que deux produits similaires ont été retirés. Il est carcinogène humain probable (Carc2) reconnu en Europe comme à l’US-EAP, et irritant, et très dangereux en intoxication aigue. Mais il est en plus toxique pour la reproduction/développement et neurotoxique (PPDB), ce qui n’est pas indiqué dans les phrases de danger. Il ne figure pas dans la base SAGE, on peut donc supposer qu’il n’est pas autorisé au Canada. Il est inhibiteur de la cholinestérase. Les achats diminuent de 11 kg à 4 kg. 48 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Quant au propamocarb (+ fluopicolide = INFINITO) n’est pas classifié en UE. PPDB envisage des effets de perturbateur endocrinien et neurotoxique et dit ne pas avoir de données concernant une toxicité sur la reproduction/développement. Il évoque des enjeux endocriniens par une faible augmentation de l’activité d’aromatase et de production d’estrogènes. Selon SAGE, les effets à long terme sont modérés, mais des effets sur le développement (retard de l’ossification) sont tout de même suspectés. Il y a une érosion de la muqueuse gastrique. Il est donc loin d’être anodin. Les achats augmentent fortement de 82,4 kg à 135,5 kg. Le propiconazole F ( + cyproconazole + chlorthalonil = CHEROKEE) (idem CHLORAZOLE) est un cas intéressant. Le CHEROKEE est retiré, comme les produits similaires (même mélange) Le produit assemble trois substances fongicides, tous très dangereux, dont deux entretemps non approuvées. Le propiconazole n’est plus approuvé en Europe et bénéficie d’un délai de grâce jusqu’en mars 2020 ; il est classifié pour sa toxicité aigüe et aquatique, et sensibilisant la peau. Le retrait de l’approbation a supprimé, à la louche, une centaine (!) de produits commerciaux (voir ephy). La substitution est effectuée sur la base de 2 critères PBT. Il n’a pas été classé CMR dans EU database. Pourtant il figure dans la liste des CMR de l’INRS comme reprotoxique (R1B H360D). La reprotoxicité repose sur la classification par l’ECHA. L’ANSES nous explique que des divergences de classification entre la classification européenne, celle de l’INRS et celle de Syngenta peuvent s’expliquer par des différences dans le socle d’études fondant l’analyse, des divergences d’interprétation ou un calendrier différent d’évaluation résultant en particulier des procédures réglementaires. Cela ne facilite pas la compréhension pour le citoyen lambda, mais illustre des marges de manœuvre politiques (et pourquoi pas de conflits d’intérêt). Selon SAGE et PPDB il a non seulement des effets sur le développement confirmés, mais il est aussi carcinogène possible, en plus il a un potentiel génotoxique chez l’homme, et il est un perturbateur endocrinien potentiel. Une fiche de sécurité de Syngenta (V2 de 2010, produit KOARA) nie ces effets en bloc : Toxicité à long terme : Propiconazole : N'a pas montré d'effets cancérigènes, tératogènes ou mutagènes lors des expérimentations animales. Un regard rapide sur internet révèle un commerce mondial intense avec cette substance hautement toxique. Le CHEROKEE associe encore deux autres fongicides dangereux. Le cyproconazole est aussi candidat à la substitution (2 critères PBT et Repro2). Il est en effet susceptible de nuire au fœtus, et présente aussi des risques cancérigènes et endocriniens non mentionnés au niveau des risques. Le chlorothalonil n’est plus approuvé. Il est carcinogène et nuit à la reproduction/développement, et a des effets endocriniens. Le retrait de l’approbation a supprimé progerssivement une centaine (!) de produits. L’ANSES (2020) classe le propiconazole en Repro1B et perturbateur endocrinien catégorie I option 3 de l’impact assessment. Dans le 67120 les achats de propiconazole ont nettement augmenté de 8,6 kg à 27 kg de 2017 à 2018. Il n’y a donc pas eu d’anticipation volontaire de l’interdiction en raison du danger 49 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le prosulfocarb (DEFI) est un cas particulièrement intéressant. EU database la classifie pour sa toxicité aigüe, pour la peau, et aquatique. A première vue, la substance paraît, en dehors de l’action irritante (voies respiratoires, peau, yeux), seulement ‘modérément’ toxique à long terme, encore est-il que cette substance ne figure pas dans la base canadienne SAGE, et on peut donc se poser la question pourquoi elle ne serait pas autorisée au Canada. Or, en octobre 2018 l’ANSES a modifié les conditions d’application. Désormais il faut non seulement des buses à injection d’air pour éviter les dérives, mais aussi les utilisateurs ne pourront plus utiliser des produits avec prosulfocarb – attention à la subtilité ! - à l’automne si des cultures non cibles situées à moins de 500 m n’ont pas été récoltées (voir les détails sur ephy). Les cultures non cibles sont les pommes, les poires, les cultures légumières (mâche, épinard, cresson des fontaines, roquette et jeunes pousses), les cultures aromatiques (cerfeuil, coriandre, livèche, menthe, persil et thym) et les cultures médicinales (artichaut, bardane, cardon, chicorée, mélisse, piloselle, radis noir et sauge officinale). Qu’est-ce qui s’est passé ? Le 20 juin 2017 la DGAl a écrit à l’Anses, suite à la contamination de certaines cultures par du prosulfocarbe alors que ces cultures n’avaient pas été traitées avec cette substance, dont ducresson. Il fallait donc explorer l’origine et les déterminants de cette contamination. Anses a donc évoqué et étudié la contamination par dérive, par volatilisation, par arrosage (avec de l’eau récupérée sur les toits des serres), ou par les racines. Citons sa conclusion par rapport à la volatilisation : « En effet, après volatilisation, le prosulfocarbe semble pouvoir parcourir de longues distances, de l’ordre de plusieurs kilomètres, voire dizaines ou centaines de kilomètres, sans être particulièrement affecté par des barrières physiques. Ceci semble corroboré par des publications étrangères qui mettent en évidence que dans certaines zones de l’Europe, même où le prosulfocarbe n’est pas utilisé, celui-ci peut être présent de manière fréquente et en concentration élevée dans les eaux de pluie. » D’ailleurs, rien n’exclut une coexistence de plusieurs mécanismes de contamination. Ce qui est extraordinaire dans cette affaire, c’est la restriction d’utilisation adoptée pour le prosulfocarb suite à cette affaire de contamination : seules certaines cultures (dont la contamination devient gênante pour la vente) sont désormais protégées. Tout et chacun, y compris les milieux naturels et les cultures non citées dans la liste, peuvent continuer à se faire arroser par du prosulfocarbe qui, après tout, ne serait que ‘modérément’ toxique. D’ailleurs PPDB écrit ne pas avoir trouvé de données quant à d’éventuels effets cancérogènes, réprotoxiques, endocriniens ou neurotoxiques. La fiche de sécurité affirme l’absence d’effets de type CMR. Le rapport IGAS (Annexe page 53) rapporte que le prosulfocarb serait reprotoxique selon agritox, (la source n’a pas pu être retrouvée). Il est identifié comme préoccupant. Les achats sont très importants et en forte augmentation de 2017 à 2018, de 712 kg à 840 kg, ceci avant modification des conditions d’application. Le prosulfuron ( + dicamba = CASPER) est considéré faiblement toxique à long terme par le SAGE et non neurotoxique alors que pourtant des effets neurologiques apparaissent à la moitié de la dose létale 50. Le PPDB maintient une interrogation sur la toxicité sur reproduction/développement, effets considérées comme mineures par SAGE. L’ANSES classe le prosulfuron comme substance préoccupante car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Les achats ont diminué et sont presqu’à zéro en 2018, de 9,24 kg à 0,25 kg. 50 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le prothioconazole F (+ bixafen = AVIATOR X PRO) ( + benzovindiflupyr = ELATUS ERA) n’est pas classifié en UE. Or l’AVIATOR X PRO est considéré être susceptible de nuire au fœtus, alors qu’aucun des trois composants n’est classifié par l’UE database. Ce classement français est lié au prothioconazole16 (la même discordance se produit avec ELATUS ERA qui ne contient pas de bixafen). En effet, le prothioconazole est considéré toxique pour la reproduction/développement. PPDB est affirmatif, et SAGE développe des considérations complexes au vu des multiples anomalies constatées chez différentes espèces animales. Ce n’est pas le seul doute légitime ; les tests génotoxiques en ouvrent aussi, et PPDB fait état de résultats ambigus. US-EPA classe le produit comme un produit neurotoxique pour le développement en raison apparemment des changements morphométriques au cerveau et de l'occurence de lésions nerveuses périphériques chez les nouveaunés. - On ne sait pas si les effets observés sur la reproduction et ceux notés dans des études de toxicité chronique et subchronique (ovaires et thyroïde) ont une origine endocrinienne ou s'ils sont directement liés à la toxicité maternelle. Toujours selon SAGE, le prothioconazole et le métabolite desthio ont eu des effets sur les organes suivants : le foie, les reins (composé d’origine seulement), les ovaires et la thyroïde. Le desthio (un métabolite) a toujours eu des effets toxiques à des doses inférieures à celles du composé d’origine. Bref, cette substance non classifiée en UE risque de réserver encore des surprises. Quant à la fiche de sécurité du AVIATOR X PRO de Bayer, elle dit : Evaluation de la toxicité pour le développement  Bixafen : Cette substance n'a pas provoqué de toxicité développementale chez le rat et le lapin.  Prothioconazole : Cette substance a provoqué des effets toxiques sur le développement seulement à des doses produisant une toxicité systémique chez les mères. Les effets sur le développement observés avec prothioconazole sont liés à la toxicité maternelle. La fiche de sécurité du ELATUS ERA de Syngenta (26.10.2017) affiche l’effet Repro 2 et l’irritation, mais, curieusement, affirme pour les données toxicologiques qu’il n’y a pas d’information disponible pour cette substance sur l’évaluation de la cancérogénicité et de la toxicité pour la reproduction. Après avoir considéré, en 2011, que tous les effets du AVIATOR XPRO seraient acceptables (supposant combinaison de travail, bonnes pratiques, délais respectés, douche, public exposé pendant 5 minutes…), l’ANSES (avril 2020) classe le prothioconazole comme préoccupant car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Conformément à la classification officielle elle n’y compte pas la reprotoxicité de type 2 susceptible de nuire au fœtus (phrase de danger H361d). Les achats diminuent de 23,1 kg à 18,1 kg. Le pyraclostrobin ( + dimetomorph = OPTIMO TECH) ( + boscalid = SIGNUM) est classé en Europe pour sa toxicité aigüe et aquatique et l’irritation de la peau. Il s’est pourtant révélé tératogène pour les fœtus de lapins à dose élevée ; ainsi l’effet sur le développement est suspecté par SAGE. Chez les lapins, la pyraclostrobine s’est révélée tératogène pour les foetus à la dose élevée de 20 mg/kg p.c./j, de tels effets se manifestant sous forme d’une incidence accrue, par portée, des foetus montrant des malformations du squelette, particulièrement une absence ou une malformation des vertèbres 16 Anses – dossier n°2011-0257 – AVIATOR XPRO 51 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 lombaires. On a aussi noté d’autres éléments au niveau du développement comme une incidence accrue des résorptions et de la perte totale de la portée à 10 mg/kg p.c./j et plus. PPDB affirme clairement l’effet sur la reproduction/développement. Le constat est que, pour le moins, il y a de quoi le suspecter. A noter que le SIGNUM comme l’OPTIMO TECH associent deux produits qui comportent tous les deux quelque suspicion quant à un effet sur le développement, alors que rien de tel n’est affiché en termes de phrase de danger, ceci pour les deux produits. Les achats diminuent de 29,3 kg à 17,8 kg. Le non-renouvellement européen du quinoxyfen ( + Sulphur = SORMIOUS DISPERSS) a été voté en octobre 2018 mais la période de grâce dure jusqu’au 27 mars 2020. Il était classé uniquement pour la sensibilisation cutanée et la toxicité aquatique. Il a 2 critères PBT. Selon SAGE il a de faibles effets à long terme ; à noter des effets sur le foie, et une anémie hémolytique chez le chien, et selon PPDB une toxicité pour le foie, les reins, le sang. Selon le rapport de non-renouvellement il est non seulement PBT mais aussi vPvB c’est-à-dire very persistent et very bioaccumulative. Nous avons donc ici un cas de non-renouvellement effectif pour raison environnementale, pour une substance qui n’est pas considérée particulièrement dangereuse pour l’humain. Les achats sont très faibles, descendant presqu’à zéro, de 1,73 kg à 0,28 kg. Le sedaxane F ( + difenoconazole + fludioxonil = VIBRANCE GOLD) n’est pas classifié en UE et n’est pas candidat à substitution. Pourtant la liste de ses effets chroniques sur la santé est particulièrement longue. Il est classé cancérigène probable (foie, thyroïde, utérus, selon SAGE, USEPA). Il a un effet sur les ovaires et les testicules, il est donc considéré comme perturbateur endocrinien potentiel par SAGE, mais ne figure pas dans la liste des substances susceptibles d’être perturbateurs endocriniens du Ministère de l’agriculture. Des effets sur la reproduction sont suspectés (SAGE et PPDB). Il y a une certaine toxicité fœtale chez le lapin, et pour finir des effets neurologiques mais sans neurohistopathologie (SAGE). Le sedaxane fait partie des fongicides SDHI. Rien de tout cela ne figure dans les phrases de danger. VIBRANCE GOLD associe 3 substances actives hautement toxiques pour l’humain, et la seule phrase de risque affichée sur le registre ephy et sur la fiche de sécurité de Syngenta a trait à la toxicité aquatique. La fiche de sécurité du VIBRANCE GOLD de Syngenta résume son interprétation des données toxicologiques : Cancérogénicité-Evaluation: Les éléments de preuve apportés ne permettent pas le classement comme cancérogène. À des doses extrêmement élevées, l'incidence numériquement plus élevé des tumeurs de l'utérus, de la thyroïde et des tumeurs du foie (mâles et / ou femelles rats) ainsi que des tumeurs du foie chez les souris mâles se situaient dans la fourchette de variation normale et donc considérés comme non liés au traitement. Certaines autorités de réglementation ont adopté une position plus conservatrice concluant que ces résultats à haute dose sont liés au traitement chez les 52 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 rats et les souris. Les doses auxquelles se produisent ces résultats ne sont pas pertinents à des niveaux d'exposition humaine. L’ANSES (avril 2020) classe le sedaxane en substance préoccupante, car perturbateur endocrinien catégorie II option 3. Comment se fait-il que VIBRANCE GOLD ne figure pas dans la liste des perturbateurs endocriniens du Ministère de l’agriculture alors qu’il suffisait de transférer les informations du Impact assessment de 2016 ? Les achats sont faibles, passant de 4,2 à 3,37 kg. Il s’utilise pour la protection de semences. Le S-Metolachlor ( + Benoxacor = CAMIX) est classifié en UE pour la sensibilisation cutanée et la toxicité aquatique ; rien en termes de CMR, et selon Syngenta il n’est pas CMR. Selon PPDB il pourrait être carcinogène ; en effet, US-EPA le considère comme carcinogène humain possible. PPDB est affirmatif pour des effets sur la reproduction/développement. Il atteint le foie et la thyroïde. SAGE est en accord avec l’effet cancérigène possible (augmentation de nodules néoplasiques et de carcinomes hépatocellulaires à une dose élevée chez les femelles des rats), mais réfute l’effet sur le développement. Outre les substances actives il comporte, comme beaucoup de produits, d’autres composants redoutables (hydrocarbures aromatiques…). Permettons-nous une digression, au hasard. Chez le zebrafish, à dose élevée, le S-metolachlor inhibe l’éclosion, provoque des malformations, modifie des paramètres biologiques, nuit à la neurotransmission et au métabolisme anaérobie, interfère avec la synthèse des hormones stéroïdiennes, perturbe la neurotransmission, agit au niveau de la formation des hormones stéroïdes et interfère avec les axes adrénergiques et cortico-surrénaliens17. Des effets qui ‘ne comptent pas’ ? Le zebrafish relève de la rubrique aquatique ? Ces réalités évoquent pourtant qu’il s’agirait d’un perturbateur endocrinien, modifiant l’expression des gènes. Ces dangers majeurs et nombreux ne sont pas mentionnés dans les phrases de risque. Or le S-Metolachlore a été/est très largement utilisé suite à l’interdiction de l’atrazine, et ses métabolites sont très présents dans l’eau souterraine, dépassant fréquemment les normes en vigueur. Il est très impactant sur la faune. Sa présence est aussi mesurée dans l’air (Colmar). Il fait partie des substances préoccupantes prioritaires identifiées par la mission IGAS/CGAAER/CGDD. Les achats sont très importants et en augmentation, de 1179 kg à 1377 kg. Le soufre ou sulphur n’est pas classifié. Il peut irriter. Selon SAGE les effets à long terme sont faibles. Les seuls effets rapportés suite à une exposition chronique au soufre proviennent de travailleurs miniers exposés leur vie durant à des poussières de souffre et du dioxyde de soufre. Des troubles oculaires, une bronchite chronique ainsi que des effets chroniques au sinus et des problèmes respiratoires ont été rapportés. Les achats sont importants et en augmentation, de 7238 kg à 7731 kg. 17 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S004896971632616X?via%3Dihub 53 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le cas de la spiroxamine F (HOGGAR) expose des divergences. L’EU database la classe pour trois types de toxicité aigüe, pour l’irritation de la peau, l’atteinte des organes par exposition répétée, et la toxicité aquatique. Il faut chercher dans la fiche de sécurité du produit pour découvrir qu’il est aussi susceptible de nuire au fœtus (H361d), ce que la fiche européenne et ephy ne disent pas, mais la liste des CMR de l’INRS le dit aussi : R2 H361d. L’ANSES explique qu’elle s’appuie sur les classifications harmonisées européennes. Son rôle étant de classer des produits, pas des substances, elle peut aussi prendre en compte les composants et leur concentration. Dans ce cas précis la classification en Repro 2 se trouve chez l’ECHA qui sur sa fiche rajoute aussi des dommages aux organes suite à une exposition prolongée et répétée (STOT-RE) sans dire quels organes, mais selon la fiche de sécurité de Bayer ce sont les yeux. Toutefois, Bayer affirme dans le chapitre des données toxicologiques que la toxicité sur la reproduction et celle sur le développement sont liés à la toxicité parentale, suggérant qu’elles seraient non significatives. Cette toxicité est donc à peu près admise ; la base PPDB la juge possible, et la base SAGE rapporte des cas douteux chez le rat et quelques cas de fentes palatines qui ne se laissent pas évacuer avec des explications autres que par la substance. La neurotoxicité n’est pas retenue, parce que les effets sur les rats étaient transitoires ; ici, la case neurotoxicité a été cochée. Le HOGGAR et d’autres produits ont été retirés, mais 10 produits contenant la substance sont toujours autorisés. L’ANSES (2020) considère la spiroxamine comme préoccupant car perturbateur endocrinien. Les achats, très conséquents, diminuent de 217,5 kg à 184,5 kg. Le tebuconazole F ( + fluopyram = LUNA EXPERIENCE) est en Europe candidat à substitution en raison de 2 critères PBT, et est classé pour sa toxicité aigüe et aquatique et, le plus important, classé susceptible de nuire au fœtus (Repr2). Cet effet fait consensus, il est affiché. La toxicité sur le développement comporte une atrophie des ovaires. L'administration orale de tébuconazole cause une toxicité développementale chez toutes les espèces étudiées (rat, souris et lapins), avec des effets les plus importants observés dans le système nerveux en développement (SAGE). Il pourrait exercer des effets neurotoxiques. Il est neurotoxique chez le rat. En plus, l’US EPA le classe carcinogène humain possible, vu qu’il cause de tumeurs du foie chez la souris, et ceci d’autant plus que d’autres fongicides de la famille des triazoles ont cette effet. Le risque carcinogène n’est pas affiché. PPDB rejoint cette conclusion. Le tebuconazole cible le foie et le système sanguin. L’ANSES (avril 2020) classe le tebuconazole comme substance préoccupante, car perturbateur endocrinien catégorie I. Les achats augmentent de 33,6 kg à 46,5 kg. Le tefluthrin (FORCE 1,5 G) a sur EU database trois phrases de risque de toxicité aigue, à savoir mortelle par inhalation, ingestion et contact cutané. Sur la fiche de sécurité de Syngenta comme dans le registre ephy figure uniquement l’inhalation. D’autres dangers sont totalement absents. La référence canadienne SAGE la classe : hautement toxique pour les abeilles ; très irritante pour les yeux ; cancérigène possible chez l’humain ; et souligne le risque mal connu de neurotoxicité, une 54 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 caractéristique générale des produits de cette famille, dont l’expertise de l’INSERM 2013 montre bien les mécanismes et la gravité. Le PPDB classe la substance en tant que perturbateur endocrinien possible et toxique sur la reproduction/développement possible, et comme un neurotoxique affirmé. Il irrite aussi la peau et les yeux. Bref, il est hautement toxique et peut agir sur la thyroïde et sur le cerveau. Aucun de ces dangers ne se retrouve sur la fiche de sécurité de Syngenta qui affirme que la substance n’est ni cancérigène ni mutagène ni reprotoxique. Par contre, il y a stabilité dans l’eau et bioaccumulation. Mais la substance n’est pas considérée comme PBT (persistante, bioaccumulable et toxique) – ce qui serait une raison pour la classer en CSF donc envisager un retrait. Rappelons que ce produit sert dans les traitements du maïs contre la chrysomèle, traitements parfois rendus obligatoires pour sauver la monoculture (ou quasi-monoculture) du maïs. Et un autre détail, difficile à croire mais vrai : s’agissant d’un insecticide hautement toxique pour les abeilles, il n’y a aucune distance règlementaire par rapport aux arthropodes des bords des champs et parcelles voisines, uniquement par rapport à l’eau (20 m ou 5 m selon les cultures). Plusieurs usages sont susceptibles d’entrainer des risques pour le consommateur (ANSES 2020 p. 40). Son AOEL est faible, ce qui représente un danger pour l’humain (opérateur et consommateur) et pour les vers de terre, organismes aquatiques et abeilles, mais aussi pour les oiseaux et mammifères. Il sert au traitement des semences. Selon ANSES 2020/ IGAS/CGAAER/CGDD 2017 il fait partie des substances identifiées préoccupantes et prioritaires. Les achats sont passés de 19,7 kg à 15,4 kg. La tembotrione (+bromoxynil = AUXO) a selon EU database, en plus de sensibiliser la peau, un effet reprotoxique (Repr2 H361d) et un effet toxique sur les organes en cas d’exposition répétée (STOT RE2 H373), sans qu’il ne soit dit de quels organes il s’agit. Dans le registre ephy le STOT manque, de même sur la fiche de sécurité de Bayer (2018). Or la substance est, selon SAGE qui suit US-EPA, non seulement foetotoxique (ce que les phrases de risque signalent) mais aussi cancérigène possible (adénomes thyroïdiens et carcinomes de la cornée chez le rat), mais attention à la subtilité : « cependant, le rat serait plus sensible que les humains à la tyrosinémie et à la subséquente kératite oculaire liée au carcinome épidermoïde, mais on ne peut exclure les risques pour l'humain à ce jour. De plus, on a jugé que les adénomes thyroïdiens n'étaient pas liés au traitement. » La substance est perturbateur endocrinien potentiel, par ailleurs neurotoxique, la neurotoxicité développementale étant confirmée par des changements morphométriques au cerveau. Elle atteint gravement la cornée. Elle touche le foie et les reins et a des effets hématologiques (le chien étant l’espèce la plus sensible). Ces nombreux dangers ne sont pas communiqués aux utilisateurs européens. Soulignons que les deux composants de l’AUXO ajoutent à la fois un danger carcinogène, hépatique et perturbateur endocrinien. Un cumul impressionnant. L’ANSES (avril 2020) classe le tembotrione comme substance préoccupante car perturbateur endocrinien catégorie II. Les achats étaient stables à 14 kg. 55 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le thiencarbazone-méthyl (+ isoxaflutole = cyprosulfamid = ADENGO) se trouve dans un produit affiché sur ephy comme susceptible de provoquer le cancer et de nuire au fœtus, ce qui pourrait avant tout être attribuable au isoxaflutole. Le thiencarbazine-méthyl n’est pas classifié sur EU database, et il est uniquement classé pour sa toxicité aquatique chez ECHA. Mais il est considéré cancérigène possible chez l’homme par SAGE, avec toutefois une mention évasive : Les tumeurs à la vessie chez la souris ne sont apparues qu’en concomitance avec d’autres effets sur les voies urinaires à la suite d’expositions à long terme à des doses causant la précipitation de la substance d’essai et la formation de cristaux/calculs dans les voies urinaires, ce qui est aussi la version de Bayer. Quant à la reproduction/développement, SAGE estime qu’il n’y a aucun effet ou mineur non préoccupant, alors que pour PPDB les effets sur reproduction/développement sont affirmés connus. Au vu des effets rapportés par SAGE, il paraît en effet contestable de vouloir nier les effets (calculs reins et vessie, dilatation pelvienne, têtes inclinées, cachexie, augmentation de la miction et du poids des reins et diminution du poids corporel et du foie). Les achats passent de 12,6 kg à 13,8 kg. Le thiram (+ carboxin = VITAVAX EXTRA retiré) fait l’objet d’un relatif consensus sur ses dangers, puisque son approbation n’a pas été renouvelée en 2019, avec un délai de grâce pour les traitements de semences jusqu’à fin janvier 2020. Rétrospectivement, deux observations inquiétantes peuvent être faites. D’une part, le thiram a provoqué, chez l’animal, des malformations sévères à des doses qui ne causent pas de toxicité chez les mères (SAGE), or ce risque n’est pas mentionné dans les phrases de danger sur ephy ni dans la classification de l’UE qui pourtant retient les irritations, la sensibilisation, la toxicité aigüe et la toxicité aquatique. PPDB considère comme possibles les effets suivants : carcinogène (selon le CIRC il est groupe 3 c’est-à-dire inclassable), toxique pour reproduction/développement, perturbateur endocrinien et neurotoxique. La neurotoxicité est confirmée par SAGE. Le non renouvellement de l’approbation du thiram provoque en France le retrait d’environ 80 produits. Certaines substances très toxiques dont le thiram viennent de ne pas être renouvelées au niveau européen. C’est satisfaisant, mais cela donne le vertige de voir que la fin de l’approbation entraîne le retrait d’une centaine de produits, tous dangereux, qui ont tous été achetés, et autorisés il y a une dizaine d’années ou plus dans une irresponsabilité collective Le thiophanate-methyl (TOPSIN 70WG) est classé en UE pour son effet mutagène (Muta2), une toxicité aigue, la sensibilisation cutanée et la toxicité aquatique, mais les phrases de danger taisent ses risques carcinogènes, neurotoxiques, thyroïdiens etc. Selon PPDB, en plus d’être génotoxique, il est carcinogène possible, a une toxicité avérée pour la reproduction/développement, et une toxicité possible pour le foie, les reins, la thyroïde. PPDB estime ne pas avoir de données sur une éventuelle neurotoxicité, alors que SAGE affirme un potentiel de neurotoxicité non seulement chez le chien. Le bénomyl qui possède un métabolite commun avec le thiophanate-méthyl avait démontré un potentiel de neurotoxicité dans des études subchroniques et chroniques. Des études sont requises de même que sur la neurotoxicité du développement. La substance altère la fonction thyroïdienne. Les expositions à 56 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 court et à long terme à ce produit causent des diminutions de la circulation des hormones thyroïdiennes chez les rats, les souris et les chiens. Une bonne circulation des hormones thyroïdiennes est essentielle pour le développement normal des fœtus de mammifères ainsi que du cerveau des nouveaux nés; une diminution soutenue des taux d’hormones thyroïdiennes augmente le potentiel de déficit neurologique au cours du développement des petits. La fiche de BAYER (2017)18 n’arrive pas aux mêmes conclusions que SAGE : selon Bayer le mécanisme qui déclenche des tumeurs chez les rongeurs n'est pas applicable aux faibles niveaux d'exposition d'une utilisation normale…. Compte tenu des données disponibles, les critères de classification ne sont pas remplis. La Commission européenne dans son classement, contrairement aux autorités canadiennes, semble donc s’être alignée sur l’avis de Bayer. Toujours est-il que le Ministère de la Transition écologique classe le TOPSIN 70WG dans la liste des PPP susceptibles d’être perturbateurs endocriniens (mais quel utilisateur interroge cette liste ?) et plus récemment dans la liste des produits les plus préoccupants justifiant une ZNT non compressible de 20 m par rapport aux riverains. L’ANSES (avril 2020) classe le thiophanate-methyl comme substance préoccupante, car perturbateur endocrinien catégorie I option 3. Les achats de thiophanate-methyle, très élevés, baissent fortement de 463,4 kg à 228,6 kg. Pour la trifloxystrobine (+ fluopyram = LUNA SENSATION) le rapport de renouvellement de l’approbation19 (2018) est édifiant. La trifloxystrobine a été proposée, par les experts, pour une classification Repro 2. Aussi, des effets toxiques sur les organes endocriniens ont été observés. Mais la proposition de classement en Repro 2 est arrivée tard dans la procédure d’expertise ; le demandeur s’en est rendu compte seulement lors des conclusions de l’EFSA, et l’Etat membre rapporteur n’était pas d’accord. Finalement ont été trouvées des explications (ou, selon le parti qu’on prend, des subterfuges) biologiques justifiant pourquoi, alors que la trifloxystrobine a effectivement des effets sur les organes endocriniens, il serait peu probable que la trifloxystrobine soit un perturbateur endocrinien20. Par ailleurs il serait peu rassurant que les métabolites dans l’eau souterraine pourraient partager son potentiel de reprotoxicité. Mais concernant l’eau potable, les effets du traitement de l’eau sur les résidus ne sont pas connus. Et on demande des études complémentaires, et les années passent. La substance est ré-autorisée en Europe, sans aucune classification pour la santé autre que la sensibilisation cutanée. Alors que SAGE ne voit que des effets mineurs ou peu préoccupants pour la reproduction comme pour le développement, PPDB affiche un effet toxique confirmé sur reproduction/développement. Par ailleurs, le foie et les testicules sont des cibles. Les achats ont augmenté de 23,2 kg à 33,3 kg. 18 https://www.cropscience.bayer.be/fr-FR/-/media/Bayer%20CropScience/Country-BelgiumInternet/products/msds/MSDS%20Topsin%20M%2070%20WG.pdf 19 https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/eu-pesticidesdatabase/public/?event=activesubstance.ViewReview&id=1478 20 Page 4 : Finally, based on the available data (effects on endocrine organs observed only at cytotoxic levels or at doses exceeding the maximum tolerated dose and lack of in vitro oestrogen, androgen, thyroid and aromatase activity), the experts agreed that trifloxystrobin is unlikely to be an endocrine disruptor. 57 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 La zéta-cypermethrine (FURY GEO) n’est pas classée en UE. Les phrases de risque du produit concernent l’allergie, les yeux, et les milieux aquatiques. PPDB considère en plus comme possibles la perturbation endocrinienne, l’effet sur la reproduction/développement, l’effet carcinogène et la neurotoxicité. US-EPA le considère comme un carcinogène possible chez l’humain. Pour les autres effets SAGE est prudent mais évoque les données critiques : dans une étude récente sur la neurotoxicité développementale chez les rats, les fœtus auraient démontré une sensibilité accrue comparativement aux parents, la dose sans effet chez les fœtus (baisse de poids corporel) était plus faible que celle chez les mères. La cyperméthrine est un composé neurotoxique. Chez les rats, des doses élevées de cyperméthrine peuvent causer une démarche anormale. Des taux approchant les doses létales peuvent causer des changements histopathologiques (atteinte aux axones des nerfs sciatiques). Une étude sur la neurotoxicité développementale est requise. Des adénomes pulmonaires bénins ont été observés chez les souris femelles. Les achats passent de 2,16 kg à 3,52 kg. Le Zoxamide ( + Mancozeb = ADERIO) n’a de loin pas la toxicité du mancozeb. Les phrases de danger de l’ADERIO semblent suffisantes pour couvrir le zoxamide. Il a un effet sur la peau et les yeux, et il est tout de même toxique pour le foie et la thyroïde (PPDB). SAGE estime que les effets à long terme sont faibles. Les achats ont augmenté de 32,4 kg à 58,6 kg. 58 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 3ème partie : Discussion des résultats dans le contexte du cadre règlementaire La classification officielle Le motif initial de ce travail a été de savoir si les pesticides que nous respirons et qui dérivent lors des épandages sont inquiétants pour notre santé et en particulier pour la santé des enfants nés et à naître. Il s’agissait donc de s’initier à ce domaine. Le B A BA à bien saisir est la différence entre substance active et produit commercial. De nombreux produits commerciaux contiennent deux et parfois même trois substances actives, et encore des adjuvants et solvants qui contribuent aux impacts. Les substances sont évaluées, classées et autorisées au niveau européen. Les produits reçoivent leur AMM au niveau des Etats membres, avec éventuellement des contraintes et restrictions. Il existe pour les substances chimiques en général, dont les pesticides, un système de classification harmonisé européen avec des catégories de dangers et des codes pour des phrases informant sur ces dangers. Cela repose sur des travaux des Nations Unies qui ont abouti au système généralisé harmonisé dit « SGH ». Le règlement dit CLP CE) No 1272/2008 applique les recommandations du SGH au sein de l’UE. Il définit les obligations concernant la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et des mélanges (Classification, Labelling, Packaging). Les catégories, codes et phrases de danger doivent obligatoirement figurer sur l’étiquette. L’objectif est d’informer les utilisateurs des dangers, par des pictogrammes, des phrases de danger – ce sont elles qui nous intéressent -, des phrases de prudence. Le 1er article du règlement annonce la couleur : 1. Le présent règlement a pour objet d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement, ainsi que la libre circulation des substances, des mélanges et des articles visés à l'article 4, paragraphe 8, … Est-ce que l’information officielle sur les dangers est sincère et suffisante ? L’idée est venue de chercher des informations sur d’autres bases de données et de comparer les informations. L’enjeu est triple. D’abord, la qualité de l’information est importante pour que les utilisateurs adoptent des choix et des pratiques responsables. Ensuite, une information sincère et digne de confiance est la base indispensable pour un débat sociétal rationnel et constructif. Troisièmement, au niveau de l’administration et de la gouvernance, la classification des substances en catégories de dangers a toute son importance pour les autorisations, la surveillance et le renouvellement des autorisations, un autre élément important étant la phytopharmacovigilance. 59 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020  Le tableau des classifications officielles pour ce qui concerne la santé et l’environnement (hors dangers chimiques, incendie, explosion…) peut être consulté à la fin du dossier, après le glossaire.  C’est le règlement (CE) n° 1272/2008 dit CLP21 (classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges) qui définit, dans les points 3.5 à 3.9, les catégories de classification et les phrases de danger obligatoires qui les accompagnent. Pourquoi s’être limité à l’étude des effets chroniques sur la santé, alors que les classifications traitent aussi des effets aigus et des effets environnementaux ? Divers effets qui sont régulièrement répertoriés et classés concernent des intoxications aigues : effets sur la peau, les yeux, la respiration. Ce sont typiquement les effets que subissent les opérateurs qui ne sont pas protégés comme le veut la théorie des bonnes pratiques, qui doivent faire face à des pannes, se débrouiller en cas de situation imprévue. Ces effets aigus, tels des brûlures sur la peau ou dans les yeux ou des troubles respiratoires, ne passent pas inaperçus. Il est difficile de les balayer sous le tapis. On ne triche pas avec les effets aigus. Un autre symptôme d’intoxication aigue sont la somnolence et les vertiges, qui posent un problème de sécurité immédiat et de ce fait ne peuvent pas être ignorés par la médecine du travail. Ils sont pris en compte. Par contre, les effets chroniques à faible dose restent longtemps invisibles. Ils sont très décalés dans le temps. Les relations de cause à effet sont difficiles à démontrer. Ils sont pourtant redoutables. Evidemment, les agriculteurs eux-mêmes sont en première ligne face à ces dangers. Mais cela concerne aussi les riverains et toute personne qui ne se versera jamais du produit sur les bras et ne mettra jamais sa tête au-dessus de la cuve, mais qui se trouve sous la dérive des produits, quitte à se prendre une bouffée dans la figure lorsque le tracteur tourne ; et en particulier les enfants et les femmes enceintes qui habitent, respirent, jardinent, mangent et jouent sous le vent des champs environnants. Quant aux effets sur l’environnement, la classification officielle comprend uniquement le danger pour les milieux aquatiques en 5 catégories différentes et le danger pour la couche d’ozone. De toute évidence l’attention est focalisée sur l’eau. Depuis plusieurs décennies, la qualité de l’eau fait l’objet de surveillance et de financements, avec des succès fragmentaires. Elle est entre autres un enjeu économique. S’il y des effets sur des daphnies ou des poissons, cela compte pour un effet sur les milieux aquatiques, pas pour un effet en lien avec la santé humaine. Pourtant les mécanismes biologiques dans les cellules vivantes sont essentiellement les mêmes. Quelques décennies d’expérience de protection de la nature laissent l’impression amère que le problème des milieux aquatiques est abordé de manière cloisonnée et réductionniste : on prescrit une distance par rapport à l’eau, et voilà. Et on laisse travailler les ingénieurs sur le ruissellement etc. et sur toute mesure réduisant la percolation vers l’eau. Il paraît hors question de ne pas autoriser une substance à cause d’une toxicité sur les milieux aquatiques. Plus récemment s’introduit certes la notion de persistance dans l’eau, mais cela peine à se traduire en interdictions et la définition de la persistance est plutôt tolérante. Par contre l’autorisation d’une substance devient autrement délicate, voire à risque 21 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2008:353:FULL&from=EN 60 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 juridique, lorsque des effets graves sur la santé humaine sont avoués et ne peuvent plus être mis en doute ou minimisés. Un esprit critique et suspicieux pourrait spéculer que les classifications sont généreuses avec l’affichage du danger pour les milieux aquatiques, ceci ayant relativement peu de conséquences pour les ventes vu que des solutions techniques sont suggérées, mais par contre beaucoup plus avares avec l’affichage des effets chroniques sur la santé qui sont autrement redoutables à terme pour les ventes des produits. Toujours quant à l’environnement, il existe une mention officielle de danger pour la couche d’ozone, qui ne nous concerne pas pour ce qui relève des pesticides. Mais il n’y a rien sur la biodiversité. Voilà ce qui est important. On peut donc formuler une première accusation : les classifications officielles manquent au devoir d’information et sont à ce niveau co-responsables des impacts des pesticides en termes d’effondrement de la biodiversité et en particulier des populations d’insectes et de tout ce qui s’en suit au niveau de la chaîne alimentaire. Rajoutons ici – puisque nous parlons d’environnement, et que par la suite nous ne parlerons plus que de santé, sauf à la fin - une observation issue de notre analyse locale. Quelques produits sont assortis d’une obligation de distance pour protéger les arthropodes (dont évidemment les pollinisateurs). Et pourtant plusieurs insecticides – qui en auraient le plus besoin - sont assortis d’aucune distance des parcelles voisines accueillant de la biodiversité. Une pareille incongruité ne peut que nourrir les doutes sur la cohérence et l’efficacité de tout cet édifice de signalisation et de procédures. Qui décide de la classification des pesticides ? Le plus souvent il s’agit de classification harmonisée des substances actives au niveau européen, validée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments et la Commission européenne. Pour chaque substance, la classification une fois validée est transcrite dans le règlement européen, au niveau des annexes, et s’impose. Mais l’ANSES, qui décide des AMM et des phrases de danger pour les produits en France, peut prendre en compte des éléments particuliers, par exemple la concentration de la substance dans le produit. Si jamais la classification de la substance n’est pas encore faite au niveau européen, il est possible de recourir à la classification effectuée par une autre agence, par exemple l’ECHA. Si ce n’est pas le cas non plus, pour la France, l’ANSES évalue la substance elle-même, validée par son comité d’experts spécialisé (CES), en s’appuyant sur les évaluations des substances par l’EFSA ou les Etats membres chargés de traiter les dossiers. La classification peut évoluer au moment où l’ECHA ou un règlement européen tranchent22. La classification harmonisée est déterminante pour certains aspects des procédures d’autorisation et, justement, de par les phrases de danger, pour l’information des utilisateurs. En matière d’effets chroniques sur la santé, la première catégorie de classement concerne les agents mutagènes (Muta) sur les cellules germinales, provoquant des mutations héréditaires, la deuxième concerne la cancérogénicité (Carc), la troisième la toxicité pour la reproduction (Repr) ; ces trois ensemble constituent le trio CMR. La reprotoxicité est subdivisée en effets sur la fertilité et effets sur le développement. Pour chaque domaine, il y a une catégorie I A qui désigne des effets avérés (par études épidémiologiques) sur l’humain, en d’autres termes : le mal est fait, il est déjà trop tard. La catégorie IB est plutôt fondée sur des essais sur des animaux qui ont eu des résultats positifs clairs. La catégorie 2 signifie que la substance « pourrait » induire des mutations héréditaires, ou qu’elle est « suspectée » d’être cancérigène, ou « suspectée » d’être toxique pour la 22 Information donnée par l’ANSES 61 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 reproduction. Ainsi cancérigène IB signifie que le potentiel carcinogène pour l’humain est « supposé » et cancérigène 2 signifie qu’il est « suspecté ». Appréciez la nuance. Le commun des mortels ne la saisira pas. En fait, le classement dépend au cas par cas de la « force probante des données », évaluée par les experts. Le règlement CLP donne des indications et des exemples. Aussi existe-t-il des guides pour la réalisation des essais. La toxicité sur la reproduction est complétée par une catégorie spéciale : effets sur ou via l’allaitement (Lact) L’intention est fort louable. Sauf que cette catégorie n’est jamais apparue dans notre échantillon, alors qu’il est difficilement imaginable que toutes ces substances soient anodines pour un allaitement. D’ailleurs l’ANSES l’affirme validé en 2019 pour le fluxapyroxad, or cette phrase de danger n’apparaît même pas (encore ?) sur la fiche ephy du YARIS ni sur la fiche de sécurité BASF pourtant mise à jour le 06.03.2020. Quelles précautions devraient prendre des agricultrices qui voudraient allaiter ? Quelle distance des épandages par rapport à un voisinage où une mère allaite ? Sachant qu’en plus le lait maternel évacue des substances toxiques lipophiles accumulées dans le corps à long terme, l’obligation de protéger la population sensible des mères allaitantes et des bébés allaités aurait sans doute des conséquences plutôt dérangeantes pour l’utilisation des pesticides. Et la question se pose aussi pour le lait de vache. Citons encore un dernier effet chronique pouvant être classifié : la toxicité spécifique pour certains organes, qui peut être prise en compte soit pour une exposition unique (STOT SE) soit par des expositions répétées (STOT RE) qui sont celles qui nous intéressent ici. Les concentrations sont généralement faibles. Là aussi, il y a une catégorie 1 (risque avéré d’effets graves pour les organes à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée) et une catégorie 2 (risque présumé d’effets graves pour les organes à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée). La différence se joue entre « avéré » et « présumé ». L’abréviation en est respectivement STOT-RE 1 ou 2, les codes des phrases de danger sont H372 et H373. L’organe affecté devrait être indiqué, ce qui semble très rarement être le cas. Cette catégorie de toxicité pour les organes rend perplexe. On imaginerait que la toxicité sur le foie, les reins, le cerveau… serait communiqué. Or les phrases H372 et H373 sont peu fréquents23 dans notre échantillon (8 fois sur 89 substances). Nous n’avons jamais rencontré d’information sur l’organe concerné, ni sur les fiches officielles de l’UE, ni sur celles ephy de l’ANSES (sauf l’une ou l’autre fois sur une fiche de sécurité mais nous n’avons pas fait d’analyse systématique des fiches de sécurité). Cette absence d’information pèsera lourd lors des comparaisons à effectuer. La perturbation endocrinienne ne fait pas partie des catégories officielles d’information aux utilisateurs. Cela semble être une lourde séquelle de la longue période durant laquelle les autorités responsables semblaient freiner une reconnaissance efficace des impacts de la perturbation endocrinienne sur la santé publique, se doutant bien que cela remettrait en question la vente de très nombreuses substances.. 23 REVUS TOP, REGLONE 2 retiré, VITAVAX EXTRA retiré car thiram non renouvelé, BASTA F1 retiré, AVISO FD, SPYRALE, SLOGAN, MAGEOS MD. 62 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 La comparaison avec deux autres bases de données Deux bases de données ont été consultées systématiquement et les conclusions sur les effets chroniques sur la santé relevées, parce que ces bases semblent sérieuses et sont faciles d’accès. Pesticides Properties DataBase24 de l’Université de Hertfordshire, Royaume-Uni Pour chaque substance, le tableau de synthèse sur les effets sur la santé se présente ainsi : Exemple metiram : Ainsi, sur la base PPDB, la génotoxicité fait l’objet de précisions. Les autres effets sont classés en quatre options : o o o o oui ( = problème connu), non (X = il est connu qu’il n’y a pas de problème), possible ( ? = statut non identifié), pas de données trouvées ( - ). Nous avons intégré les réponses « oui » et les « possible » dans notre tableau en tant qu’effets sur la santé. C’est justifié, parce que le « possible » s’appuie sur des données positives qui au minimum sèment un doute justifié. Cela est très clairement différent du « non » (preuves que non) ou « » (absence de données). 24 https://sitem.herts.ac.uk/aeru/ppdb/en/atoz.htm 63 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 SAGEpesticides25, base de données canadienne Ce site donne pour chaque substance active d’abord une synthèse. Exemple : MCPA : Le site propose ensuite une fiche santé complète avec plus de détails sur la toxicité d’abord aigüe puis chronique. Ce sont ces détails qui ont été consultés. Voici un extrait pour la tefluthrine : 25 https://www.sagepesticides.qc.ca/Recherche/RechercheMatiere 64 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Suite téfluthrine Exemple fluopicolide Dans la base canadienne SAGEpesticides nous trouvons le vocabulaire « cancérigène probable pour l’humain » fréquemment retenu par l’US-EPA, ainsi que les termes « confirmé », « possible », « potentiel », « suspecté ». Nous assumons le choix d’avoir mélangé et comptabilisé l’ensemble de ces affirmations positives, du plus avéré au possible, suspect ou potentiel. Il n’y a pas d’excuse à cacher un danger possible, suspecté ou potentiel. Il y a par ailleurs suffisamment d’autres cas qui ne seront sauf exception pas comptabilisés, dès lors que la conclusion est du type « peu probable » ou « effets mineurs peu préoccupants ». 65 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le tableau de synthèse comparatif (8 pages)  ce tableau est consultable en dernières pages C’est sur ce tableau qu’ont été transcrites les données relevées, permettant ensuite de les compter. Les 3 premières colonnes donnent des informations générales, identifiant le produit :  1ère colonne : numéro AMM ; H,F, I selon herbicide, fongicide ou insecticide, phytoprotecteur ou régulateur de croissance ; quantité vendue en 2017 en kg ou en Litres  2ème colonne : nom commercial du produit (en majuscules)  3ème colonne : substances actives contenues dans le produit. Ensuite suivent 9 colonnes qui détaillent neuf (dont un ‘divers’) effets chroniques sur la santé répertoriés selon PPDB et SAGE. Elles sont uniquement cochées lorsque ces mêmes effets ne sont PAS signalés par les phrases officielles de danger sur les bases de données EU database et ephy et donc PAS mentionnés sur l’emballage des pesticides. Tout ce qui est coché peut être suivi et vérifié au niveau des sources dans la 2ème partie du présent dossier qui présente les substances par ordre alphabétique. Il s’agit des effets :  Carcinogène 66 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020  Sur la reproduction/le développement : PPDB mélange les deux, comme le fait l’UE qui les combine tout en les différenciant les effets sur la fertilité (F et f) et sur le développement (D et d), alors que SAGE les aborde séparément  Génotoxique  Neurotoxique  Toxique pour le foie : cet effet est très fréquent, et souvent dépendant de la dose. Il nous semble important de le prendre en compte.  Toxique pour les reins : cet effet est fréquent, et souvent dépendant de la dose. Il nous semble important de le prendre en compte.  Perturbateur endocrinien : contrairement aux tergiversations européennes, cet effet semble solidement pris en compte dans nos sources alternatives.  Effets chroniques sur les yeux : cet effet ne sera pas quantifiable, vu le flou qu’il y a entre des effets aigus, très souvent signalés, et des effets chroniques, réels, mais difficiles à isoler.  Autres : p.ex. hématologiques, sur l’estomac, la thyroïde… ; ces données sont aléatoires et non quantifiables. Pour ne pas compter une même substance plusieurs fois, le petit x inscrit dans les colonnes est coloré lorsqu’une même substance se répète. Les 7 dernières colonnes représentent des informations sur la toxicité des substances et produits, qui SONT signalés dans le cadre des classifications ou stratégies européennes ::  Produit avec distance incompressible de 20 m selon la liste du Ministère (avril 2020)  Substance non approuvée ou candidate à exclusion ou à substitution, en indiquant la raison  Produit susceptible d’être perturbateur endocrinien selon la liste du Ministère de l’agriculture  Substance à mode d’action SDHI  Substance CMR selon EUdatabase  Produit CMR selon ephy  Substances préoccupantes dont perturbateurs endocriniens selon l’ANSES (avril 2020) Pour faciliter le comptage, les symboles insérés diffèrent légèrement lorsque la même substance se répète. Le comptage des résultats Pour trouver les résultats il suffit dès lors de compter les petites croix et les symboles dans le tableau. Il est important de bien se souvenir que les 9 colonnes du milieu, avec leurs petites croix, reflètent les impacts sur la santé qui NE SONT PAS SIGNALÉS dans les phrases de danger officielles. Dans la 3ème partie, à droite, se trouvent des informations quant aux effets chroniques sur la santé qui SONT SIGNALÉS dans les classifications officielles européennes ou françaises. Le total du nombre de substances qui sont susceptibles d’avoir tel ou tel effet chronique sur la santé – par exemple l’effet cancérigène - est donc LA SOMME des signalements européens officiels ET des signalements autres absents dans les classifications européennes. Les résultats des comptages sont représentés sur le tableau, page suivante. 67 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le nombre total est de 89 substances et 92 produits. 43 produits contiennent 2 substances et 12 produits contiennent 3 substances. 19 substances (21 %) n’ont aucune suspicion d’effet CMR ; elles peuvent toutefois avoir d’autres effets toxiques, aigus, être persistants et bioaccumulants, toxiques pour les milieux aquatiques… Seulement 7 produits (8 %) (4 à base de soufre) ne soulèvent aucune suspicion d’effet CMR. Tableau des résultats : comptage des effets chroniques sur la santé non signalés, et des effets signalés, par les phrases de danger officielles pour notre échantillon de substances et produits Nombre de substances et/ou de produits (en italique) pour lesquelles l’effet est officiellement communiqué par les phrases de danger Effet chronique sur la santé Cancérigène Toxique pour reproduction et/ou développement la le A la fois cancérigène et réprotoxique Génotoxique (tous aussi cancérig. et/ou reprotox.) Tout CMR : cancérigène ou reprotoxique ou génotox. Toxique pour le système nerveux Toxique pour le foie Toxique pour les reins Perturbateur endocrinien Effets graves sur les yeux Autres : estomac, thyroïde, prostate, sang… 8 substances (9 %) 14 produits (15 %) 14 substances + 2 incohérents** (20 %) 20 produits (dont 5 avec 2 substances)(22 %) 3 substances (3,4 %) 8 produits (8,7 %) 1 substance 1 produit 20 substances (23%) 26 produits (28 %) Jamais communiqué* Nombre de substances et de produits (en italique) pour lesquels un effet est susceptible de se produire selon d’autres sources mais sans être communiqué par les phrases de danger officielles 35 substances 51 produits 53 substances 67 produits (dont 19 avec 2 substances et 3 avec 3 substances) 23 substances 39 produits 20 substances 48 produits Jamais communiqué* 62 substances 81 produits 37 substances 45 produits 50 substances 69 produits Jamais communiqué* 28 substances 44 produits Jamais communiqué 22 produits sur la liste du Ministère (24 %) Selon la nouvelle liste de l’ANSES avril 2020 30 substances (34 %) 42 produits (46 %) Effets aigus sont communiqués Jamais communiqué* 28 substances 45 produits Total des substances et produits auxquels peut être attribué la possibilité d’un tel effet 43 substances (48 %) 58 produits (63 %) 69 substances (78 %) 77 produits (84 %) 26 substances (29 %) 50 produits (54 %) 21 substances (24 %) 49 produits (53 %) 72 substances (81 %) 85 produits (92 %) 37 substances (42 %) 45 produits (49 %) 50 substances (56 %) 69 produits (75 %) 28 substances (31 %) 44 (48 %) produits 28 substances (31 %) 45 produits (49 %) 38 substances (43 %) 54 produits (59 %) (11 substances 24 produits chiffre trop aléatoire) (36 substances 53 produits chiffre trop aléatoire) 100 % = 89 substances et 92 produits *Parmi les phrases de danger disponibles, il y a les effets sur les organes provoqués par des expositions répétées (phrase STOT RE). Cette phrase n’est pas fréquente, et en règle générale l’organe concerné n’est pas mentionné alors qu’il devrait l’être. Il pourrait éventuellement être retrouvé dans certaines fiches de sécurité. ** Le prothiaconazole et le bixafen ne sont pas réprotoxiques selon EU database, mais les deux produits les associant le sont selon ephy (ANSES). - Spiroxamine est reprotoxique selon ECHA mais pas selon EU database. 68 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Que fait l’Europe pour aborder les dangers des pesticides ? Nous sommes sur la piste des forces et faiblesses d’une stratégie extrêmement codifiée.  Seulement 20 substances (22 %) sont officiellement classées CMR. Avec nos sources nous arrivons à 72 substances suspectes sur un total de 89, c’est-à-dire 81 %.  7 substances de notre échantillon de 2017 ne sont entretemps plus approuvées au niveau européen. Seul l’epiconazole était candidat à exclusion ; en France tous les produits qui le contiennent sont retirés. Mais il alimente la liste des produits à distance incompressible de 20 m.  27 substances (30 %) dans 46 produits sont Candidates à Substitution (CFS), c’est-à-dire elles sont susceptibles d’être non renouvelées ou leur usage restreint lors du renouvellement de leur approbation. C’est une proportion importante, mais néanmoins insuffisante, étant donné que 80 % des substances de notre échantillon comportent une suspicion d’effet CMR. Aussi, ce classement n’est pas vraiment rassurant, vu que les dates prévues du réexamen sont régulièrement reportées, des délais de grâce se rajoutent en cas de non renouvellement, et il peut y avoir uniquement des restrictions. C’est une bataille scientifique, produit par produit. Les substances CFS sont toutes CMR sauf le Quinoxyfen et le diquat dibromide. 8 substances sont CMR sans être CFS. Parmi les CFS il y a un cas particulier, le cuivre, qui est discuté dans le 2ème partie du dossier. Il vient d’être réapprouvé en limitant les quantités à 28 kg/ha sur 7 ans. L’agriculture biologique ne peut pas s’en passer, et limite les quantités. La persistance, la bioaccumulation, les toxicités aigues et aquatiques, la concentration,… sont des critères de classement en CFS (voir page 58). Que se passe-t-il au niveau national ?  Quant à l’effet de perturbation endocrinienne, il existe une liste de produits (pas substances) du Ministère de l’agriculture qui est très incomplète. Elle comprend seulement 22 produits de notre échantillon, qui selon les sources alternatives contiendrait 45 produits suspects de substances perturbateurs endocriniens. La parution de l’Avis de l’ANSES relatif aux substances phytopharmaceutiques qualifiées de préoccupantes dans le rapport CGAAER-CGDD-IGAS le 10 avril 2020 (liste à compléter) nous a beaucoup intéressés. Nous dénonçons l’absence de signalement officiel sur l’effet de perturbation endocrinienne. Nous trouvons dans la réponse de l’ANSES une liste validée récemment par les experts, de substances perturbateurs endocriniens préoccupants, et il a été tentant de vérifier combien de substances de notre échantillon rentrent dans cette liste. Le nombre est peu différent : nous avions trouvé 28 substances et 45 produits, et selon l’ANSES on trouve 30 substances et 42 produits. Ce sont pour plus du deux tiers les mêmes. Les divergences peuvent être interprétées de différentes manières : informations sélectives selon les sources, incertitudes scientifiques suspectant plus de substances qu’il n’y a de certitudes, ou ambiguïtés des données montrant que le risque est globalement moins maîtrisé et encore plus diffus qu’il n’est couramment admis.  Reste la question hautement sensible des distances des épandages par rapport aux riverains. Le Ministère a publié une liste très courte de produits (pas substances) imposant une distance incompressible de 20 m. Or seulement 5 % de nos produits analysés se trouvent sur cette liste, alors que 92 % des produits analysés sont suspects d’effets CMR et 49 % présentent un risque de perturbation endocrinienne. Cette liste devra en toute urgence être complétée. 69 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Réflexion sur la « force probante » des données Qu’il s’agisse de CMR ou de STOT, sur quelles bases repose la classification d’une substance ? Les études épidémiologiques sont très complexes et peu probantes. Comment voulez-vous extraire, pour une population, au fil d’une vie humaine, les risques spécifiques de substances dans un contexte où sur un seul code postal vous trouvez 199 substances (2017, pour le 67120) dans toutes les combinaisons, certaines déjà interdites, d’autres nouvelles, et en plus il faut extraire les effets du tabac, de l’alcool, de la pollution diffuse notamment routière, et théoriquement la pollution intérieure ? Les habits, les retardataires de flammes, les biocides, les plastiques, etc ? Chez nous, l’industrie des pesticides est relativement tranquille ; les outils du crime sont noyés dans la masse. Il faut des cohortes de dizaines ou de centaines de milliers de personnes, voir des millions, pour aboutir à des résultats statistiquement probants pour l’une ou l’autre substance, et encore. Reste l’exposition des ouvriers lors de la fabrication, celle de populations du Sud davantage exposées, et chez nous quelques accidents du travail des opérateurs. Reste donc, surtout, les essais in vivo, sur des animaux, et in vitro, sur des cellules, ou in silico, par la modélisation. Pour les effets Carc, Repro, Muta, STOT-RE, la classification prévoit des nuances du type « effet avéré », « possible », « susceptible de se produire ». Selon le cas, la décision tombe pour du 1A, 1B, ou 2. La décision de classement dépend de la « force probante » des données, qui devront être évaluées par les experts. Le règlement donne quelques exemples. En effet, c’est à ce niveau que tout se joue. Les experts de l’industrie des pesticides défendront leur substance en contestant la « force probante ». Les experts plus ou moins indépendants des Agences se réfèrent constamment aux textes règlementaires, qui seuls peuvent leur donner raison ou tort face à l’industrie. Or les pistes de débats observées semblent encore beaucoup concerner les essais sur des animaux entiers. Le débat se joue aussi fortement sur les seuils ou LMR autorisés. Ces seuils peuvent être modifiés si les experts estiment que c’est nécessaire, ce qui suppose aussi une procédure relativement lourde. Et il existe en plus un vaste domaine concernant les métabolites de chaque substance et leur élimination. Revenons à la « force probante ». Prenons les cancers ou les effets sur le développement c’est-à-dire sur les embryons et fœtus. Est-ce que l’effet a été observé sur une espèce ou plusieurs ? Sur mâles ou femelles ou les deux ? Est-ce que l’effet est vraiment significatif au vu des anomalies qui peuvent apparaître spontanément dans telle ou telle souche d’animaux de laboratoire ? Si l’anomalie pourrait être spontanée, ‘ça ne compte pas’. Exemple : fluroxypyr selon SAGEpesticides : « dans l’étude sur l’ester de fluroxypyr, on a observé une incidence accrue des cas d’uretères rétrocaves en l’absence d’effet toxique chez les mères. La communauté scientifique ne s’entend pas sur la question de savoir si cette modification structurelle congénitale doit être considérée comme une variation ou comme une malformation. Dans l’ensemble, les éléments dont on dispose dans ce cas indiquent que les uretères rétrocaves doivent être considérés comme une variation. Par conséquent, le fluroxypyr n’est pas jugé tératogène, mais une sensibilité a été relevée chez les fœtus. » 70 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Est-ce que l’effet est transposable à l’humain, ou est-ce qu’il repose sur une différence biologique entre espèces qui fait qu’il n’est pas transposable ? Dans le deuxième cas, ‘ça ne compte pas’. Exemple : La fiche de sécurité du ELATUS ERA (benzovinduflupyr + prothioconazole) (version 1.1 du 26.10.2017) par Syngenta dit pour benzovinduflupyr : Cancérogénicité-Evaluation : Les éléments de preuve apportés ne permettent pas le classement comme cancérogène. Il a été signalé que cette substance provoquait des tumeurs chez certaines espèces animales. Il n'y a aucune évidence que ces observations soient pertinentes pour l'homme. Quant à la toxicité à dose répétée : Aucun effet indésirable n'a été observé dans les tests de toxicité chronique. Pourtant SAGEpesticides estime que les effets à long terme sont élevés et que benzovinduflupyr est cancérigène possible. Exemple boscalid, fiche de sécurité du SIGNUM par BASF : Evaluation du caractère cancérogène: La substance a provoqué des tumeurs de la tyroïde lors d’études à long terme sur les rats. L'effet est causé par un mécanisme spécifique chez l'animal qui n'a pas d'équivalent chez l'homme. Dans les études à long terme réalisées avec des souris par administration avec les aliments, la substance n'a pas eu d'effet cancérigène. A quelle dose de poison l’effet est-il apparu ? Si l’effet apparaît seulement à des doses élevées, sans rapport avec les doses auxquelles l’humain peut être exposé, ‘ça ne compte pas’. Effectivement, si vous empoisonnez volontairement un animal, il ne faut pas s’étonner qu’il ait des symptômes. Attention. La ficelle est un peu grosse, le règlement essaie de préserver la chèvre et le chou. On revient à la « force probante ». Toujours est-il que la dose élevée semble être l’argument royal pour rejeter certains effets qui ne compteraient pas. La question de la dose est particulièrement clivante dans les essais sur le développement. Est-ce que l’effet de la substance est lié à un impact direct sur l’embryon ou le fœtus, ou est-ce un effet indirect de la toxicité sur le corps maternel ? Si la mère est fortement touchée par une dose élevée de poison voire agonisante, les petits finiront forcément par en souffrir. L’effet serait donc liée à la toxicité maternelle et ‘ça ne compte pas’. Aux experts de juger au cas par cas. Exemple : La fiche de sécurité de AVIATOR X PRO par Bayer évacue la toxicité développementale pour les 2 composantes, bixafen et prothioconazole : Evaluation de la toxicité pour le développement Bixafen : Cette substance n'a pas provoqué de toxicité développementale chez le rat et le lapin. Prothioconazole : Cette substance a provoqué des effets toxiques sur le développement seulement à des doses produisant une toxicité systémique chez les mères. Les effets sur le développement observés avec prothioconazole sont liés à la toxicité maternelle. Une telle formulation laisse entendre qu’il y a un effet sur le développement, mais à des doses plus élevées lorsque l’effet toxique commence à être visible sur la mère. L’effet reste à interpréter, et l’interprétation n’est pas neutre. Or AVIATOR XPRO est classé reprotoxique. PPDB affirme d’ailleurs aussi une toxicité pour le développement du bixafen. Exemple : boscalid, fiche de sécurité su SIGNUM par BASF Evaluation du caractère tératogène: … Les tests sur animaux réalisés avec des quantités qui ne sont pas toxiques pour les animaux adultes ne donnent pas d'indice pour un effet toxique pour les embryons. 71 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 PPDB estime possible non seulement l’effet cancérigène mais aussi un effet toxique sur la reproduction/développement. La substance est perturbateur endocrinien. Exemple : pyraclostrobin, selon SAGE : Chez les lapins, la pyraclostrobine s’est révélée tératogène pour les foetus à la dose élevée de 20 mg/kg p.c./j, de tels effets se manifestant sous forme d’une incidence accrue, par portée, des foetus montrant des malformations du squelette, particulièrement une absence ou une malformation des vertèbres lombaires. On a aussi noté d’autres éléments au niveau du développement comme une incidence accrue des résorptions et de la perte totale de la portée à 10 mg/kg p.c./j et plus. PPDB affirme clairement l’effet sur la reproduction/développement, l’Europe l’évince. Ainsi l’industrie peut mobiliser des arguments scientifiques pour éviter des classements qui pourraient porter préjudice aux ventes. Le règlement ouvre de nombreuses brèches le permettant. Mais apparemment, les guides pour la conduite des essais ne manquent pas. Le règlement donne même des fourchettes des concentrations auxquelles les animaux doivent être soumis. C’est difficile à comprendre, étant donné la grande diversité des concentrations efficaces préconisées des substances qui peuvent varier d’un facteur 100. Par exemple, la combinaison de iodosulfuron et mesosulfuron désherbe à respectivement 2-3 g/ha et 10-15 g/ha, alors que S-metolachlore désherbe à 1 500 g/ha. L’impression est bel et bien que l’objectif du règlement CLP est de ne pas ériger trop d’obstacles à la vente des pesticides. L’objectif est de ne surtout pas les interdire, sauf en cas d’effets graves engageant la responsabilité des décideurs. De la lecture il reste comme une impression d’apercevoir le stylo de l’industrie chimique derrière la rédaction de certaines modulations très ‘scientifiques’. Plus loin il faudra encore s’attarder à cette notion essentielle qui revient régulièrement, partout : c’est l’exposition dite acceptable, qu’il s’agisse du travailleur, du public, du consommateur, de la faune, de l’eau souterraine ou de surface. Ce sera abordé dans le dernier chapitre, à l’heure de la contestation et du plaidoyer. En attendant, ne nous faisons aucune illusion. Ce n’est pas parce qu’au Canada les impacts sont présentés de manière plus transparente et accessible qu’en Europe que les pesticides y seraient interdits26. Et si la base PPDB propose une synthèse des impacts qui est rapide et confortable à consulter, cette même base considère régulièrement que l’exposition des personnes aux pesticides serait acceptable. Le chapitre suivant présente un zoom sur quelques produits de notre échantillon local. 26 Toutefois quelques pesticides redoutables autorisés en Europe semblent ne pas l’être au Canada, puisqu’ils ne se trouvent pas dans la base de données. Le cas inverse existe aussi. 72 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Zoom sur les pesticides du 67120 de 2017 à 2018 : l’inquiétude des riverains est justifiée Le code postal 67120 comporte 12 communes : Molsheim, Altorf, Avolsheim, Dachstein, Ernolsheim / Bruche, Ergersheim, Kolbsheim, Dorlisheim, Duppigheim, Duttlenheim, Molsheim, Soultz/Bains, Wolxheim. Elles ont 5549 ha de SAU (surface agricole utile) dont des grandes cultures, beaucoup de viticulture, des prairies avec de l’élevage surtout laitier, et de l’arboriculture. Plus de 75 tonnes de pesticides (75,853 t) ont été achetées en 2017. Cela ne représente pas nécessairement les quantités effectivement utilisées dans cette année, mais une quantité prévisionnelle. Aussi, le code postal de l’acheteur n’est pas nécessairement le même que celui du champ qu’il traite. Toutefois, ces chiffres permettent une estimation valable. Les ventes en 2017 totalisent 343 produits différents, c’est-à-dire relevant de 343 noms commerciaux. Ils contenaient 199 substances différentes. Pour rendre plus abordable la tâche de les analyser, ont été sélectionnés les produits vendus à > 200 kg ou > 200 litres. Il y en a 72. Ils représentent plus de 80 % du total des achats. Il se trouve que 20 produits vendus à des quantités plus faibles sont restés dans la liste, pour deux raisons : soit au hasard (6 produits) soit parce que nous avons, sous l’influence de l’actualité médiatique, recherché les produits à mécanisme d’action SDHI (14 produits). Ce dernier groupe peut peut-être légèrement biaiser les résultats, mais il nous a semblé qu’il était quand même plus intéressant de les garder pour l’éclairage qu’ils apportent, que de les éliminer. Les produits les plus achetés (2017) et l’évolution des achats (2018/2017) Ci-dessous sont présentés les produits commerciaux de notre échantillon dont les quantités achetées étaient les plus importantes. les mêmes substances actives sont dans d’autres produits.  Attention ! Ci-dessous les remarques en rouge sur l’évolution des achats entre 2017 et 2018 se rapportent à la somme totale de la même substance active achetée dans l’année, quel que soit le produit commercial qui la contient.  Ici nous proposons aussi l’exercice qui consiste à regarder la concentration de la substance active dans le produit et le dosage au champ, seul moyen pour avoir une approche pertinente des quantités achetées.  7 050 L CAMIX, qui est un herbicide, s’utilise à 3,75 l/ha pour désherber le maïs ; il est composé de : o S-Metalochlor, 400g/l. Le S-Metolachlor a largement remplace l’atrazine (interdite) et se retrouve maintenant à son tour massivement dans l’eau. Selon l’agence US-EPA il est cancérigène possible pour l’humain ; il est aussi accusé de toxicité pour la reproduction. Ces effets ne sont pas affichés. Il atteint la thyroïde mais n’est pas 73 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 considéré comme perturbateur endocrinien. Il semblerait qu’entretemps la Chambre d’agriculture le déconseille (?), au vu de la contamination massive de l’eau. 2018 : achats en nette augmentation o mesotrione 40 g/l qui a aussi des effets élevés sur la santé à long terme. 2018 : achats en augmentation o benoxacor, 20 g/l. Le benoxacor stimulerait la dégradation du S-Metolachlore par le maïs, favorisant ainsi son application. Usage très inquiétant.  4 506 L Mildicut, qui est un fongicide vigne, 4,5 l/ha max 3x/an, composé de o disodium phophonate 250 g/l, qui est une substance de biocontrôle stimulatrice des défenses naturelles, et il est peu probable que des effets toxiques apparaissent. 2018 : achats en augmentation o cyazofamid 25 g/l, qui semble moins toxique que beaucoup d’autres substances, mais il y a néanmoins une suspicion d’effet sur le développement, il est classé pour sa toxicité sur les milieux aquatiques et il a un potentiel de bioaccumulation. On peut considérer que ce produit reflète un certain effort de choisir le ‘moins pire’, mais il reste inquiétant. 2018 : achats en augmentation  4 460 kg MICROTHIOL est du soufre 800 g/kg, à 20 kg/ha pour la vigne. Cette quantité élevée revient à une substance anodine. 2018 : achats des différentes formes de soufre en augmentation modérée L’usage de ce produit est bienvenu.  3 387 kg PROFILER est un fongicide vigne 3 kg/ha composé de o Fluopicolide 44,4 g/kg est une substance dangereuse, qui pourrait produire des effets cancérigène et sur le développement du fœtus. Ce n’est pas signalé, alors qu’il s’agit d’une substance candidate à substitution. 2018 : achats en augmentation o Fosetyl 666,7 g/kg suscite des doutes quant à la carcinogénèse, la neurotoxicité, et il a eu action toxique sur les testicules (chien). Ce n’est pas signalé. 2018 : achats en forte augmentation L’usage de ce produit est inquiétant.  3 280 kg FLORANID GAZON 30 g/m²  300 kg/ha est surtout de l’engrais mais avec des herbicides particulièrement préoccupants ; le calcul des dosages par hectare soulève des interrogations – où est l’erreur ? o Dicamba 1 g/kg donc 300 g/ha (cette dose semble être le double du désherbage maïs pour le KALTOR !?) est redoutable et en particulier neurotoxique et il n’est pas innocenté en matière de toxicité pour le développement. 2018 : achats en augmentation o 2,4-D 7 g/kg donc 2,1 kg/ha est une substance très dangereuse. 2018 : achats en légère diminution. 74 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 L’usage de ce produit est irresponsable et intolérable.  2 808 kg BELEM 0,8 MG, 12 kg/ha contre les ravageurs du sol, est composé de o cypermethrin 8 g/kg qui est un insecticide très préoccupant. L’information officielle quant à ses effets sur la santé est fortement déficiente. Il manque les effets potentiels cancérigène, reprotoxique, neurotoxique, perturbation endocrinienne. La substance cible le système neuromusculaire. Son usage ne comporte même pas de zone de non traitement pour la protection des arthropodes (dont pollinisateurs). Le cypermethrin se retrouve dans les nappes phréatiques et dans le milieu marin et tend à bioaccumuler. 2018 : achats en augmentation L’usage de cette substance est très impactant. Les effets à long terme sur la santé humaine sont élevés, mais ne sont pas signalés.  1 890 L ADENGO, herbicide utilisé à 2 l/ha pour désherber le maïs (ne pas appliquer plus d’une année sur deux), est composé de o Isoxaflutole 50 g/l est reconnu comme substance CMR par l’ANSES, ce qui n’a pas empêché le renouvellement de son approbation par l’UE. 2018 : achats en augmentation o thiencarbazone-méthyl 20 g/l est considéré comme cancérigène possible au Canada/Us, mais pas affiché comme tel en Europe. Il y a de sérieuses suspicions sur sa réprotoxicité. 2018 : achats en légère augmentation o Cyprosulfamide 33 g/l est un phytoprotecteur qui sert à accélérer la detoxification des herbicides au niveau des plantes cultivées ; il s’agit donc en fait d’un protecteur de l’usage des désherbants, mais sans OGM. L’usage de ce produit paraît irresponsable.  1 760 kg de ENERVIN, 2,5 kg/ha (max 2 fois) fongicide composé de o Ametoctradin, 120 g/kg, semble relativement peu toxique, même si un effet toxique sur la reproduction/le développement ne peut être exclu. 2018 : achats en légère baisse o Metiram, 440 g/kg, a des effets à long terme extrêmement élevés. Il y a des doutes sérieux sur la cancérogénicité, la réprotoxicité, et il y a des effets toxiques sur la thyroïde. 2018 : achats en baisse Rien de ces risques n’est signalé sur EU database ou, pour ENERVIN, sur ephy.  1 575 L GIBSON, désherbant de 0,27 à 6,4 l/ha, est du o Glyphosate 610 g/L, donne selon certaines sources une impression d’innocuité. Pour d’autres il cumule les risques : cancers, perturbation endocrinienne, génotoxicité, hémopathies. 2018 : achats en légère augmentation Aucun de ces risques à long terme n’est mentionné au niveau des phrases de danger. 75 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020  1 552 kg SLOGAN, fongicide à 3-4 kg/ha, composé de o Metiram 289 g/kg, voir ci-dessus 2018 : achats en baisse o Fosetyl 471 g/kg voir ci-dessus 2018 : achats en forte augmentation Les effets possibles de ce produit dangereux ne sont pas signalés.  1 320 kg PERGADO C PEPITE, fongicide composé de o Mandipropamideà 2,5 % cible certes le foie et le rein mais semble globalement relativement peu préoccupant. 2018 : achats en légère augmentation o Cuivre à 13,95 % : le cuivre est un métal lourd qui peut être toxique pour les organismes vivants. C’est surtout l’accumulation de cuivre au fil des années qui est préoccupante en raison de la toxicité pour la vie des sols. En tant qu’oligoélément le cuivre est indispensable pour le fonctionnement des cellules. 2018 : les achats de cuivre sont à peu près stables. L’usage de ce produit pourrait refléter (?) une certaine recherche d’une solution ‘moins pire’.  1 200 L OPTIMO TECH, fongicide utilisé à 2,5 L/ha est composé de o Pyraclostrobin, 40 g/L, est tératogène 2018 : les achats diminuent. o Dimethomorph est supposé avoir de faibles effets à long terme sur la santé, mais il est néanmoins suspect d’effet sur le développement, et l’ANSES le classe perturbateur endocrinien. 2018 : achats en légère augmentation Ces risques ne sont pas signalés. Le produit est dangereux.  1 139 L VIAGLIF Jardin qui est du glyphosate amateurs ; il est retiré. La fin d’utilisation des stocks de produits est fixée au 29/11/2020.  1 375 kg FLUIDOSOUFRE composé de soufre. La substance est anodine.  1 100 L SELVA fongicide, 4L/ha, composé de o Cymoxanil 30g/L, est reprotoxique (Repr2), il a des effets de perturbateur endocrinien et il est neurotoxique. 2018 : achats à peine augmentés. o Cuivre voir ci-dessus L’effet Repr2 est signalé – ce qui visiblement n’empêche pas l’utilisation du produit.  1 005 kg Bouillie bordelaise 3-6 kg/ha o Cuivre 200g/kg voir ci-dessus 76 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 L’usage du cuivre seul, sans pesticides de synthèse associé, reflète l’avancée de l’agriculture biologique, toutefois la bio s’efforce à réduire les doses de cuivre, en raison de l’effet toxique sur les microorganismes du sol. Conclusions Pour comprendre l’évolution des ventes il faut prendre en compte les conditions météorologiques et la pression des maladies des végétaux, ce qui n’est pas possible ici. L’impression générale est celle-ci : (1) Des quantités importantes de substances relativement anodines. Les achats de ces substances restent à peu près stables pour le cuivre entre 2017 et 2018 et augmentent légèrement pour le soufre. Elles sont très utilisées en agriculture biologique, mais pas seulement. 7 substances à base de Cuivre et de Soufre représentent 38% du poids total des substances achetées ; leur part évolue peu entre 2017 et 2018. 2017 2018 cuivre d’hydroxyde de cuivre 730,42 483,4 cuivre de l'oxychlorure de cuivre 403 242,99 cuivre de l'oxyde cuivreux 105.15 187,6 cuivre du sulfate de cuivre 401,7 577,26 cuivre du sulfate tribasique 41.06 144,8 Sous-total cuivre 1680 1635 Soufre soufre pour pulverisation (micronise) Soufre sublime 371 5505.75 233 5766 1361.25 1732,5 Sous-total soufre Sous-total S + Cu 7238 8877,6 soit 40 % 7731 9367,5 soit 38% (2) Des quantités encore beaucoup plus importantes de substances hautement toxiques. Les quantités et la toxicité justifient que les riverains soient inquiets. L’évolution n’est pas rassurante. Pour de nombreuses substances préoccupantes les achats augmentent entre 2017 et 2018. 77 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Les produits vendus à moins de 200 kg ou 200 L  L’évolution des achats en rouge entre parenthèse se rapporte à la somme de la même substance quel que soit le produit. Les 6 produits à quantité < 200 kg ou 200 L retenus au hasard (non SDHI) sont : - ATLANTIS 90 kg contient 2 g/l de iodosulfuron (quantités faibles, stables) et 10 g/L de mesosulfuron (zéro en 2018) ; il est utilisé pour désherber le blé à 1 à 1,5 l/ha, il est donc efficace à seulement quelques grammes par hectare, ce qui en soi est déjà très inquiétant. Il sera particulièrement difficile de retrouver ses traces dans l’eau ou dans le pain. Il a des effets reprotoxiques et neurotoxiques, non signalés. - AMISTAR TOP 120 L comporte du difenoconazole à 125 g/L (en nette augmentation), candidat à substitution, est possible carcinogène humain et a globalement des effets élevés sur la santé. Il n’est pas classé CMR, alors qu’il le mériterait. Il contient aussi de l’Azoxystrobin à 200 g/L (en légère augmentation), et il est utilisé à 1 L/ha. - PENDULUM 2G, herbicide pour arbres et arbustes à 120 kg/ha contient pendiméthaline à 20 g/kg (achats en très légère augmentation), est CFS pour raison de 2 PBT et cancérigène possible ; il a de nombreux effets toxiques non signalés. Ce produit et de nombreux autres avec la substance sont retirés, mais la substance reste approuvée et de nombreux produits sont autorisés. - DANAGAN, herbicide à 4 kg/ha contient metamitrone 700 g/kg (en augmentation) et pourrait avoir des effets sur la reproduction et neurotoxiques, non signalés. - MONNAIE, 30 L, est un fongicide retiré hautement toxique à base d’epoxiconazole 84 g/L (les achats passent de 38 à 17 kg de substance active) et fenpropimorphe 250 g/L (entretemps non approuvé). - MAGEOS MD, 2 kg, est un insecticide hautement toxique. L’alpha-cypermethrine (achats zéro en 2018) est CFS. Les effets chroniques graves ne sont pas signalés. - DITHANE NEOTEC, fongicide à 2 kg/ha, est dangereux, à base de mancozèbe 75 % (achats strictement stables). Conclusion Ce petit échantillon suggère la conclusion suivante : ce n’est pas parce que la quantité achetée est petite que les produits seraient plus anodins. Est-ce que les achats sont faibles parce que la dangerosité est connue ? Ou parce que les achats se partagent entre un très grand nombre de substances ? Des substances dangereuses officiellement en cours d’élimination, en nombre très faible, passent à zéro achat. Les substances actives à mécanisme d’action SDHI Flutolanil 60g/kg passe de 11,7 à 7,2 kg Boscalid 500 g/kg passe de 18,18 à 16,52 kg Bixafen 75 g/L reste stable à 1,675 kg Fluopyram 250 g/L augmente de 23,95 à 34,5 kg Fluxapyroxad 300 g/L passe de 1,08 à 1,44 kg Benzovindiflupyr 75 g/L passe de 1,9 à 1,125 kg Carboxin passe de 4,95 à 11,0 kg Sedaxane passe de 4,207 à 3,3695 kg. 78 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Uniquement le sedaxane dépasse en 2017 les 200 kg ou 200 L pour les achats d’un seul produit. Conclusion Les substances SDHI ne sont pas des substances majeures, mais elles sont dangereuses. L’évolution des usages reste prudente mais ambigüe. Il est possible que la surreprésentation des fongicides SDHI dans l’échantillon (9 % des substances et 14 % des produits) pèse un peu sur le résultat global, mais d’autres substances ont aussi un profil lourd ; cela ne change pas la tendance. S’agissant d’une enquête exploratoire, il reste plus intéressant de les garder dans l’échantillon que de les en sortir. Cela permet aussi d’examiner un fragment du tableau à la loupe, en réaction à une alerte lancée par des scientifiques. Evolution des ventes toutes substances (199) de 2017 à 2018 Nous venons de procéder à une analyse détaillée des effets chroniques sur la santé de 91 substances actives, en ciblant en premier lieu les produits achetés à > 200 kg ou > 200 L en 2017. Or, en tout, ont été achetées 199 substances différentes. Il est intéressant d’observer l’évolution des achats toutes substances confondues de 2017 à 2018. Les 22 Substances qui n’apparaissent plus dans les achats en Les 11 (12*) nouvelles substances 2018 qui 2018 s’ajoutent aux 177 substances 2017 reconduites Triadimenol Repr1B, 2prodts retrait AMM en cours dodine PE cat II fluazinam PE cat II; po prioritaire santé-sécuritéthiacloprideRepr1B, 11prodts autorisés mais utilisatn interdite travail , vers de terre, organismes aquatiques spinetoram huile de colza faible risque quinmerac imazamox CFS 2PBT pyrimethanil laminarine faible risque pyridate pethoxamide classifié toxicité aigüe, Pymetrozine PE cat II (ANSES) aquatique, sensibilisation peau phosmet Pyrethrines po prioritaire ; connaissance mesosulfuron-methyl insuffisante de la toxicité des métabolites Meptyldinocap PE cat II (ANSES) quinoclamine iprodione terbuthylazine PE cat II imazaquine triticonazole PE cat II classif toxic aquat huile minerale paraffinique virus de la granulose * faible risque huile de poisson Metazachlore po prioritaire, risque eau fenpropimorphe métabolites clopyralid (sous forme de sel de monoethanolamine) Informations sur les dangers : po = préoccupant chlormequat chlorure en rouge : source : rapport ANSES 2020 alphamethrine en orange : d’après EU database acide gibberellique acibenzolar-s-methyl acequinocyl * Compte tenu du poids ou de l’évolution particulière abamectine pour certaines petites quantités. 22 substances disparaissent en 2018, soit 11% des substances présentes en 2017, tandis que 11 nouvelles substances apparaissent. 79 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Les quantités achetées pour 54 substances sur 199 varient significativement, dont près des trois quart (72%) en accroissement. substance (z)-9-dodecenylacetate acide pelargonique aclonifen chlorprophame chlorpyriphos-methyl clopyralid cloquintocet-mexyl cuivre de l'oxyde cuivreux cuivre du sulfate de cuivre cuivre du sulfate tribasique cyazofamide daminozide decane-1-ol desmediphame dicamba dichlorprop-p difenoconazole dimethenamide-p (dmta-p) dimoxystrobine e7,z9dodecadienylacetate epoxiconazole fenoxycarbe fluopyram Folpel fosetyl-aluminium glufosinate ammonium isoxaben mecoprop-p (mcpp-p) mepiquat-chlorure mesotrione metamitron metiram metalaxyl-m metconazole Poids 2017 Poids 2018 Evolut° Evolut° >0 <0 0.002825 3.4 240 24 1.25 1.535 2.2455 14.841 108.8 492 2.8 12.375 5.375 1.859 X X X 105.15 187. X 401.7 577.26 X 41.0564 80.325 13.855 95.9 6.615 237.73 16.91 74.435 144.798 99.652 1.785 178.1 13.235 285.94 3.501 105.04 X X 288.0 30.59 457.87 11.305 X 0.0027125 38.085 0.6 23.95 311.846 1609.852 72.75 26.875 8.81 20.125 138.275 154,7 692, 464 14.758 13.987 16.023 17.312 5.7 34.5 449.31 2190.69 24.75 36.674 1.94 1.5 167.147 179,2 547,448 179.018 32.262 X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X 80 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 metrafenone metribuzine nanopramide oryzalin phosphonate de disodium phosphonate de potassium polysulfure de calcium prochloraze propapocarbe propiconazole prosulfocarbe prosulforon resines (colophane) s-metolachlore Soufre soufre sublime tau-fluvalinate tebuconazole thiophanate-methyl tritosulfuron xozamide 28.375 66.9 89.437 4.8 53.45 81.05 50.437 71.643 X X 573.25 761.125 X 66.818 7.308 45.407 82.375 8.625 712.0 9.237 2.788 1178.95 371 1361.25 218.46 33.575 463.42 5.963 32.39 44.918 14.65254 25.3745 135.5 26.972 840.0 0.25 9.44 1376.575 223 1732.5 1.68 46.462 228.6 36.035 58.62 X X X X X X X X X X X X X X X X X Conclusion : L’évolution est complexe et surtout très contrastée. Des substances dangereuses diminuent, c’est certain. Mais d’autres augmentent. On observe des augmentations importantes pour des substances majeures, préoccupantes. Les substances non préoccupantes ne font pas le bond qu’on souhaiterait. On attend toujours la grande percée de l’agriculture biologique… La détection des pesticides dans l’eau et dans l’air La détection des pesticides dans l’eau La pollution importante des eaux souterraines par les pesticides en Alsace est suivie depuis longtemps sans que les améliorations attendues ne soient au rendez-vous, alors que des moyens importants sont déployés. Les actions sont surtout ciblées sur les captages prioritaires, ce qui pourrait laisser croire qu’ailleurs l’usage des pesticides serait normal et acceptable. 81 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 ERMES 201627 s’inscrit dans la continuité des inventaires généraux de la qualité des eaux souterraines. La brochure de synthèse28 donne en page 11 la liste des 137 substances (pesticides et métabolites) analysés en 2016. Globalement, 28,5 % des points de mesures en nappe phréatique d’Alsace présentent des concentrations en pesticides supérieures aux limites de qualité de 0,1 μg/l Par ailleurs, 15 points de mesures (2,8 %) dépassent le seuil de 2 μg/l pour au moins un pesticide. Ce seuil est celui à partir duquel une ressource ne peut plus être utilisée pour l’alimentation en eau potable même après traitement. 77 des 113 pesticides recherchés sont quantifiés au moins une fois et 21 substances dépassent la limite de qualité de 0,1 μg/l. La majorité sont des herbicides ou leurs métabolites. Les résultats confirment une pollution de la nappe phréatique d’Alsace et la présence d’une grande diversité de molécules notamment dans le Haut-Rhin, sur le piémont au niveau de Molsheim et au nord, dans la nappe du pliocène de Haguenau. Or, la région de Molsheim est celle de notre code postal 67120. Parmi les pesticides et métabolites identifiés un certain nombre relèvent de substances interdites depuis un temps certain. D’autres émergent, en remplacement des molécules interdites. Cela montre une fois de plus à quel point rien n’est sous contrôle. Pour notre échantillon, les substances suivantes ont été détectées dans l’eau souterraine : glyphosate, folpel, metalaxyl, iodosulfuron, boscalid, mesotrione, S-metolachlor, azoxystrobin, cymoxanil, difenoconazole, cypermethrin, tembotrione, flufenacet, nicosulfuron, fosetyl, dimetomorph, tebuconazole, dicamba, 2,4-D, glufosinate, dimethachlor, diméthénamide-p. La détection des pesticides dans l’air ATMO Grand-Est, association agréée par le ministère en charge de l’Environnement, étudie l’exposition atmosphérique chronique aux pesticides dans notre région. Depuis 2013, l’Alsace est incluse dans cette analyse avec 2 ou 3 sites selon les années. La surveillance 2018 des pesticides s’inscrit dans le programme régional de surveillance de l’air. La DREAL, la DRAA et l’ARS de la région Grand Est participent financièrement à ces travaux. Les prélèvements ont été hebdomadaires durant près de 40 semaines. En 2018, 6 sites sont analysés : Reims, Voué, Versy, Nancy, Kintzheim et Colmar. L’utilisation des terres agricoles sur ces deux stations alsaciennes, surtout Kintzheim, s’apparente à ce à quoi on peut s’attendre dans le 67120. ATMO a recherché 79 substances. 22 parmi elles figurent dans notre échantillon du 67120. Le risque que tout un chacun en respire est donc considéré comme non négligeable. Parmi elles, les deux tiers – reconnaissables par un astérisque dans la liste ci-dessous -, ont été quantifiés : 27 28 https://www.aprona.net/FR/nos-missions/suivi-de-la-qualite-des-eaux-souterraines/ermes-alsace-2016.html https://www.aprona.net/uploads/pdf/qualite/ermes-alsace/brochure_ermes-alsace_2016.pdf 82 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le cadre règlementaire, le rapport de l’ANSES et les distances aux riverains Le cadre règlementaire Même au sein des Ministères il existe une prise de conscience indéniable sur le danger des pesticides et l’enjeu de santé publique. Pourtant, inéluctablement, les programmes Ecophyto vont à ce jour d’échec en échec, alors qu’il ne s’agit même pas d’être pionnier, mais de répondre à des obligations européennes de moyens. La loi Labbé fait progresser. Des publications de qualité se suivent : rapport de l’INSERM (2013), rapport Pothier, rapport IGAS concernant la protection des personnes vulnérables29. Ils ont apporté de l’information utile. Fin 2017 est publié le rapport IGAS/CGEDD/CGAAER30 sur l’utilisation des pesticides, qui fait le point sur les substances préoccupantes et les marges de manœuvre limitées dont dispose la France pour les abandonner. En effet, les substances sont approuvées au niveau européen. Mais les produits commerciaux reçoivent leur AMM au niveau des Etats membres. En France, le gros de la responsabilité a été transféré du gouvernement à l’ANSES (anciennement AFFSET). Le cadre juridique européen implique un risque juridique considérable pour d’éventuelles initiatives nationales courageuses qui chercheraient à interdire certaines substances. Dans ce cadre, le rapport IGAS plaide pour la sortie à terme des pesticides dangereux (page 7) : S’agissant de la réduction des risques, la protection des travailleurs, des populations et de l’environnement doit rester une priorité. La mission formule plusieurs recommandations à ce sujet (Recommandation 4), notamment un encadrement des dérogations aux délais de rentrée des applicateurs sur les parcelles, la définition de distances minimales entre les lieux abritant des populations sensibles et les épandages autorisés et l’introduction d’une mesure législative imposant des distances minimales entre habitations et lieux d’épandage au moins pour les substances les plus dangereuses. Des obligations d’information des populations lors des épandages à proximité des lieux sensibles et des habitations doivent également être édictées rapidement. Enfin, en matière de protection de l’environnement, il apparait essentiel de limiter la dérive aérienne et les pertes de produits dans l’air, l’eau et les sols par une amélioration continue des matériels de pulvérisation et la mise en place de protections. Au-delà de ces mesures de protection, la pertinence d’objectifs nationaux en termes de réduction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques doit être réaffirmée tant au regard des enjeux sanitaires et environnementaux que dans une perspective économique (développement de résistances), et de réponse à une demande sociétale forte. Potentiellement, les outils existent pour diminuer rapidement l’usage d’un certain nombre de produits phytopharmaceutiques en agriculture. Ainsi le rapport plaide pour les solutions alternatives agronomiques, et préconise d’activer divers leviers pour réduire de manière pérenne la dépendance aux produits phytosanitaires. 29 Évaluation du dispositif réglementant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables, 2019 http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2018-096R.pdf 30 http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article642 83 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le rapport comporte un chapitre (pages 39 à 45), à ne pas manquer, sur les possibilités juridiques pour un Etat membre de mettre fin à l’utilisation de substances redoutables. Il apparaît que la règlementation européenne est verrouillée de manière à empêcher des Robins des bois nationaux de porter atteinte au libre marché unique des agro-poisons. On peut aussi en déduire que la Commission européenne veille à une interprétation restrictive de toutes les exceptions prévues31 qui pourraient autoriser l’interdiction d’une substance dangereuse avant la date prévue (et repoussée…) pour le renouvellement de son approbation. Il est essentiel d’apporter des preuves scientifiques nouvelles et fortes quant au danger. Un danger déjà bien connu, aussi sérieux soit-il, ne suffit pas. La procédure prime sur la santé publique et l’environnement. Toute tentative nationale d’interdire une substance dangereuse est susceptible d’entraîner un recours de la part de la multinationale concernée, allant jusqu’en Conseil d’Etat. En ce qui concerne la famille des néonicotinoïdes, l’interdiction a heureusement été confirmée en Conseil d’Etat. Même la Commission européenne a interdit des néonicotinoïdes. Sans doute la mobilisation de l’opinion pour les abeilles a beaucoup aidé. Et après tout, les apiculteurs sont des acteurs économiques. De tels succès sont plutôt l’exception. Le règlement 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques prévoit qu’une substance active n’est pas approuvée si elle répond à des critères dits d’ « exclusion », à savoir : CMR 1A ou 1B, perturbateur endocrinien, POP (polluant organique persistant), PBT (persistant, bioaccumulable et toxique), ou vPvB (très persistant et très bioaccumulable). Cela vaut pour les substances nouvellement à approuver, mais pour les substances déjà approuvées, l’abandon traîne, et le problème est bien là. Les CMR 2 ne sont pas pris en compte. Une autre catégorie sont les substances candidates à la substitution (CFS) selon article 24) qui répondent à des critères proches, mais intègrent la toxicité aigue (ARfd, AOEL, ADI32), l’effet cancérigène et reprotoxique 1A et 1B, ou au moins 2 critères PBT. De telles substances ne sont pas automatiquement interdites ; leur substitution est « envisagée », selon l’Annexe II du règlement 1107/2009. Elles peuvent faire l’objet d’une évaluation comparative, et pourraient être interdits ou faire l’objet de restrictions. Tout ce qui suit est dès lors un jonglage avec ces nombreuses abréviations que vous saurez apprécier. Selon le rapport IGAS/CGAAER/CGEDD (2017), 51 substances ayant des produits autorisés en France, sont classées CFS. Les tableaux page 38-39 de l’Annexe du rapport représentent les 8 substances à exclusion plus 62 substances à substitution (certaines n’ont pas d’AMM en France). Comme nous avons pu le voir, la nuance entre exclusion et substitution est subtile. Mais les quelques substances à exclusion semblent bien en train de disparaître. Pour les candidats à substitution cela paraît par contre très lent et aléatoire. D’où le grand intérêt des recommandations du rapport (Tome 1 page 93) visant à faire évoluer les verrouillages du côté de la Commission européenne. L’enjeu est 31 Règlement 1107/2009 : Articles 71, 69, 44, 36, 50 Selon rapport IGAS page 39 : « ARfD : Acute Reference Dose (dose de référence aigüe), désigne la quantité maximale de substance active qui peut être ingérée par le consommateur pendant une courte période. AOEL: Acceptable Operator Exposure Level (Niveau d'Exposition Acceptable pour l'Opérateur). Il désigne la quantité maximale de substance active á laquelle l'opérateur peut être exposé quotidiennement, sans effet dangereux pour sa santé. ADI = Acceptable Daily Intake (dose journalière admissible ou DJA). Elle représente la quantité d'une substance qu'un individu moyen de 60 kg peut théoriquement ingérer quotidiennement (tous les jours), sans risque pour la santé. » 32 84 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 d’abord d’intervenir pour que les échéances des substances les plus dangereuses ne soient pas reportées et qu’elles ne soient pas réapprouvées. Il s’agit donc d’une stratégie au cas par cas, en priorisant les plus dangereuses., et c’est là-dessus que sera sollicitée l’ANSES. Ainsi ce même rapport insiste sur quelques substances dont il faudrait se débarrasser rapidement. Parmi les CSF, 3 substances sont prioritaires : Metam-sodium, Metsulfuron méthyle, Sulcotrione. Aucune n’est présente dans les produits les plus utilisées dans le 67120. En plus, 5 substances non CFS sont identifiées comme particulièrement préoccupantes : Bentazone, Mancozèbe, Métazachlore, Prosulfocarbe, S-Metolachlore. Trois parmi elles sont fortement représentées dans notre échantillon analysé : mancozeb, s-metolachlore et prosulfocarb. Ils font partie des substances les plus vendues en France. Un problème constant est en effet que les dates de renouvellement des approbations sont régulièrement repoussées, sous prétexte que les évaluations obligatoires prennent du retard. C’est encore le cas, en mars 2020, lorsque la Commission européenne rallonge la période d’approbation33 (déjà prolongée précédemment jusqu’en avril 2020). La nouvelle date est le 30 avril 2021. La prolongation s’applique (au milieu de nombreux produits ou organismes de biocontrôle) à des substances aussi redoutables que, entre autres, pirimicarb (CFS, carc2), abamectin (toxique pour le système hématopoïétique, le système nerveux et le développement), cyprodinil (CFS, volatile et bioaccumulable, avec un doute quant à l’effet mineur sur le développement), fosétyl (quelques doutes sur l’effet cancérigène, neurotoxique, endocrinien), metconazole (CFS, reprotoxique2, expiration prévue pour avril 2018), pour ce qui concerne rien que les substances rencontrées (ou proches pour ce qui concerne emamectine/abamectine) dans le secteur 67120. L’avis de l’ANSES (avril 2020) L’inventaire et les recommandations du rapport IGAS/CGAAER/CGEDD semblent limpides et pertinents, et les recommandations prêtes pour l’action. Toujours est-il que suite à ce rapport le gouvernement a demandé à l’ANSES une expertise des substances phytopharmaceutiques préoccupantes identifiées par le rapport IGAD/CGAAER/CGDD. L’avis de l’ANSES a été publié le 10 avril 202034, et il nous a paru important de prendre en compte certains éléments pour essayer de tant soit peu comprendre ce qui se joue. Il a répondu à trois questions. (1) La première question demande une actualisation de la liste des substances présentant au moins un critère d’exclusion, donc classés CMR1 ou POP ou PBT ou vPvB et une liste de substances avec propriétés de perturbation endocrinienne, à évaluer en priorité. Pourquoi ces critères-là ? Ils correspondent à l’Annexe II du Règlement CE 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Ce règlement est le complément détaillé de la directive 2009/128/CE instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation 33 RÈGLEMENT D’EXÉCUTION (UE) 2020/421 DE LA COMMISSION du 18 mars 2020 https://eurlex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020R0421&from=FR 34 https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2018SA0163.pdf 85 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 des pesticides dite compatible avec le développement durable. Des pesticides répondant à ces critères ne doivent pas être autorisés : CMR1 (pas 2 !), POP, PBT, vPvB, perturbateur endocrinien. C’est limpide. Mais pour les substances qui sont déjà approuvées, l’élimination est galère, le verrouillage est solide. Les quatre critères habituels (CMR1, POP, PBT, vPvB) sont, a priori, disponibles suite aux évaluations et classifications répertoriés. Mais c’est au niveau du critère de perturbation endocrinienne que ça se corse. La guerre des définitions avait été médiatisée. On pourrait d’ailleurs suspecter une certaine stratégie de pourrissement. Or jusqu’en 2018 le paragraphe 3.6.5 de l’annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009 contenait une définition de la perturbation endocrinienne – sous réserve de se perdre dans l’usine à gaz règlementaire - faite par la Commission européenne, qui était scandaleuse et d’ailleurs fortement contestée et très éloignée des connaissances scientifiques : par défaut, les perturbateurs endocriniens étaient les substances Carc 2 et Repro 2. Une telle définition était sans doute très agréable à l’industrie chimique, puisqu’elle ne soumettait pas de nouvelles substances à la stigmatisation et aux menaces pour leurs ventes. Aussi, nous avons déjà vu que les classifications CMR pratiquées sous l’autorité de la Commission européenne sont peu téméraires. Il y en a peu. Tant mieux pour l’industrie agrochimique. Voici la définition de 2009 : Sauf que les perturbateurs endocriniens inquiètent tout le monde, à juste titre. En 2018 enfin, le règlement (UE) 2018/605 a modifié l’annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009 en établissant des critères plus scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien. La nouvelle définition est en effet – oh combien ! – scientifique. Les conditions sont nombreuses, et elles doivent toutes être remplies en même temps. En d’autres termes, l’industrie dispose de nombreux paragraphes pour relativiser un supposé perturbateur endocrinien avec des arguments dits scientifiques. Ne risque-t-on pas de nous expliquer qu’une substance aurait certes un effet sur la thyroïde, mais que le mécanisme d’action ne serait pas de nature endocrinienne ? 86 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 C’est dans ce cadre règlementaire que le gouvernement français a demandé, en ce qui concerne les perturbateurs endocriniens, à l’ANSES d’établir une liste de substances à évaluer en priorité en précisant le calendrier d’instruction européen. Car rien ne bouge sans passer par l’usine à gaz de la procédure. L’ANSES a répondu, en s’appuyant sur la liste établie en 201635 par un rapport sur l’identification des perturbateurs endocriniens. Ce qui est réjouissant dans cette affaire c’est que l’ANSES a intégré dans la liste les perturbateurs endocriniens (selon un principe d’inventaire appelé option 3) non seulement de catégorie I mais aussi de catégorie II (mais pas la catégorie III). Médicalement cela relève du bon sens élémentaire de ne pas se contenter de la catégorie I. Ainsi la liste des substances préoccupantes prioritaires produite en Annexe 4 comporte tout de même 126 substances, un nombre inhabituel mais qui s’impose. Pour notre échantillon, nous avions, avec nos sources, identifié 28 substances suspectées de perturbation endocriniens. Selon l’ANSES nous en avons 30. C’est une jolie confirmation de la pertinence de notre approche bien que ce ne soient pas toutes les mêmes… Il reste manifestement de quoi débattre et s’inquiéter. La liste de l’ANSES est un progrès sensible dans le sens de la transparence. Toutefois, la règlementation européenne reste laxiste. Un nombre beaucoup plus important de substances que ce que la classification officielle laisse croire, est préoccupant – si le terme « préoccupant » a un sens. Or, nous devrions maintenant nous réjouir que la France veuille bien encourager et accélérer l’exclusion et la substitution de deux ou trois poignées de substances hautement toxiques. Voyons la suite des questions à l’ANSES et des réponses données. (2) Il est demandé à l’ANSES de fournir des éléments qui permettraient de faire avancer les procédures pour que les substances identifiées comme particulièrement préoccupantes (liste de IGAS-CGAAER-CGDD) soient rééexaminées et ne soient plus réapprouvées. Parmi ces quelques substances trois sont fortement représentées dans notre échantillon. (3) En vue de prioriser des travaux ultérieurs, il est demandé à l’ANSES d’établir des indicateurs de risque et d’impact pour la santé et l’environnement tenant compte des quantités utilisées pour les substances préoccupantes déjà identifiées et pour d’autres substances pour lesquelles l’ANSES le jugerait pertinent. Que penser de cette approche ? Inventer des indicateurs est un jeu intellectuel agréable pour les chercheurs, mais à double tranchant. Ce sont des raccourcis qui par définition font l’impasse sur la complexité. Pire, des travaux sur des indicateurs permettent de faire semblant d’agir, tout en retardant des actions évidentes et efficaces. On peut en débattre pendant des années ; c’est ce qu’on appelle la stratégie du pourrissement. Un indicateur décalé, une pondération malencontreuse, faussent l’impression finale. Pour les pesticides il se pourrait que la demande d’indicateurs de risque et d’impact soit motivée par la volonté de brouiller l’enjeu central de comment mettre fin à l’usage de ces produits. On veut bien tergiverser sur la réduction des risques et impacts (par les « bonnes pratiques »…), mais on ne veut surtout pas mettre un gros coup de frein aux ventes. 35 Screening of available evidence on chemical substances for the identification of endocrine disruptors according to different options in the context of an Impact Assessment. Specific Contract SANTE/2015/E3/SI2.706218 Appendix 2.1 page 123 87 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Ces indicateurs (qui hélas nous dépassent…) ré-agrègent des données existantes. Plus un produit est toxique et plus grande est la quantité vendue, plus défavorable sera l’indicateur. Pourtant, pour saisir l’évolution des quantités vendues, pas besoin de les transformer en indicateur : les chiffres des ventes suffiraient. Quels progrès favorise un tel indicateur ? Remplacer une substance par une autre ? La remplacer par plusieurs autres substances, de manière à ce qu’aucune n’atteigne des quantités telles qu’elles flashent dans les radars ? Plus complexe, l’indicateur représentant la toxicité est lui-même issu d’une usine à gaz préexistante (VTR, DJA, AJMT, LMR, AJEI, FA&IL, PNEC, DSEO… voir glossaire) et de la classification par la commission européenne (dont nous contestons la crédibilité). Comprenne qui pourra, pour ce qui concerne les divers animaux non cibles : « La PNEC correspond à la valeur minimale entre : DL50 aigüe (étude de toxicité aigüe) et DSEA chronique (étude de toxicité sur la reproduction) auxquelles sont appliquées les facteurs de sécurité de 10 et 5, respectivement (correspondant aux valeurs seuils définies dans le règlement (UE) n°546/2011 et utilisées dans l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour les mammifères). » Cherchez dans l’Annexe par exemple le 2.5.2.1.b)iii). Notons en passant que ces facteurs de sécurité semblent bas. Quoi qu’il en soit, on nous aura au moins fait comprendre que la toxicologie et les pesticides et expositions acceptables relèvent de l’expertise ; faites confiance. Le caractère perturbateur endocrinien n’est pas intégré en tant que tel dans ce classement sur base d’indicateur ; il serait soi-disant pris en compte via le classement CMR de certaines substances (CMR 2 vaut perturbation endocrinienne), mais en fait, les substances classées CMR restent rares et tout le monde sait qu’une telle définition ‘de secours’ de la perturbation endocrinienne via le CMR est totalement dépassée. A quoi a donc servi la réponse détaillée fournie dans le même document à la première question, identifiant les perturbateurs endocriniens ? Pour faire bref et ne pas étaler une mauvaise humeur qui ne nous fait pas honneur, nous disposons tout de même grâce à cette expertise maintenant de magnifiques tableaux clairs et simples sur fond coloré, avec des indicateurs santé et sécurité au travail, consommateurs, eau, mammifères, oiseaux, vers de terre, organismes aquatiques, abeilles, eaux souterraines, tableaux qu’il est possible d’ordonner en fonction de telle ou telle cible prioritaire, pour des substances que nous savions depuis longtemps particulièrement dangereuses. Une vue d’ensemble bien pratique. Pour revenir à notre échantillon, parmi les 12 substances qui en ressortent globalement parmi les pires, 7 ont été vendues en quantité importante dans le secteur 67120, en 2017. Un des objectifs – légitime - de l’opération semble être de prioriser l’action en termes de procédures européennes. Parce que, pour réclamer des actions, il faut des arguments et des preuves… Mais il y a fort à craindre que cette priorisation servira une fois de plus à détourner l’attention en focalisant sur quelques substances (il faudra des années pour les éliminer, et elles seront aussitôt remplacées par d’autres) au lieu de changer de modèle agricole et alimentaire. Toutefois, les substances à éliminer deviennent de plus en plus nombreuses, c’est pourquoi le changement de modèle apparaît de plus en plus incontournable. Tout gouvernement a besoin de telles béquilles pour faire avancer des décisions importantes qui déplaisent à certaines catégories excessivement influentes. Il faut convaincre. 88 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Les listes trop courtes du Ministère et la distance incompressible de 20m Sur la base de la liste de l’ANSES, il appartient maintenant au Ministère de l’agriculture de compléter sa propre petite liste36 des produits (produits, pas substances) perturbateurs endocriniens, liste qui semble dater de 2017, de préférence dans l’ordre alphabétique. La liste sur laquelle l’ANSES s’appuie était d’ailleurs disponible depuis 2016. Le Ministère tient encore une autre liste de pesticides qui est bien trop courte : c’est celle qui énumère les produits auxquels doit s’appliquer la distance (ZNT) aux riverains incompressible de 20 m. Or la liste des produits à 20 m incompressibles actuellement publiée37 (version du 18 mars, encore en place début mai 2020) comporte seulement 43 produits, sélectionnés sur la base de très peu de substances. Il va de soi que les ONG comme Générations futures, les Coquelicots et même France Nature Environnement demandent la sortie des pesticides et considèrent avec certains maires courageux qu’il faut arriver à une distance de 150 m (dont seraient dispensés la plupart des produits autorisés en bio). Toutefois, une distance incompressible de 20 m pour les substances préoccupantes comme définies ci-dessous, représenterait, dans la situation actuelle, un progrès. Que le gouvernement tienne parole. Voilà ce que dit l’Arrêté du 27 décembre 2019 : Une distance de sécurité non réductible de 20 mètres doit être respectée pour toute application, seul ou en mélange, d’un produit : o présentant certaines mentions de danger préoccupantes (H300, H310, H330, H331, H334, H340, H350, H350i, H360, H360F, H360D, H360FD, H360Fd H360Df, H370, H372) : cette mention figure obligatoirement sur l’étiquette du produit ; o contenant une substance active considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens néfastes pour l’homme selon les critères du paragraphe 3.6.5 de l'annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009. Les substances actives considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 sont les substances pour lesquelles les conclusions publiées de l’EFSA ou de l’ANSES établissent le caractère perturbateur endocrinien de la substance selon les critères d’identification applicables. La liste indicative des produits pour lesquels une distance de sécurité de 20 mètres doit être respectée est établie et mise à jour selon les informations disponibles. Le classement et les avis scientifiques sur les produits dangereux évoluant régulièrement, cette liste est actualisée en conséquence. Avant utilisation d’un produit, il est recommandé de vérifier son classement sur l’étiquette et son inscription éventuelle sur la liste susmentionnée. Au besoin, le conseiller ayant fourni les informations sur l’utilisation du produit lors de la vente peut être consulté. L’ANSES a pleinement répondu à la demande du Ministère : elle a actualisé ce que doit contenir cette liste en établissant le caractère de perturbateur endocrinien pour une liste de 126 substances. Est-ce que le Ministère assumera ses responsabilités en matière de santé publique ? Dans quels délais ? Il est à espérer que le Ministère et les Préfets fassent diligence pour appliquer la distance incompressible de 20 m à l’ensemble des produits qui contiennent les substances identifiées comme préoccupantes et prioritaires dont l’ensemble des perturbateurs endocriniens identifiés et listés par l’ANSES, conformément à ce qui est annoncé dans l’Arrêté du 27 décembre 2019. 36 37 https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/liste_ppp.pdf https://agriculture.gouv.fr/telecharger/108085?token=0bac51aadd4f7257c4ae92d5f2c4effa 89 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Une guerre contre le vivant marquée par la cruauté Voir ce que l’on voit La toxicologie, soi-disant pour protéger les éventuelles victimes, œuvre à définir des niveaux d’exposition acceptables. Acceptables ? L’idée est inquiétante. Mais une sécurité absolue ne peut pas exister. Il convient de prendre conscience de la proportionnalité des risques. C’est toujours difficile parce que chacun a ses peurs préférentielles : tels accidents, telles maladies, telles pollutions. Et chacun contribue directement ou indirectement aux pollutions subies par les autres, en prenant la voiture ou l’avion, en se chauffant, en consommant tout et n’importe quoi. De très nombreux travailleurs sont exposés à des substances CMR pour faire tourner l’économie et générer notre confort, souvent dans l’inconscience collective. Pourquoi alors s’acharner autant sur les effets toxiques des pesticides ? Parce qu’il s’agit, mondialement, de millions de tonnes de produits hautement toxiques tout simplement dispersés, lâchés à l’air libre sans confinement aucun, dans les milieux naturels, les sols, l’air, les rivières, les océans. Parce qu’ils sont finalement partout. Parce que rien n’est sous contrôle, alors que des millions sont dépensés pour faire illusion. Les dossiers « santé » des pesticides empruntent pourtant une trajectoire classique, très codifiée, comme si tout était sous contrôle. Tout est encadré juridiquement et par la rédaction de guides. Même l’OECD a publié des lignes directrices pour les essais de produits chimiques, section 438. Les données toxicologiques d’un pesticide commencent par la DL50 : la dose létale 50 %, c’est-àdire on a déterminé la dose qui tue la moitié des animaux, ni plus ni moins. On peut rester perplexe devant si peu de subtilité scientifique : un enfant du primaire saurait faire le comptage des morts. La même chose par voie orale, par inhalation forcée, par pénétration cutanée. Or mourir d’empoisonnement signifie de traverser une période d’agonie, avec souffrance. Très rarement sans. Ensuite, dans les données toxicologiques, arrive l’irritation de la peau des lapins et l’irritation des yeux de lapins. Si aujourd’hui divers tests in vitro tendent à limiter (mais pas à supprimer) les tests de brûlure chimique des yeux sur des animaux immobilisés et conscients, observés jusqu’à une durée de 14 jours, etc. etc., les données toxicologiques des substances en vente reposent toujours sur de tels tests. Puis suivent les tests sur le trio CMR (cancers, mutations, anomalies du développement) et les effets sur les organes. Les mères gestantes sont empoisonnées. « Il n’y a pas lieu de tenir compte des effets toxiques sur la reproduction si la substance est tellement toxique que les mères sont très affaiblies et souffrent d’inanition grave, qu’elles sont incapables de nourrir leurs petits ou qu’elles sont prostrées ou moribondes. »39 38 https://www.oecd-ilibrary.org/fr/environment/lignes-directrices-de-l-ocde-pour-les-essais-de-produitschimiques-section-4-effets-sur-la-sante_20745842 39 Règlement CLP 3.7.2.3.5 90 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le règlement 546/2011 sur les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques le veut ainsi pour les animaux vertébrés, et pour les autres c’est le même principe : Annexe 2.5.2.1.b)iii) : le calcul du ration toxicité aigüe, à court terme et, si nécessaire, à long terme/exposition. Ces ratios sont les quotients respectifs de la dose létale DL50, de la concentration létale CL50 ou de la concentration sans effet observable (CSEO) exprimées sur la base de la substance active, d’une part, et de l’estimation d’exposition exprimée en mg/kg de poids corporel, d’autre part. L’héritage est barbare, le présent l’est encore. Comment s’étonner que la barbarie globale entraîne la pollution globale ? Jean-Noël Jouzel40 (qui ne s’occupe pas d’animaux mais d’humains) a eu l’inspiration de citer dans sa conclusion Charles Peguy qui écrivait : « il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » Il y en a qui voient comment les agriculteurs sont exposés aux pesticides par la malignité des choses. Au contraire, les politiques publiques se focalisent sur les fières normes qui sont pourtant des constructions intellectuelles, mais qui seraient mal appliquées par la faute des agriculteurs eux-mêmes. Ce qui est aussi une insulte aux agriculteurs des pays du Sud et en développement, piégés dans l’extrême dénuement face aux produits toxiques. Reste à voir aussi cette immensité de souffrances animales orchestrée par ces normes pour faire en sorte que des agriculteurs (avec ou sans tenue de protection) épandent des poisons sur les champs. Les règlements parlent d’essais sur les animaux avec nonchalance, avec indifférence. N’est-ce pas la même nonchalance avec laquelle on estime avoir réglé le problème de l’agriculteur en postulant sa tenue de protection et ses bonnes pratiques (dont la douche à prendre, les vêtements à laver, pour rincer ces pesticides, qui iront où) ? Alors qu’en réalité les agriculteurs deviennent eux-mêmes des cobayes d’effets toxiques à long terme. Pourquoi est-ce si banal de parler de DL50 de rats, de lésions graves des yeux de lapins ? Voir ce que l’on voit. Toutes sortes de cancers et de malformations, transformant la souffrance en « données ». Voir ce que l’on voit. Pour le glyphosate, chez la chèvre femelle, la DL50 par voie orale est de 3530 mg/kg. « Les signes cliniques notés avant la mort ont été les suivants : cessation de prise de nourriture, détresse abdominale, ataxie, diarrhée, néphrose tubulaire et modifications hématologiques et biochimiques. »41 (Est-ce que c’étaient des chèvres de réforme qui après avoir pissé du lait ne valent plus rien ?) Parfois ce sont des canards, des colins de Virginie. Et des chiens. Voir ce que l’on voit. Le plus souvent il s’agit de petits rongeurs, enfermés dans de petites cages. L’enrichissement de leur milieu de vie pour satisfaire leurs besoins comportementaux et cognitifs est refusé afin d’obtenir des résultats plus homogènes (et moins chers). Minuscules comme ils sont, ce sont des mammifères qui ont les mêmes émotions que nous. Dont les petits sont durablement traumatisés par une séparation de leur mère. Dont les blessures guérissent mieux en cas de soutien social par des congénères. Voir ce que l’on voit. Savoir ce que l’on sait. 40 41 Pesticides. Comment ignorer ce que l’on sait. Presses de Science Po, 2019 Fiche toxicologique du glyphosate, INRS 91 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le « Mythe de l’usage sûr » Revenons à la santé humaine. Voyons comment se construit, dans la théorie des laboratoires, l’autorisation qui prétend assurer des niveaux d’exposition dits « acceptables », avec, pris au hasard, l’exemple de l’AVIATOR, trouvé dans un rapport de l’ANSES (2016), et c’est à peu près la même chose pour quasiment tous les produits autorisés. La synthèse produite s’aligne strictement aux normes : L’estimation des expositions, liées à l’utilisation de la préparation AVIATOR XPRO pour les usages revendiqués, est inférieure à l’AOEL du bixafène, du prothioconazole et du desthio-prothioconazole pour les opérateurs, les personnes présentes et les travailleurs, dans les conditions d’emploi précisées ci-dessous. Conformément aux données présentées dans le dossier, les niveaux de résidus mesurés et la distribution des résultats indiquent que, aux bonnes pratiques agricoles revendiquées, les usages n’entraînent pas de dépassement des LMR en vigueur. Les niveaux estimés des expositions aiguë et chronique pour le consommateur, liés à l’utilisation de la préparation AVIATOR XPRO, sont inférieurs respectivement à la dose de référence aiguë et à la dose journalière admissible des substances actives. En ce qui concerne les dérivés métaboliques communs aux triazoles (TDM), une méthodologie d’évaluation est en cours de validation au niveau européen. Les concentrations estimées dans les eaux souterraines en substances actives et leurs métabolites, liées à l’utilisation de la préparation AVIATOR XPRO, sont inférieures aux valeurs seuils définies dans le règlement (UE) n°546/2011 et le document guide SANCO/221/2000. Toutefois, des données complémentaires devraient être requises en post-autorisation. Les niveaux d’exposition estimés pour les espèces non-cibles, terrestres et aquatiques, liés à l’utilisation de la préparation AVIATOR XPRO, sont inférieurs aux valeurs de toxicité de référence pour chaque groupe d’organismes, dans les conditions d’emploi précisées ci-dessous. Tout va bien ? Sauf que, seulement quelques années plus tard, le bixafen fait partie de la liste des substances actives préoccupantes de priorité 2, car perturbateur endocrinien. Le prothioconazole est considéré toxique pour le développement et neurotoxique et perturbateur endocrinien. Son métabolite desthio est toujours aussi redoutable. Jean-Noël Jouzel suit dans son livre la trajectoire administrative de l’enquête Pestexpo par Françoise Baldi et Pierre Lebailly qui ont mesuré et démontré sur le terrain l’inefficacité des vêtements de protection, des gants, des bonnes pratiques théoriques…. L’exposition théorique des agriculteurs « dans les conditions d’emploi précisées » (et plutôt idéales) est la condition de l’autorisation des pesticides. Elle est pourtant loin des réalités du terrain pour ce qui concerne l’exposition des opérateurs et leur manière de travailler. C’est pourquoi l’autorisation des pesticides ne devrait pas se faire vu que l’hypothèse que les conditions de travail sont parfaites est fausse. Le quotidien n’est pas ce que sont les conditions dans lesquelles le fabricant des pesticides teste ses produits. Et c’est tout l’enjeu des formations des agriculteurs aux pesticides et de l’acceptation par eux des équipements de protection individuels (EPI) : « bien » utiliser les pesticides pour continuer à en vendre. D’ailleurs, le dernier cri des EPI ressemble davantage à des vêtements de travail et ne frappera plus l’esprit des riverains. On peut d’ailleurs parier que ce fossé entre théorie et réalité est tout aussi vrai en matière de protection de la nature et pour tous les « organismes non cibles » comme on les nomme dans le langage de la distanciation. 92 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 De quel droit on impose la présence de ces substances dans notre alimentation, dans l’eau, dans l’air, dans la faune sauvage, fût-ce à des concentrations faibles définies comme étant acceptables et légales ? Alors qu’il serait possible d’en avoir des taux zéro. Quelle est cette logique diabolique qui fait croire à des gens instruits qu’il suffit de prendre la dose maximale qui ne montre aucun effet chez des rats, de la diviser par un facteur d’incertitude de 10 pour tenir compte de la différence entre animal et humain, et encore une fois de 10 pour prendre en compte les différences entre humains, pour s’en laver les mains ? Et d’en faire ensuite une limite légale d’exposition à ne pas dépasser sauf à définir un autre seuil pouvant être dépassé pendant une courte durée ? Et on y va, on traite ! Comment est-ce possible que tous les seuils soient rassurants à merveille, alors que des dizaines de milliers de tonnes de produits sont répandus et que l’utilisation des pesticides ne diminue pas malgré les millions d’euros déversés dans ce but ? Que les eaux souterraines et de surface sont polluées et que la biodiversité s’effondre ? Et même, pour ce qui concerne les riverains, on admet qu’on ne connaît pas bien les expositions audelà d’une courte distance42. L’impression désagréable est que la stratégie principale derrière tous ces seuils reste le principe simpliste de la dilution. Comme c’était fait à l’époque, lorsque des cheminées hautes ont dilué les polluants dans l’air. Tant que tout est suffisamment dilué, les pesticides passent entre les mailles de la règlementation, une règlementation tissée pour que les mailles soient assez larges en amont au niveau de l’autorisation pour ne pas faire obstacle à cette industrie. C’est dilué, non seulement dans les immenses volumes des sols, de l’air et de l’eau, mais aussi partagé entre des centaines de produits, tantôt l’un, tantôt l’autre, et chacun véhicule dans son sac à dos toutes ses petites expositions dites acceptables. Produisez et vendez des pesticides mais ne vous faites pas prendre par des mesures et des dosages en aval ! Jouez au chat et à la souris. Ou à un jeu de ping- pong entre experts « pour » et experts « contre » alors que les règles sont écrites de manière à ce que le jeu n’en finisse jamais, il rebondit d’alerte en alerte, de rapport en rapport. L’EFSA vient de produire deux études sur les risques cumulatifs de pesticides toxiques pour le système nerveux et pour la thyroïde, absorbés par voie alimentaire43. La conclusion est que les LMR (limites maximales de résidus) en vigueur suffisent. Tant mieux. Mais ici on ne parle que d’alimentation. Les risques seraient concentrés sur peu de produits, dans peu d’aliments, et déjà dans le collimateur des autorités. On sait pourtant que les sédiments relâchent leur charge toxique pendant des décennies. On sait que les pesticides voyagent loin dans l’eau et dans l’atmosphère. La définition du terme « persistant » dans le règlement 1107/2009 est une demi-vie dans le sol de plus de 120 jours ; très persistant, c’est plus de 180 jours. Dans l’eau de mer ou l’eau douce, c’est plus de 40 ou 60 jours, respectivement. Suffisamment de temps pour faire des dégâts. D’ailleurs, la rémanence des produits est un argument publicitaire : on traitera moins souvent, ça fait meilleure impression. Et au-delà de la demi-vie recommence le jeu du chat et de la souris avec les métabolites. Nouvelle partie de pingpong. 42 43 https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2019SA0020.pdf https://www.efsa.europa.eu/fr/news/faq-cumulative-risk-assessment-pesticides 93 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Bayer et BASF sont ciblés par un rapport dont une 2ème édition revue44 est sortie en avril 2020. Il examine les conditions de travail et d’épandage des pesticides en Afrique du Sud et au Brésil avec des substances interdites en Europe mais exportés par Bayer et BASF, mettant gravement en danger la santé des travailleurs et riverains. Rien n’est sous contrôle. Un exemple. La bilharziose est une infection parasitaire très grave et fréquente des régions tropicales. Le ver infectant est transmis par un escargot d’eau douce nommé schistosomes et il pénètre par la peau dans de l’eau infectée. Au Kenya des chercheurs45 ont mesuré dans 48 cours d’eau des pesticides et observé la faune aquatique. Dans les cours d’eau qui n’étaient pas contaminés par des pesticides, la communauté biologique du cours d’eau était en équilibre et il y avait peu de schistosomes. Mais dès que des pesticides étaient détectés, les populations étaient dominées par les escargots. L’explication est que la mort des larves d’insectes à cause des pesticides supprime les concurrents alimentaires. Les escargots ont les algues pour eux et peuvent proliférer. En laboratoire ils se sont révélés très résistants aux pesticides. Il s’agit en particulier de l’organophosphoré diazinon (n’est plus approuvé en UE), bendiocarb (n’est plus approuvé en UE), pirimiphos-methyl (approuvé en UE) et du néonicotinoïde imidacloprid (approuvé mais contesté en UE). Mais les mesures ont porté sur 28 substances couramment utilisées et leurs métabolites, et elles ont toutes été retrouvées avec une moyenne de 20 substances par cours d’eau46. Or les concentrations de pesticides dans les cours d’eau kenyans étaient tout à fait comparables à ds cours d’eau européens. On est donc pleinement dans les conséquences de l’usage soi-disant acceptable des pesticides issu de notre très fier accompagnement règlementaire. Le « Mythe de l’usage sûr » des pesticides vole en éclats dans l’analyse juridique des atteintes au droit à la santé par l’industrie agrochimique dont les auteurs sont Carolijn Terwindt et Co47. Il était estimé48 que les pesticides causent 200 000 morts par accident aigu par an (sans compter les suicides), dont 99 % se produisent dans des pays en développement. 80 % de l’usage des pesticides se fait dans les pays du Nord, mais 99 % des empoisonnements dans les pays du Sud. Des chiffres aussi extrêmes quant à l’usage surprennent, ils sont d’ailleurs un peu vétustes. Mais il y a pourtant beaucoup d’implantations et de ventes dans les pays du Sud, et certainement de plus en plus – ce sont des marchés à conquérir, surtout à l’heure où les citoyens du Nord deviennent plus chatouilleux quant aux impacts des pesticides. Mais est-ce que ces chiffres montreraient que l’usage des pesticides peut être sous contrôle et sécurisé puisque tel serait le cas dans le Nord ? Les accidents 44 Gefährliche Pestizide von Bayer und BASF – ein globales Geschäft mit Doppelstandards. édité par Agrotoxico MATA, Khanyisa, Rosa-Luxemburg-Stiftung Südliches Afrika, INKOTA, MISEREOR, avec le soutien de Brot für die Welt, Senatsverwaltung Berlin, Bundesministerium für wirtschaftliche Zusammenarbeit und Entwicklung 45 Becker, J.M., Ganatra, A.A., Kandie, F. et al. Pesticide pollution in freshwater paves the way for schistosomiasis transmission. Sci Rep 10, 3650 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-60654-7 46 L’unité de mesure Toxic Unit sert à comparer les teneurs : plus le chiffre est négatif, moindre est la concentration TU=log10(ConcentrationLC50reference) Les cours d’eau kenyans transformés en dangers pour la santé publique avaient des taux de -6,4 à –1,2 avec une médiane de –2,3, alors que les cours d’eau européens, sibériens et australiens sont typiquement entre -5 et -1. 47 Carolijn Terwindt, Shaelyn Gambino Morrison and Christian Schliemann: Health Rights Impacts by Agrochemical Business: Legally Challenging the “Myth of Safe Use”. Utrecht Journal of International and European Law, 2018 34(2) pp 130-145 48 La publication de ces chiffres semble dater de 2003-2004, chercher 94 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 aigus sont certes toujours mieux prévenus chez les riches que chez les pauvres. Une certaine sécurisation des pesticides dans les pays du Nord est en effet indispensable pour les fabricants afin de sécuriser leurs ventes et d’entretenir le « mythe de l’usage sûr » qui pourtant reste trompeur, nous l’avons vu avec les errements des constats de Pestexpo dans les labyrinthes décisionnels et l’effondrement de la biodiversité. Prenons aussi comme exemple l’aveu de l’EFSA que les essais tels qu’effectués sur les abeilles domestiques ne suffisent pas… Je dirais qu’il y aurait une double morale, si morale il y avait. En attendant, des investissements considérables sont effectués pour améliorer les pulvérisateurs. La solution est recherchée au niveau de la technologie. Nul ne peut contester que la qualité et le contrôle des pulvérisateurs jouent un rôle très important pour limiter la dérive. De même les adjuvants et la taille et le poids des gouttelettes. Reste la volatilisation du produit, qui dépend de sa nature. La toxicité des adjuvants est encore un vaste domaine. Paul François, fameuse victime en procès avec Monsanto, a subi un empoisonnement aigu au LASSO, et parce qu’il s’agissait d’un accident aigu il a pu démontré au tribunal la relation de cause à effet. Sa maladie est due au solvant monochlorobenzene, pas à une substance active pesticide. Le cocktail toxique est diabolique. Les effets sur la santé ne sont pas maîtrisés. Effets chroniques sur la santé En contraste avec la sophistication des outils statistiques, l’impression prévaut que la stratégie règlementaire en matière d’effets chroniques sur la santé reste grossière et quelque part dépassée. La science avance très vite (malgré son administration…). Les procédures administratives tournent en rond sur place. On parle aujourd’hui d’exposome49, ce qui comprend tous les facteurs environnementaux auxquels nous sommes exposés, dont des facteurs sociaux et climatiques, et des centaines de milliers de substances chimiques. L’environnement dans le sens large serait responsable d’environ 60 % des morts dans le monde, et 9 millions, à savoir 16 %, seraient dus à la pollution de l’eau, de l’air, des sols ce qui est probablement fortement sous-estimé. Le défi scientifique est bel et bien de comprendre les interactions de ces facteurs et substances au niveau cellulaire, appelé interactome. L’expertise collective de l’INSERM50 avait en 2013 livré une vue d’ensemble sur l’impact des pesticides sur la santé. Il est avéré que, pour apporter des preuves épidémiologiques, vu la masse des facteurs à l’œuvre, il faut des cohortes de dizaines ou de centaines de milliers voire de millions d’individus – donc des budgets conséquents - pour pouvoir isoler finement des facteurs de causalité avec des outils statistiques, entre cancers ou anomalies du développement ou maladies neurologiques etc. et pesticides spécifiques ou autres molécules véhiculés par nos produits de consommation. Toujours est-il que l’épidémiologie est capable d’isoler des morbidités et 49 The exposome and health : Where chemistry meets biology. Vermeulen et al. , Science 367, 392-396 (2020) 24 january 2020 50 https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/pesticides-effets-sur-sante 95 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 surmortalités dus aux pesticides. C’est indispensable mais très lourd, et insuffisant pour prévenir et agir. Pourtant, parfois, l’accumulation de cas de cancers dans certains quartiers ou territoires interpelle, même avec des moyens simples. France Nature Environnement Tarn et Garonne a mené une enquête51 : Riverains de vergers et personnes exposées de longue date : des citoyens plus fréquemment malades Cancers, hémopathies malignes, pathologies neurologiques, pathologies endocriniennes : l'étude menée par France Nature Environnement 82 dans deux communes du Tarn et Garonne s'est intéressée à quatre grandes maladies ayant un rapport possible avec les pesticides. Pour mettre en lumière l'incidence de ces produits sur les citoyens, la fédération départementale du mouvement France Nature Environnement a soumis un questionnaire complet à 1131 riverains de vergers, dont 117 enfants sur ces communes. Les résultats sont édifiants : la proportion des citoyens malades est bien supérieures quand ils vivent à moins de 200m des vergers, champs fortement consommateurs de pesticides. L'étude dégage également des profils de population particulièrement exposés de par leurs statuts de riverains : ancienneté de l’exposition (plus ou moins de 25 ans). France Nature Environnement Tarn et Garonne fait également le constat d'une fréquence de cancers de près de 15 % de la population enquêtée quand la moyenne nationale se situe entre 5 et 6 %, soit 2,5 fois plus. Face à cela, la fédération départementale demande impérativement une meilleure prévention des riverains ainsi qu'un meilleur contrôle des usages des pesticides. Rien d’étonnant à de tels effets si l’on regarde les effets des pesticides au niveau de la biologie cellulaire. C’est bien de là, de l’approche mécanistique, que vient la science sérieuse qui fera avancer les connaissances. Comme introduction dans le sujet, le chapitre Toxicocinétique et métabolisme de l’expertise INSERM fait l’affaire. Les xénobiotiques (ces polluants étrangers du vivant) franchissent les cellules et déclenchent des réactions pour les ressortir de la cellule et pour les métaboliser. Cela passe par des mécanismes de régulation et d’expression, d’induction, d’activation ou d’inhibition. Les mécanismes enzymatiques sont faits pour réguler des systèmes métaboliques et hormonaux naturels, et les xénobiotiques peuvent interférer sur des récepteurs et provoquer des effets en cascade. Les mécanismes cellulaires sont étudiés pour le cerveau, le foie, le système immunitaire, etc. « … la plupart des substances présentent des effets variés sur d’autres hormones (cortisol, thyroxine, insuline…). »52 Certains groupes de gènes sont induits pas les récepteurs des xénobiotiques. Ainsi, au-delà du métabolisme de ces xénobiotiques ils peuvent être « impliqués dans la prolifération, la différenciation cellulaire, le développement et l’homéostasie (Gronemeyer et cool., 2004). Leur dysfonctionnement peut conduire à diverses pathologies (cancers hormonodépendants, diabète, obésité, stérilité…). » Il y a des différences génétiques considérables entre individus pour ces processus. Les cellules connaissent un « stress d’exposition aux xénobiotiques ». Le stress entraîne des réactions adaptatives, qui ont elles-mêmes un potentiel toxique si elles sont intenses ou chroniques. L’industrie des pesticides et les autorités responsables jouent avec ces mécanismes biologiques, ils jouent avec la santé, ils ne maîtrisent rien. 51 https://www.fne.asso.fr/actualites/pesticides%C2%A0-des-cancers-plus-fr%C3%A9quents-chez-desriverains-de-vergers 52 INSERM page 665 96 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Soyons terre à terre. Certains sont plus vulnérables que d’autres, mais cela ne se maîtrise pas en désignant des distances et des horaires de traitement par rapport à un hôpital ou une école. Les vulnérables sont parmi nous tous. Ils/elles souffrent de séquelles d’hépatite, d’insuffisance rénale, ils/elles ont des gènes prédisposant à certains cancers, maladies neurologiques ou métaboliques. Admettons qu’un embryon se trouve juste à un stade critique de son développement au moment où la bouffée de pesticides passe, où la dérive atterrit. L’administration ne maîtrise rien, et le crime est parfait. Evidemment, nous n’apprenons rien aux experts qui autorisent les substances et produits. Eux travaillent dans un système juridique rigide où on part d’un système de classement harmonisé et tout le reste s’en suit logiquement dans des procédures d’autorisation dont l’objectif fondamental est d’autoriser les substances et produits et pas de les interdire. L’autorisation est la règle, et l’interdiction est l’exception. Cela devrait être l’inverse : l’interdiction la règle, et l’autorisation l’exception. L’exception, rarissime, peut être défendable. Prenons le cas des fongicides à mode d’action SDHI. BASF en donne la définition53 : « la Succinate Déshydrogénase (SDH) est une enzyme qui joue un rôle clé dans le processus respiratoire des cellules des champignons. Elle conditionne, en effet, la production d’ATP, « carburant » sans lequel les cellules fongiques ne peuvent survivre. Les fongicides de la famille des SDHI (Succinate DesHydrogenase Inhibitors) ont pour mode d’action commun de bloquer ce processus et donc d’éliminer les champignons nuisibles sur les cultures concernées. » Le problème est dans le fait que la SDH a la même fonction vitale dans les mitochondries des animaux et humains. Des chercheurs spécialistes de haut niveau des maladies humaines liées au dysfonctionnement des mitochondries ont donné l’alerte. Ils n’ont pas été pris au sérieux mais l’ANSES a diligenté un rapport rassurant par des experts dont le casting a été violemment remis en question par Fabrice Nicolino54. Restons dans les fongicides pour prendre connaissance d’un lien possible, chez la souris-modèle de maladie d’Alzheimer, de liens entre l’exposition aux fongicides et l’aggravation des dépôts de plaques amyloïdes et de marqueurs d’inflammation dans le cerveau55. Cet effet d’aggravation de type Alzheimer s’est produit pour l’exposition à un cocktail de trois fongicides dans l’eau de boisson à une dose respectant la limite règlementaire pour l’eau potable (0,1 μg/l chacun et ne dépassant pas 5 μg/l pour la somme des trois). Ces exemples illustrent bien le potentiel explosif derrière tout mécanisme d’action destiné à tuer du vivant, un potentiel qui est méthodiquement balayé sous le tapis par les procédures d’autorisation. Or les mécanismes biologiques du vivant sont fondamentalement les mêmes, du nématode à l’humain, en passant par la mouche, la grenouille et la souris. L’évolution n’a pas réinventé ce qui fonctionnait. Et ce n’est pas en rajoutant encore x fois n obligations de tests et d’essais que l’on rendra « sûres » des substances faites pour empoisonner le vivant. 53 https://www.agro.basf.fr/fr/qui_sommes_nous/tout_savoir_sur_les_fongicides_sdhi/qu_est_ce_que_les_fon gicides_sdhi/ 54 Le crime est presque parfait. L’enquête choc sur les pesticides et les SDHI. Les liens qui libèrent, 2019 55 Véronique Perrier, INSERM Montpellier. LE MONDE Science et Médecine 4 mars 2020 97 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le pesticide, un médicament comme un autre ? Le danger des pesticides est clair. Nous arrivons maintenant aux questions fondamentales de la raison d’être des pesticides et de la justification de leur usage au cas où il y en aurait. On entend souvent dire les agriculteurs : quand moi je suis malade, je prends un médicament ; et quand mes plantes sont malades, j’utilise les médicaments, c’est pareil. En effet, dans cette optique est substitué le terme « phytopharmaceutique » (sous-entend : qui soigne et guérit) aux termes finissant par « -cide » (qui tue). Il faut alors se rappeler que les médicaments qui tuent n’en sont qu’une partie des médicaments (certes plus élevée en médecine vétérinaire) ; ce sont les antibiotiques et antiparasitaires, essentiellement, et ils posent d’ailleurs d’énormes problèmes de résistances. On ne tue pas sans qu’il n’y ait de riposte. Les autres médicaments sont plutôt destinés à corriger des déséquilibres. Mais revenons aux médicaments qui tuent. Ce qui ressemble le plus aux pratiques actuelles des pesticides c’est ce qu’on faisait en élevage industriel avec les antibiotiques stimulateurs de croissance. On modifie les équilibres entre l’organisme, le microbiome, les champignons… pour pousser la productivité au-delà des limites saines et durables, et ceci en faisant une violence extrême à l’animal, physiquement et en termes de privations comportementales. Or c’est l’aspiration éternelle de l’humanité : repousser les limites, mais jusqu’où ? Quel prix, quels risques ? Et personne ne peut prétendre savoir ce que l’avenir seulement va révéler. Personne ne sait aujourd’hui avec certitude quelles seront les prochaines maladies émergentes ni comment les guérir. Une chose est certaine : il y en aura, pour les humains, les animaux et les plantes. Il serait encore plus grave de ne pas avoir prévu l’émergence d’une grande famine, que de ne pas avoir prévu le Covid-19 et le besoin de masques. Certains pesticides pourraient, au pire des cas, sauver des récoltes. Etre prêt pour l’éventualité d’une grande crise et l’urgence est une chose. Epandre des pesticides tous les jours par routine, productivisme, monocultures, gaspillage, tout en externalisant les coûts exorbitants, est tout autre chose. La propagande est dangereuse. La comparaison avec la crise américaine des opiacés liée à la promotion criminelle de l’antidouleur opiacé des laboratoires Purdue de la famille Sackler (défendus par de brillants avocats) est instructive. Comme les maladies fongiques des végétaux la douleur est un vrai problème. Il faut lutter et la maîtriser. La solution idéale pour tous les cas n’existe pas. Personne ne possède le remède parfait qui marche toujours, sans effets secondaires. Mais ce n’est pas parce qu’il existe une vraie souffrance qu’il serait légitime de ruiner d’innombrables vies par l’addiction aux opiacés alors que d’autres solutions à la plupart des douleurs existent. Une escroquerie intellectuelle se trouve dans le règlement CLP, sous 3.9.2.9.2. C’est l’idée de la toxicologie que toutes les substances sont potentiellement toxiques et que la toxicité est déterminée par la dose/concentration et la durée de l’exposition. Cette logique conduit à l’illusion de la dose acceptable. Mais cette approche ne différencie pas entre des substances qui sont naturellement présents dans l’organisme et strictement indispensables (sous peine de créer des pathologies graves et mortelles par carence), alors que ces mêmes substances indispensables deviennent en effet mortelles en cas de surdosage important. Citons le sel de cuisine, le cuivre, l’insuline. C’est tout 98 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 autre chose qu’une molécule pesticide qui n’est jamais naturellement présente dans l’organisme, qui n’a jamais aucun rôle bénéfique dans l’organisme, qui est faite pour tuer et dont on découvre les effets toxiques collatéraux mineurs (en cherchant bien) ou majeurs (trop souvent quand il est déjà trop tard). Un médicament humain est donné individuellement et de manière localisée et ciblée. Cela n’empêche pas une pollution inquiétante des eaux usées par des micropolluants, mais l’effet sur le milieu environnant est tout de même restreint. Le but est de protéger une vie humaine individuelle et de minimiser la souffrance. Pour les végétaux des champs, la logique est différente. On disperse les substances à l’air libre, elles impactent l’environnement et les organismes dits non-cible, et les résidus se retrouvent dans une matière première végétale. Les pesticides systémiques donnent l’illusion d’être davantage ciblées qu’un pesticide de contact tel le cuivre, mais c’est en échange d’une toxicité majeure et rémanente, d’une présence dans tous les éléments de la plante, et d’impacts non contrôlés sur l’environnement dont les pollinisateurs et les sols. La plante n’a pas un système nerveux central qui donne une conscience et qui génère de la souffrance comme chez les animaux dont l’humain. Les plantes sont capables de se reproduire en masse par les graines, à des nombres hors commune mesure avec les animaux. Elles n’ont pas la même individualité qu’un animal vertébré. Par contre les plantes ont des racines et des liens à l’écosystème local, des liens dont l’humain s’est défait. Les plantes sont des matières premières pour nous nourrir, mais ce sont des matières premières dignes et à respecter dans leur vraie valeur de nourriture, alors que les animaux devraient toujours être considérés comme des individus sensibles, dans leur paysage, sortant au plein air, et jamais comme une matière première industrielle et emprisonnée. Les plantes, matière première pour nous nourrir et parfois pour d’autres usages, sont à considérer comme prenant part dans l’écosystème, sa diversité, sa résilience. A l’opposé, les pesticides sont avant tout ciblés sur des monocultures ou en tout cas des cultures peu diversifiées ou spécialisées et fragiles. Il est relativement simple et réaliste de se passer d’herbicides. Les solutions existent, il s’agit de franchir le pas, de s’équiper en matériel alternatif, d’expérimenter. Quant aux insecticides, vu l’état catastrophique de la biodiversité, il faut s’en passer, en limitant les exceptions à des cas extrêmes et rarissimes. Des solutions existent, fût-ce renoncer à un retour trop rapide des mêmes cultures par exemple du colza,et/ou par le biocontrôle. Pour les maladies fongiques c’est plus difficile. L’agriculture biologique ne peut pas se passer de cuivre pour les vignes et les pommes de terre, par exemple56. Quant aux céréales, même les résistances naturelles de certaines variétés peuvent à moyen terme être contournées par les champignons. Reste le rôle majeur joué par la météo : été sec ou été humide, cela change beaucoup les quantités de fongicides utilisées. Si l’été est très pourri, du blé peut être si chargé en mycotoxines qu’il n’est même plus utilisable en alimentation animale. De toute évidence, la recherche n’a pas assez travaillé sur le défi de s’en passer. Parfois se rajoutent des obstacles administratifs et mentaux, comme pour l’introduction de vignes résistantes. Pourtant, l’agriculture biologique est bien obligée de se passer de fongicides de synthèse, et elle y arrive avec des résultats parfaitement honorables. Peut-être faut-il tout simplement savoir renoncer là où certaines cultures ou pratiques sont trop difficiles à réussir, et planter ce qui marche. 56 INRA 2018 : Peut-on se passer du cuivre en protection des cultures biologiques ? https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/expertise-cuivre-en-ab-resume-francais-2.pdf 99 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Elevage industriel et pesticides, de cruels complices Passons à l’échelon suivant de la (fausse) justification des pesticides. Quel sens a l’usage des pesticides, quel sens ont les cultures traitées par les pesticides ? « Il faut » traiter le colza, a fortiori lors de la troisième année de culture ? Mais à quoi sert le colza ? Dans le Grand Est, il sert en grande partie à fabriquer du biocarburant, pour les moteurs des voitures. Est-ce une utilité valable pour développer le colza et l’arroser d’insecticide ? Mieux, les tourteaux de colza remplacent les tourteaux de soja importés, responsables de déforestation s’ils proviennent d’Amérique du Sud. Cela semble bien, certes. Mais ils servent à quoi ? A alimenter un surnombre de bétail pour produire beaucoup trop de viande et de lait, sous perfusion de la PAC donc de l’argent du contribuable. C’est la même chose pour les betteraves, autre culture gourmande en pesticides, destinée à alimenter des moteurs en biocarburant et à donner des pulpes à un bétail trop nombreux. Quant au sucre alimentaire on connaît l’impact néfaste en termes de santé publique si on en mange en excès. Idem pour le maïs, en ce qui concerne le sirop de glucose. La vigne, consommatrice majeure de fongicides, n’est pas une culture championne en termes de bienfaits à la santé publique. Voir ce que l’on voit. Etre lucides sur nos faiblesses et incohérences, nos besoins et nos plaisirs, et d’éventuelles victimes. Quant aux céréales, environ 60 % des quantités utilisées en Europe servent à l’alimentation animale. En divisant les productions animales par deux ou trois, en déconstruisant l’élevage intensif des porcs et volailles, il est possible d’accepter une baisse des rendements des céréales de 20 à 30 %, car de toute façon, faute d’animaux d’élevage en claustration, il n’y aurait plus de débouchés pour des rendements maximisés et donc plus aucun intérêt à dépenser de l’argent pour épandre des pesticides. Toute l’Europe pourra dès lors passer en agriculture biologique ou à des méthodes proches. C’est ce qu’a calculé et vérifié l’étude prospective TYFA57. L’agriculture biologique est définie par un cahier des charges spécifique, contrôlé et valorisé sous un label reconnu européen. Elle interdit les produits de synthèse et elle est d’avant-garde pour de nombreuses techniques. Au niveau international elle est fédérée par l’IFOAM. Elle évolue, elle innove. On peut imaginer des variantes, mais l’agriculture biologique a le grand mérite d’exister et d’être disponible pour les consommateurs. Il faut bien en prendre conscience et en prendre toute la mesure : sans le débouché de l’élevage industriel pour l’alimentation animale, pas de débouché non plus pour les pesticides sur de nombreuses cultures et de très grandes surfaces. Sans des millions de porcs entassés sur des caillebotis, queues sectionnées, truies bloquées dans des cages en maternité ; sans des volailles serrées dans des hangars par dizaines de milliers, poulets à vitesse de croissance incompatible avec une bonne santé, dindes mutilées, canards maltraités, veaux arrachées à leur mères laitières, et en détresse… voilà le débouché de l’alimentation animale et d’une large part des pesticides en grandes cultures, chez nous et ailleurs. Sans tous ces abattoirs industriels, sans cette industrie laitière hypertrophiée, sans la course à la compétitivité pour faire toujours plus et toujours moins cher, sans brader la viande et le lait aux prix les plus bas : pas de débouché ni pour cette hyperpuissante 57 Une Europe agroécologique en 2050 : un scénario crédible, un débat à approfondir. IDDRI, 2018 https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/une-europe-agroecologique-en-2050-unscenario-credible-un 100 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 industrie de l’alimentation animale, ni pour celle des pesticides. Il y a là une complicité monstrueuse. Voir ce que l’on voit. Si la lutte contre le gaspillage est honnête et pas hypocrite, la baisse du gaspillage alimentaire se traduit logiquement par une baisse au niveau de la production et, on l’espère, une meilleure qualité et en particulier le passage au bio. On entend souvent parler d’une telle répercussion au niveau des cantines, mais jamais jusqu’au niveau de la production. Plutôt l’Europe finance la publicité pour faire consommer plus. Si la lutte contre le gaspillage est sincère, elle se traduit aussi par une réduction massive des produits d’origine animale pour ne plus dépasser les besoins nutritionnels. Les quantités consommées aujourd’hui dans les sociétés occidentales sont au moins le double de ce que contiendrait un régime alimentaire sain, sachant que pour respecter les limites planétaires avec une croissance certaine de la population mondiale il faudrait baisser les protéines animales encore beaucoup plus radicalement. La fin du gaspillage structurel par les productions animales pourrait aussi être la fin des pesticides de synthèse. Pour avoir participé pendant plusieurs années aux Groupes de Dialogue Civil sur les marchés des productions animales, auprès de la Commission européenne, je peux témoigner qu’il n’y a aucune volonté ni tendance à baisser les productions animales. Une certaine baisse de la consommation est considérée comme inéluctable pour l’Europe, mais tous les efforts vont à la recherche de marchés à l’exportation. Pourtant il y a indignation de la part des producteurs européens dès qu’il est question d’importations, fût-ce du Mercosur, du Canada et des US, de l’Ukraine, d’Océanie, d’Inde… Le conte de fées sur les normes européennes si strictes et si strictement respectées est récurrent. Les statistiques portent sur les tonnages et sur les valeurs, jamais sur des qualités de mode de production ou des valeurs éthiques. Le marché mondial des céréales est observé au titre des coûts de production et de la compétitivité ; les volumes vont de record en record. L’exportation d’animaux vivants sur de longues distances et sans protection adéquate est validée dans l’indifférence la plus totale. Tout ce qui compte sont les balances commerciales. Voilà le fonds de commerce pour lequel les pesticides sont autorisés. On ne parle pas de ces complicités. Elles sont factuelles. Ainsi les coopératives vendent l’aliment et les pesticides et abattent les animaux et sont sur les starting-blocks pour l’export. Si Triskalia a connu un scandale majeur, laissant des ouvriers être exposés à des pesticides en partie interdits, et livrer de l’aliment contaminé aux élevages, c’est que le business animaux-pesticides est le business coutumier. Or, historiquement, les repères moraux n’ont jamais vraiment existé pour les pesticides, puisqu’ils ne sont à l’origine que le recyclage des gaz de combat. Une étape importante a été le Tribunal International Monsanto, en 2017. Son jugement58 a bien résumé le crime des pesticides sous la responsabilité de Monsanto, aujourd’hui Bayer : atteinte à un environnement sain, au droit à l’alimentation, au meilleur état de santé atteignable, à la liberté indispensable de la recherche scientifique, éventuellement complicité de crime de guerre ; aussi, les activités de Monsanto pourraient relever du crime d’écocide si un tel crime existait en droit international. Si Monsanto a atteint des sommets, il n’y a pas lieu de croire que les autres seraient des enfants de chœur. 58 https://fr.monsantotribunal.org/upload/asset_cache/119865256.pdf 101 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le Laboratory of Pharmacolgy and Toxicology à Hambourg, qui serait un des plus grands laboratoires allemands d’expérimentation animale et expert des tests de sécurité selon les règles européennes de bonnes pratiques de laboratoire, a récemment été accusé59, preuves à l’appui, de fraudes répétées telles que remplacer des animaux morts par des vivants et de résultats faussés, pour ne pas faire obstacle à l’autorisation de substances actives. Pourtant les essais avaient la réputation d’être infalsifiables grâce aux normes de qualité. Il semble être possible de falsifier durant des décennies sans que les autorités de contrôle ne le remarquent. Les animaux dans les cages – dont des singes sont à l’image du naufrage éthique du secteur. Terminons le réquisitoire en rappelant les conflits d’intérêt sans fin. Fabrice Nicolino60 en a brillamment tracé le tableau sur plusieurs décennies en France. Historiquement, la mise sur le marché des pesticides a été pilotée en étroite coopération entre Ministère de l’agriculture et industrie des pesticides, en particulier dans le cadre de la « Comtox ». Pour ce qui est de l’EFSA, les accusations de conflit d’intérêt sont récurrentes. En 2017 l’ONG Corporate Europe Observatory a monté que 46 % des 211 experts de l’EFSA ont eu au moins un conflit d’intérêt financier avec l’industrie agro-alimentaire. Il est sans doute difficile aujourd’hui pour un scientifique de se financer sans aller chercher l’argent là où il est – encore faut-il savoir pour quels services rendus. Le problème se situe certainement pour une bonne part au niveau de l’enracinement personnel dans un certain modèle agro-industriel. Ces experts devraient insuffler la transition écologique à une usine à gaz procédurale et verrouillée, dont l’inefficacité pour protéger la santé et la biodiversité est manifeste. Lancer les alertes et résister… Créer de larges zones sans pesticides et réorienter la PAC Les progrès arrivent, mais au compte-gouttes et superficiellement, alors que l’emprise des pesticides sur le monde est toujours aussi solide. Pour avoir assisté à des réunions d’Ecophyto, j’en ai retiré l’impression que si on avait voulu pérenniser l’usage des pesticides on ne s’y serait pas pris autrement. Le cloisonnement entre les différentes approches a permis de consolider le verrouillage socio-technique :  le ciblage des zones de captage d’eau – et parmi elles les prioritaires ! - ; mais ailleurs on traite.  la surveillance des LMR dans les aliments : certes il y a quelques brebis galeuses, mais les autorités veillent, vous pouvez traiter, on a défini des doses admissibles pour tout un chacun  surveillance de l’air : on commence à mesurer, et on se rend compte des immenses lacunes  la biodiversité : et encore des indicateurs, des essais et des recherches (il en faut !), mais de toute façon, ce qui n’est pas détruit chimiquement est détruit mécaniquement  la santé des travailleurs : des EPI, des formations ; le discours est bien construit  les riverains : de la communication (apprenez à connaître, comprendre et accepter ce métier passionnant d’agriculteur). 59 https://www.global2000.at/news/glyphosat-studien-betrugslabor Fabrice Nicolino : Le crime est presque parfait, 2019. Nous voulons des coquelicots. 2018 Pesticides. Révélations sur un scandale français. 2011 60 102 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Le Préfet Pierre Etienne Bisch, coordinateur de la feuille de route relative aux produits phytosanitaires et au plan de sortie du glyphosate, écrit très justement61 : « Il ressort de notre mission que toute tentative de réduction de l’utilisation de PPP aura des effets limités si l’agriculture ne recherche qu’à optimiser le coût des traitements, par le biais de la seule réduction des quantités utilisées. » C’était en effet la doctrine que nous avons trop longtemps entendue. Il y en a assez de l’inertie, du tourner-en-rond, du cloisonnement entre différents compartiments et impacts des pesticides et entre actions entreprises. Il faut enfin protéger en même temps ET la santé humaine (opérateurs, riverains et consommateurs confondus) ET les milieux aquatiques ET les sols ET la qualité de l’air ET la biodiversité ET les animaux. Ce qui signifie de sortir des pesticides. De rares exceptions et des prévisions pour des situations de crise peuvent être envisagées. La sortie des pesticides reste l’impératif pour tous les jours. Les constructions intellectuelles derrière les tonnages des pesticides dispersés sont entachées de barbarie. Le libéralisme mondialisé a développé parmi ses expressions les plus odieuses le commerce des pesticides et leur conquête du monde. Les logiques dépassées ne peuvent pas répondre aux espoirs de survivre au 21ème siècle. Si les pesanteurs réglementaires, les boulets administratifs et l’influence corporatiste et lobbyiste sur la haute administration et certains élus ne permettent pas de sortir des pesticides, alors il faut que le changement vienne des agriculteurs et des citoyens eux-mêmes. Il faudra :      poser la question du sens : quelle est la part réellement utile des différentes cultures pour une alimentation saine de tous, et comment produire un régime alimentaire sain de manière saine en s’adaptant aux limites planétaires et en épargnant la biodiversité partout dans le monde mettre fin au gaspillage structurel, en se battant contre le changement climatique, reconnaître la valeur et la sensibilité de la vie animale, édifier des zones et des ceintures villageoises non traitées bien et radicalement réorienter la PAC : au lieu de faire financer par la PAC indirectement la guerre des prix des distributeurs avec des dégâts collatéraux immenses, il s’agit de soutenir la vraie valeur et le prix juste d’une alimentation saine et d’une agriculture résiliente, créatrice d’emplois, adaptée aux limites planétaires, et respectueuse du vivant. Et les Chartes entre agriculteurs et riverains ? Plutôt que d’exiger des riverains d’accepter les traitements chimiques en se fiant à la bonne qualité technique des pulvérisateurs (qui a certes son importance), il serait bien plus intéressant de leur demander de porter à leur tour un regard critique sur tout ce qu’ils détiennent comme substances toxiques et l’usage qu’ils en font, et d’applaudir les agriculteurs en bio qui renoncent aux pesticides de synthèse, en achetant leurs produits. 61 https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=2ahUKEwjKlPOkurXpAhVqkos KHZe9AR4QFjAAegQIAhAB&url=https%3A%2F%2Fagriculture.gouv.fr%2Ftelecharger%2F111257%3Ftoken%3D 2a101c7632cc0a85ccd7f7ca1297ea4a&usg=AOvVaw1hAbHfR5JaPIdqXARkgB32 103 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 ANNEXES Petit glossaire du « mythe de l’usage sûr » ADI : Acceptable Daily Intake (dose journalière admissible ou DJA). Elle représente la quantité d'une substance qu'un individu moyen de 60 kg peut théoriquement ingérer quotidiennement (tous les jours), sans risque pour la santé. AJEI : Apport Journalier Estimatif International AJMT : Apport Journalier Maximum Théorique : la quantité qu’un sujet est susceptible d’ingérer quotidiennement durant toute sa vie AOEL: Acceptable Operator Exposure Level (Niveau d'Exposition Acceptable pour l'Opérateur). Il désigne la quantité maximale de substance active á laquelle l'opérateur peut être exposé quotidiennement, sans effet dangereux pour sa santé. AMM : Autorisation de Mise sur le Marché ARfD : Acute Reference Dose (dose de référence aigüe), désigne la quantité maximale de substance active qui peut être ingérée par le consommateur pendant une courte période sans effet dangereux pour sa santé. CFS : Candidate For Substitution (candidats à substitution) : catégorie de pesticides introduites par le règlement No 1107/2009 présentant des critères de danger 62Une liste de 77 substances63 est publiée par l’UE. CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, au Ministère de l’agriculture, assure des missions de conseil, d’expertise, d’évaluation, d’audit et d’inspection CGEDD : Conseil général de l’environnement et du développement durable est un service d'inspection du ministère de la Transition écologique et Solidaire CL50 : concentration létale, désigne les concentrations du produit chimique dans l'air qui causent la mort de 50 % des animaux de laboratoire au cours de la période d'observation, souvent 4 heures CMR : Cancérigène Mutagène Reprotoxique DJA : Dose Journalière Admissible (ADI) DSEO : Dose sans effet nocif observé DSEA : Dose sans effet adverse EATS : Estrogen, Androgen, Thyroid and Steroidogenesis, résume les hormones concernées par les perturbateurs endocriniens ECHA : European Chemicals Agency EFSA : European Food Safety Authority FA&IL : Frequency of Application & Index of Load ; cet indicateur sert à quantifier un impact environnemental après application d’une substance active FBC : Facteur de BioConcentration, désigne le rapport entre la cocnentration de la substance dans l’organisme et celle dans le milieu ambiant ; mesure la bioaccumulation IGAS : nspection générale interministérielle du secteur social, assure des missions de conseil, d’expertise, d’évaluation, d’audit et d’inspection 62 https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/approval_active_substances_en 63 https://ec.europa.eu/food/sites/food/files/plant/docs/pesticides_ppp_app-proc_cfs_draft-list.pdf 104 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Koc : coefficient de partage carbone organique/eau, indique l’aptitude d’une molécule à être absorbée sur la matière organique (dans le sol). LMR : Limite Maximale de Résidus LOAEL : Lowest Observed Adverse Effect Level LOEC : Lowest Observed Effect Concentration LOEL : Lowest Observed Effect Level NOAEL: No Observed Adverse Effect Level ; dose la plus élevée dune substance qui ne produit aucun effet nocif observable NOEC : plus forte concentration testée à laquelle aucun effet sur l’organisme vivant n’a été observé NOEL : No Observed Effect Level PBT : Persistant Bioaccumulant Toxique cf (annexe II du règlement PE : Perturbateur endocrinien PEC : Predicted Environmental Concentratio, la concentration de la substance dans l’environnement PNEC : Predicted No Effect Concentration : concentration sans risque pour l’environnement. La PNEC correspond à la valeur minimale entre : DL50 aigüe (étude de toxicité aigüe) et DSEA chronique (étude de toxicité sur la reproduction) ; l’organisme le plus sensible a la valeur la plus faible ; on applique les facteurs de sécurité de 10 et 5, respectivement (correspondant aux valeurs seuils définies dans le règlement (UE) n°546/2011 et utilisées dans l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour les mammifères) POP : Polluant Organique Persistant SAU : surface agricole utile, comprend les cultures et les prairies SDHI : Inhibteur de la Succinate DésHydrogénase ; celle-ci est une enzyme de la respiration cellulaire. STOT-RE : (Specific Target Organ Toxicity-Repeated Exposure) effets graves pour les organes par exposition répétée ou de longue durée (voir tableau ci-dessous) TER : rapport entre toxicité (p ex DL50) et exposition T3 : Triidothyronine T4 : Thyroxine TSH: Thyroid Stimulating Hormone Unité toxique : une méthode pour évaluer les toxicités de mélanges de substances. US-EPA : United States Environmental Protection Agency vPvB : très (very) persistant et très (very) bioaccumulable VTR : Valeur toxicologique de référence64 : regroupant tous les types d'indice toxicologique qui permettent d'établir une relation entre une dose et un effet (toxique à seuil d'effet) ou entre une dose et une probabilité d'effet (toxique sans seuil d'effet). Les VTR sont spécifiques d’une durée d’exposition (aiguë, subchronique ou chronique), d’une voie d’exposition (orale ou respiratoire) et d’un type d’effet (reprotoxique, cancérogène,…). La construction des VTR diffère en fonction des connaissances ou des hypothèses formulées sur les mécanismes d’action des substances. ZNT : Zone de Non Traitement  La règlementation et beaucoup d’informations utiles peuvent être consultées sur le site Ecophyto. 64 https://www.anses.fr/fr/content/valeurs-toxicologiques-de-r%C3%A9f%C3%A9rence-vtr 105 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 Codes et phrases de danger pour santé et environnement Source : https://clp-info.ineris.fr/sites/clp-info.gesreg.fr/files/documents/tableau_cl_fr.pdf 106 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 107 L’information officielle sur la toxicité à long terme des pesticides est tronquée –Anne Vonesch – mai 2020 108 Copper compounds Mancozeb zoxamide Mancozeb Flutolanil Folpel ou folpet      CHAMP FLO AMPLI ADERIO OSCAR WG 2010261